Chapitre 3
Requiem romantique
Le lendemain matin en trombe, Thanatos débarqua devant son souverain pour ramener son frère avec lui. S'en suivit une dispute mémorable, tous les spectres entendirent leur dieu hurler aussi fort qu'il le put. Il passa un savon grandiose au dieu de la Mort en lui interdisant de voir, d'approcher son frère jusqu'à nouvel ordre, ni de mettre un pied aux Enfers sous peine de bannissement.
Tout le monde eut vent de cette histoire mais personne n'en connaissait la véritable raison. De son côté Mime fut content de savoir le dieu du Sommeil en ces lieux, il pourrait rejouer avec lui. Mais la déité perdit son éclat, il devint sombre, mélancolique. Mime en resta troublé, il n'aimait pas le voir dans cet état là. Il voulait lui redonner le sourire – dans la limite où le blond souriait. Il errait comme une âme en peine dans tout le royaume, allant se réfugier vers la Cascade de sang pour la contempler pendant des heures. Tout le monde s'inquiétait pour lui, Hadès même malgré les élans de cosmos apaisant ne pouvait le réconforter. Il fallait laisser les blessures cicatriser.
Un jour comme les autres où Hypnos était devant la cascade sanguinolente, Mime le rejoignit. Il ne supportait plus de voir ce dieu aussi bouleversé. Le voir ainsi, perdu, aussi fragile qu'un homme, le toucha au plus profond de son être. Sans réfléchir, dans un élan d'émotion il s'avança derrière lui et le prit dans ses bras, se collant ainsi à lui, comme pour le réchauffer. Son cœur tambourinait dans sa poitrine, même dos à lui Hypnos pouvait le sentir. Ce cœur si généreux. Il reconnut les mains blanches, tellement fines de l'homme qui le serrait contre lui. Il n'en revenait pas, il ne s'attendait pas à ça.
Mime prit la parole d'une voix douce.
— Je n'aime pas vous voir si triste… Et j'attends qu'on puisse rejouer ensemble de la musique comme l'autre fois…
Juste avec ces quelques paroles le cœur du blond se réchauffa un peu. Il pouvait s'enivrer de ce parfum si particulier d'embruns marins, de cette odeur délicieuse. Il pencha sa tête en arrière et sentit dans son cou la douce caresse des cheveux de Mime contre sa peau. Ils restèrent ainsi blottis des heures entières, sans un mot. Juste cette présence réconfortante et protectrice…
Oui, Mime possédait les atouts nécessaires pour pouvoir protéger quiconque.
Hypnos reprenait des forces petit à petit. Son moral s'avérait moins morose. Il se remit à jouer de la flûte avec son harpiste préféré et passait le plus clair de son temps avec lui. D'abord pour lui faire plaisir, il se força à reprendre les séances musicales, puis il fut étonné de les trouver plaisantes. Le voir ainsi tous les jours lui apportait plus qu'il ne l'aurait cru.
Au tout début il voulut s'amuser, découvrir la sensation que l'on pouvait ressentir avec un humain. Mais là, en vue des évènements qui c'étaient produit, il voyait Mime sous un autre angle… Il ne prétendait plus l'avoir à tout prix comme avant, il laissait les choses se faire. Le contact physique ne l'intéressait plus pour le moment, il désirait seulement la présence de cet humain si bon. Sans se l'avouer il espérait encore que le bel éphèbe le prenne dans ses bras comme l'autre jour… Pouvoir ressentir son corps contre le sien, seulement. Les deux individus se dévoraient des yeux pendant leurs répétitions sans s'en apercevoir. Mime pour qui les sentiments demeuraient inconnus, adorait regarder le visage apaisé du blond quand il jouait. Son air détendu, il pouvait alors apprécier à sa juste valeur la beauté de son visage.
Un visage parfait aux lignes exquises, une mâchoire fine mais masculine, un nez aquilin, une bouche étirée mais terriblement sensuelle, rose, pâle comme deux coquillages nacrés. Deux yeux scintillants comme le soleil, il représentait le jour et son frère la nuit. Le jour baigné par un radieux soleil qui illumine un champ de blé, voilà ce représentait Hypnos pour Mime sans le savoir. Ses prunelles d'or il adorait les contempler. Et ses cheveux de la même couleur le rendaient lumineux. Il se révélait être le plus beau dieu de la mythologie, plus beau qu'Apollon lui-même.
Mime était inspiré par cet individu divin, seul il écrivit un morceau dédié à ce dieu lumineux. Oui, il le trouvait lumineux, irradiant les Enfers par sa présence, son cosmos. Il était en chair et en os lui au moins, pas comme Odin. Un vieux bourrichon barbu que personne n'a jamais vu. Comment peut-on vénérer un dieu que personne n'a jamais vu ? Au moins, les trois dieux résidents aux Enfers étaient là eux. Et ils pouvaient aimer, protéger leurs spectres tous les jours, en personne.
Hypnos était bien réel… L'incarnation de l'astre stellaire en personne. Et en plus il l'inspirait comme jamais une belle naïade ne l'avait fait. Il composa un requiem en l'honneur du blondin. Le requiem de Mime. C'était son œuvre. Il le cacha en lieu sûr, dans un tiroir de sa commode. Il voulait le jouer en secret, le gardant pour lui jalousement.
Hypnos reprenait peu à peu confiance en lui et à ce monde ingrat. La présence du guerrier d'Asgard le rassurait, l'enveloppait de douceur. Il respirait à nouveau la paix et la sérénité. Ce matin encore, il réquisitionnait la salle de musique avec son acolyte. Sans s'en rendre compte il émanait de sa personne une aura sublime, il rayonnait vraiment et Mime ne put s'empêcher de prononcer à voix haute ses quelques mots.
— Vous êtes splendide…
« Quoi !? Est-ce que j'ai bien entendu ? C'est bien ce jeune homme timide qui m'a dit ça à moi ? »
Hypnos stoppa net ce qu'il était entrain de faire et planta ses prunelles dorées éberluées dans celles troublées, fuchsia. Il n'en revenait pas. Il voulait entendre ses paroles à nouveau, encore et encore…
« Dis le moi encore, mon petit musicien adoré… »
Il le questionna empressé.
— Quoi ? Qu'est-ce que tu as dis Mime ? Je n'ai pas bien entendu ?
— Hein ? Euh… Rien… Pardon, j'ai rien dit…
— Si ! Tu as bien dit quelque chose !
— Mais non… non, je vous assure.
Tout penaud, le guerrier rentra sa tête dans ses épaules et n'osa plus soutenir le regard du dieu. Celui-ci éprouva une impatience grandir tout à coup. S'en était trop pour son petit cœur insensible. Il ne pouvait se rétracter comme ça ! Lui donner de l'espoir puis pouf, lui reprendre !
Il laissa son instrument, le posa sur le présentoir et se leva, s'approcha doucement du jeune homme. Et toujours d'un geste délicat il prit son menton dans sa main, le forçant à lui faire face. Ses yeux étincelaient, son teint si diaphane d'habitude était coloré de rose. Hypnos lui, ne se doutait pas un instant que son charisme faisait chavirer le cœur du petit harpiste.
— Ce n'est rien alors… Mais… J'ai aimé te l'entendre dire… Mime…
— Oui seigneur Hypnos ?
— Mime… oh Mime…
Son visage se pencha sur l'autre, sa bouche s'entrouvrit comme une plainte, ses yeux se fermèrent, ses lèvres frôlèrent à peine celles d'en face, un contact aussi léger qu'une plume… Trop léger, car le petit orangé apeuré se recula promptement et fit volte face. Il se sauva précipitamment par la grande porte en chêne, son cœur battant à s'en rompre la poitrine, son ventre faisant des nœuds sur lui-même, une chaleur toute nouvelle émanant de son bas-ventre qui remontait partout.
« Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il lui a pris ? Pourquoi moi ? Pourquoi lui et maintenant ? Pourquoi je me suis enfui ? J'en ai envie… Est-ce que j'en ai envie ? Oui… Oui j'en ai envie ! J'ai envie d'être avec lui, tous les jours. J'ai envie de sentir sa présence calme, j'ai envie de me blottir dans ses bras, comme l'autre fois… J'ai envie de sentir ses mains sur moi, qu'il me touche… Et… Et je crois que j'ai envie qu'il m'embrasse… Sa bouche… Sa bouche si sensuelle… J'ai envie de la goûter. »
On aperçut juste une tornade orange dévaler les longs couloirs du palais pour aller se réfugier dans sa chambre. Il fallait qu'il reprenne ses esprits. Mais il n'y arriva pas et passa le reste de l'après-midi morose à penser au bel apollon divin.
« Il était là, à portée de main et j'ai tout gâché ! J'ai tout gâché en voulant forcer le destin, en voulant le forcer comme… Comme… Non c'est trop affreux d'y penser… Non ! Je ne veux pas être un monstre comme lui… Comme celui qui m'a… Qui m'a… Violé. Ce frère qui m'a violé ! »
En se remémorant cette nuit cauchemardesque, le dieu fondit en larmes s'en pouvoir s'en empêcher, seul dans cette immense salle bien vide.
Mime, de son côté détecta le cosmos ruiné d'Hypnos. Ils étaient connectés sans trop savoir pourquoi, mais il se sentait coupable de lui avoir fait du mal. C'était de sa faute si son nouvel ami avait de la peine en ce moment…
« Je l'ai blessé ! »
Le dîner du soir fut bien morose pour les deux personnages. Assis l'un en face de l'autre, Hypnos ne parlait pas ni de daignait jeter un regard vers son vis-à-vis. Il restait cloisonné dans sa bulle encore révolté de ce qu'il faillit faire… Il avait failli forcer un être aussi délicat à se donner à lui… Qui sait ce qui aurait pu arriver s'il ne s'était pas enfuit ? Est-ce qu'il aurait pu résister à cette tentation ? Est-ce qu'il aurait été aussi cruel que son frère ? Il ne le méritait pas après tout… Après tout il devait juste rester vers son jumeau, ne côtoyant que lui.
Mime était bouleversé de l'attitude distante de l'autre. Il pensait que la cause de ce mutisme résidait dans le refus de ses avances et de son échappée de l'après-midi. Une échappée aussi digne d'une pucelle effrayée. Mais c'est ce qu'il était il fallait se rendre à l'évidence.
« Mon pauvre, tu es pitoyable. Tu ne connaîtras jamais l'amour si tu te sauves comme un lâche. Il voulait juste t'embrasser et te prendre dans ses bras. De quoi tu as peur ? »
Toute la soirée il lança des regards perdus au blond, comme pour lui demander de venir le sauver… Oh il les avaient vus, ses regards larmoyants, suppliants, pleins d'incompréhension… Cela lui causait encore plus de douleur. Le détruisant encore bien plus. Il ne fallait plus qu'il s'approche de ce jeune éphèbe, sinon ça finirait mal… La soirée se termina sans aucune note positive, chacun repartit dans ses appartements, chacun avec son propre questionnement.
Les jours qui suivirent restèrent sur le même ton : l'incompréhension la plus totale. Hypnos évitait son orangé de peur de perdre la tête et de lui sauter dessus. Et inversement, l'orangé n'osait pas aller s'excuser de son attitude de dégonflé par manque de courage.
Quand le guerrier d'Odin eut des bruits de couloirs lui revenir aux oreilles, la peur le prit par surprise. Il entendit Eaque discuter avec Rhadamanthe sur le fait que le dieu du Sommeil parlait de repartir auprès de son frère et de ses préparatifs. La peur démangea tout le corps de Mime. Il était détruit, il allait repartir comme ça et il n'allait plus le voir. Du jour au lendemain ! Comme ça, comme s'ils ne se connaissaient plus.
Sa poltronnerie le conduisit à la répulsion de l'être le plus cher à son cœur. Pourquoi diable était-il aussi bête ? Ce n'était pourtant pas compliqué d'avouer ce qu'on éprouvait ? Ou tout du moins, de se laisser faire quand l'homme que l'on désir le plus tente de nous embrasser.
« Il faut te réveiller petit Mime. Réveilles-toi sinon tu vas le perdre à jamais. Tente au moins quelque chose ! Tu es un guerrier divin. Tu as été élevé à la dure avec un père que tu croyais détester. Allez bouges-toi non d'une pipe en bois et vas le voir ! »
Animé par un élan de bravoure, l'orangé enflammé, déboula une fois de plus dans les couloirs du palais et alla directement à la chambre prestigieuse du dit dieu. Il frappa avec conviction presque à en casser la porte.
— Ouvre Hypnos je veux te parler ! Ouvre dépêches-toi !
« Quoi ? Que veut dire cette comédie ? Qui ose me donner des ordres comme cela ? ». Il reconnut la voix cristalline de son harpiste. « C'est lui qui tambourine comme ça à ma porte ? ʺ Dépêches toiʺ, il me tutoie c'est la première fois ? ».
Interloqué il finit par ouvrir la porte.
— Pourquoi tu frappes comme un forcené ? Qu'est-ce que tu me veux d'abord ? Je n'ai pas le temps !
— Oui je sais, tu te sauves ! Tu retournes à Elysion. Et sans me le dire. Pourquoi tu t'en vas si vite ?
— Qu'est-ce que ça peut bien te faire à toi ? Dis-moi ! Tu n'en a rien de faire de moi je l'ai bien compris ! Alors pars, laisse-moi tranquille.
— Tu préfères retourner vers ton frère, celui qui t'as fait autant de mal ? Pourquoi, tu l'aimes donc à ce point ? Au point de tout accepter de lui ?
Hypnos n'en crut pas ses oreilles. Comment savait-il ? Ses sentiments se bousculaient dans son fort intérieur, c'était une tornade dévastatrice. Le petit candide le mettait face à ses émotions, pures et dures. Aussi simple que ça. Le blond rétorqua vivement.
— Cela ne te regarde pas la relation que j'entretiens avec mon frère. Tu y connais quoi exactement en lien fraternels ? Tu n'as pas de jumeau que je sache.
— Non mais j'ai des amis qui le sont… Et j'ai vu tout le mal qu'ils se sont fait ! Et je le reconnais quand je le vois.
— Cela ne te concerne pas, vas t'en !
— Non !
— Tu me veux quoi à la fin !? Tu me repousses et tu reviens me chercher à présent.
— Oui et alors ! Je n'ai pas le droit d'être surpris aussi ? De me poser des questions ?
Le souverain resta prit de stupeur, quel aplomb maintenant, un aplomb qui émanait de cette petite personne aux apparences fragiles… Là il défiait un dieu lui-même. Sans peur des conséquences.
— Bon laisse-moi je te dis, il faut que je finisse de préparer mes affaires, apprit résigné Hypnos.
La porte claque mais il entendit derrière celle-ci tambouriner.
— Imbécile ! Tu n'es qu'un imbécile, un crétin ! Tu ne vois donc rien ?
Les coups redoublèrent puis plus rien. Le blond était adossé à cette porte qui mettait une barrière entre lui et celui qu'il désirait. Non il ne pouvait pas lui courir après, il ne pouvait pas l'aimer. D'une, parce qu'il avait peur de ses propres réactions et de deux, parce qu'il avait peur pour Mime… Peur de la colère de son jumeau s'il apprenait l'amour qu'il ressentait pour cet homme, et donc la souffrance qu'il lui infligerait… Parce que Thanatos se vengerait à coup sûr. Il souhaitait donc le préserver, préserver cet amour secret et ce cœur pur.
Mime aussi ressentait de la peur. Peur pour Hypnos. Peur de le voir se forcer à retourner dans sa tour divine et ce par sa seule faute. Parce qu'il le blessa. Il ne pouvait se résoudre à le laisser s'en aller, à se sacrifier. Il se doutait bien que le dieu de la Mort avait commis un acte horrible, mais il ne s'imaginait pas à quel point. En tous les cas, il ne se résignait pas à laisser Hypnos rejoindre ce dieu cruel, ignoble qui aimait faire souffrir son propre frère. Cet être si lumineux, si brillant… Il allait perdre son éclat, il allait devenir un dieu du Sommeil sombre teinté de cauchemars… Mime visait à le voir plein de beaux rêves mélodieux, emporté par la musique, par cette passion qui les unissaient.
Il fallait faire quelque chose, un acte irréfléchi, suivre son instinct au risque de perdre la face, mais bon tant pis, il ne risquait pas la mort.
Alors il tenta de prendre courage, en tournant en rond dans sa chambre jusqu'au moment du soupé. Il le vit attablé encore triste, accablé. Il ne pouvait pas le laisser comme ça, c'était la dernière chance de le garder. A la fin du repas, Hypnos partit s'isoler sur la grande terrasse du palais qui donnait en face des champs de l'Erèbe. Il profitait de ses derniers instants de liberté. Le harpiste alla dans sa chambre chercher sa partition écrite pour lui, juste pour lui, inspiré par lui… Il revint en courant vers son soupirant, qui lui tournait le dos. Le blondin sentit cette présence mais à présent elle était différente des fois d'avant… Un cosmos brûlant émanait de ce corps frêle, un cosmos déterminé, empli de troubles. Sans se tourner, le blond lança.
— Tu es revenu à la charge ? Tu n'as pas compris ?
— Compris ? Mais compris quoi ? Il n'y a rien à comprendre. Et tu vas m'écouter maintenant ! Dieu ou pas dieu je m'en fiche. Tu n'auras aucune excuse !
Décidément, ce personnage le surprenait de jour en jour, il osait élever la voix et insulter un Dieu. Mais il l'écouta, parce que son envie subsistait d'entendre certaines paroles prononcées par son harpiste. Il ne pouvait espérer de telles paroles…
Mime continua.
— Je l'ai composé pour toi ! Rien que pour toi ! Parce que… Parce que… Tu m'inspires et que j'aime te voir rayonner, quand tu souris et que ton visage illumine la pièce ! Et je ne veux pas que tu deviennes un dieu insensible, sombre comme ton frère ! Je ne veux pas ! Et je veux que tu me prennes dans tes bras ! Et que tu m'embrasse !
Le sol sembla se dérober sous les pieds d'Hypnos. Ces mots qu'il n'espérait pas entendre de cette bouche. Ils les lui disaient là, sans gêne, sans peur. Ses mots qui résonnaient comme la plus douce des litanies uniquement pour lui. Il se retourna, sans qu'il puisse prononcer un mot Mime continua.
— Tiens ! Regarde ! Je l'ai écris pour toi. Un requiem. Reste. Reste ici. Reste avec moi.
Le corps d'Hypnos ne lui répondit plus. Ses jambes avancèrent toutes seules jusqu'à l'effronté. Ses bras se tendirent vers lui et l'amenèrent contre son torse. Ils le serraient, le serraient à lui broyer les os, tellement fort, tellement fort parce qu'il l'avait désiré ardemment. Sa bouche se posa sur son front, glissa dans ses cheveux de feu, son nez huma cette odeur entêtante. Il aurait pu rester comme ça pendant des millénaires, savourant le corps de cet homme contre le sien. Mais ce fut l'autre qui prit les devants, parce qu'il en avait terriblement envie aussi… Alors Mime resserra plus son emprise sur les hanches divines, remontant ses mains dans son dos. Libérant son visage et le plongea face à l'autre. Il entrouvrit la bouche pour faire comprendre au blond qu'il était prêt, et qu'il le voulait vraiment. Il ferma les yeux, attendant son délicieux châtiment. Hypnos était captivé par la vue qui s'offrait devant lui, son petit harpiste se donnant à lui, animé par un désir grandissant, la bouche tremblante prête à accueillir la sienne…
Il se pencha lentement, très lentement pour apprécier le plus longtemps possible ce moment, puis il posa ses lèvres sur celles suppliantes de Mime. Un contact sensuel, presque irréel… Il approfondit le baiser instantanément et alla directement plonger sa langue dans la bouche adverse. Un baiser langoureux s'échangea, les mains se firent plus impatientes, s'agrippèrent tour à tour dans les chevelures d'or et de feu. Le soleil qui s'entoure de flammes ardentes. Le soleil se parant du feu incandescent de la passion.
Les deux soupirants ne se contrôlaient plus, les baisers devinrent plus insistants, plus pressants, plus brûlants. Mime intimidé se collait de plus en plus au corps de son Apollon. Il voulait aller plus loin, beaucoup plus loin… Sans s'en rendre compte, comme si son corps maîtrisait ses pensées, il passa sournoisement sa main en dessous de la toge noire pour découvrir la peau de la divinité. Il caressait effrontément les muscles à peine dessinés du torse, les abdominaux qui se contractaient sous l'intrusion. Descendait dangereusement jusqu'aux hanches, tout le corps d'Hypnos frémissait sous ses assauts. D'un coup, il pencha la tête dans un signe d'extase. Mime venait de franchir le point de non retour, en effet il s'attaquait à présent à ses attributs masculins sans vergogne de sa main. Intiment des mouvements lents à l'en faire s'évanouir. C'était tellement voluptueux, Hypnos voulait qu'il aille plus vite, mais son harpiste ne l'entendait pas ainsi. Il écarta les pans de la toge, s'agenouilla devant lui et enserra l'épée du pêché avec sa bouche, lui offrant un fourreau de satin.
Toujours avec ce rythme lancinant, il se délectait de cette nouvelle sensation, de ce goût qui se déversait dans sa gorge. Les yeux mi-clos, prit dans ses caresses buccales il était d'une beauté en en damner un saint. Poussant des petits gémissements tour à tour discrets, puis plus sonores. Il allait plus vite à présent, l'excitation devait le gagner aussi, il voulait l'avoir en lui, lui procurer la plus intense jouissance possible. Il suçotait, embrassait, léchait la verge d'Hypnos avec avidité, comme s'il lui appartenait.
Hypnos résidait hors du temps, hors de l'espace. Ses doigts crispés dans la chevelure de feu, exprimant tout son plaisir. Il n'en revenait toujours pas de la scène qui se déroulait là maintenant. Il ne voulait pas que ça aille aussi vite, pas tout de suite. D'un coup il repoussa la bouche coquine, s'agenouilla à son tour, et reprit ses lèvres pour le dévorer à son tour. Pour lui faire comprendre qu'il était heureux de l'initiative de son petit candide.
— Arrête… Tu me rends fou… Je ne vais pas tenir…
Tout en prononçant ces paroles il fut débarrassé de ses vêtements, et lui aussi déshabilla son amant, ils glissèrent au sol dans un bruit de froissement. Les peaux pouvaient se toucher, les corps s'unirent sous la présence discrète de la lune artificielle, seule témoin de leurs ébats.
Les deux amants allongés sur leurs toges qui leurs servaient de lit d'amour, éclairés par cette astre nocturne pouvaient se laisser aller en toute liberté. Hypnos, dominant Mime, se caressait contre lui de tout son corps. Sinuait au rythme de son bassin, les peaux se frottaient sans pudeur, les corps s'unissaient, les respirations se saccadaient, les cris perçaient dans la nuit. Leur ébat nocturne représentait un tableau magnifique, presque onirique.
Au bord du gouffre, Mime jouit précipitamment tant son plaisir fut intense. Hypnos, un air mutin collé au visage lui chuchota.
— Non, non mon petit trésor… Je n'en resterais pas là…
Il reprit ses baisers pour cajoler son adoré. Toujours plus forts, toujours plus ardus, pour lui arracher des cris d'amour. Pour qu'il revienne à son excitation. Ses mains se posèrent partout sur lui. Prirent à leurs tours cette partie tant convoitée de son anatomie pour lui en imposer ses attouchements. Ils étaient passionnels, gargantuesques. Lui aussi voulut goûter ce pécher originel. C'était bon de le voir ainsi se tortiller sous ses coups de langue. Le sentir frémir dans sa bouche. Sentir son membre se tendre sous la pression. Les sens enivrés il put enfin le faire sien.
Enfin il put s'engouffrer dans cette antre délicieuse. Fine, étroite, moite. Au fur et à mesure de son intrusion il sentait les muscles se contracter, entendait son partenaire haleté de douleur. Doucement, tout doucement pour ne pas le déchirer, pour qu'il puisse apprécier sa présence. Il pressentit que c'était le bon moment, quand les mains du jeune harpiste agrippèrent ses hanches comme une supplication… Une supplication qu'il aille encore plus loin.
— Est-ce que tu es prêt mon petit harpiste… ? questionna Hypnos
— Oh... Oui… Oui... Viens me chercher…
Alors Hypnos entama un ballet voluptueux dans le bassin de Mime. S'enfournant de plus en plus dans ce corps si vulnérable. Il donnait le rythme de plus en plus rude tant le plaisir était à son comble. Cette chaleur les enveloppaient aussi bien l'un que l'autre, une chaleur abrasive, destructrice qui réduit tous leurs sens à néant. Plus de vision, plus d'ouïe, plus de goût, plus de parole… Seul le toucher et le ressenti du toucher subsistait.
Ces deux corps jouaient un concerto des plus passionné sous cette voûte lunaire et en un éclair, toute la jouissance du dieu du Sommeil se déversa dans la cavité inviolée du guerrier divin. Il continuait les caresses torrides pour faire venir aussi son amant au plus vite, pour pouvoir le retrouver, qu'il ne reste pas seul dans son monde de rêves…
Une fois l'acte charnel éprouvé, les deux hommes s'endormirent, nus, enlacés dans leurs draps d'infortunes, se contrefichant de ce qu'il pourrait arriver au petit matin.
Seule la certitude qu'ils s'étaient trouvés demeurait. Et que désormais plus personne ne pourraient les séparer. Ensemble, ils pourraient tout affronter. Hypnos était apaisé, enfin… Apaisé du mal que son frère lui avait fait subir, de son amour empoisonné, apaisé du mal être qui le rongeait depuis longtemps, apaisé d'avoir trouvé son âme sœur. Apaisé d'être enfin en vie. Apaisé d'avoir trouvé une épaule sur laquelle s'appuyer. Mime le protégerai, lui, le dieu invulnérable.
FIN
