Chers lecteurs,

Eh oui, me revoilà pour une nouvelle histoire intitulée " Un pas de côté ". Après avoir réfléchi à cette histoire et à avoir commencé à l'écrire, je n'ai pas pu résister à l'envie de la partager avec vous. Lisez cette introduction, certes longues mais importante pour comprendre l'état d'esprit dans lequel cette histoire est rédigée !

Comme le résumé le laisse penser, c'est une histoire atypique qui traite de sujets sensibles tels que les maladies psychiques. Éducatrice spécialisée auprès d'enfants en situation d'handicap et/ou de troubles psychiques, je m'appuie sur mes connaissances et expériences pour vous livrer cette histoire. Je ne prétends aucunement pas être médecin et connaître absolument tout des différentes maladies pouvant être évoquées dans "Un pas de côté". Je tenterai en tout cas de rester au plus près de la réalité et l'objectif n'est pas d'avoir une histoire parfaitement complète sur la maladie mais plutôt de s'attarder sur la vie d'un adolescent en souffrance psychique, des conséquences sur son entourage et ses efforts pour s'en sortir tant bien que mal.

Ainsi, ne vous attendez pas à y trouver une action époustouflante, des baguettes magiques et des duels de sorcier toutes les deux lignes. Ici, pas de magie, pas de guerriers mais des arrêts sur des petits temps du quotidien qui permettent, comme à chacun d'entre nous, de nous construire, de s'affirmer et de devenir la personne que nous sommes malgré l'apprêté de la vie.

Attention, il y aura, comme indiqué dans le résumé, un futur HP/DM progressif. Au vu des thématiques de l'histoire, il s'agira effectivement d'une relation particulière et une ouverture d'esprit sera nécessaire : tant pour l'homosexualité (vous être prévenus) que pour les troubles psychiques.

Cette histoire me tient particulièrement à cœur, tant par l'enthousiasme ressenti quand je l'écris que par l'écho qui résonne en moi quand je transpose cette réalité de mon quotidien dans mon travail à des personnages aussi merveilleux et attachants que peuvent l'être les créations de J.K Rowling.

J'en profite pour rassurer aussi mes lecteurs concernant mon autre fanfiction "Être une famille" que je continue à écrire en parallèle et sur laquelle j'ai pris de l'avance pour me lancer sur ce second projet. De plus, avant de vous proposer le premier chapitre de "Un pas de côté", j'ai tenu à en rédiger de nombreux chapitres (20 à ce jour en seulement 3 semaines !) pour ne pas vous infliger de temps de pause entre deux chapitres.

Ainsi, Être une famille sera mise à jour toutes les semaines impaires et Un pas de côté les semaines paires, ce qui signifie 1 chapitre toutes les 2 semaines pour mes histoires :) J'ose avoir l'espoir d'avoir autant de lecteurs sur cette histoire que sur mes précédentes.

Après ce long préambule, toutefois essentiel à mon sens, je vous souhaite une bonne lecture et espère avoir votre avis par reviews :)

Patmol25


Un pas de côté

Chapitre 1 : L'institut Poudlard

Déjà lourde et pesante, l'ambiance au sein de la voiture était de plus en plus étouffante. Cependant, aucun des trois occupants ne fit le moindre effort pour apaiser la tension et redonner un souffle de joie et de bonne humeur dans l'habitacle.

Le conducteur, les mains serrées nerveusement autour du volant, fixait la route en refusant obstinément de porter un regard à son épouse ou à son fils. Ses cheveux d'un noir jais étaient ébouriffés et quelques mèches tombaient devant ses lunettes rectangulaires et argentées qui cachaient ses yeux marrons. Son teint d'ordinaire halé paraissait étrangement pâle. Sa mâchoire était contractée et un mélange de fureur et d'embarras émanait de lui.

À ses côtés, son épouse aux longs cheveux d'un roux flamboyant fixait également le bitume noir qui se déroulait sous ses yeux d'un air absent. L'émeraude de son regard exprimait une souffrance insupportable et elle respirait par à coups comme si elle tentait de retenir ses larmes.

À l'arrière se tenait un adolescent de seize ans dont les cheveux noirs et les yeux émeraudes ne laissaient aucun doute sur son lien avec les deux adultes installés à l'avant du véhicule. Sa tête était posée contre la vitre et ses yeux étaient à demi-clos.

« C'est cette sortie. »

La voix étranglée par les larmes de Lily Potter brisa le silence étouffant. Harry se surprit à sentir sa poitrine se comprimer douloureusement en l'entendant. Il tressaillit silencieusement quand son père, James Potter, adressa un regard sombre à son épouse.

« Je sais. »

Sans un mot de plus, James mit le clignotant pour emprunter la bretelle de sortie menant à l'arrondissement de Haringey. Il quitta ainsi Liverpool Road et s'engagea sur Archway Road. Une voiture bleue foncée déboula sur la droite à une vitesse folle puis leur fit une queue de poisson en déboîtant devant eux. Le poing de James s'écrasa sur le klaxon.

« Bordel ! » aboya t-il en tapant une nouvelle fois sur son volant. « Ces foutus jeunes qui après se plaignent de mourir en voiture. Je leur mettrais bien une patrouille au cul en dix secondes ! »

« James, ce n'est pas important, » souffla Lily.

La peine dans la voix de son épouse sembla le raisonner. Sa mâchoire se resserra à nouveau et il se contenta de pousser un grognement fâché, retombant dans son mutisme.

À l'arrière, Harry roula des yeux face à l'emportement de l'homme. Depuis maintenant vingt ans, James Potter travaillait à la Police de la Cité de Londres. Cela faisait maintenant six ans qu'il exerçait comme commissaire au service de la criminalité. À l'annonce de la montée en grade de son père, alors qu'il n'avait que dix ans, Harry avait ressenti une fierté immense le terrasser. Non seulement son papa travaillait dans la police et assurait la sécurité des habitants de Londres mais en plus de cela, il était très haut gradé ! Avec le temps, son enthousiasme avait laissé place à l'amertume d'avoir un père surchargé par le travail.

La voiture quitta la route principale de l'arrondissement et s'engagea dans le quartier de Highgates. Le changement de décor fut radical au bout du premier kilomètre. De urbain, l'environnement devint vert. Un parc arboré courrait sur la droite tandis que des premières maisons pavillonnaires faisaient leur apparition sur la gauche.

Cinq minutes plus tard, le 4x4 noir de la famille Potter se stoppa devant un poste de sécurité. Derrière une vitre se trouvait un homme d'un certain âge aux cheveux longs et sales. Ses yeux globuleux coulèrent sur chacun des occupants de l'habitacle et s'arrêta plus particulièrement sur Harry.

« Nous avons rendez-vous, » annonça James d'une voix grinçante après avoir baissé sa vitre. « Avec le professeur Dumbledore. »

L'homme, dont le badge accroché vers son cœur indiquait Mr Rusard, inclina la tête puis appuya sur un bouton. L'énorme grille en fer forgé gardant l'entrée était impressionnante. Harry tordit le cou pour apercevoir l'inscription écrite de façon ondulée : Institut Poudlard. Le portail s'ouvrit en un grincement sonore et quelques secondes plus tard, la voiture put s'engager sur une allée caillouteuse.

« On est arrivé, » annonça inutilement l'homme.

Il coupa le contact et le ronronnement du moteur s'arrêta abruptement, rendant le silence encore plus assourdissant. Le couple échangea un long regard, le premier depuis leur départ de leur maison du quartier d'Islington.

Harry essaya de ne pas paniquer. Vraiment. Mais quand ses parents ouvrirent d'un même mouvement leur portière, une vague d'angoisse le traversa et il poussa un gémissement plaintif à peine audible. Le claquement des portes le fit sursauter et il fut obligé d'actionner sa poignée de porte. Il se glissa hors du véhicule et n'eut d'autre choix que de faire face à l'Institut Poudlard.

Se dressait devant lui un château de taille raisonnable. Composé de quatre tours, il devait contenir des dizaines et dizaines de pièces. L'imposante bâtisse en vieille pierre était entourée d'un vaste parc verdoyant. Quelques bosquets d'arbres étaient disséminés ci et là. Deux filets de but étaient installés pour jouer au football. De là, il vit un préau abritant un baby-foot ainsi que des bancs et des tables en bois. Ces mobiliers étaient également installés à divers endroits du parc. S'il ne pouvait pas le voir pour l'instant, Harry imagina sans peine que le parc entourait tout le domaine et s'étendait donc encore bien loin derrière le château.

« Allons-y mon chéri. Nous allons être en retard. »

Lily posa une main douce sur son coude droit pour l'inciter à se mettre en marche mais l'adolescent s'éloigna vivement d'elle, repoussant avec force le contact. Une pointe de culpabilité le piqua douloureusement en voyant la peine s'afficher sur le visage porcelaine de sa mère mais il l'étouffa rapidement. C'était de sa faute à elle s'ils se trouvaient tous là aujourd'hui.

James se tenait maladroitement aux côtés de sa femme. Il portait le gros sac de sport noir contenant ses affaires. Silencieux et figé, son corps entier criait son malaise de se trouver dans un tel endroit.

« Tu sais Harry que c'est pour ton bien, » chuchota douloureusement Lily.

« Non, c'est pour votre bien à vous ! » rétorqua t-il méchamment.

Cette fois-ci, ce fut le plaisir qui le gagna en voyant ses yeux, si semblables aux siens, s'humidifier. Il ne lui laissa pas le temps de se justifier. Il avança malgré ses jambes tremblantes et dépassa les deux adultes qui restèrent un moment immobiles avant de le suivre.

Le parking donnait sur une allée de cailloux menant jusqu'à l'entrée du château. Harry garda les yeux rivés sur ses baskets noirs alors qu'ils passaient à côté de deux adolescents jouant à une partie de cartes sur l'herbe. En les regardant du coin de l'œil, ils lui semblèrent tout à fait normaux. Ce qui ne devrait pas être le cas ! Le soleil était étincelant en ce dernier jour du mois d'août. L'astre se moquait probablement de lui en rayonnant ainsi.

Son sang se figea dans ses veines lorsque ses yeux se posèrent sur la plaque dorée posée à la droite de la haute porte en bois de l'entrée.

Institut Poudlard

Hôpital pédopsychiatrique depuis 1857

Hospitalisation complète, partielle et hôpital de jour

L'inscription sembla répercuter avec force et violence sur les trois Potter. Finalement, James se reprit et poussa la porte d'entrée. Ils pénétrèrent dans un grand hall éclairé et silencieux. Un espace d'attente, composé de fauteuils à l'apparence moelleuse et d'une table basse, était proposé sur la droite. Sur la gauche, un énorme bureau ovale était installé sur lequel étincelait un écriteau indiquant « Accueil ». En face de l'entrée, le hall s'ouvrait sur un large couloir, permettant de pénétrer plus loin dans le château.

Une dizaine de minutes plus tard, après avoir parcouru un dédale de couloirs, ils arrivèrent devant une porte close. Dobby, le maître de maison, s'était proposé pour les accompagner jusqu'au bureau du directeur après leur arrêt à l'accueil.

« Je vous dis à plus tard. »

« Merci Mr Dobby, » salua poliment Lily.

James et Harry paraissaient proprement incapable de répondre au petit homme aux yeux globuleux et aux grandes oreilles. Celui-ci inclina la tête poliment en leur direction puis fit volte-face et repartit d'un pas pressé.

Lily frappa contre la porte et apprécia la main réconfortante que son époux posa dans le bas de son dos. Une invitation à entrer résonna instantanément et ils entrèrent dans un grand bureau circulaire.

« James, Lily ! »

Un vieil homme à la longue barbe blanche et aux cheveux tout aussi longs approchait à pas vif avec un large sourire aux lèvres. Il tendit une main chaleureuse à Lily qui s'empressa de la serrer.

« Bonjour professeur Dumbledore. »

« Albus, » répondit James en lui tendant la main.

Albus Dumbledore était un éminent psychiatre spécialisé dans les troubles de l'enfance et de l'adolescence. Il participait à des colloques à travers tout le Royaume-Uni, rédigeait des articles propulsés dans les publications les plus sérieuses et reconnues d'Europe et dirigeait l'Institut Poudlard depuis une paire d'années.

Mandaté par le tribunal pour enfants treize ans plus tôt pour réaliser l'expertise psychiatrique d'un adolescent de quinze ans venant de décimer sa famille à l'aide d'une hache, il avait rencontré l'enquêteur en charge de l'affaire : James Potter. Suite à cela, ils avaient retravaillé ensemble à plusieurs reprises. Le contexte souvent funeste ne les avait pas empêché de tisser une relation bonne et de confiance.

« J'avais oublié que Poudlard était aussi grand. »

L'admiration était parfaitement audible dans la voix de Lily. Elle engloba du regard la pièce et s'amusa face au fatras d'objets farfelus qui l'encombrait.

« Voyez ce que beaucoup ratent en refusant de s'approcher de notre établissement ou d'y prêter la moindre attention, » répondit Dumbledore en souriant avec douceur. « Tu dois être Harry. Je t'ai vu alors que tu n'atteignais pas encore le bas de ma barbe. »

Harry resta muet face à l'homme. Il avait une vieille réminiscence de l'homme. Ils s'étaient croisés sur un des nombreux marchés de Noël pullulant dans toute la capitale en décembre. Le vieil homme avait salué chaleureusement chacun des membres de sa famille. Harry se souvenait juste l'avoir confondu avec le Père-Noël. Cela remontait à une décennie et il n'avait guère d'autres souvenirs de lui.

Cachés derrière des lunettes en forme de demi-lune, ses yeux bleus se posèrent sur lui et semblèrent le sonder avec acuité. L'adolescent en ressentit aussitôt un profond malaise mais il n'eut pas d'autres choix que d'accepter la main tendue du vieil homme. Ce dernier lui tapota l'épaule gentiment puis se détourna d'un pas joyeux.

« Asseyez-vous, je vous en prie ! J'ai préparé du thé en prévision de notre entrevue. »

Incapable de prononcer le moindre mot, Harry s'assit à contrecœur sur le bord du fauteuil le plus à droite du bureau. Ses parents prirent également place alors que Dumbledore s'agitait pour servir quatre tasses de thé. Lorsque cela fut fait, il s'installa derrière son bureau en affichant encore cet insupportable sourire.

« Nous sommes très heureux de t'accueillir Harry aujourd'hui au sein de Poudlard. »

« Je veux pas être là. »

Il aurait aimé que sa voix soit plus menaçante mais cela rassembla seulement à un grognement renfrogné. Il resta tendu sur le bord du fauteuil, prêt à bondir sur ses pieds pour s'enfuir. Si Dumbledore le remarqua, il n'en fut pas offusqué car il lui offrit un hochement de tête compréhensif.

« Tu n'as pas... » commença James d'une voix grondante.

« Le choix ! Je sais, tu me l'as suffisamment hurlé dessus à la maison ! » cracha Harry en lui lançant un regard noir.

« Messieurs, messieurs, lançons-nous dans une conversation civilisée, » apaisa Albus en levant les mains devant lui. « Je vois que le caractère tempétueux des Potter ne se dément pas avec la nouvelle génération. »

Sa boutade eut le mérite de dérider les deux adultes. Lily passa une main tremblante sur son visage blême et elle poussa un profond soupir. De son coté, Harry sentit son cœur se lacérer davantage à ses mots et il prit sur lui pour ne pas lui cracher combien sa place dans sa famille n'était pas réelle.

Albus se tourna vers James et lui adressa un regard profond par dessus ses lunettes. Le commissaire de police pinça les lèvres mais acquiesça silencieusement. Il devait s'exhorter au calme pour ne pas envenimer davantage la situation. Au-delà de leurs rencontres professionnelles, Dumbledore avait été une véritable source de conseils au sujet de Harry pour James à différents moments de la vie du gamin.

Était-il étonné de réaliser aujourd'hui l'admission de Harry James Potter à l'Institut Poudlard ? Absolument pas.

« Poudlard est un établissement hospitalier qui propose aux enfants accueillis à la fois des soins et un accès à la scolarité, » déclara t-il ensuite en regardant le jeune homme. « Nombreux de tes camarades éprouvent en effet une réelle indignation à leur arrivée ici mais l'ensemble de l'équipe tâche de rendre ce séjour le plus apaisant, bienveillant et aidant possible. »

Harry fixait un point vers la droite du bureau, incapable de regarder qui que ce soit. Clairement dans une position de défense, ses bras étaient enroulés autour de son corps frêle. Son visage, hâlé par le soleil d'été, était fermé et ses yeux verts brûlaient de colère derrière ses lunettes.

« Nous proposons un emploi du temps individuel et conçu en fonction des besoins de chaque élève, » poursuivit Dumbledore. « La journée, ton temps sera partagé entre les cours dispensés par des enseignants habilités par le gouvernement, des activités éducatives proposées par des éducateurs spécialisés et enfin un volet de soin pris en charge par des infirmiers et des psychiatres. »

Les mots du médecin tournoyaient dans son esprit à une vitesse impressionnante et son mal de tête s'accrut. Il serra les poings et s'efforça de rester à la fois immobile et silencieux. Un tic nerveux agita sa jambe droite de façon automatique. Son envie de hurler et de s'enfuir était de plus en plus forte. Il jeta un regard vers la porte close, calculant le temps nécessaire à quitter le bureau puis à mettre les voiles hors de l'Institut. Ok… Il n'avait aucune chance !

Merde !

Il ne pouvait pas croire que ses parents allaient vraiment l'enfermer dans cet hôpital pour cinglés. À cette pensée, sa gorge fut enserrée dans un étau de larmes. C'était de sa faute. Entièrement de sa faute. Il avait pourtant réussi à se contrôler ces derniers mois, à tenir à distance les voix et tout ce qui lui assurait que c'était vrai.

Mais tout lui était revenu en pleine face deux semaines plus tôt, ruinant la fin des vacances de sa famille. Harry le reconnaissait : il avait pété les plombs. Certes, il n'aurait pas dû hurler comme un dément et jeter tout ce qu'il avait à portée de main alors qu'il pensait être attaqué par une bande de Mangemorts haineux. Griffer, frapper et insulter son père venu l'immobiliser n'avait pas non plus joué en sa faveur. Mais mince, sur le coup, il avait vraiment vu trois Mangemorts entrer par la fenêtre de sa chambre. N'avait-il pas le droit de paniquer ? Il s'était trompé, voilà tout ! Pourquoi en faire une telle histoire ?

Pourquoi n'avait-il pas pu se contrôler et continuer à faire croire à ses parents que tout cela appartenait au passé ? Le plus important était que lui sache la vérité. Comment avait-il pu oublier cela ?

« Harry. »

La voix du psychiatre était douce alors qu'il revenait à l'instant présent. Il tourna un regard empli d'angoisse vers le vieil homme et un frisson coula le long de son dos.

« Ton inquiétude de te retrouver ici est entièrement légitime. Un temps te sera nécessaire pour trouver tes repères mais toute âme trouve ici un baume pour l'apaiser. »

« Je ne veux pas être enfermé, » croassa t-il.

Sa colère semblait avoir fondue pour ne laisser place qu'à une tristesse et une peur effroyable. Il ne voulait pas qu'on lui enfile une camisole. Ni qu'on l'endorme à coup de psychotropes. Ils avaient déjà essayé. Ça avait été insupportable pour lui. L'arrêt du traitement avait été une véritable libération.

Et il avait tout fichu en l'air. Encore une fois.

« Nous ne sommes pas une prison ! » s'exclama Dumbledore.

Le psychiatre paraissait vraiment heurté qu'il ose penser cela. Cependant, le regard méfiant de l'adolescent ne faiblit pas. Dumbledore se pencha vers lui comme s'il s'apprêtait à lui confier un secret.

« N'oublie pas que tu as la chance d'habiter à une vingtaine de minutes de chez toi. Il est prévu que tu rentres tous les week-end. Les éducateurs et les infirmiers proposent également diverses sorties régulièrement. Enfin, lorsque la situation se stabilise, des sorties autonomes sont autorisées. »

Ce n'était pas du tout rassurant. Sortir de l'Institut pour retrouver les murs de la maison où l'ambiance était étouffante ? Tu parles d'une libération ! Sortir avec l'étiquette de « fou » collée au front en étant accompagné par du personnel éducatif et soignant ? Non merci ! Sortir quand la situation sera stable ? Il mettait sa main au feu qu'il pouvait attendre !

« Sais-tu pourquoi tu es accueilli ici, Harry ? »

Les deux orbes émeraudes transpercèrent Albus et il fut un instant saisi par la profondeur de ce regard. La crainte qui y flottait était douloureuse à observer.

James se tortilla sur sa chaise, restant volontairement en retrait. Il observa son fils dont la tension sortait de lui par vague et envahissait la pièce. Face aux difficultés de son fils, le commissaire de police n'avait jamais été à l'aise. Comment agir ? Que dire ? Que faire ? Toutes ses actions se soldaient par un échec avec Harry. Progressivement, eux si proches, s'étaient éloignés pour ne laisser que des cendres fumantes et brûlantes de leur relation.

Petit, Harry paraissait être un enfant créatif et plein d'imagination. James trouvait son gamin follement précoce et le prédisait comme futur artiste. Ses dessins étaient la preuve de sa passion pour les arts. Plus tard, cela devient débordant. Incontrôlable. Les frontières de la réalité s'étaient affaiblies, gommées jusqu'à disparaître.

Et l'irréel s'était engouffré dans le réel.

« Je n'ai pas pour habitude d'admettre des patients sans discuter avec eux des raisons de leur hospitalisation, » continua Dumbledore d'un ton apaisant. « D'après ton dossier transmis par le Centre Médico-Psychologique que tu as fréquenté pendant cinq ans, tu dis être convaincu de l'existence d'un monde magique qui cohabiterait avec le nôtre. »

Harry déjà blême devint translucide en quelques secondes. Ses yeux verts étaient grands ouverts et il fixait le psychiatre partagé entre la crainte et l'embarras. Il resta muet, le corps tendu à l'extrême.

« Un mage noir représenterait une menace pour ce monde. Son nom serait…, laisse-moi retrouver cela, » dit le vieil homme en tournant les pages d'un dossier. « Ah, Voldemort. »

En entendant le nom honni, Harry inspira brusquement et jeta un regard paniqué autour de lui. Merde ! Que faisait Dumbledore ? Il allait attirer les Mangemorts en prononçant le foutu nom de ce mage noir !

Sa réaction provoqua différentes conséquences dans la pièce. Lily laissa échapper un son plaintif entre ses lèvres et elle cacha son visage entre ses mains, au bord des larmes. James fut tiraillé entre l'envie de secouer son fils et celle de faire comme sa femme : se rouler en boule et pleurer. Albus resta calme et lui sourit d'un air apaisant.

« Tu ne crains rien à Poudlard. Tu es en sécurité ici. Ne l'oublie jamais, » rassura t-il. « Donc ce mage noir a une armée de sorciers qui se nomment ''Mangemorts''. C'est cela ? »

Les mots étaient soigneusement choisis et n'allaient pas à l'encontre du discours et des croyances de l'adolescent. Décortiquer un à un les éléments du délire de Harry puis tenter de les comprendre pour agir dessus était la clé du travail thérapeutique à entamer avec lui. Toutefois, les réduire en poussière en affirmant leur non-existence en une seconde était le pire moyen pour mettre le gamin dans une situation violente et douloureuse. Et certainement pas aidante. Cela prendrait du temps.

« Et donc, ce Voldemort semble en avoir après toi. Il te pourchasse et envoie ses Mangemorts à tes trousses régulièrement, » ajouta Albus en fixant le jeune homme dont les yeux s'étaient remplis de larmes à l'énonciation du mage noir. « Tu as le droit d'approuver ou de réfuter mes déclarations. »

Il était absolument hors de question qu'il ouvre la bouche. Les trois adultes n'attendaient que cela. Approuver serait se trahir et il était certain de finir avec une camisole chimique en l'espace de dix minutes. Réfuter était inutile : personne ne le croyait. Personne ne l'avait jamais cru !

Sa respiration devint de plus en plus laborieuse et sa vision s'obscurcit un moment. Il plaqua ses deux mains contre ses oreilles et enfonça ses ongles sans ménagement dans sa peau. Il ne dirait rien. Rien qui le condamnerait davantage.

« Harry, respire calmement, je t'en prie. »

Sa mère s'était levée et était à présent agenouillée devant lui. Elle le regardait d'un air suppliant et elle posa ses deux mains fines sur les siennes, les serrant avec force. Au bout de quelques secondes, elle réussit à lui faire lâcher ses oreilles et il garda ses mains tremblantes devant lui.

« Me laisse pas là, maman. Me laisse pas là. »

« Ce n'est pas une punition, » murmura t-elle avec douceur. Elle posa une main sur sa joue qu'elle caressa tendrement. « Nous voulons juste que tu trouves une paix intérieure et que tu puisses te construire un avenir. »

« Je peux le faire à la maison ! Pardonne-moi, je ne le ferai plus jamais. Je ne voulais pas crier ou tout casser. Je ne voulais pas frapper papa. S'il te plaît maman. Laisse-moi encore une chance. Juste une. »

Lily sentit ses entrailles se tordre douloureusement et elle flancha. Comment rester ferme face à tant de souffrance ? Harry était excentrique. Étrange. Mais pouvait-elle réellement le faire hospitaliser ici alors même qu'elle l'avait refusé pendant des années ?

James, percevant certainement sa nouvelle incertitude, se leva à son tour. Il posa une main sur son épaule puis regarda franchement son fils dont le regard rempli de larmes s'était levé vers lui. « On se fiche bien de ce que tu as pu casser ou frapper, » intervient l'homme d'une voix à la fois ferme et rassurante. « Tu ne vas pas bien et tu es ici pour trouver un moyen de guérir. »

La décision était implacable. Vingt minutes plus tard, Harry put seulement le constater lorsque ses parents traversèrent une nouvelle fois le hall de l'Institut Poudlard. Et passèrent les portes sans lui.

« Allons visiter ta nouvelle chambre. Tu fais partie du groupe Gryffondor. Il accueille les adolescents de quinze à dix-huit ans, » déclara gaiement Dumbledore en posant une main sur son épaule. « Tu vas pouvoir décorer ta chambre à ton goût ! »

Ébranlé, Harry jeta un regard ahuri à l'homme puis se tourna de nouveau vers la porte qui s'était refermée derrière ses parents.

Seul. Il était seul et enfermé dans un hôpital psychiatrique.


Alors, que pensez-vous de ce premier chapitre de "Un pas de côté " ? Il pose les bases de l'histoire, certains des personnages principaux et l'arrivée de Harry à Poudlard. J'espère que vous l'avez aimé autant que j'ai apprécié l'écrire.

Patmol25