Auteur : Raven Ehtar (/s/5048518/1/In_the_Library)
Titre : In The Library / Dans la bibliothèque
Genre : Romance
Résumé : Par une froide journée à la Wammy's House, une bibliothèque offre du confort à Near et à Mello... mais aussi des idées déroutantes.
Pairing : Near/Mello
Rating : T
Disclaimer : Les persos appartiennent à Tsugumi Ohba et à Takeshi Obata, et l'histoire à Raven Ehtar.
Avertissements : Je précise encore qu'il s'agit d'une traduction et que l'autrice de cette fic est Raven Ehtar. Si vous le pouvez, je vous suggère d'aller la lire en VO sur ce même site. Cette fic est très soft, mais si les relations plus qu'amicales entre personnes du même sexe vous dérangent, il faut évidemment éviter de la lire.
Ça fait un certain temps que je n'ai rien posté! Voici une petite fic en 6 chapitres sur laquelle je viens d'avoir un coup de coeur. C'est très mignon, très bien écrit et les persos et l'intrigue sont respectés, à tel point que cette histoire pourrait être insérée dans l'intrigue d'origine.
Enfin voilà, j'espère que ça vous plaira ^^! Bonne lecture!
Partie Un – "Diamétralement"
C'était une froide et venteuse journée à Winchester. De sombres nuages pendaient bas dans le ciel, menaçant de pluie tandis que le vent les faisait détaler à travers la campagne. Les habitants de la ville restaient à l'intérieur, près des cheminées et des systèmes de chauffage central, alors que ceux qui n'avaient d'autre choix que de travailler à l'extérieur terminaient rapidement leurs tâches pour échapper au froid.
Environ cinq miles (ndt : dix kilomètres) à l'extérieur de la ville se tenait un bâtiment élevé et affalé fait de briques, avec une vieille tour et une cloche antique qui continuait à sonner à chaque heure de chaque jour. Il était situé sur sa propre petite parcelle de terrain, qui était principalement consacrée à des champs ouverts et à des aires de jeux. A l'occasion on y trouvait un petit carré mis de côté pour un potager ou une serre, ou même de petits bosquets. Pour la plus grande partie, cependant, la zone environnante était large et dégagée.
Tous les habitants du coin connaissaient le bâtiment. Ils étaient également convaincus de connaître son but et ce qu'il contenait, mais ils n'en savaient qu'une partie. Il était connu sous le nom de Wammy's House, ou Wammy's, et c'était un orphelinat. Les habitants du coin le trouvaient étrange car seulement quelques orphelins étaient adoptés. En dépit des nombreux couples pleins d'espoir qui venaient trouver un enfant, la majorité étaient renvoyés car ils ne remplissaient pas les critères exigeants imposés par la Wammy's. Il semblait que lorsqu'il s'agissait de ses enfants, la Wammy's était plus que désireuse de s'occuper elle-même de l'éducation plutôt que de s'exposer à des parents douteux. Ce qui était la manière dont n'importe quel orphelinat devrait gérer ses affaires, mais la probabilité de voir cela arriver ? Assez basse.
Ainsi, la Wammy's House était étrange aux yeux des observateurs extérieurs. Une autre bizarrerie était les enfants eux-mêmes. Pour certains, tout orphelin paraîtrait étranger, mais ceux de la Wammy's étaient d'un type particulier. Les jeux auxquels ils jouaient pouvaient aller des singeries quotidiennes des parties de football et des jeux de trappe-trappe, à de calmes activités de groupe impliquant des bouts de papier et des calculatrices. Si quiconque parlait à l'un des enfants, il devrait très probablement lutter pour tenter de suivre les explications de physique théorique d'un enfant de huit ans. Chaque fois que les enfants étaient emmenés pour visiter la ville, leur étrangeté ne faisait qu'augmenter en contraste avec leur environnement « normal ».
Il valait mieux, dans l'esprit des habitants du coin, éviter la Wammy's House et ses occupants.
Ce qu'ils ignoraient, ce qui était très soigneusement tenu secret de manière à ce que personne ne le sache, était que la Wammy's hébergeait un genre très spécifique d'orphelins. Ils prenaient les enfants les plus intelligents, les plus intuitifs et les plus motivés qu'ils trouvaient avec l'intention expresse d'élever ces capacités à leur plein potentiel. Il y avait des enfants venant du monde entier, et la plupart ne devaient pas quitter la Wammy's avant de pouvoir le faire d'eux-mêmes.
Tout ceci était fait dans le but de préparer un successeur au plus grand détective du monde, L.
Tous les enfants connaissaient leur situation, la raison pour laquelle ils étaient là. C'était dans la politique de la Wammy's d'être totalement honnête avec les enfants dont elle avait la charge. Certains enfants s'efforçaient d'être les meilleurs, de devenir le prochain plus grand détective, tandis que d'autres étaient satisfaits d'être traités de cette manière et de recevoir une telle éducation. De ceux qui se battaient pour atteindre le sommet, deux s'élevaient au-dessus des autres.
Deux étaient diamétralement opposés de toutes les manières : en apparence, en attitude, en habitudes, et en dynamisme. La seule chose qu'ils semblaient avoir en commun était leurs intellects, qui étaient élevés même pour la Wammy's.
En ce jour particulièrement froid à la Wammy's presque tous les enfants étaient à l'abri séquestrés à l'intérieur, tout comme leurs tuteurs, qui étaient contents de cette journée relativement paisible. Au troisième étage de l'aile ouest, dans une petite bibliothèque pratiquement oubliée, était assis un garçon pâle en pyjama blanc, empilant les livres autour de lui et jouant avec des robots en plastique. Les livres étaient penchés les uns sur les autres, sous forme de tentes ou posés en équilibre de manière à créer quelque chose qui se situait entre un paysage urbain et des montagnes russes. Les robots peuplaient la cité de littérature, l'envahissaient ou s'y battaient en fonction des caprices du garçon.
Le nom du garçon était Near, et il était le meilleur élève de la Wammy's, l'enfant le plus susceptible d'hériter du titre de « Meilleur du monde ». C'était dans ses habitudes de passer ses journées seul, jouant avec ses jouets et construisant des structures avec tout ce qui était disponible. Dés, tasses, dominos, cartes… il avait un talent pour empiler et faire tenir en équilibre n'importe quoi jusqu'à ce que ses créations atteignent des proportions monstrueuses. Il n'était pas un garçon très actif ; en fait il ne participait jamais aux jeux physiques auxquels jouaient les autres enfants de la Wammy's, alors il occupait ses journées avec des passe-temps calmes et solitaires. C'était une manière de garder ses mains occupées et quelque chose de superficiel pour occuper une partie de son esprit, libérant le reste pour penser à ce à quoi il penserait.
Il supposait que c'était pour cela que les autres enfants en étaient venus à l'éviter. Near ne proposait jamais de lui-même la moindre interaction, et n'était jamais intéressé lorsqu'il était invité à leurs jeux. Antisocial par nature, il n'était pas surprenant que les autres se soient mis à ignorer le petit albinos. Non pas que cela le dérange particulièrement. Les autres lui paraissaient tous monotones. Ils étaient tous des enfants, y compris Near, mais aucun d'eux ne comportait la moindre étincelle d'intérêt.
Un mince volume de poésie était penché contre un manuel d'introduction à l'algèbre.
D'une étrange manière, Near était déçu par sa situation actuelle à la Wammy's. Il était vrai qu'on s'occupait bien de lui, même très bien, et ses manies exigeantes étaient satisfaites à un degré admirable, mais il trouvait qu'une bonne partie de son temps était dépensée avec insatisfaction ou avec frustration. Personne ne le saurait jamais en le regardant. Near était plutôt fier de ses expressions impassibles, sa façade d'indifférence, et les tenait strictement en place à tout moment. Mais malgré cela, il était insatisfait.
Pas du fait qu'il n'était jamais impliqué dans des jeux ou tenu en haute estime par ses pairs. Pour le moins, il considérait ses « compagnons » avec une sorte de mépris. Non, il était insatisfait par le fait que personne à la Wammy's n'était capable de retenir son attention ou son intérêt. Il s'était depuis longtemps résigné à l'idée que jusqu'à ce qu'il n'atteigne son but et ne devienne un détective il n'y aurait jamais assez pour éveiller totalement son esprit. Même le programme d'études très dur imposé par la Wammy's ne suffisait pas à Near. Néanmoins, il s'immergea dans cette matière, puis trouva des activités secondaires pour combler le moindre creux.
Mais il aurait aimé avoir quelqu'un à qui parler. Quelqu'un dont l'intellect serait comparable au sien, de manière à ce que tout échange ne soit pas totalement à sens unique. Tout reclus qu'il était, Near n'était pas entièrement immunisé contre le désir d'avoir des contacts humains.
Dans l'état actuel des choses, cependant, il n'y avait que deux personnes que Near classerait comme dignes de son temps et de ses efforts.
Un livre de Nietzche rencontra un manuel d'écriture numérique en formant un A.
L'une de ces personnes était L lui-même. Un homme qu'il n'avait jamais rencontré, et qu'il avait seulement entendu parler une fois, à travers un déformateur de voix sur un ordinateur. L'homme que chaque enfant à la Wammy's travaillait si dur pour imiter, l'homme qui avait résolu les affaires les plus coriaces du monde sans jamais montrer son visage. Un tel homme pouvait être considéré comme digne d'une entière conversation. Mais la probabilité de jamais parler à L – sans parler de le rencontrer – était à peu près nulle. Il s'écoulerait probablement des années avant qu'il puisse à nouveau entendre la voix transformée de cet homme.
L'autre était en fait un autre orphelin de la Wammy's. Un garçon très actif, presque âgé de deux ans de plus que Near, et considéré comme le « numéro deux » à l'orphelinat, bien que de peu. Comme Near, et tous les autres enfants à la Wammy's, il était connu sous un faux nom. Il était appelé Mello.
Blond, athlétique, quelque peu féminin, extrêmement impétueux, et capable de consommer assez de chocolat en un jour pour se faire remarquer par le fictif Willy Wonka, Mello venait juste après Near dans l'ordre de succession. Ce qui était au moins la moitié de la raison pour laquelle ces deux-là ne s'entendaient pas. Mello semblait voir la position de « numéro un » de Near comme une insulte personnelle, et travaillait avec frénésie pour battre le plus jeune garçon de toutes les manières possibles, pour prouver qu'il était le candidat le plus méritant. Near avait d'abord trouvé cela amusant, puis intriguant que quiconque se pousse à de telles limites. Le blond voulait-il tellement le titre de L, ou était-ce juste le défi d'être le meilleur ? Y avait-il une raison sous-jacente à sa détermination, être vu comme meilleur, plus intelligent, et être mieux aimé des autres ? Near ne le savait pas, et il n'y avait pas non plus de moyen réaliste pour lui de le découvrir. Le passé antérieur à la Wammy's de chaque enfant était gardé strictement confidentiel par le personnel, et Mello ne répondrait jamais à la moindre question que Near pourrait lui poser directement. Il verrait cela comme une attaque.
Dans la quête de Mello pour battre Near, il en était venu à haïr le plus jeune garçon pour sa constante capacité à se retrouver au sommet. Cette haine avait également intéressé Near un moment. C'était un sentiment avec lequel il n'avait pas beaucoup d'expérience, et qu'il ne retournait pas. Pour Mello il se manifestait de différentes façons, du fait d'étudier longuement durant la nuit, à celui d'ignorer Near ostensiblement, de faire tomber ses tours soigneusement construites, de se moquer de lui et de l'embêter devant les autres… quelques fois, cela était même allé jusqu'à la violence physique. La première fois que c'était arrivé, la première fois que Near avait été frappé par lui, les singeries de Mello étaient passées d'intéressantes à tristes. Toutes les frustrations de Mello semblaient provenir d'un simple, si ce n'est d'un gros complexe d'infériorité. Quoique Near ne sache pas comment il l'avait acquis en premier lieu, son expression devint répétitive et prévisible.
Ainsi la deuxième, et la dernière personne que Near considérerait comme digne d'une conversation fut enlevée de la liste. L'une pourrait tout aussi bien être un fantôme, et l'autre lui donnerait un coup de poing rien qu'en le voyant. Toute autre personne ne valait simplement pas l'air.
Near continua à construire sa vaste métropole de mots imprimés en silence. Par un jour froid comme aujourd'hui, même avec tous les enfants enfermés à l'intérieur, tout le monde était silencieux. Une tempête approchait. On pouvait le sentir dans l'air, et les jeunesses de la Wammy's étaient inhabituellement calmes.
Finalement la création de Near occupa toute la surface de la pièce et la plupart des tables. Il se leva avec précaution et inspecta son royaume. Après un instant de contemplation il décida qu'il était sévèrement sous-peuplé, et il se fraya un chemin à travers les livres pour aller chercher plus de jouets dans sa chambre au second étage de l'aile est.
Pendant un moment, la pièce fut immobile, rendue encore plus silencieuse par l'absence des respirations du petit génie. Les tours et les monuments se dressaient au mépris des robots aux couleurs vives figés dans une bataille meurtrière. Mais sans le garçon qui les avait construits, qui avait joué avec eux, et leur avait insufflé la vie, ils semblaient se contenter d'attendre.
S'ils attendaient effectivement, si les livres et les jeux étaient capables d'attendre, ils n'attendirent pas longtemps. Quelques minutes après que le garçon albinos en pyjama blanc ait quitté la pièce, un blond mince tout en noir entra. Il s'arrêta dans l'embrasure de la porte et jeta un œil sur les gratte-ciels miniatures et sur les robots étalés devant lui. C'était une vue impressionnante, mais le blond l'encaissa rapidement avant de crier dans le silence, « Near ! Espèce de petit avorton, t'es là ? »
Les livres ne répondirent pas, et les jouets se contentèrent de lui renvoyer un regard vide.
Le garçon, Mello, grogna et entra avec précaution, évitant les livres empilés, et ferma la porte derrière lui. Si Near avait été dans la pièce, il aurait répondu au cri de Mello. Le nabot n'avait jamais peur de lui, en dépit des nombreuses raisons qui l'y poussaient. La dernière fois que Mello avait surpris le plus jeune seul, celui-ci s'en était sorti avec un œil au beurre noir et un nez en sang. L'ecchymose était restée assez longtemps, pendant des semaines elle avait été la seule couleur visible sur le garçon. Mais Near ne l'évitait jamais, ne montrait jamais le moindre souci de sa propre sécurité.
Mello contourna une tour en tire-bouchon particulièrement grande faite de classiques. S'il était là, en fait, c'était pour traquer Near et l'utiliser pour se soulager de son stress. Le temps le rendait de mauvaise humeur. Même sortir furtivement et profiter d'une cour vide ne l'avaient pas fait se sentir mieux. Ni traîner avec son meilleur ami, Matt, qui était si absorbé par son nouveau jeu que le seul temps qui aurait une chance d'attirer son attention serait une tornade. Donc, comme l'activité physique et le fait de traîner avec son ami étaient tous deux des échecs, il ne restait plus qu'à chercher la bagarre avec Near. Sauf que le mutant blanc n'était pas dans sa chambre, dans ses salles de jeu habituelles, ou dans aucun des coins tranquilles dans lesquels il aimait se cacher. En cherchant, Mello était devenu de plus en plus irrité, et maintenant s'il trouvait son petit rival il pourrait lui donner un autre œil au beurre noir simplement par méchanceté.
Mello passa par une petite arche de poésie, une paire de transformers se bagarrant en-dessous d'elle.
Il avait manifestement trouvé l'endroit où Near avait été le plus récemment, donc il ne lui restait plus qu'à attendre qu'il revienne. Mello reconnut certains des jeux dispersés alentours comme provenant de la collection personnelle de Near, et il ne laissait jamais ceux-là traîner.
Mello sortit distraitement une barre de chocolat de sa poche et commença à la grignoter. Il y avait un robot en particulier qu'il reconnut, un petit rouge et blanc avec un dôme de plastique clair sur la tête. C'en était un que Near avait eut pendant des années. Il était presque constamment transporté par l'albinos, et avait une place spéciale sur la table de nuit à côté de son lit.
Il se trouvait que Mello connaissait ce petit détail du fait des quelques fois où il était entré furtivement dans la chambre du garçon pendant que son occupant jouait ailleurs. Mello s'était dit à ce moment-là qu'il avait été à la recherche du secret de Near ; ses méthodes de travail, les passe-temps qu'il ne laissait pas voir aux autres, le stock de manuels très avancés qui faisaient que ses résultats dépassaient constamment ceux de Mello… mais ça avait juste été de la curiosité. Il pouvait admettre ça maintenant, au moins à lui-même. Il devait y avoir quelque chose de plus que ne le laissaient deviner les apparences chez le meilleur élève de la Wammy's, raisonna Mello. Il devait y avoir plus que les jeux calmes, l'étude silencieuse, et un visage à peu près aussi expressif que les dominos avec lesquels il jouait. Sérieusement, le gamin était toujours seul, jouant à un jeu ou assemblant des puzzles blancs, comment se faisait-il que ses résultats soient si bons ? Mais non, sa chambre s'était toujours avérée être aussi claire et simple que Near lui-même. Murs blancs, meubles blancs, literie blanche, et moquette blanche… la seule couleur présente était dans ses jouets. Alors que quant aux livres, il n'y avait que ce qui était donné à chaque élève, rien de particulièrement avancé pour leurs critères.
Une autre étendue de livres menait à l'une des tables comme une autoroute. Mello prit une grande bouchée de chocolat et le laissa fondre lentement sur sa langue en marchant précautionneusement à travers le chef-d'œuvre d'équilibre.
Ce n'était pas comme si Mello n'essayait pas d'améliorer ses résultats. Il étudiait pendant des heures, il mangeait équilibré – en combinaison avec le chocolat – il faisait des tas d'exercices bons pour la circulation, et il dormait beaucoup, du moins la plupart des nuits. Il n'y avait aucune raison pour qu'il doive toujours finir deuxième par rapport à Near. Aucune. Surtout si la petite aberration de la nature dépensait tout son temps avec des projets inutiles comme celui-là. Quel était l'intérêt d'une cité de livres ? Où était la stimulation mentale dont un tel génie aurait besoin ? C'était comme si Near le narguait, disant, « Regarde, je peux te surpasser de toutes les manières qui comptent, et je n'ai même pas besoin de travailler pour ça. Être toi, ça craint. »
Mello fut tenté de faire tomber une série de structures en forme de A, déclenchant une réaction en chaîne et détruisant le paradis de livres de Near à la pensée d'une moquerie dirigée vers lui. Indirectement ou pas, par énigmes ou face à lui, y penser faisait bouillir son sang et démangeait ses paumes. Mais il se retint, une rare occurrence pour l'adolescent explosif. Il savait que Near ne se moquait pas de lui, en aucune façon. Faire cela impliquerait une sorte de connexion personnelle, émotionnelle avec une autre personne. De telles choses dépassaient son insensible rival. Near ne s'en soucierait probablement pas si Mello le surpassait un jour, parce que cela impliquerait des sentiments.
D'une certaine manière, cela ennuyait Mello plus que toute autre chose. Si son adversaire avait été n'importe qui, n'importe qui d'autre, il y aurait eu une sorte d'interaction entre eux à un niveau personnel, amicale ou autre. On répondrait aux cris de Mello avec autre chose que des murmures. Ses défis et menaces auraient rencontré plus qu'un haussement d'épaules. Ses coups trouveraient une réponse plus substantielle qu'un regard compatissant. Si le gamin pouvait juste se défendre, ou même s'enfuir vivement, il y aurait une amélioration. Dans l'état actuel des choses, Mello avait l'impression de se battre contre du vent, sans rencontrer de résistance. Il se retrouvait à ne se battre que contre lui-même, et c'était exaspérant.
L'accro au chocolat s'accroupit pour lire des titres de livres, pour voir si Near avait incorporé une sorte de plan avec les sujets dans l'architecture. Il ne put en discerner aucun. Il se leva, et continua à étudier le travail de son rival.
Ce qui était le plus frustrant, Mello commençait seulement à le réaliser, était que tout son monde en arrivait à tourner autour de Near. La personne qu'il haïssait le plus dans le monde entier. Sa concurrence pour le titre de Plus Grand Détective. Presque chaque aspect de la vie de Mello était maintenant emballé autour de cette minuscule, frêle monture. Il avait autrefois tourné autour de L, par l'étude du prédécesseur et de ses méthodes, mais plus maintenant. Si Mello étudiait la moitié de la nuit, c'était pour avoir une meilleure note que Near. S'il prenait des cours supplémentaires, c'était parce que Near faisait la même chose, et il ne pouvait lui permettre d'en savoir plus que lui. Si Mello faisait particulièrement beaucoup de sport, c'était pour avoir quelque chose que Near ne pourrait lui enlever. Tout revenait toujours vers Near, Near, Near.
Et cela rendait le blond dingue. C'était comme si le plus jeune avait remporté encore une autre victoire en devenant le centre de l'univers de Mello. En lui rendant toute autre considération secondaire. Et tout cela sans essayer. Sans s'en soucier.
Comme si Mello n'était qu'une ombre. Une chose sans conséquence, ne valant même pas un regard alors que Near passait à côté de lui, grimpant encore plus haut.
Dans une autre rare manifestation de retenue, Mello réussit à éviter de faire tomber les livres en projetant son poing rageur dans l'une des étagères. Non ! Il était digne de considération ! Il était deuxième dans l'ordre de succession, et c'était loin d'être négligeable !
Mello trembla alors qu'il tentait de réguler la rage qui le parcourait. La barre de chocolat qu'il tenait avait été écrasée dans un poing étroitement serré. Il pouvait sentir les larmes de pure frustration se former aux coins de ses yeux, et son ventre se contracta douloureusement avec tous les autres muscles de son corps.
Si L était le meilleur du monde, et si ses successeurs venaient juste après lui, cela faisait de Near le deuxième et de Mello le troisième. Le troisième plus grand du monde valait plus qu'un simple regard passager ! Il méritait plus qu'être juste considéré comme une sorte d'arrière-réserve, un « Plan C » si L et Near échouaient tous deux d'une manière ou d'une autre.
Mello sourit légèrement. Si Near échouait… si le petit mutant faisait une erreur, s'il se laissait aller juste un peu, alors Mello serait juste là, prêt à le battre à son propre jeu. Quand L se retirerait, et sans Near, Mello pourrait…
Le sourire du garçon s'effaça lentement, et son corps sembla s'affaisser dans la bibliothèque. Ses épaules s'avancèrent, et sa tête se courba, faisant tomber des mèches de cheveux blonds et raides dans ses yeux bleus. Il avait l'impression d'avoir été trempé par de l'eau glacée, son feu intérieur efficacement éteint. Si Near était parti, finalement battu par lui, malade, ou même mort, alors qu'adviendrait-il de Mello ? Sans son apathique adversaire, possèderait-il la même détermination à devenir le meilleur ? Avec le petit albinos hors de sa vie, lui importerait-il assez d'être brillant ?
Sans le centre de son univers, aurait-il seulement un but ?
Mello se laissa glisser au sol. Toute son énergie avait soudainement disparu, et il n'avait même pas eu à crier sur Near. Toute l'irritation qu'il avait ressentie avait simplement été sapée. Il s'en fichait.
Le garçon abattu était dans cette position sur le sol, au fond de la bibliothèque, quand la porte fut doucement ouverte, Near se traînant à l'intérieur.
Mello frissonna. Maintenant que sa proie était enfin venue à lui, il ne voulait plus déclencher une bagarre. Mais il ne pouvait être vu en train de s'enfuir. Near s'arrêta dans l'embrasure, ses yeux ternes regardant la salle de jeu de fortune. Puis, réajustant sa prise sur la brassée de jouets en plastique qu'il portait, il trottina dans la pièce avec ses chaussettes blanches. A l'endroit où Mello était assis, il était dissimulé derrière quelques unes des plus larges constructions de Near, et Near ne le vit pas. L'albinos, se faufilant une fois de plus précautionneusement à travers les livres tenus délicatement en équilibre, commença à disposer ses robots, avions, voitures, et toutes les autres choses qu'il avait réussi à emmener au milieu des tours.
Mello, tenant sa respiration aussi lente et silencieuse que possible, observa Near peupler sa ville de jouets. Il savait qu'il devrait partir. Il devrait se lever et partir, faisant tomber tout ce qu'il pourrait sur son passage jusqu'à la porte, y compris Near, et retourner à sa chambre où il pourrait bouder en paix. Mais il ne le fit pas. Il ne bougea pas, comme cramponné au sol, et observa son ennemi détesté jouer à son jeu. C'était un peu… étrange de regarder Near de cette façon. Il avait vu le garçon de nombreuses fois, la plupart du temps, en fait. Mais celles-ci avaient toujours été des fois où d'autres étaient autour, et il savait qu'il était observé. D'une certaine manière, celle-là était différente. Pas seulement le frisson qu'apportait le fait qu'elle soit secrète, bien que Mello admette un peu de cela. Non, Near lui-même semblait subtilement différent. Plus à l'aise, les contours de sa forme pâle paraissaient plus doux. Même sa respiration semblait plus aisée aux oreilles de Mello.
Near se forçait-il à de telles restrictions quand d'autres étaient autour, se demanda Mello ? Le parfait, impassible résolveur de puzzles devait-il se maîtriser pour paraître à ce point sans défaut ? Son image n'était-elle que cela, une image qu'il projetait, un faux moi ? C'était une idée intéressante. Si c'était le cas, alors le fait que Mello le sache était une minuscule fissure faite à l'armure de l'albinos, un endroit où il pourrait gagner une prise. Mais si c'était vrai, alors cela sollicitait aussi la question du pourquoi ? Pourquoi Near ressentait-il le besoin de se tenir à l'écart ? Near ressentait-il vraiment quelque chose ?
Mello continua à observer son ennemi, le centre de son univers, tandis qu'il se déplaçait autour de la pièce, disposant des jouets et ajustant occasionnellement les livres d'un toucher léger. D'abord il s'inquiéta du moment où Near atteindrait le coin où il se cachait, mais il devint apparent que le garçon n'était pas intéressé par les bords extrêmes de sa création, mais se concentrait sur le centre. Alors Mello observa, et Near joua.
Les minutes s'étirèrent, devenant peu à peu une heure, puis deux. Mello avait réussi à s'arranger dans une position plus confortable sans être entendu, et était allongé derrière le mur de littérature. Near était allongé à ce moment aussi, sur le ventre, jouant avec ses jouets et tortillant ses cheveux. C'était incroyable de voir combien de temps le garçon pouvait rester fasciné par une activité si simple. Il avait commencé à pleuvoir il y a environ une heure, et le bruit de la pluie battant contre le vieux bâtiment commençait à bercer le plus âgé vers le sommeil. Il lutta, mais combiné avec une pièce suffisamment chaude, l'odeur des vieux livres, et l'activité peu stimulante de Near, cela œuvrait pour le submerger.
Il se demanda comment il se faisait, alors qu'il succombait finalement au sommeil, qu'il n'avait pas été ennuyé par le fait d'avoir été coincé dans une pièce pendant si longtemps sans autre occupation que de regarder son grand rival jouer à des jeux sans intérêt. Normalement, il détestait être seulement à proximité de Near, mais pas cette fois. Excepté cette première idée de s'échapper, Mello n'avait eu aucune motivation pour quitter la bibliothèque qui était le sanctuaire privé de Near. Cela s'était même avéré être relaxant pour le garçon constamment tendu. Cela n'avait aucun sens, et avait besoin d'être médité attentivement. Plus tard…
Near leva les yeux quand un bruit de doux ronflements lui parvint du fond de la bibliothèque. Se démêlant de son nid de jouets, il se leva, se rendit dans le coin de Mello et regarda par-dessus les piles qui l'avaient dissimulé. Mello était pelotonné sur le côté, de face pour pouvoir regarder Near, les restes d'une barre de chocolat dans une main, et la preuve qu'il l'avait mangée au coin de sa bouche. Les vêtements noirs étaient froissés, ses pieds étaient nus et sales, et son chapelet s'était ramassé en un petit nœud de perles rouges et noires à son cou. Near se permit la plus petite ombre de sourire. Mello était tellement mauvais espion. Mais ce n'était pas surprenant, à la lumière de sa personnalité et de sa nature passionnée. Le garçon était intelligent, on ne pouvait le nier, mais n'était simplement pas fait pour des choses qui demandaient beaucoup de patience. En fait, il était inhabituel que Mello soit seulement resté aussi silencieux pendant si longtemps.
Presque aussitôt que Near était revenu dans la bibliothèque, il avait su que Mello était là. L'odeur du chocolat du garçon plus âgé était forte et reconnaissable entre toutes, et un minuscule bout d'emballage qui était tombé au sol avait réglé la question. Des bruits de respiration étouffés et des bruissements avaient répondu à la question de savoir s'il était toujours dans la pièce. Curieux de savoir ce que Mello voulait, mais ne voulant pas le montrer, Near avait agit comme s'il ne savait rien de sa présence et avait poursuivi son projet. Connaissant Mello, ce ne serait qu'une question de temps avant qu'il ne charge, demandant une chose ou une autre, ou le réprimandant pour un récent résultat d'examen.
Mais ce ne fut jamais le cas. C'était bizarre. Et Near ne pensait pas que l'espionnage de Mello avait quelque chose à voir avec une revanche planifiée, non plus. Il était beaucoup trop mal organisé pour cela.
C'était vraiment très étrange, et ne ressemblait pas du tout à Mello, le garçon fougueux et impulsif. L'était encore plus le fait de s'endormir en présence de son « ennemi ». Il était vrai que Mello n'avait rien à craindre de Near ; même si le plus jeune voulait lui faire du mal, il ne serait pas exactement le mieux placé pour s'exécuter. Mais Mello percevrait tout de même une menace. S'endormir… était une nette brèche de caractère. Cela demanderait réflexion.
Avec précaution, Near tendit la main par-dessus les livres et attrapa une mèche de cheveux jaunes qui était tombée sur le visage de Mello. Il l'enroula vaguement autour d'un doigt, comme il le faisait souvent avec sa propre chevelure, avant de la ranger doucement derrière une oreille. Stupide Mello.
Near se détourna du blond assoupi et parcourut la pièce du regard, considérant ses options. Se décidant, il parcourut la pièce aussi silencieusement que ses pieds en chaussettes le lui permettaient, rassemblant ses jouets personnels pour retourner dans sa chambre. Le reste pouvait attendre plus tard, lorsque Mello se serait réveillé et serait reparti, comme le pouvait la tâche de ranger tous les livres dans leurs étagères.
Avant de partir, Near laissa l'un de ses propres robots à côté du Mello endormi. Il doutait que Mello l'abîme, et il sentait qu'un signe de gratitude était dû pour ce paisible après-midi. Légèrement déroutant, mais paisible.
Lorsque Mello se réveillerait, il trouverait un robot rouge et blanc surmonté d'un dôme en train de le surveiller.
A noter que l'autrice avait initialement prévu de faire de ce chapitre un OS.
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