Hello.

Je sais. Certaines vont hurler et sortir les armes parce que je publie quelque chose de nouveau alors qu'elles attendent patiemment la suite de ce que j'écris déjà.

Sauf que je ne suis pas un robot.

Ce que je poste, là est autant un moment de plaisir d'écriture qu'un moyen de crever un abcès qui me ronge petit à petit. Il se trouve que j'ai choisi ce fandom à la fois à cause du film, des livres, et d'une certaine ressemblance entre ce que je vis et ce que Holmes pourrait vivre dans nos rêves de slasheuses tordues. Après, les mots et les métaphores accomplissent leur tour de magie, et ça devient une autre histoire que la mienne. Moi, ça me fait du bien. Chacun sa drogue. D'habitude je ne cherche pas à faire des parallèles entre fiction et réalité. J'ai même horreur de ça. Mais là je craque.

J'espère quand même que ce n'est pas ridicule et nullissime. Je respecte trop Conan Doyle pour supporter de rendre ses personnages ridicules en plus du fait de les dévoyer (oui, c'était le disclaimer, lol).

ATTENTION, CECI DECRIT UNE RELATION AMOUREUSE ENTRE HOMMES !! Je préviens toujours, pour ceux qui se sont plantés de thème de lecture...


Dead end (l'impasse)

« Si l'on est différent, il est fatal qu'on soit seul. »

Aldous Huxley

Pourquoi a-t-il fallu que je sois l'exception qui défie les règles ?
Je suis pourtant fier d'être une aberration sociale. L'ordinaire me répugne. L'homme commun m'exaspère. Je cultive mon horripilante dissemblance comme certains soignent les roses qu'ils ont créé, troquant les bains d'eau contre ceux de l'auto-complaisance. En un mot, je m'aime.
L'unique problème non résolu est que je l'aime lui aussi.

Que suis-je face à son désir de normalité ? Je n'ai pas d'arme suffisamment puissante pour tuer dans l'oeuf ses rêves si humains. Il m'aime, je le sais. Mais jusqu'à quand résistera-t-il aux sirènes de cette société que j'exècre ? Je l'aime aussi, mais face à un ennemi fort de plusieurs millions de voix, je ne peux rien.
Je ne baisse pas les bras. Je l'enquiquinerai, le ferai tourner en bourrique, le rendrai fou furieux jusqu'au bout, jusqu'à la fin, quelle qu'elle soit. Je n'arrêterai pas de vivre pour lui, jamais. Je n'arrêterai pour personne, car sinon ce ne serait plus moi mais mon fantôme qu'on aimerait.
Mais à quoi suis-je en train de penser ? Quelles sombres et stupides déductions ont bien pu m'entraîner dans un tel dédale de niaiseries ? Voilà à quoi l'inaction me conduit. Réfléchir comme une vieille femme abandonnée au coin de l'âtre par quelque indélicat époux. Songer à la vie qui vient m'est inutile: je n'empêche pas les crimes de se produire, je résous ceux qui sont déjà arrivés.
Sacredieu !
Voilà que je jure encore en français... Et à voix haute. Faut-il que je sois stupide ! Mais j'ai mal. J'ai si mal... C'est un rugissement que je voudrais pouvoir pousser, un cri de rage, rauque et bestial, qui me déchirerait la gorge pour mieux éventrer cette boule de souffrance qui y loge. Oserai-je hurler ?Oui, voilà c'est fait. Je recommence. Ca fait mal mais ça fait du bien. Personne ne viendra crier au meurtre pour un glapissement au 221b Baker Street. C'est cela l'avantage d'être un illuminé.
J'aimerais tellement pouvoir être une femme au bras de laquelle il serait fier de s'accrocher. Je voudrais moi aussi pouvoir lui assurer un avenir, le bonheur d'être père, le prestige d'un travail honnête et bien considéré. Mais je suis un homme, un fou, une chose étrange dont certains disent qu'il s'en occupe par la meilleure des charités.
John est le plus fort des êtres que je connaisse. Mais même cela ne semble pas être assez.

Je devrais lui rendre sa liberté. Je devrais trancher la question pour lui, soulager ses épaules de ce maudit poids du monde. Je devrais le quitter. Son indécision est une torture, ses doutes, un millier de lames acérées. Un choix, un seul... Je suis suspendu à tout son être, attendant qu'il me ressuscite ou me donne le coup de grâce. Alors pourquoi ne mets-je pas fin à tout cela moi-même ? Oui, mais loin de lui j'aurai aussi mal qu'avec lui.
Quitte à souffrir à mort, je préfère le faire en me plongeant chaque jour dans ses beaux yeux gris.
Je ne suis qu'un fou, c'est ma force et ma faiblesse.

o0o0o0o0o0o

Lorsque John rentre, il est bien tard. Je ne veux pas savoir où il est allé. Non que je craigne quelque horrible destination secrète ! Il s'agit de Watson après tout. L'avilissement n'est jamais son refuge. Mais j'ai peur qu'il ne trouve mieux, qu'une sirène là-dehors ait finalement une plus belle voix que moi. Le fil ténu qui nous relie encore dans cette étrange crise peut être brisé à chaque rencontre qu'il fait avec d'autres que moi.
Il faut que je songe à autre chose.
J'entends son pas qui ralentit alors qu'il passe devant ma porte. Comment agira-t-il ce soir ? Ces deux derniers jours il n'a fait que s'arrêter devant le panneau de bois, pour mieux repartir comme le lâche qu'il est parfois. Oh, après tout, suis-je vraiment mieux ? Non. Je n'ai pas le droit de lui donner de leçons.
Je ferme les yeux et tire une nouvelle bouffée de ma vieille pipe en bois. Dieu que c'est bon. J'ai décidément tous les vices: fumeur, buveur, drogué, inverti. Même Shakespeare n'aurait pu créer personnage aussi pitoyable que moi. Oui je suis pitoyable. Je suis misérable, lamentable, consternant. Je suis presque au fond du gouffre.
« Holmes ?
Mon Dieu. Il a ouvert la porte. N'ai-je donc pas l'air ridicule ainsi allongé, les yeux rivés au plafond comme si la gazette du crime y était imprimée ? Bien sûr que si, et cette attitude est tellement ''non-holmiesque'' que mon ami ne peut que s'en inquiéter.
- Holmes, est-ce que vous allez bien ?
- Quelle question mon cher ! Je vais toujours bien.
- Sauf quand vous allez mal. »
Si j'avais encore dix ans, je lui tirerais la langue comme je le faisais à ma mère lorsqu'elle se moquait de ma bouche barbouillée de confiture. Comme il était bon, le goût de ces fruits sucrés et collants. Comme ils étaient doux, ses yeux dépourvu de tout jugement à mon égard.
Les yeux que pose John sur moi sont presque aussi doux. Même au coeur de la tempête, il reste vierge de toute amertume ou cruauté à mon encontre. Il ne fait toujours que penser à moi, alors peut-être devrais-je penser à lui ? Mais je ne fais que ça, je...
Fichu coeur ! Je savais que j'avais raison de vouloir le court-circuiter durant toutes ces années solitaires.
Je ferme les yeux, le poing serré posé sur mon front. A côté de moi, le matelas s'affaisse doucement. Quelques doigts rafraîchis par l'air nocturne viennent toucher mon poignet pour prendre un pouls ô combien traître à son maître ! Cher, cher Watson ! Cette façon qu'il a de toujours faire le médecin pour garder une contenance. Je l'aime ! C'est mon homme ! Laissez-le moi !
Mais à qui suis-je donc en train de parler ?
« Pas de cocaïne ?
- Pourquoi en prendrais-je ?
- Parce que rien ne vient tromper votre ennui.
- Au contraire. Je travaille actuellement sur un sujet par trop ardu, certainement même le plus dangereux de toute ma carrière.
- Dangereux ? Comment cela ?
John. Mon pauvre John. Mon cher John. Toujours sans défenses face à mes roueries et mes stratagèmes, et pourtant si grand homme à côté de moi.
- Craignez-vous pour votre vie ?
- Je crains à la fois pour ma vie et pour ma santé mentale, bien que celle-ci soit, selon l'opinion du Tout-Londres, plus que discutable.
Je vois ses yeux s'agrandir de peur dans la semi obscurité. Je sais que je suis en train de jouer sur les mots et les métaphores, mais c'est le seul moyen pour moi d'exprimer un tant soit peu ce que je ressens.
- Cet homme est plus fort que tous mes ennemis réunis. Le professeur Moriarty n'a pas le quart de ses connaissances sur moi. Je le tiens, certes, mais il me tient aussi.
- Il vous menace ?
- Un mot de lui, et je suis à terre.
- N'avez-vous aucun moyen de l'empêcher de nuire ? Lestrade ?
- Dépassé.
- Gregson...
- Trop grégaire.
- Alors prenez tout Scotland Yard.
- Mon ami, ils n'auraient même pas de quoi l'inculper. Les seules preuves qui existent contre lui sont ici, fais-je en me tapotant le front avec l'index.
- Cela leur a suffi parfois.
- Je n'ai pas envie qu'il soit stoppé dans sa course folle.
- Est-ce ainsi que vous vous protégez de votre désoeuvrement ? Au prix peut-être de votre vie ?
- Peut m'importe. Je suis à lui.
Voilà. J'ai réussi à allumer cette flamme de colère dans ses yeux. Est-il dégoûté de mon abandon ou jaloux de ma dépendance ? Il gronde, il va devenir fou. Je dois arrêter le jeu maintenant si je veux encore m'en sortir indemne.
Je regarde par la fenêtre, cherchant une solution au sac de noeuds que je viens de créer, lorsque sa voix grave me sort de cet embarras. Il se lève et tempête:
- Bon sang ! Défendez-vous, Holmes !
- Comment pourrais-je me battre contre vous ? »
Son silence est brusque. Je ne dois pas, je ne veux pas me plonger dans ses yeux. Cette phrase devait être anodine, et pourtant je sens mes prunelles me picoter. Une vieille femme vous dis-je ! Voilà à quoi je me trouve réduit.
Plus un mot. Je sais que je l'ai choqué. Pourtant j'ai essayé de ne pas jouer avec lui, j'ai tenté de lui chuchoter mes peurs à ma façon. Comprendra-t-il ? Je le sais doué, mais je me sais aussi tordu. D'ailleurs, si je ne l'étais pas, peut-être n'en serions-nous pas là, à nous déchirer l'un pour l'autre.
Il se rassied. Non, John. Pitié. Ne vous penchez pas vers moi. Je suis en train de craquer, je deviens fou. Vous ne devez pas voir cette eau qui coule de mes yeux grands ouverts.
« Que vous arrive-t-il, Holmes ?
- Rien.
Je me retourne vers la fenêtre à peine ouverte et croise les bras contre ma poitrine.
- Mon ami.
Non, ne prenez pas cette voix... C'est mon point faible, mon talon d'Achille. C'est la voix d'un ange auquel je ne saurai jamais résister.
Je le sens qui s'avance davantage sur le lit, et sa main vient se poser sur mon épaule, caressant doucement le tissu froissé de ma chemise.
- J'avais oublié un instant à quel point vous étiez bon analyste. Vous n'ignorez rien de ce qui me trouble, n'est-ce pas ?
Je ne suis qu'un imbécile qui attend que vous lui brisiez le coeur.
- Je me pose des questions.
Les seules au monde dont la résolution m'est inaccessible.
- Mais sachez que je vous aime.
Cela suffira-t-il à vous garder près de moi ?
- Sherlock... »
Je ne peux plus hurler comme tout à l'heure. Il est trop tard. Ma voix se heurte à cette sphère de douleur qui enfle à nouveau dans ma gorge. Si je parle je suis perdu, mais si je me tais, je le perds lui.
Les muscles de mes jambes se crispent instinctivement et mon corps se tasse sur lui-même sans me demander mon avis. Je ne parviens pas à lutter tant c'est puissant. Mes genoux touchent presque ma poitrine. La seule trace de volonté qui me reste se perd dans ma main gauche lorsque celle-ci vient attraper celle de John pour la serrer. Me répondra-t-il ?
L'instant qui suit, le matelas grince une dernière fois avant de se taire. Je sens un bras se glisser sous mon cou et un autre enserrer mon torse. Son corps adopte la forme qu'a pris le mien. Nos doigts se croisent contre ma poitrine. Je porte sa main à mes lèvres pour y déposer un baiser humide des larmes tant haïes.
Il m'a répondu.


Je pense qu'il y aura une suite... Enfin, ça dépend aussi... Si ça vous a plu ou barbé...

Dites-moi, applaudissez ou hurlez-moi dessus ! lol. Je prends tout (même les tomates, j'adore en salade vinaigrette ;-) !!

A bientôt.