Et voici la première fic que je publie sur ce site ! Je voudrais d'abord remercier Mamane (ou Reina-Matsuo), qui m'a donné l'idée d'origine de cette fic, et énormément d'encouragements. Bien que le titre puisse prêter à confusion, ce n'est pas une réécriture du troisième opus du Professeur Layton, Le Dernier Voyage dans le Temps. En réalité, cette fic se passerait juste avant les aventures de l'Étrange Village: Luke a 13 ans, mais ils n'ont pas encore rencontré Flora. C'est pour ça qu'elle est complètement absente de cette fic. Autre chose qui diffère un peu: Claire, la petite amie de Layton, est morte des années auparavant dans un accident.

Le professeur Layton, Luke et tous les autres personnages du jeu appartiennent à Level-5, pas à moi, je les leur ai juste empruntés.

Allez, j'ai enfin fini mes bavardages. Je n'ai plus qu'un mot à vous dire: bonne lecture !


« Et ton corps, je le prends ; aujourd'hui c'est ma fête,
Le jour de rétribution...
Je le reçois enfin, ce prix de ma conquête,
J'en viens prendre possession ! »

– Octave Crémazie, Promenade de trois morts

Chapitre I – La disparition

L'ambiance était tendue dans le commissariat de Southwark. Dans l'un des bureaux, trois personnes étaient assises, attendant visiblement quelque chose.

La première personne était un agent de police. Il était grand, avec une barbe et des cheveux châtains. Comme tous ses confrères, il portait l'uniforme de police de Londres. Ses yeux bleus pétillants qui auraient dû être posés sur son travail étaient plus souvent égarés ailleurs dans la pièce, sur ses deux visiteurs, par exemple.

Le plus jeune de ces visiteurs était un jeune garçon qui ne paraissait pas avoir plus de treize ans. Très énervé, il triturait sans cesse la lanière de son sac enfilée par-dessus son pull bleu. La casquette posée sur ses cheveux blonds était bleue, elle aussi, de la même couleur que son pull. Sur une culotte courte un peu désuète retombait une paire de bretelles totalement inutiles.

Il jetait de fréquents coups d'œil à la troisième personne, un homme de taille moyenne que le haut-de-forme plus élevé que d'ordinaire rendait facilement reconnaissable. Il était la seule personne à paraître parfaitement détendu, sirotant une tasse de thé d'un air impénétrable. Sans doute avait-il déniché au fond de sa mémoire une énigme qu'il était occupé à résoudre pour tuer le temps.

Personne ne parlait, et un silence de plomb régnait dans la pièce lorsque ce qu'ils attendaient se produisit : la porte s'ouvrit devant deux hommes. Mais seulement deux.

– Envolé, fit d'un air mécontent l'inspecteur Chelmey, le plus grand des deux. Complètement disparu. Il n'était pas chez lui, contrairement à toutes ses affaires, et nous n'avons aucun moyen de savoir où il est allé.

Il rentra dans la pièce avec mauvaise humeur, suivi de son adjoint vêtu de mauve, Barton.

Cela faisait plusieurs semaines qu'ils étaient à la poursuite d'un mystérieux tueur en série qui semblait s'attaquer aux membres de l'équipe de recherche en chimie de Gressenheller. Comme les victimes faisaient partie de ses collègues, le professeur d'archéologie de la prestigieuse université, Hershel Layton, célèbre notamment pour la résolution d'énigmes que certains avaient cru impénétrables, s'était lui aussi penché sur l'affaire. Et bien qu'il répétait n'avoir rien d'un détective, c'était finalement lui qui avait confondu le meurtrier, un certain Humphrey Todd Spencer, au grand agacement de Chelmey. Ce dernier s'était alors rendu au domicile de l'assassin pour l'arrêter, mais visiblement le meurtrier était au courant qu'il était démasqué.

L'homme au haut-de-forme, le Professeur Layton, se leva et déposa sa tasse de thé. Il s'approcha de Chelmey, suivi du jeune homme à la casquette bleue.

– N'y a-t-il vraiment aucun moyen de savoir où il est parti, inspecteur ? demanda-t-il.

– Pas comme ça, non, maugréa l'inspecteur. Il n'a laissé aucune trace, personne ne sait rien de ses projets, et aucune de ses affaires n'a visiblement bougé. Je vais me renseigner auprès des compagnies ferroviaires et maritimes, mais j'ai peu d'espoir. C'est comme s'il s'était évaporé.

– Peut-être n'a-t-il été prévenu qu'au dernier moment…

– Peut-être. Mais qu'est-ce que ça change ? Quand bien même il ne serait pas allé bien loin, nous n'avons pas grand moyen de savoir ce qu'il compte faire…

– Ne pourrions-nous pas faire passer une annonce dans les journaux ? Si quelqu'un l'a vu, il nous renseignerait.

– Les journaux, la télévision, la radio, tout ce que vous voulez, Layton. Si vous souhaitez qu'il sache qu'on le recherche et qu'il quitte rapidement le pays, vous êtes sur la bonne voie.

Chelmey le regarda dans les yeux.

– Je vous remercie de votre aide, mais tout ceci est désormais du ressort de la police.

Sans s'offusquer du manque de courtoisie de l'inspecteur, Layton comprit que l'inspecteur lui donnait congé et sortit du commissariat avant de laisser au jeune garçon, Luke, le temps de faire une remarque. Aussitôt dehors, celui-ci soupira.

– Il ne l'admettra jamais, n'est-ce pas, professeur ? Que vous avez toujours raison.

Layton sourit, mais ne répondit rien. Ils montèrent dans sa petite voiture rouge, qu'il surnommait la « Laytonmobile ».

Le professeur était soulagé de savoir l'enquête terminée. Il n'avait jamais aimé se retrouvé mêlé à des histoires de meurtres. Il était toujours partant pour résoudre toutes sortes d'énigmes insolites ou étranges, mais les crimes tels que ceux-ci ne l'avaient jamais attiré. Face à la demande insistante de ses collègues toutefois, il n'avait pu refuser de s'en occuper, et finalement l'enquête s'était révélée plus intéressante que ce qu'il avait pensé, mais d'ordinaire il préférait laisser à la police ce genre de mystère, trouvant qu'elle faisait en général bien son travail.

– Qu'est-ce qu'on fait alors, maintenant ? demanda Luke peu après qu'ils eurent démarré.

– Nous rentrons et nous laissons la police s'en occuper, comme l'inspecteur Chelmey nous l'a demandé, répondit Layton qui avait deviné que le jeune garçon parlait de l'affaire.

A la mention du nom, Luke fit une grimace peu élogieuse qui n'échappa pas au professeur.

– Il connaît son métier, tu sais, Luke, dit-il. Ça ne sert à rien d'essayer d'arrêter le meurtrier à sa place.

– Mais vous êtes bien plus intelligent que lui ! s'exclama le jeune homme. Il ne saura jamais l'arrêter tout seul. Si vous n'êtes pas derrière lui, il fait tout le temps des bêtises.

Layton eut un sourire amusé, mais ne dit rien, conscient que c'était perdu d'avance. Luke ne tenait pas l'inspecteur Chelmey en très haute estime, et rien de ce qu'il pourrait dire ne le ferait changer d'avis. Il faut dire que les quelques fois où ils l'avaient vu à l'œuvre n'avaient certes pas été très convaincantes de ce point de vue-là.

Ils arrivèrent peu après devant leur immeuble. C'était un grand bâtiment en briques situé au centre de Londres. De l'extérieur, sa couleur était un peu triste, malgré les plantes qui égayaient ses fenêtres, mais il était très bien placé et l'intérieur de leur appartement était assez spacieux, aussi le professeur n'avait jamais éprouvé le besoin de déménager.

Ils rentrèrent chez eux en silence. Luke avait toujours l'air préoccupé par leur entrevue infructueuse avec Chelmey, ce qui étonnait Layton, car son apprenti ne restait d'habitude pas aussi longtemps sur des pensées négatives. Au contraire, lorsqu'il s'avérait qu'ils ne pouvaient plus rien faire, il se concentrait rapidement sur autre chose. Espérant le détourner de ses sombres méditations, il commença une partie d'échecs avec lui, ce qui fonctionna à merveille : Luke ne pensait plus du tout à l'affaire quand il fut temps d'aller se coucher.

Le lendemain matin, le professeur Layton avait déjà presque fini son petit déjeuner lorsque Luke descendit. Il n'avait pas l'air très bien réveillé : il était habillé négligemment, un pan de sa chemise dépassant de son pantalon, et ses cheveux étaient encore complètement décoiffés sous sa casquette posée de travers.

Il se laissa tomber sur une chaise et poussa un long soupir, l'air ensommeillé.

– Passé une mauvaise nuit, mon garçon ? lui demanda Layton alors qu'il tendait la main vers le sac de pain.

– Oui, un peu, acquiesça le jeune homme. J'ai fait des cauchemars, je n'ai pas su fermer l'œil de la nuit…

– Quel genre de cauchemars ?

– Très effrayants. Je ne me souviens plus vraiment des détails, mais… ça avait un rapport avec mes parents…

Il frissonna.

– Ce n'était qu'un mauvais rêve, le rassura le professeur. Tes parents vont très bien, tu as justement reçu une lettre d'eux, ce matin.

Il la lui tendit. Le garçon la parcourut en silence, et sembla un peu rasséréné, mais il n'avait pas encore totalement oublié son rêve.

Ils étaient sortis de l'immeuble, frissonnant à cause du vent frais qui s'était levé, et se dirigeaient vers la Laytonmobile, lorsqu'un homme les accosta. Son allure était assez étrange ; tout dans sa personne paraissait gris, de son long duffel-coat anthracite jusqu'à ses cheveux.

– Vous êtes le professeur Layton ? demanda-t-il au professeur. Pourrais-je vous parler, s'il vous plaît ?

Le professeur lui répondit qu'ils n'avaient pas le temps maintenant, mais lui proposa de revenir le soir, lorsqu'il serait rentré de l'Université. L'homme acquiesça sans mot dire, puis repartit, visiblement contrarié.

– Quel drôle de bonhomme, commenta Luke en le voyant s'éloigner.

Constatant qu'ils étaient en retard, Layton se dépêcha de rouler en direction du collège du jeune garçon, puis de l'université, se demandant ce que l'inconnu pouvait bien avoir à leur dire.

Le soir, lorsqu'ils rentrèrent, ils trouvèrent l'homme en train de les attendre devant la porte. Surpris, le professeur l'invita à entrer et lui proposa une tasse de thé, tout en songeant que ce qu'il voulait lui communiquer devait être d'une très grande importance étant donné l'empressement avec lequel il tentait de leur parler. D'habitude, les gens ayant une requête à lui formuler lui envoyaient plutôt une lettre. C'est donc avec curiosité qu'il écouta son récit.

– Je m'appelle Alan Dimitri, et je suis docteur en physique quantique. J'ai appris que vous recherchiez un certain Humphrey Spencer…

Layton haussa un sourcil.

– Pas du tout, monsieur, ce doit être une erreur, dit-il aimablement.

– Ah ? s'étonna l'inconnu, décontenancé. Pourtant c'est ce que l'on m'a dit…

– En effet, jusqu'à hier je m'occupais de cette affaire, mais plus à présent. Que savez-vous exactement de cet homme ?

Dimitri parut embêté.

– Eh bien… C'est à dire… Je travaille actuellement sur une machine à voyager dans le temps. Hier, justement, un homme du nom d'Humphrey Todd Spencer m'a demandé de le renvoyer dans le passé grâce à ma machine. Comment il en a appris l'existence, je n'en sais rien ; mais il semblait déterminé à la tester, même après que je l'aie prévenu qu'elle n'était qu'en cours d'expérimentation. Je me suis donc laissé convaincre, d'autant plus que les personnes prêtes à tenter ce genre d'expérience sont rares. Toutefois, en apprenant ce matin que la police le recherchait, et comme personne d'autre ne semblait savoir où il était passé, je me suis empressé de vous mettre au courant.

– Mais pourquoi m'en avoir parlé à moi, et non pas à la police ?

– Dans un souci de discrétion… Je n'ai pas envie que tout le monde connaisse l'existence de cette machine, en tout cas pas avant d'en avoir mesuré les conséquences. Elles pourraient être redoutables.

Le professeur sembla assez peu convaincu.

– Savez-vous seulement qui était cet homme ?

– Hélas, soupira Dimitri, je ne l'ai appris que ce matin… Il s'est fait passer pour simplement désireux de tester la machine, je ne me suis donc pas méfié.

– Et quand vous a-t-il demandé de l'envoyer ?

– Il y a dix ans.

Layton réfléchit un instant.

– Est-ce que vous seriez disposé à nous montrer cette machine ?

– Bien entendu. Quand désireriez-vous la voir ?

– Demain matin, si cela ne vous dérange pas. Où pourrons-nous vous retrouver ?

Dimitri griffonna une adresse sur une page de son agenda, puis l'arracha et la tendit à Layton. Ensuite, il prit congé d'eux, les remerciant pour le thé et pour leur attention.

Après son départ, le professeur s'assit sans rien dire, contemplant le bout de papier qu'il lui avait donné.

– Professeur, je ne comprends pas, fit Luke. A quoi rime tout cela ? Son histoire ne tient pas debout, je suis persuadé qu'il nous cache quelque chose.

– Je n'en ai aucune idée, répondit Layton. Nous n'avons pas de preuve, toutefois je dois avouer que j'ai un drôle de pressentiment à propos de cette affaire.

Le lendemain matin, ils se rendirent de bonne heure à l'adresse que le Dr. Dimitri leur avait indiquée. C'était une maison en bordure de Londres qui semblait totalement abandonnée. Du lierre recouvrait une grande partie de sa façade et les portes et les châssis de fenêtres ne paraissaient plus très solides. Layton et Luke crurent un moment s'être trompés d'adresse, mais le physicien les attendait devant la porte.

Il les fit entrer dans une étrange pièce. En voyant ce qu'elle contenait, le professeur ne bougea pas, pétrifié par l'étonnement, mais Luke ne put retenir une exclamation stupéfaite.

– La machine à voyager dans le temps, fit fièrement Dimitri.

Le meilleur qualificatif qu'on eût pu lui trouver était sans conteste celui d'impressionnant. La pièce avait certainement dû être assez grande, mais la machine y occupait une telle place qu'elle en semblait presque exiguë. Des assemblages d'engrenages aux fonctions mystérieuses s'étalaient contre les murs et revenaient vers le centre, soutenus par des échafaudages de toutes formes. Sur le mur du fond, des cadrans d'horloges de diverses tailles, couleurs et aspects se superposaient. Le plus grand d'entre eux était circulaire, bordé de chiffres romains, et de possédait pas d'aiguilles ; en son centre était accroché un sablier de la taille de Luke, totalement immobile. Même les grains de sable restaient suspendus dans sa partie supérieure.

Le plus étrange était que toutes ces horloges affichaient des heures différentes ; mais elles semblaient battre les mêmes secondes, produisant une pulsation profonde et puissante.

Layton s'avança dans la pièce et examina l'engin.

– C'est vraiment très impressionnant, dit-il à Dimitri.

– Oui, n'est-ce pas ? répondit celui-ci. Cela fait plus de huit ans que je travaille dessus.

Le professeur ne parla pas pendant un moment, contemplant les engrenages. Ils étaient les seuls à savoir où l'assassin avait disparu ; ce dernier était parti dans le passé, échappant au contrôle de la police, et n'avait visiblement pas fait assez de victimes à son goût, d'après ce qu'il avait pu déduire. Layton avait réfléchi une bonne partie de la nuit, essayant d'envisager toutes les possibilités ; mais il semblait n'y avoir qu'une seule solution pour l'arrêter…

– Pouvez-vous me ramener moi aussi dix ans en arrière ? A la même date que Mr. Spencer.

Dimitri parut surpris. Il hésita.

– La machine n'est pas encore tout à fait terminée… Êtes-vous sûr de vouloir prendre le risque ?

Ses yeux s'égarèrent furtivement vers Luke, qui lui renvoya un regard noir.

– Oui, je crois que c'est la meilleure solution, répondit Layton. Nous ne disposons pas d'autre moyen de le ramener au présent, n'est-ce pas ?

Dimitri secoua la tête en signe de dénégation. Constatant que le professeur ne changeait pas d'avis, il leur demanda de se placer au centre de la pièce, juste en-dessous du sablier, puis monta les escaliers à la gauche de l'immense horloge pour se retrouver dans la salle des commandes, située à l'étage au-dessus.

Il vérifia rapidement l'écart temporel du voyage, puis mit la machine en route.

Un bruit sourd s'éleva, signe que les engrenages se mettaient à tourner. Cela ne dura que quelques minutes, avant de s'arrêter, replongeant la bâtisse dans le silence.

Alan Dimitri redescendit les escaliers avec empressement pour vérifier que tout se soit bien déroulé. Il constata avec soulagement que ses deux voyageurs s'étaient volatilisés, et rentra chez lui.

En partant, il ne jeta pas un regard à l'écran indiquant la destination, et sur lequel était indiqué : « 10 years forward ».