Bonjour à toutes et à tous,

Cette fic est la première du recueil consacré au personnage de Minos. Il inclura tout ce qui peut se rapporter au Griffon d'argent ainsi qu'à sa relation avec le bel Albafica.

Ce sont mes personnages favoris, j'ai décidé de regrouper les écris que j'ai fait d'eux ici, cela évitera les histoires qui se baladent dans mon profil inutilement.

Résumé : Rune en a plus qu'assez de la déprime de son supérieur, il ressasse inlassablement son amour perdu, il lui casse les oreilles. Il s'emporte et de là va s'enchainer une suite d'évènements qu'il ne souhaitait pas. Il demande sa mutation.

Rating : K+

Pairing : Minos/Rune

Genre : Humour/Amitié/Relation de travail

Bonne lecture.


Le départ de Rune

Il en avait marre ! Mais marre ! Marre de voir la mine dépitée de son supérieur tous les jours, marre de sentir son cosmos abattu, marre de voir ses yeux ternes. Il ne pouvait plus le supporter ! Marre de voir ses cheveux tombés mornes sur ses épaules, las, eux-aussi. Tout de lui transpirait la désolation et la morosité. Déjà que les Enfers n'étaient pas un lieu réjouissant, surtout le tribunal, mais là, son chef en rajoutait une, deux, trois… Voir milles couches.

Lui aussi, il devait gérer ses soucis, ses pensées négatives, ses interrogations, mais bon sang de bon sang ils les mettaient de côté quand il prenait son service ou quand il était aux soirées avec ses collègues ! Que Diable un peu de dignité ! On n'est pas obligé de supporter ses états d'âmes.


Ce matin encore le juge dévoué était lugubre. Petit point blanc qui s'efface peu à peu de la surface des ténèbres. Il trainait des pieds, laissaient les dossiers s'entasser sur son bureau, prêtait à peine une oreille aux défunts qui se présentaient devant lui. Il bâclait son travail. Et bien entendu, ça allait encore retombé sur Rune ! Et qui c'est qui va devoir se taper des heures supp. pour récupérer les conneries de son chef !? Bah lui !

Même au moment de la pause déjeuner, quand Rhadamanthe et Eaque sont venus le chercher, il n'a pas réagit. On aurait dit un légume léthargique. Mais sans rire ! Il ne l'avait jamais vu aussi apitoyé sur lui. S'en était navrant… Lui… Le grand, le splendide Minos du Griffon étoile céleste de la noblesse… L'indétrônable Minos ! S'en était devenu un être pathétique, une vulgaire marionnette comme il aimait les fabriquer avant, et les détruire. C'est lui qui s'est détruit tout seul… Quelle ironie ? Il fallait lui donner des coups de pieds aux fesses pour qu'il daigne bouger, ne prenant plus aucune décision, se laissant totalement aller. Ses deux amis se faisaient du souci, leurs regards les trahissaient. Eux aussi n'en pouvait plus de voir le spectacle qui se jouait sous leurs yeux, jour après jour.

Minos devint un pantin désarticulé sans volonté propre…

Il partit malgré tout, entrainé de force par les deux autres juges pour qu'il reprenne des forces et qu'il se change les idées en leurs compagnies. Mais après la pause, Minos ne revint pas. L'après-midi avait bien débuté, et toujours pas de trace du seigneur argenté. Les heures passaient, et Rune fixait l'horloge comme si elle allait exploser. Les âmes des morts s'entassaient dans la salle d'attente du tribunal, et allait même jusque dehors, devant les grandes portes d'entrées. Jamais on avait vu un tel laissé allé. Mort d'inquiétude, le Balrog se précipita en personne dans la salle de la Whyverne. L'informant de la disparition de son collègue. Ca ne lui ressemble pas ! Qu'a-t-il pu lui arriver ? Est-ce qu'il s'est fait attaquer par des chevaliers venus aux Enfers dans le seul but de semer la zizanie ? Est-ce que Cerbère l'aurait dévoré tout cru ? Est-ce que Pharaon l'aurait coincé pour l'obliger à l'écouter jouer de sa maudite harpe ? Hen ! Tout mais pas ça. C'est un tel calvaire ! Voyant l'air affolé du subordonné du Griffon, le premier juge prit la chose au sérieux. En effet cela ne ressemblait pas à son ami un tel comportement, et qui plus est, pendant les heures de bureau.

Tous les Enfers furent mis à contribution, et retournés par la même occasion. On chercha le fugueur partout. On retourna toutes les prisons, allant même regarder dans la niche de Cerbère. On fouilla Tolémé, le palais de Minos de fond en comble. On l'appela sans cesse jusqu'à la tombée de la nuit. Rien. Introuvable. On alla aussi jeter un coup d'œil dans les cachots, juste pour voir…

Le lac de sang bouillonnant ! Pourvu qu'il n'ait pas fait une bêtise et qu'il se soit jeté dedans !

Non rien, apparemment pas de reste d'ossements, pas de surplis gisant sur le bas côté… Mais où est-il à la fin ? Bordel de merde (dixit Rhadamanthe au bord de la crise de nerf).

C'est Eaque qui le trouva, prostré dans le sanctuaire des âmes perdues, où personne n'avait le droit de pénétrer… Il était à genoux, les yeux dans le vague, devant une d'entre elles. Elle virevoltait doucement, avec légèreté. Et tous l'ont senti, cette âme… Tous l'ont reconnu, évidement. Mais bien sûr. Comme toujours.

Il divaguait devant l'âme défunte de son éternel chevalier bleuté, le magnifique, le sublime Albafica des poissons, chevalier d'or à la rose épineuse… Lui, lui, lui, lui et ENCORE lui !

« Il n'y en a que pour lui depuis deux foutus millénaires ! Il ne peut pas penser à autre chose à la fin et nous lâcher la grappe avec lui ! C'est pas le seul homme sur Terre purée ! Le plus pur, le plus noble, le plus fier… Et gnia gnia gnia, et gnia gnia gnia ! ! ! Assez, assez ! Ca suffit ! »

Rune exultait sa colère au fond de lui. Oui, Rune. En personne, le plus calme, le plus taciturne, le plus discret de tous les spectres était dans tous ses états, et il avait une grande difficulté à se contenir en cet instant pour ne pas hurler son ras-le-bol au nez de son supérieur chéri.


Rune de Balrog étoile céleste de l'excellence s'était amouraché furieusement de Minos du Griffon, et ce depuis aussi loin qu'il s'en souvienne. Il l'aimait comme un fou, comme un enragé. Pourtant de nature paisible, la passion qui le rongeait était tout à l'opposé de son caractère. Il était trop timide cependant pour se dévoiler, et il avait peur du rejet. Il ne se sentait pas à la hauteur des exigences du noble juge pour être digne de son intérêt. Il se contentait de le côtoyer de loin, sans montrer quoi que se soit.

Bien sûr qu'il y avait d'autres spectres qui s'étaient entichés aussi de leurs supérieurs hiérarchiques. Ce n'était pas tabou, ce n'était pas le problème. Comme Valentine de la Harpie qui vouait un véritable culte à la Vouivre. Et ça, tout le monde le savait. Il ne le cachait plus. D'ailleurs il aurait bien eu du mal, tant son comportement le trahissait. Les regards brûlants, sa moue quand il voyait le blond entrer dans la pièce. Ses réflexions à ses collègues du style :

-« Quand il passe à côté de moi j'ai des bouffées de chaleurs ! »

Il s'était même disputé et battu avec Queen de l'Alraune qui en pinçait aussi.

Eaque aussi avait sa petite cours. Fyodor de la Mandragore avait un gros faible pour lui, il était plus entreprenant par contre. N'hésitant pas lui laisser des lettres enflammées sur son bureau, ou des bouquets de sa fleur chérie un peu partout. Ce qui provoquait des nausées à tout le monde et des étourdissements. Oui, la mandragore est une plante mortelle, donc pas idéale pour déclarer sa flamme. Mais bon, au moins il osait !

Mais le beau Rune lui nan, il ne pouvait pas, il n'osait pas. Et Minos n'avait pas le même caractère que ses compères. Lui, il risquait sa peau à se déclarer comme ça. Il ne désirait pas expérimenter les redoutables fils de marionnettiste.

Mais là, alors là s'en fut trop pour lui ! Non là trop c'était trop ! Le voir se lamenter sur un humain depuis deux siècles faut pas exagérer ! Ouh, ouh faut arrêter là !

Il ne pouvait pas se calmer, le voir là, à terre, implorant on ne sait quel chose pour faire revenir à la vie son ancien amant, était tout bonnement INTOLERABLE ! Surtout de la par d'un juge du Dieu des Enfers.

Cela faisait des millénaires qu'il se contenait, ça débordait en ce moment. Dans un élan qu'il ne comprit pas, il sauta sur Minos, le prit par le bras, et le souleva de terre pour l'emmener avec lui loin de ce champ funeste. Minos lui, resta stupéfait par l'audace de son subordonné.

« Qu'est-ce qu'il lui a prit ? On ne touche pas un juge comme ça impunément ! Il croit quoi ? Il ne va pas s'en tirer à si bon compte. »

Mais Rune transporté dans une énergie folle, eut la force nécessaire pour maîtriser son captif. Sous les ruades de ce dernier, il réussit à maintenir sa prise pour lui faire dévaler toutes les prisons, les couloirs, le tribunal et pour l'emmener de force à Tolémé.

Une fois dans les appartements privés du maître de ces lieux, Rune le jeta comme un sac de patates à terre. Il le dominait de sa hauteur, les poings appuyés sur ses hanches et le regard noir. Mauvais. Sans qu'il n'ait eu le temps de dire quoi que se soit le ton monta :

–« Mais… Mais qu'est-ce que tu fabriques Rune !? Tu es fou ? Tu as perdu la tête ? Tu veux que je te brise la nuque ou quoi ? »

–« Taisez-vous ça suffit ! »

–« Quoi ? Comment oses… »

–« J'ai dit : taisez-vous bordel ! Merde à la fin ! Vous allez vous la fermer et m'écouter ! »

Le Griffon en tomba des nues. Il n'en revenait pas. C'était bien le petit Rune tout gentil qui hurlait comme ça ? Et contre lui. Il n'avait donc pas peur des représailles ? Rune reprit :

-« Toute la journée je me suis inquiété pour vous ! Je croyais que Cerbère vous avait mangé ou que Pharaon vous avait coincé pour vous jouer son nouvel air irritant ! Et en plus honte à vous ! Vous avez délaissé votre travail ! Et toutes les âmes se sont entassées dans votre tribunal ! Ce n'est pas sérieux pour un spectre tel que vous ! »

–« Je… Je… N'y pensais pas… Je… »

–« J'ai pas fini ! Et par-dessus tout ! Par-dessus tout j'en ai ma claque, mais je dis bien ma claque de devoir supporter vous élucubrations pour ce chevalier de malheur depuis deux siècles ! Deux putin de siècles Minos ! Que tu nous les brises avec lui ! »

Totalement abasourdis parce qu'il venait d'entendre, le juge s'étouffa avec sa propre salive, les yeux exorbités prêt à tomber sur le plancher. Il en resta sans voix tiens. Rune reprit son monologue, furieux au possible :

-« Il est temps de tourner la page et d'arrêter de faire chier tout le monde avec lui ! Ton amour intemporel et toutes ces foutaises ! Il est mort basta ! Il ne reviendra pas c'est comme ça ! Tu vas pas ratasser encore dix siècles parce que moi je ne le supporterai pas ! »

–« Mais RUUUUUNE ! ! ! Bon sang mais qu'est-ce que c'est que ce langage !? Venant de ta part ça me surprend ! Et pourquoi tu te mêles de ma vie privée ? Ca ne te regarde pas ! »

–« Qu'est-ce qu'il me prend ?... Qu'est-ce qu'il me prend ?... Qu'il me dit ! ». Il éclata de rire, un rire sarcastique, nerveux, qui traduisait son ras-le-bol. « Ce qu'il me prend Minos, c'est que ça fait quatre siècles que je suis amoureux de toi et que tu ne vois rien ! Et que tu t'en fiche ! Et la moitié de ce temps que tu le consacre à ton poisson pourri ! »

« Quoi !? Qu'entends-je !? Il ose ? Il a osé insulter mon bel Alba ! ! ! »

–« QUOOOOOOI ! ! ! Comment oses-tu !? Qu'est-ce que tu as dit sur Alba !? De quel droit ! Je vais te… »

–« Tu vas me quoi !? Hein, Minos ... Ce qui me fout en boule c'est de te voir sombrer pour un type comme lui. Tu n'es plus rien alors que comptes-tu me faire !? Il n'est plus là le plus cruel, le plus sadique juge d'Hadès ! Ca fait longtemps qu'il a laissé la place à un piaf pleurnicheur et dépressif ! Tu n'as plus du grand Minos que j'ai connu ! Tu fais pitié à tout le monde ! Ressaisis-toi merde ! »

Minos était toujours à genoux face à Rune qui lui aboyait dessus, il était choqué, tellement, qu'il ne pensa pas à se relever, ni lui donner une correction. Son cerveau était bloqué sur la touche « pause ». Il voyait là un spectacle qu'il n'avait encore pas vu de toute son existence. Face à lui, le regard haut perché, les yeux révulsés d'une rage incontrôlable son fidèle bras droit qui lui balançait toutes ses horreurs au visage et par-dessus le marché son amour. Il lui avait balancé son amour comme un cri de haine.

Chacun faisait face à l'autre et il n'y avait plus un bruit pour venir troubler cette ambiance pesante. Il avait tout déballé enfin ! Enfin il était libéré de ce poids qui lui pesait sur la conscience. Ce n'était pas à ce à quoi il s'attendait, mais au moins c'était dit. Tout était dit !

Rune avait rêvé des millions de fois de cet instant magique où il lui avouerait son amour et où le beau juge succomberait dans ses bras. Mais il n'aurait jamais imaginé révéler son secret d'une telle manière. Au moins c'était fait, il serait un peu plus apaisé. Il s'impatientait désormais du manque de réaction de Minos :

–« Bon sang tu vas parler ! Dis quelque chose ! »

–« Que veux-tu que je te dises Rune ? Bordel ! »

–« Quelque chose ! »

–« Tu viens de me hurler dessus, tu as fait preuve d'insubordination, tu m'as insulté, moi ton supérieur ! Et tu m'as avoué que tu m'aimais ! Tu veux que je te dise quoi à la fin !? »

–« Rien… Oh, rien… Je m'attendais à quoi ? ». Reprit le Balrog dépité.

–« Quoi ? Je comprends pas ? »

–« Nan, laisse tomber, ça ne fait rien… Je demanderais ma mutation dès demain, si je peux en avoir une… Je ne veux plus rester sous tes ordres… »

–« Ne crois tu pas que c'est un peu excessif comme réaction ? »

–« Excessif ?... Voyons… Si je récapitule les faits… Ca fait quatre milles ans que tu m'ignore… Deux pour lesquels tu voue un culte à un poisson panné mort de surcroît… Deux toujours, pour lesquels je dois supporter tes sautes d'humeurs, tes colères, et maintenant ta dépression… Et je dois rattraper tes erreurs professionnelles sans avoir aucun avantage, ni remerciement, ni promotion… Alors nan, désolé Minos, mais je ne pense pas être excessif ! Tu te trouveras un autre procureur ! »

Le Balrog avait parlé et c'était sans appel ! Il était encore plus intransigeant que le Griffon, sa décision était prise. A contre cœur, mais il ne supportait plus cette situation, sans était trop. Et puis, et puis il avait tout avoué sans que son cher espéré ne sourcille un peu… Rien, aucune réaction, toujours son air de navet déconfit… C'était surement la meilleure solution. Il ne serait plus obligé d'être à ses côtés tous les jours sans avoir rien en retour. Le voir, devoir sentir son parfum si agréable, le frôler de temps en temps… Il ne serait plus obligé de subir cette douce torture. Il l'oubliera au final, avec le temps, et il sera peut être reconnu dans son travail par un autre supérieur… Rune trancha :

-« Allez, je m'en vais, je te laisse pleurnicher sur ton cher Albafica… ». Pensant pour lui-même.

« J'en ai plus qu'assez d'assister à ce tableau pitoyable ».


Ras-de-marré - Tornade - Typhon – Cataclysme - Ouragan et j'en passe ! Voilà ce que représentait l'esprit retourné de Minos là maintenant. Pour dire que le Balrog l'avait surpris fut un euphémisme. Il n'y avait plus de mots pour décrire ce champ de bataille. D'ailleurs, il n'avait rien pu articuler, les mots ne venaient pas et même son cerveau ne réalisait pas. Euh… Rune… Pourquoi ?

Il n'a jamais été aussi fougueux. Aussi imprévisible. On dit bien de se méfier de l'eau qui dort, là toute la valeur de ce dicton prit forme. Car le norvégien n'était plus un étang paisible, au bord duquel on pouvait se reposer… Nan, il était devenu un océan déchainé. Un tourbillon venant des profondeurs marines emportant tout sur son passage. Et par la même occasion qui avait balancé toute sa puissance au visage de Minos.

Celui-ci n'était pas dupe, il ne l'avait jamais été. Il savait au fond que le procureur portait des sentiments à son égard. Il n'était pas fou. Mais, il croyait bêtement que d'ignorer et de ne pas répondre à ses appels allait tout effacer. Comme si de rien n'était… Que de faire l'autruche résoudrait le problème, après tout cela n'était pas dans la nature de son subordonné de faire des vagues ou d'afficher ses sentiments. Alors, alors laisser la situation dérivée avait été une bonne idée, au départ. Vu qu'il ne se déclarerait jamais, il n'aurait jamais lui, à l'affronter… Mais là… Là… Il l'avait cloué sur place ! En le ballotant comme un sac de pomme de terre, et en le mettant devant ses sentiments. Et de lui parler de la sorte. Personne n'osait lui parler comme ceci. C'était un des commandants des armées des Enfers après tout. Mais Rune le connaissait depuis tellement longtemps qu'il pouvait se le permettre, et puis c'était la première, la seule fois qu'il s'emportait. La dernière aussi.

Oui, Minos avait fuit devant les sentiments que Rune lui portait, ne voulant pas avoir un tête à tête avec et devoir parler de ces choses personnelles et dérangeantes. Mais voilà, il avait tout gagné. Ou plutôt tout perdu. Il ne voulait pas que ça tourne aussi mal et perdre son meilleur soldat. Dorénavant ils ne pourraient plus soutenir mutuellement leurs regards, ni se parler de tout et de rien. Dorénavant quelque chose avait changé, leurs rapports aussi. C'était peut être la meilleure solution après tout… Que de ne plus le voir, il n'aurait pas à subir une explication, ou le regard plein de reproches, de douleur, de Rune… Ses yeux améthyste qui trahissent une profonde morosité.

« Lui aussi est las de cette vie… Et c'est à cause de moi, parce que je ne peux pas l'aimer, et que je n'y ai même jamais pensé… »


Le surlendemain, dans le bureau du procureur, une lettre posée sur la table.

« Rune,

Je suis conscient que je t'ai déçu, j'ai manqué à mes devoirs de juge du deuxième Tribunal en t'imposant tous ces désagréments. Je n'aurai pas dû te donner du travail en plus. Je n'aurai pas dû sombrer non plus, un spectre de mon rang n'a pas le droit d'avoir des états d'âmes, mais voilà j'ai été faible. Et c'est toi qui en as pâti.

J'ai demandé personnellement à Rhadamanthe de te prendre sous sa juridiction à partir d'aujourd'hui. Je lui ai fait mes recommandations à ton égard, et lui ai demandé personnellement de t'attribuer un poste à hauteur de tes capacités. J'espère que tu t'épanouiras dans tes nouvelles fonctions, et que tu prendras vite du grade.

J'ai été plus que satisfait de ton dévouement tous ces millénaires, de ton sérieux, de ta capacité à vouloir toujours t'améliorer. Je ne trouverai plus un bras droit comme toi, je le sais.

Je ne t'en veux pas pour les choses que tu m'as dites, j'ai mes tords. Je suis désolé Rune pour tout.

Soit heureux malgré tout.

Minos du Griffon, étoile céleste de la noblesse »

En lisant cette lettre, les larmes coulèrent d'elles-mêmes sur les joues blanches du spectre. Il comprenait. Il comprenait à demi-mot, entre les lignes, ce que le juge pensait de lui. Finalement il lui portait beaucoup de considération, mais jamais avant il ne le les lui avaient formulé. Il aura fallu cette dispute mémorable pour qu'il avoue. Il lui signifiait même d'être heureux… Ironie, être heureux sans lui, comment le pourrait-il !? Surtout ne plus le voir d'aussi près, le côtoyer jour après jour, il n'aurait plus aucun moment d'intimité avec le Griffon. Il ne pouvait pas ruminer c'était sa décision à lui, pour ne plus souffrir autant, et son chef avait compris et donner son accord. Il était bon, juste malgré tout ce que les autres racontaient à son sujet.

Les mains tremblantes, Rune fit ses cartons, emportant ses effets personnels pour aller ailleurs. Il rangea tout, dossiers, livres, formulaires, tria tout une dernière fois pour laisser la place impeccable pour son remplaçant. En farfouillant dans un tiroir il tomba sur une carte et une photo, c'était une carte de vœux de Noël écrite de Minos en personne pour son personnel. Avec une photo de tous ses collègues et lui-même qui entouraient le juge. Il n'aimait pas ces fêtes de fin d'années, et ils l'avaient tous obligé cette année là à participer.

On avait notre marionnettiste préféré affublé d'un bonnet de père noël rouge arborant une moue boudeuse, tandis qu'à côté se trouvait Rune et quelques collègues qui eux portaient des bois de rennes. Et Rune tirant sur l'écharpe de Minos très proche de lui, souriant d'un sourire enfantin. En bas il y avait Byaku qui s'empiffrait de chocolats… Que de bons souvenirs malgré tout… Il n'en retrouvera pas des comme ça… On a beau dire ce qu'on veut, mais lui il sait, il sait comment est le vrai Minos… Quand il enlève sa carapace de juge sadique et intransigeant. Quand il laisse tomber son masque de terreur. C'est un être humain comme tant d'autres, avec ses faiblesses, et ses peurs. Il lui arrive d'être touchant… Quand il ne fait pas attention, et qu'il se croit seul, perdu dans ses pensées, les yeux dans le vague, il le touche.

Quand se dessine à peine un sourire complaisant sur sa bouche, parce qu'un de ses subordonnés a fait une bêtise ou l'a fait rire simplement. Il veille sur tout le monde sans le faire remarquer. Quand il s'inquiète de la disparition de Fyodor à son poste de garde, qu'il fait enquérir des hommes pour le retrouver en prétextant qu'il lui fait perdre son temps. Mais en réalité ce n'est qu'une excuse pour ne pas le perdre de vue. Quand il donne des jours de congés à Mills parce qu'il est en dépression, quand lui-même ne va pas bien, il le remarque le premier…

Une dernière fois, Rune pose son marteau de procureur sur son bureau, une dernière fois il dépose sa robe d'honneur sur le porte manteau près de la porte. Une dernière fois il fait le tour de la pièce du regard, emportant avec lui les bons et les mauvais moments. Une dernière fois il ferme cette porte massive. Une dernière fois il passe près du bureau du Griffon, il n'est pas là mais à sa salle d'audience. Il murmure « Au revoir Minos, on ne se verra plus comme avant ». Puis il part dans ses nouveaux quartiers.


Il se dirigea vers le bureau de son nouveau supérieur, Rhadamanthe de la Whyverne. Il le connaissait fort peu. Malgré son passé de procureur et spectre en titre il sentit une anxiété monté en lui. Pourtant il avait connu le pire supérieur des Enfers, mais le dragon sombre lui faisait un peu peur aussi… Il était puissant, fort, il s'emportait pour un rien, cassant tout sur son passage… Alors que Minos lui était plus posé, manipulateur froid, attendant son heure pour réprimander comme il se doit un spectre peu assidu. Il ne portait pas de violence mais du sadisme, là résidait la différence…

Devant la porte du premier juge, Rune pouvait l'entendre s'égosiller à s'en faire exploser les poumons ! Un frisson glacé lui parcourut la colonne vertébrale. Qu'est-ce qui avait bien pu mettre l'anglais dans une telle colère ? Est-ce que lui aussi devrait subir un jour un tel déferlement ? Probablement oui, il y a de grandes chances.

Il se décida enfin à frapper à cette porte, il entendit une voix l'ordonné d'entrer d'un ton sec et fort. La cause de la colère du juge lui fut révélée. Un spectre secondaire lui avait apporté un café au lait au lieu d'un café noir bien corsé avec des fèves Tonga. Et en prime il avait oublié de mettre sur la soucoupe ses petits chocolats à la menthe favoris. Hi ! C'était pour « ça » qu'il s'était emporté comme un fou échappé d'un asile ? ? ? Le pauvre Rune pensa à cet instant qu'il avait commis une erreur en demandant sa mutation, et il regretta aussitôt les colères glaciales, silencieuses, mais impitoyables de son ex-juge préféré. Le millénaire qui l'allait vivre risquait fort de paraître long, long, très long…

Cependant il prit son courage à deux mains pour se présenter à son nouveau chef. Celui-ci semblait peu attentif à son discours. Mais il lui apprit que, vu que son confrère l'avait recommandé personnellement, il avait concédé à sa demande et attendait beaucoup de son nouvel élément. Il lui attribua ses nouvelles fonctions, il serait à présent son « Chef de Cabinet » titre prestigieux, autant que son ancien travail. Il se sentit valorisé et fier de ses nouvelles fonctions. Mais il devait aussi être à la hauteur des attentes de son nouveau supérieur, un grand poids fut posé sur ses épaules.

Il serait en étroite collaboration avec lui par la même occasion, et cette perspective ne l'enthousiasmait que peu, mais bon, il fallait faire avec. Il fallait surtout se laisser le temps, le temps de connaître les habitudes du premier juge. Ses manies, sa façon de travailler, de concevoir l'esprit d'équipe, d'appréhender son caractère, de savoir comment l'amadouer sans l'énerver… Tous ces petits riens que l'on apprend en étant jour après jour avec ses collègues, ces liens qui finissent par se créer. Il allait bien finir par en créer de nouveaux, ici dans ce nouveau tribunal.

Son bureau était accolé à celui du Whyverne, comme cela il pouvait venir dès que celui-ci l'appellerait et vice et versa, il pourrait voir faire irruption à tout moment l'irascible magistrat.

Une fois installé dans ses quartiers, Rune détailla la pièce de long en large. Il fallait avouer qu'elle possédait un certain charme. Tout en bois massif, qui révélait le caractère masculin du juge. Avec des lambris aux murs d'un bois sombre, peut être du chêne… Que des meubles style anglais, deux fauteuils molletonnés dans des teintes vert sapin. Un immense bureau en merisier avec des incrustations ça et là, aux pieds, sur les tiroirs. Que des éléments fins. Et sur le reste des murs, de gigantesques bibliothèques remplies de livres, de manuscrits, de codes et autres bouquins… Le paradis fait Rune ! Cette pièce était encore plus spacieuse que son ancien bureau. Il fut tiré précipitamment de sa torpeur quand il entendit à l'autre bout du bureau son nouveau chef lui hurler de lui apporter l'ordre du jour.


De l'autre côté du tribunal Minos termina sa session du jour. Il regagna son bureau pour finaliser la paperasse en cours. Quand il passa devant la porte de l'ancien bureau de Rune il eut un pincement au cœur. Oui, lui en personne. Un petit moment d'égarement… Nostalgie… Il paraissait bien vide ce tribunal sans lui. Pas qu'il prenait toute la place par sa personnalité extravertie, ou que l'on entendait ses discussions animées ou sa voix puissante… Il n'était rien de tout ça. C'était une personne calme, discrète, mais indispensable. D'avance il connaissait les attentes du juge, il anticipait chaque tâche, chaque chose. Il lui facilitait grandement la vie, et il pouvait prendre le relais des jugements quand lui-même était absent. Il lui faisait une totale confiance, et n'avait pas besoin de vérifier son travail. Et puis… Et puis aussi… Il emplissait ces lieux avec sa grâce naturelle, ses petites mimiques qui n'appartiennent qu'à lui. L'image de Rune imperturbable, sérieux dans sa tenue de procureur. Ses longs cheveux immaculés qui dévalaient le long de son dos… Ses prunelles de cristal mauve, insondables… On ne pouvait jamais rien y lire dedans, à part quand celles-ci s'animaient à la vue du Griffon majestueux. Seulement là elles se parsemaient d'étoiles… Elles brillaient pleines d'espoir… Mais Minos avait mit tellement de volonté à détourner le regard, qu'il n'y prêtait plus d'attention au fils des ans.

Il soupira à la pensée de son soldat fétiche prenant ses nouvelles fonctions auprès d'un juge plein de vigueur et de fureur.

« Rune, j'espère que tu t'en sortiras vers lui. Ne flanches pas, jamais devant lui ! »


Les jours passèrent, les semaines, les mois peut être. Rune avait eu beaucoup de mal à s'habituer au dragon impulsif, mais maintenant il connaissait ses manies, ses habitudes, sa façon de fonctionner. Il réussit à appréhender la personnalité complexe de celui-ci, il fallait dire que le spectre était enclin à l'observation. Il avait réussi à se fondre dans cette atmosphère si différente. Il possédait une faculté d'adaptation incroyable, même si au début il avait été déboussolé, il ne le montra pas. Conserva son flegme légendaire face aux colères du dragon. Oh, il en avait toujours peur plus ou moins, mais ce n'était rien comparé à ses débuts. Et ce n'était pas comparable par rapport à celles plus fourbes de Minos. Rune se sentait plus à l'aise et avec ses nouveaux collègues également. Tous le respectaient. L'estimaient.

Rhadamanthe ne pouvait plus se passer de son chef de cabinet, il le sollicitait à toutes les occasions, le faisait participer aux réunions extraordinaires. Lui confiant des missions périlleuses, délicates. Lui demandant son avis sur pas mal de sujet. Lui également lui faisait une confiance pratiquement totale. Il avait sût gagner l'estime du premier juge des Enfers, et ça, ce n'était pas rien !

Quand Minos le croisait pendant ces fameuses réunions, ou dans les dédales des couloirs derrière le dragon, il ne pouvait s'empêcher d'être fier de son ancien procureur. Enfin il était reconnu à sa juste valeur, enfin… Oui mais, ce n'était pas lui qui l'avait reconnu. Mais désormais, le Balrog ne le regardait plus. Plus du tout. Ses yeux mauves translucides ne se posaient plus sur lui, ils étaient baissés ou rivés sur l'autre. Sur Rhadamanthe ! Ah bravo ! Il l'avait zappé aussi vite ! Il avait trouvé une nouvelle idole en la personne de son nouveau supérieur. Bravo ! Et dire qu'il avait osé parler d'amour ! En amour on n'oublie pas ses sentiments aussi vite !

Minos ne comprenait rien à rien, mais ce n'était pas nouveau.

Quand Rune le croisait pendant ses réunions, il ne pouvait soutenir le regard de schiste de son ancien patron. Il avait mal, mal à en crever, de ne plus être à ses côtés. Il se posait milles questions, comment se déroulaient ses journées à présent ? Son remplaçant était-il meilleur que lui ? Est-ce qu'il manquait à Minos ? Et puis surtout… Surtout il éprouvait de la honte. Honte d'avoir dévoilé ses sentiments, honte de l'avoir lâchement abandonné, surtout que l'envie n'y était pas. Il aurait préféré cents fois retourner vers lui que de devoir prendre son poste au premier tribunal. Quand il le voyait, son air noble, prestigieux, il se retenait de ne pas se jeter à ses pieds pour qu'il le reprenne.

Pourquoi ? Pourquoi avait-il fallu qu'il déballe tout comme ça. Et sans douceur ! Ca faisait deux millénaires qu'il se retenait. Il ne pouvait dont pas encore se taire ? Par Hadès ! Il aurait pu encore se repaître de la présence du Griffon. De sa compagnie, de son élégance, de son parfum si envoûtant… Au lieu de ça, il était obligé de concéder aux caprices d'un reptile à sang chaud !

« Rhaa ! Rhadamanthe tais-toi par pitié ! Arrêtes de gueuler comme un putois ! Tu pourrais baisser d'un ton, voir deux. Pi j'veux ci ! J'veux ça ! Apportes-moi ça tout de suite ! Nan ça suffit je ne suis pas ton chien ! »

En faite, il n'avait rien à lui reprocher. Rien, sauf qu'il n'était pas Minos… Tout simplement.

Rune faisait un peu figure de girouette finalement il ne savait pas ce qu'il voulait. La mutation avait été approuvée par Hadès en personne, on ne pouvait pas revenir dessus. Mais voilà, on ne commande pas ses penchants, et il était très difficile pour le norvégien de les mettre de côté. Il songeait naïvement que d'être éloigné de l'objet de ses tourments lui permettrait de l'oublier, de faire une croix sur lui. Mais il n'en était rien, l'image de Minos depuis toutes ses réincarnations prenait trop de place dans sa tête. Il ne distinguait que sa silhouette noble, ses rictus de sadique, ses yeux de fous dans ses rêves…

« Comment revenir en arrière ? Surtout avec lui, ce n'est pas possible… Il ne va pas me prendre au sérieux, et puis, il s'en fiche de toute façon de ma petite personne… Je ne suis pas assez intéressant. Pourquoi je me suis fourré dans une histoire pareille ? »

Rune songea bien à saboter son travail, pour que son nouveau supérieur soit déçu et le renvoie sur le champ à son ancienne place… Mais peine perdue, son caractère consciencieux l'en empêchait tout
simplement. Sa droiture prenait le dessus sur ses envies. Faire une faute professionnelle ? Pourquoi pas, mais après il aurait un blâme… et à vie, non, sur toutes ses vies futures. Aucune solution ne venait frapper à la porte de son esprit.


Minos de son côté en était à son sixième procureur remplaçant. Son niveau d'exigence était telle, que jamais personne ne lui convenait, de plus il avait mit en place un long et laborieux chemin de croix pour ses nouveaux employés. En effet, pour lui, il fallait impérativement que son nouveau procureur fasse ses preuves pour pouvoir accomplir les missions que Minos lui confierait. C'est donc un parcours du combattant qui attendait les nouveaux. Semé de sarcasmes, de rabaissements en tout genre, de demandes farfelues, de crises à gérer, et de sombres colères à endurer, et aussi quelques petites tortures par ci, par là… C'était bien la moindre des choses pour collaborer avec le deuxième juge des Enfers, nan ?

Encore ce matin, on vit partir en courant et en pleurant un sixième intérim prenant ses jambes à son cou. Personne ne voulait lui succéder… Cela faisait trop peur de se retrouver en tête à tête avec le juge marionnettiste, en privé en plus… Sans témoin pour attester des tortures qu'il faisait subir à ses employés.

Minos rumina en lui-même.

« Mais qu'est-ce qu'ils ont tous à la fin à abandonner leur poste ? C'est pas la mort quand même ? Ils ne peuvent plus supporter quelques remarques ? Le bon personnel se perd… ».

Il soupira à l'évocation du souvenir de Rune. Lui au moins il connaissait son travail, et ses priorités, et il vouait une dévotion quasi satanique pour sa petite personne. Le moins que l'on puisse attendre de ses soldats. Minos adorait se sentir admiré, il en retirait une joie incommensurable.

« Que faire pour le reprendre ? Si seulement je n'avais pas écrit cette recommandation à Rhadamanthe ! Pfff… Je pourrais peut être le discréditer à ses yeux… Lui énumérer toutes les conneries qu'il a faites à ses débuts ? Non, ce vieux rosbif n'écouterait rien, il est trop borné. Maintenant il l'a, il va le garder »

Cette journée aux Enfers fut interminable et épouvantable au possible. En effet d'un côté il y avait eu des centaines d'âmes qui étaient arrivées d'un coup pour leurs jugements, et ce, faute à quelques tueries de part et d'autre de la Terre. Au moins qu'elles se fassent les unes après les autres mais pas en même temps ! Donc il a fallu dispatcher les morts entre les trois tribunaux, Eaque étant de mauvaise foi sema la pagaille. Il disait ne pas vouloir de jugements supplémentaires parce qu'il avait effectué son quotta du mois.

Donc Minos dut taper du poing sur la table pour faire respecter son opinion, et entre un Eaque de mauvaise fois inqualifiable et un Rhadamanthe bourru et colérique il fallait avoir de la patience… Et puis après comme si tout ceci ne suffisait pas, son huitième procureur avait claqué la porte pour dépression nerveuse, le laissant en plan. Et autre mauvaise nouvelle, Cerbere avait dévoré une poignée de spectres en se trompant, il croyait croquer des damnés. Il fallait donc faire le listing de ceux-ci et retrouver leurs membres pour pouvoir les réincarner au plus vite !

Sans était vraiment trop pour le Griffon, il allait perdre le restant de ses neurones à cette allure ! Il lui fallait vite quelqu'un qui pourrait prendre la relève ! Un autre Griffon peut être… Qu'une autre âme tourmentée prenne sa place ? Ou alors… Ou alors, que tout simplement les choses redeviennent comme elles étaient avant… Avant que Rune ne demande sa mutation… Oui, lui, le sauverait de cette pagaille sans nom !


Il déambulait dans les couloirs du Tribunal vides à cette heure tardive, quand il vit apparaître pour disparaître aussi vite, une étole blanche virevolter au gré de l'air… Cette touffe blanche c'était… Rune surement. Dans un accès d'impulsivité qui n'était pas accoutumée, Minos pressa son pas pour rattraper cet inconnu. Il tourna à droite au détour d'un croisement pour ne plus rien voir. Puis il entendit s'éloigner un bruit de pas. Aussitôt il se mit à courir en direction de ce bruit. Il courrait de plus en plus vite, dans ces couloirs froids. Il courait comme un dératé en à perdre haleine, heureusement qu'il n'y avait plus personne pour le voir dans une telle situation, cela aurait été embarrassant. Après quelques sprints, trois bifurcations, et une perte de chemin, il l'aperçut enfin, Rune qui marchait fièrement, arpentant les dédales de marbres gris comme si ce palais lui appartenait.

Pour ne pas qu'il s'échappe à nouveau, d'un coup, d'un seul geste, Minos tendit son bras pour attraper l'épaule de son collègue. Il le retint fermement l'appelant par la même occasion.

Rune sentit un pas pressant s'avancer jusqu'à lui, il ne savait pas qui était-ce ce spectre qui le poursuivait de la sorte. Il n'avait pas que ça à faire, sa journée à lui aussi avait été catastrophique, il souhaitait rentrer dans ses appartements le plus vite possible.

Rhadamanthe avait été exécrable avec tout le monde. Gueulant pour un oui, pour un nan, revendiquant son droit de premier juge d'avoir des petits chocolats à la menthe avec son café (toujours son obsession de l'After eight). Devant ranger pour la énième fois le chantier que son supérieur avait fait en gesticulant et en faisant tomber tous les dossiers. Il avait du aussi aller chercher Pharaon qui c'était perdu dans la septième prison suite à l'accès de folie du chien des Enfers. Enfin, une journée épuisante comme on en veut pas d'aussitôt !

Il voulait aller se reposer. Mais là, une main impromptue le retenait par l'épaule. Une main qu'il ne reconnue pas. Puis cette voix, si suave, si glacière, son prénom prononcer par la seule personne avec un accent pareil au sien… Minos… Son beau Minos qui le coinçait dans le palais vide. Une incompréhension et un flot de questions affluèrent à son cerveau.

Il se retourna pour faire face à son ex juge. Il tentait de reprendre son souffle, quelques mèches rebelles venaient lui manger ses yeux comme habituellement. Il était terriblement craquant. Bref, Minos prit la parole haletant :

-« Bon sang Rune ! Tu me fais courir, je n'ai plus l'âge pour ça… »

-« Pourquoi vous me courez après de la sorte ? J'ai fais quelque chose d'incorrecte ? »

-« Nan… Comment ça ? Non, je t'ai vu traverser le palais, j'ai voulu te parler pour savoir comment ça se passait avec ta nouvelle affectation c'est tout… »

-« Ah »

-« Bon… Alors ça se passe comment ? »

-« Quoi ? »

-« Tu le fais exprès pour m'énerver ou quoi ? Ta nouvelle affectation que je te demande ! Oh hé Rune je te parle ! »

-« Et bien ça se passe c'est tout »

Minos commençait à s'emporter un tant soit peu :

-« Tu es toujours autant explicite dis-moi ! Tu ne changes pas… Bon, tu ne veux pas me le dire alors si je comprends bien, de comment ça se passe chez Rhadamanthe… »

-« Mais c'est parce qu'il n'y a rien à dire seigneur Minos… J'ai pris mes nouvelles fonctions, et le seigneur Rhadamanthe semble content de mon travail »

-« Tu t'entends bien avec tes nouveaux collègues ? Il y a Byaku qui me demande de tes nouvelles régulièrement »

-« Ah… Il peut venir me voir quand il veut, je ne suis pas mort… Et oui ça se passe bien avec tout le monde… Pourquoi me posez-vous ces questions ? »

-« Pour savoir je te l'ai dit. Je connais le tempérament de mon frère, et je connais ton côté sensible, je me demandais si tu arrivais à gérer »

-« C'est sûr qu'il n'est pas comme vous… Mais je m'en sors merci de vous inquiétez »

-« Et sinon, ton travail te plait, tu ne regrettes pas trop le deuxième Tribunal ? »

-« Oui j'adore ce que je fais c'est passionnant ! Le seigneur Rhadamanthe à une approche novatrice en ce qui concerne la stratégie et de comment mener ses hommes aux combats. Il a des théories fascinantes à ce sujet là ! D'ailleurs je mène des recherches pour lui… »

Le sourcil de Minos sembla se soulever d'impatience. Une mine renfrognée le gagner également, il pensa intérieurement.

« Ca y est on y est ! Et vas-y que je lui jette des fleurs, et Rhada gnia ! Pfff j'ai bien fait d'ouvrir ma bouche, j'en ai pour une heure ! »

Il fut interrompu dans ses ruminations par la voix douce de Rune le questionnant :

-« Et pis vous, ça se passe comment avec mon nouveau remplaçant si je puis me permettre ? »

Le coup de grâce comme on dit, Minos répondit dépité :

-« Oh ça… Eh bien, j'en suis à mon huitième procureur, enfin neuf si je compte le spectre qui s'est présenter devant moi et qui est allé se jeter directement dans le l'étang de sang bouillonnant en découvrant que j'étais son nouveau dirigeant… Je n'arrive à garder personne, personne n'est à la hauteur ! »

Rune rit à la nouvelle, un rire cristallin, fin, comme lui seul sait le faire.

-« Oh ça c'est normal seigneur Minos… Tout le monde a peur de vous et de votre réputation de juge sadique, cruel, pervers, vicieux, malsain, infernal, perfide… »

-« Bon ça va ! Je te remercie Rune pour ces précisions ! Mais tu n'es pas obliger d'énumérer tous mes défauts merci ! »

-« Mais ce ne sont pas des défauts ! Moi… J'aimais bien ces qualités… Et puis, vous n'êtes pas aussi mauvais que vous voulez bien le faire croire… J'ai appris à vous connaître en quatre milles ans ! »

-« Et tu n'as plus peur de moi toi ? »

-« Bien sûr que non ! Au tout début si évidement, mais pas au fils des ans… Vous savez, il n'y a que moi je crois bien qui arrive à vous supporter, avec tout le respect que je vous dois »

Minos se mit à rire également. Ce n'est pas souvent qu'on pouvait entendre notre Griffon malveillant rire de la sorte. Mais en compagnie du Balrog il se sentait libérer, à son aise.

-« Tu as raison, avec tout ce que je t'ai fait subir pendant toutes ses vies ! Les autres n'arrivent pas à tenir une semaine, c'est lamentable. Tu es bien le meilleur… »

A l'énoncé de cette phrase les deux hommes s'arrêtèrent net de rigoler. Rune afficha un teint rosi par le compliment, et Minos baissa sa tête pour cacher sa gêne, il venait de faire un compliment ! ! ! Lui !

Malgré ce qu'il voulait enfouir au plus profond de son être, le juge éprouvait bien quelques sentiments envers son ex procureur. Il ne savait pas si c'était de l'amour ou non, ne désirant pas approfondir ce terrain, mais une certitude néanmoins, il éprouvait de l'admiration, du respect, de la reconnaissance et une pointe de possessivité envers lui. Il le considérait comme son égal et non comme un sous fifre ce qui était déjà énorme pour le juge ignoble qu'il était.

Il désirait plus que tout que Rune reste à ses côté au deuxième Tribunal, pour supporter ses colères, ses revendications, ses sautes d'humeurs et aussi ses fous-rires que seuls eux pouvaient avoir quelques fois. Des rires complices, des conversations dérisoires, ou intéressantes. Des confidences aussi plus rarement… Rune était, et « est » un allié précieux ! Il ne veut pas s'en séparer ! Il n'appartient qu'à lui !

Soudain, Minos eut une illumination, il demanda d'un ton pressé :

-« Dis Rune ! Ca te dérangerait si je demandais à notre majesté de te faire revenir sous ma juridiction ? Je ne m'en sors pas, toi seul connais le travail et toi seul sait ce que j'attends d'un bon procureur ? C'est urgent, mon tribunal part en vrille depuis que tu es parti ! »

Rune n'en croyait pas ses oreilles ! Feintant une excuse à la noix, mine de rien, l'honorable Griffon d'argent lui demandait, le suppliait presque de revenir vers lui ! Revenir vers lui… Tous les jours, comme avant… Prendre ses pauses café avec Minos, discuter de tout et de rien… Travailler tard le soir en sa compagnie, rattraper le retard sur les jugements. Sentir ses longs cheveux de neige tomber sur son épaule quand il se penchait sur lui… Revoir ses yeux perçants se poser sur lui… Ca serait tellement bien oui…

Rune s'enquit :

-« Mais pour le seigneur Rhadamanthe ? Qu'est-ce qu'il va dire ? Il ne me laissera pas partir ? »

-« Ne t'inquiètes pas pour ça Rune. Si c'est moi qui en fais la demande, il n'y trouvera rien à redire, surtout si c'est Hadès qui lui en donne l'ordre. Il faut seulement que je demande un entretien à sa souveraineté et le tour est joué ! »

-« Je ne sais pas… C'est un honneur que vous me faites, mais j'abandonnerais le premier Tribunal et… »

-« Tu te poses trop de questions Rune… Veux-tu revenir vers moi ? »

-« Eh bien… c'est que… »

-« Je sais je t'ai mal considéré, plutôt je ne te l'ai pas assez montré. Pour te prouver ma bonne fois, je m'engage à t'augmenter, à revaloriser tes points de carrières, te donner des RTT, et deux semaines de vacances supplémentaires. Et je t'affecterais aussi une petite troupe de spectres rien que pour toi, ça sera la Rune-team, qu'en dis-tu ? »

-« Eh bien c'est d'accord alors ! Merci seigneur Minos ! Je suis content de revenir, et surtout de remettre de l'ordre dans le bazar que vous avez dû laisser… »

-« Oui, tu vas avoir de quoi t'occuper… »


Là dans cette salle d'audience qui lui était si familière, Rune était satisfait. Satisfait de retrouver son Griffon machiavélique. Son air (faussement) austère, son attitude intransigeante, acide, ses remarques tranchantes. Lui quoi ! Il se sentait à sa place, près de son tendre tortionnaire. Même si la tournure des évènements n'avaient pas prit le chemin des sentiments, ma fois, il gagna toute l'admiration de Minos, et seul lui l'avait obtenue… Il se résigna (pour le moment) à ne pas reparler de sentiments ou autres, et de se contenter d'apprécier les moments qu'ils passaient paisibles avec son Griffon. On verra par la suite.

Là dans cette salle d'audience assit à côté de son doux procureur, Minos était apaisé, il avait retrouvé un allié précieux… « Son » procureur à lui, rien qu'à lui… Son Balrog teigneux, psychorigide qu'il affectionnait tant. Ses iris mauves où transparaissait tout l'amour qu'il éprouvait pour sa personne. Minos avait mis des siècles à les contourner ses prunelles lavandes, mais désormais il y faisait face, ne tournant plus la tête, mais en les affrontant. Ses yeux emplis d'étoiles quand il le voit lui… Minos n'avait jamais pensé à Rune de cette façon, mais… Peut être qu'un jour… Dans quelques réincarnations, son point de vue changera. Pour le moment il l'avait récupérer, et seul comptait cette finalité.

A voir la situation comme ceci, on pourrait penser que rien n'a changé finalement, mais au contraire. C'est quand on perd quelque chose à laquelle on ne prête plus aucune attention, qu'on se rend compte qu'elle était tout pour nous. D'avoir laissé s'échapper Rune, ne fusse que pour un temps, a permis à Minos de constater qu'il lui était très précieux, et ça, bien plus qu'il ne voulut l'admettre…

FIN