Salut tout le monde! Voici, comme promis, ma nouvelle traduction. C'est une très belle fanfiction, pas encore terminée, écrite par DarkHorseBlueSky, sous le nom original de How to fit your heart in a Petri Dish et j'espère que vous l'aimerez autant que moi! L'histoire se déroule dans un UA humain et le ship principal, vous l'aurez compris, est l'Amedot, avec des cameos d'autres ships. Attention cependant, il y aura des thèmes qui peuvent être difficiles, comme les relations toxiques et la manipulation (mais pas entre Améthyste et Péridot, ne vous inquiétez pas), donc si vous êtes sensibles à ces choses-là, faites attention pendant la lecture. Ah, et j'ai choisi de traduire les noms des personnages et de prendre leur version française officielle, pour cette fois.

Bien, maintenant, bonne lecture!


« L'amour, ça ne se DÉFINIT pas Peri. On ne peut pas lire un livre sur le sujet et dire qu'on sait ce que c'est. C'est différent pour toi, c'est différent pour moi, et il faut que tu l'explores toi-même. Essaie. Tente ta chance et peut-être, peut-être que ça ne te plaira pas, mais peut-être que tu trouveras que ce n'est pas si mal. »

Péridot Chen Sun, une jeune fille socialement inapte accueillie par la famille Yellowtail, n'a pas de problème avec sa nouvelle école. Jusqu'à ce qu'elle rencontre sa partenaire de laboratoire – Améthyste Espina, racaille, lutteuse, un an de plus en termes d'âge, et deux ans de moins en termes de maturité.

C'était censé être un cours facile, mais quelqu'un les surveillait. Lorsque la tyrannique Melle. Diamant met en jeu les notes de Péridot à cause de la mauvaise conduite d'Améthyste, les deux jeunes filles doivent apprendre à travailler ensemble pour survivre à l'année. Et qui sait ? Peut-être apprendront-elles des leçons en dehors de la biologie de base, sur ce que cela signifie de vivre.


ACT I

- Girls — Marina and the Diamonds –


Il y avait de nombreuses choses qui pouvaient gâcher les nombreuses choses qui se produisaient ce matin-là, et à cause de la moindre de ces possibles erreurs, qu'il s'agisse d'une seule erreur ou d'une combinaison de plusieurs d'entre elles, il y avait encore beaucoup plus d'erreurs qui pouvaient en résulter. Tout partait de lui-même, n'est-ce pas, comme un genre d'arbre d'erreurs tordu. Péridot savait que ce n'était probablement pas sain de penser comme cela, d'analyser chaque erreur possible, et les bébés erreurs qui pourraient en résulter, mais c'était comme si elle ne pouvait pas s'en empêcher. C'était parfois utile. Cela lui évitait de perdre son objectif de vue, quoi qu'il fût à un instant donné. Cela lui donnait le temps de se donner un aperçu. De rassembler autant d'anxiété et de peur irrationnelle que possible avant de se confronter à quelque chose de façon à se rendre aussi émotionnellement fragile et nerveuse qu'il pouvait être sain de l'être pour une jeune fille de quinze ans.

Mais malgré toutes les prévisions anxieuses qu'elle affirmait concevoir, Péridot n'aurait jamais pu voir venir La Chose Qui Arriva avant qu'elle arrive.

C'était trop évident, d'une part, et j'ai du mal à croire qu'elle n'y ait pas pensé, mais on m'a dit que c'était peut-être parce que « évident » ne s'applique qu'aux gens qui ont grandi avec les mangas d'écolière et les affreux UA de fanfiction où ces codes sont courants. Cela m'étonnerait que Péridot ait déjà lu un manga – je veux dire, elle en avait sans doute déjà vu un, mais en lire ? Quel concept étrange. La culture littéraire de Péridot était large mais inutile en situation ; elle avait lu Homère, Shakespeare et Sun Tzu et les principaux « grands auteurs », et pour être honnête elle appréciait de lire un roman d'Orson Scott Card de temps à autre (quel univers élaboré ! Cette complexité !) mais la romance n'était certainement pas sa tasse de thé. Et puis, il lui arrivait d'être conne comme une bûche.

Tout commença le premier jour de l'année de seconde de Péridot au lycée, et par extension, le premier jour de présence de Péridot dans l'école elle-même. L'année précédente, elle avait suivi les cours d'un lycée de l'autre côté de l'état ; deux ans plus tôt, un collège trois états plus loin. Dans les dix dernières années de sa vie, Péridot avait compté six foyers d'accueil différents dans six villes différentes, chacun avec une durée de séjour et un degré d'agrément variable. Elle vivait sa vie avec une famille qui semblait toujours trop distante, débitant des prestations minimalistes qui la maintenaient en vie, puis quelque chose se passait (un divorce une fois, de la maltraitance une autre fois, des problèmes financiers une autre ; c'était devenu comme un jeu de prédire ce qui déchirerait sa famille d'accueil en premier) et on la fourrait dans une voiture banale avec un travailleur social banal pour la propulser vers un tout nouveau monde. Elle vivait avec la Famille n°6, les Yellowtails, depuis deux mois et les considérait comme l'une des meilleures. La famille en elle-même pouvait être un peu agitée, parfois, mais la maîtresse de maison, Vidalia, s'était démenée pour accommoder Péridot le mieux possible.

Lorsqu'elle s'assit sur un siège vide et que le bus scolaire se mit en branle et s'éloigna de l'arrêt, Péridot se mit à contempler ses chaussures, une paire immaculée de converses noires. Une amélioration conséquente par rapport aux tongues abîmées avec lesquelles elle était arrivée dans la Famille n°6. Un nouveau sac à dos, plein de pochettes, de stylos et de cahiers, reposait tranquillement contre son bras visible – contre la manche ample et nette de sa chemise à motifs écossais verts. Elle n'avait pas été totalement pour la nouvelle garde-robe complète, mais puisque c'était un lycée publique, elle allait devoir se passer des jupes plissées et des chaussures Charles IX de l'école catholique de la Famille n°5. Alors adieu l'uniforme et bonjour les jeans moulants foncés, les hauts à carreaux, et la coupe qui tirait ses épais cheveux noirs en un carré court, vaguement triangulaire.

« Regarde-toi, Dottie ! » avait souri Vidalia ce matin lorsque Péridot était descendue pour le petit-déjeuner. « Ne bouge pas ! Il faut que je prenne une photo. Oh, j'avais oublié de te demander… Ça ne t'embête pas d'être sur la carte de vœux de cette année, si ? »

Péridot avait dit que non, ça ne me dérange pas, merci madame, mais les transactions extensives n'étaient vraiment pas nécessaires, et en réponse Vidalia s'était contentée de rire.

« Transactions extensives ? Ma grande, je t'ai juste trouvé de nouvelles frusques. Tu ne sais pas ce qui est extensif avant d'avoir vu la liste de noël d'Octave. »

Et Péridot était partie, avec son sac à dos qui contenait maintenant un déjeuner emballé dans un sac en papier brun. Au lieu de son prénom, Vidalia avait esquissé un portrait d'elle qui était étonnamment ressemblant, et cela avait fait sourire Péridot. Ce qui était bien, parce que les nouvelles montures rondes de ses lunettes étaient censées sembler substantiellement attirantes lorsqu'elle souriait. Est-ce que l'attraction était une chose qu'elle estimait ? Elle ne pensait pas. Les attentes en matière de genre et les jeunes garçons pouvaient, les uns comme les autres, aller se faire foutre. Elle mit ses écouteurs, joua un obscur remix de dubstep pour noyer le monde autour d'elle, et vérifia son emploi du temps scolaire pour la septième fois.

Sa première heure de cours fut Algèbre II, enseignée par un homme plus âgé et caucasien qui mettait ses mains sur ses hanches trop souvent et dont les expressions se résumaient à celle de quelqu'un qui vient d'entendre un très mauvais jeu de mot. Il leur fit passer une interro le premier jour, jeta un regard à la note de Péridot et la prit à part pour lui recommander de se faire transférer dans le programme de mathématiques avancées et d'en parler au conseiller d'orientation après les cours. Puis il leur donna des devoirs dès le premier jour – Péridot décida qu'elle l'aimait bien.

Deuxième heure : histoire du monde, enseignée par une jeune femme polynésienne qui avait des mèches bleues dans sa chevelure brune et duveteuse, une photo encadrée d'un bébé qui s'égosillait sur son bureau, et une quantité alarmante de posters motivationnels sur les poissons. Péridot n'était au courant pour la photo de bébé que parce qu'au moment de faire l'appel, lorsqu'était venu le tour de « Malachite Lazuli », le visage tout en taches de rousseur de Mme. Lapis Lazuli s'était fendu d'un sourire machiavélique et elle avait ajouté d'une voix pleine d'un entrain moqueur, « C'est ma fille. Coucou ma puce, tu es là, n'est-ce pas ? »

Dans le coin, au fond, une fille haute-sur-pattes au style gothique avec des cheveux décolorés s'était enfoncée dans son siège et avait grogné. « Non. Oh mon dieu.

- Présente de corps, non d'esprit, » répondit Mme. Lazuli, elle tira la langue et continua de faire l'appel. À un moment, pendant qu'elle parlait du programme, elle renversa « accidentellement » la photo de bébé et se servit de cette opportunité pour parler de la terreur qu'était sa fille dans ses premières années. Péridot se sentit presque désolée pour Malachite, qui avait l'air prête à aller se noyer dans l'aquarium de Mme. Lazuli, mais elle était trop occupée à se sentir désolée pour la personne, quelle qu'elle soit, qui avait épousé l'indolente et insouciante professeur d'histoire.

Elle n'eut pas le temps de s'interroger trop longtemps, cela dit, car la troisième heure était l'EPS – dominée par une femme monstrueuse qui répondait au nom de « Jaspe Dominguez-Lazuli », mais demandait à être appelée soit « chef », soit « Coach Jaspe », soit « si vous voulez me plaire, Major Dominguez. Je n'ai pas fait dix ans de service militaire pour entendre des « j'm'en fous » plaintifs de la part de trente brindilles pleines d'hormones ; j'ai déjà ma part à la maison ». Comme sa femme, elle était sarcastique au possible et rendait la moquerie très facile, mais contrairement à sa femme, la moquerie passait facilement sous son nez percé et ferait tomber des têtes si elle se faisait remarquer. Elle fit courir un bon kilomètre à sa classe le premier jour, ce qu'une Péridot très asthmatique ne parvint à accomplir qu'en mentant sur son nombre de tours (8 au lieu de 10). Elle était sûre à 90% que Coach Jaspe avait tout compris mais l'avait laissée passer parce que l'heure était terminée.

Sifflant dans son inhalateur et encore pleine d'odeur de sueur, une Péridot largement moins calme monta une rangée d'escaliers bien plus raides que nécessaire pour rejoindre sa quatrième heure de cours, biologie niveau seconde. La seule raison pour laquelle c'était le niveau seconde, c'était parce que l'école catholique de la Famille n°5 avait un double-programme et que les cours de sciences marchaient à l'opposé du système scolaire publique normal, alors elle avait pris à la fois physique et chimie en troisième. Autrement, pensait-elle, mon niveau devrait être largement supérieur à celui de mes pairs. Peut-être pourrai-je combler leur savoir lacunaire avec l'éducation que j'ai reçue, nyehehehehe.

L'idée d'être la plus intelligente de la classe la remplit de détermination (Référence à Undertale. Trop avancée au goût des andouilles communes qui n'étaient pas gamers, nyehehe) et Péridot tâcha de grimper les marches deux par deux à la place. « Pourquoi les petits grimpent toujours les marches deux par deux ? » grommela un gamin en passant.

Elle répondit, « On compense quelque chose. » Cela dit, ses jambes lui faisaient mal lorsqu'elle atteignit le sommet, et ouvrir la porte demandait un effort, surtout de la part de quelqu'un qui tenait ses cahiers et sa trousse. De quoi faire ses preuves.

Sa première impression de la classe G10 fut l'odeur, un puissant mélange de formaldéhyde et de lingettes antibactériennes qui ne faisait qu'accentuer l'éclairage aveuglant. Au lieu de bureaux, il y avait trois rangées de tables avec deux sièges à chacune, et une bonne part d'entre eux étaient déjà occupés. Péridot chercha l'horloge du regard et la trouva juste au-dessus du tableau blanc immaculé – dix secondes d'avance. Ugh, elle avait mis trop de temps à se changer. Elle était presque en retard.

La sonnerie, le carillon réverbéré d'une note grave que l'on pourrait facilement comparer à une vraie cloche d'église, retentit juste au moment où Péridot reprit son souffle et chercha une place du regard, mais elle avait à peine commencé à considérer les divers ennuis qui pourraient venir respectivement des côtés, des premiers et des derniers rangs, avant d'être interrompue par un vif claquement de talons hauts. Sortant d'une porte du fond, une très grande femme entra d'un pas ferme, les épaules rigides et les mains croisées derrière son dos. Sa carrure mince était soulignée par le costume et la jupe, noirs et ajustés, qu'elle portait, son visage angulaire encadré par un carré immaculé de cheveux blonds champagne. Contrastant vivement avec sa tenue autrement conservatrice, le cou mince de la femme et le sommet de sa poitrine servaient de toile vierge à un unique pendentif en diamant jaune qui pendait là, et ses mains osseuses à plusieurs épaisses bagues et divers bracelets qui scintillaient dans la lumière dure de la salle de classe.

« Elèves, levez-vous et allez vous placer au fond de la salle. Pensez-vous honnêtement que je vous laisserais choisir vos propres places ? » Les mots de la femme tonnaient comme des coups de feu, comme ses chaussures lorsqu'elle marchait derrière le bureau à l'avant. Tout dans son entrée envoyait le message immédiat de ne PAS me chercher, et quoique cela intimidât Péridot, elle était pleine de soulagement à ne pas avoir à agir indépendamment. Accrochée à ses livres, elle détala vers le fond de la salle avec les autres élèves (la plupart d'entre eux semblaient plus jeunes, visiblement des troisièmes. De quoi s'inquiétait-elle déjà ? Ces enfants ne savaient pas ce qu'ils faisaient au lycée, et le professeur inspirait le respect. Péridot sentit qu'elle apprécierait ce cours).

Sans plus d'explications, la femme jeta un regard à un dossier sur son pupitre et pointa du doigt la table de devant, à l'extrême gauche. « Zhang, Jade, » lut-elle, et dans une obéissance silencieuse une petite fille aux cheveux bruns prit la place. Un garçon indien aux larges épaules suivit à « Talwar, Obsidienne, » et, par habitude, Péridot se fit calme et posée lorsque le professeur indiqua la table du centre et lut « Sun, Péridot Chen. »

Elle préférait la première rangée de toute façon – oh, ses yeux horribles étaient de pire en pire chaque année. Avec une expression neutre contrôlée avec attention, Péridot hocha la tête et prit place sur la chaise de gauche. Donnez-moi un BON partenaire, s'il-vous-plaît, pensa-t-elle lorsque le professeur baissa le regard sur sa feuille d'appel et ouvrit la bouche, et à cet instant précis, la poignée de la porte cliqueta.

Tous les regards nerveux volèrent vers la porte à l'exception de celui du professeur, qui fusilla sa classe du regard. « Si personne n'y va, elle risque de rester là toute la journée. Péridot, va ouvrir. »

Péridot fut surprise à l'appel soudain de son prénom, mais la tâche était simple et rien ne pouvait aller de travers. « O… Oui Madame. Pardon Madame. » Elle se fit la terrible réflexion que la salle était très silencieuse, que ses nouvelles chaussures couinaient bruyamment sur les carreaux blancs, que quelques murmures s'élevèrent lorsqu'elle ne parvint pas à déverrouiller la porte du premier coup. Et lorsqu'elle l'ouvrit, les murmures ricochèrent à nouveau en un chœur qui répondait à ses propres pensées à la nouvelle venue.

Elle passa facilement à côté de Péridot et s'attarda là, devant la classe, reportant une fois son poids dans une posture de combat, et avec la force brute rayonnante qui courait dans son corps robuste, Péridot fut surprise de constater que la fille n'était pas beaucoup plus grande qu'elle. Un jean déchiré et des bottes de combat, un haut violet avec une coupe asymétrique qui mettait bien en évidence la dentelle noire d'une bretelle de soutien-gorge. Elle avait un seul carnet de cours et un iPhone à l'écran craquelé dans sa poche arrière, d'où une paire d'écouteurs monstrueusement emmêlés pendait et rebondissait contre le derrière bien moulé de la jeune fille.

Attend, quoi ?

« Euh, » dit la fille, mais elle regardait le professeur. « Pardon, Melle. Diamant. Mon casier était coincé.

- Bon retour parmi nous, Améthyste, » dit platement Mademoiselle (?) Diamant. Bizarrement, l'appeler Mademoiselle Diamant sonnait trop doux à l'oreille ; Professeur Diamant sonnait bien mieux. « Assied-toi. »

A posteriori, Péridot aurait certainement dut s'asseoir juste après avoir ouvert la porte, car lorsque Melle. Diamant donna cet ordre, Améthyste tira très délibérément la chaise assignée à Péridot et prit cette place assignée où les affaires de Péridot étaient posée sur la table assignée. « Ahem, » toussota Péridot en même temps que Melle. Diamant, et de derrière une touffe d'épais cheveux lavande, Améthyste leva la tête.

« L'autre siège. »

La fille haussa les épaules et se déporta sur la chaise à sa droite. « Comme vous voulez. »

Comme vous voulez ? Péridot jeta un regard désespéré à Melle. Diamant, priant tous les dieux qu'elle connaissait pour qu'Améthyste soit réprimandée à nouveau et assignée à un nouveau siège, mais Melle. Diamant se contenta de se retourner vers sa liste d'appel et de continuer à appeler des noms. Lentement, Péridot retourna à sa place et jeta un regard en coin à Améthyste. Elle avait sorti son téléphone et, tandis que son pouce courait sur l'écran craquelé, Péridot remarqua son verni à ongle écaillé. Ses cheveux lavande étaient volumineux, ainsi que déraisonnablement longs, une crinière s'il fallait la définir, assez similaire en vérité à celle de Coach Jaspe. Elle débordait sur ses épaules, sur son œil gauche, sur l'arrière de sa chaise, et dans la proximité de leurs corps, une mèche effleura même de façon obscène la cuisse de Péridot. Tant pis pour le bon partenaire de laboratoire.

Tandis que « Rosales, Citrine » se dirigeait vers sa chaise et que Melle. Diamant commençait à appeler d'autres noms, Péridot osa ouvrir la bouche pour s'adresser à la fille qui était avachie à côté d'elle. « Excuse-moi, » murmura-t-elle, ou en tout cas essaya parce qu'elle savait qu'elle ne savait pas murmurer, « tes cheveux colorés artificiellement sont en train d'envahir mon espace personnel. Tu voudrais bien les enlever ? »

Améthyste tourna la tête et les cheveux se retirèrent en vertu de la simple loi de ce qui se passe lorsque l'on bouge la source des cheveux, mais Péridot se retrouva à un tout nouveau niveau d'inconfort lorsque le seul œil visible de la fille fixa les siens. Elle avait les yeux les plus sombres que Péridot ait jamais vus – noirs comme de l'onyx, presque bleus. Il semblait qu'Améthyste ait tenté d'appliquer un trait d'eyeliner, mais il avait coulé au bout et se fondait dans son fard à paupière violet et sa peau bronzée. L'œil voleta du visage de Péridot à ses vêtements, puis à ses mains croisées sur la table devant elle, et revint sur son visage.

« Ni dieux ni maîtres, » marmonna-t-elle. « Ils font ce qu'ils veulent, copine. Détend-toi. »

Péridot mit bien cinq secondes à déchiffrer ce que l'autre fille voulait dire par là, et entre temps, à son insu et à celle de sa colère aveugle, leur conversation avait déjà attiré toute l'attention de Melle. Diamant.

« Tu ne pourrais pas au moins les attacher ? C'est dangereux dans un laboratoire, tu sais. Tu ne sais pas –

- Péridot, accepterais-tu de partager ta conversation avec la classe ? »

La voix froide, appelant son nom pour la troisième fois, se brisa sur le sol et envoya une bouffée comme de l'eau glacée le long de la colonne vertébrale de Péridot. On ne lui avait jamais reproché de parler en classe auparavant, jamais comme ça, et une rougeur graduelle sur ses joues olive suivit sa bouffée de peur. Le problème lui semblait bien insignifiant maintenant qu'elle y pensait. Elle regarda Melle. Diamant, qui fronçait les sourcils, et ravala la boule dans sa gorge. « Non, madame. »

A son agacement, on ne mentionna pas qu'Améthyste parlait aussi, et la fille se contenta de reporter son attention sur Snapchat, ou quoi qu'elle fût en train de faire, et bien que Melle. Diamant dit « Appareils rangés, Améthyste, » la pusillanime revanche d'entendre l'autre fille se faire réprimer ne satisfit pas la honte brûlante de Péridot. Premier jour, et déjà une réputation de pipelette, génial. Et tout ça à cause d'une – une délinquante négligée en échec scolaire qui semblait déjà avoir été dans cette classe et n'avait pourtant aucune notion de sécurité en laboratoire. Au second regard, Péridot s'aperçut qu'Améthyste n'avait aucun outil d'écriture sur elle et nota la carte étudiante enfoncée dans sa poche avant – noire pour l'avant-dernier niveau. Une première était dans un cours de biologie de seconde et n'avait même pas pensé à prendre un stylo ?

Une fois que le dernier élève eut pris place sur son siège assigné, Melle. Diamant fit distribuer les programmes et attentes du cours et commença à les lire d'une voix qui témoignait de plusieurs années de pratique, sans pour autant la moindre intention de laisser cette classe être pire que les précédentes. Le programme était long de cinq pages en police 11, sans interligne. Péridot ouvrit son cahier et commença à noter rapidement les remarques qui n'étaient pas sur le programme, se rendant compte à l'occasion qu'elles l'étaient et qu'elle les avait juste survolées, et pour s'assurer que le professeur sache qu'elle écoutait, elle levait les yeux et essayait de croiser son regard. Melle. Diamant ne la regarda même pas. Améthyste non plus – en fait, la plus âgée des deux filles semblait déterminée à regarder partout, sauf vers le professeur ou Péridot.

Eh bien – tant pis pour elle ! Si elle allait causer des problèmes, alors ce serait de sa faute. Elle avait seulement demandé à être là.

L'idée transporta sa conscience encore embarrassée sur une vague paisible jusqu'à la fin du cours, même après avoir entendu la règle fort peu agréable du « vous ne choisirez pas votre partenaire de laboratoire et ne travaillerez pas seuls non plus ; vous et la personne assise à côté de vous travaillerez ensemble pour le reste du semestre, à moins de faire un arrangement spécial avec moi ». Quand la sonnerie carillonna à midi cinq, Péridot rassembla ses affaires et se leva avec assurance.

« Alors, apparemment, » elle lança un regard en coin désagréable en direction d'Améthyste et remonta délibérément ses lunettes le long de son petit nez. « Il semblerait que tu sois une élève à problèmes. »

Melle. Allnatt Diamant était déjà partie, comme la plupart des autres élèves, et Péridot et Améthyste étaient seules dans la salle de classe. La plus âgée des deux filles repoussa paresseusement sa chaise et sortit son téléphone. « Je suis beaucoup de choses. Qu'est-ce que ça te fait ? »

Une colère dégoûtante et pourtant alléchante se mit à bouillir dans le ventre de Péridot et elle serra les poings. « Je ne vais pas laisser une punk dégoûtante comme toi ruiner mon année. J'ai travaillé très dur pour garder mes notes à leur niveau et si tu crois que tu peux gâcher ça, eh bien essaie un peu pour voir ? »

Les mots sortirent en amas acides, entrecoupés de moments de respiration et d'un couinement occasionnel dans la voix aiguë de Péridot. Mais ils parurent faire quelque effet, car Améthyste se contenta de détourner un peu plus la tête du regard certainement acerbe de Péridot et se faufila en passant à côté d'elle pour atteindre la sortie. C'était si gratifiant d'avoir ce genre de contrôle – toute sa vie, elle avait été presque incapable de déterminer ce que les gens autour d'elle lui faisaient. Son travail scolaire avait été son seul trait de qualité et elle ne s'inclinerait plus devant qui que ce soit qui le menaçait. C'était si délicieux d'inverser les rôles. Péridot rit dans sa tête et allongea le pas derrière la plus âgée.

« Ouais… C'est ça ! » lança-t-elle à Améthyste. Son épaule heurta la poignée de la porte en passant et elle s'arrêta pour la frotter et jurer un peu dans sa barbe, mais s'élança à nouveau pour continuer son discours aussi vite qu'elle avait été interrompue. « Attend un peu – je ne laisserai rien merder à cause de toi ! »

Et Péridot se sentit merveilleusement bien en lançant cette dernière pique en dépit du très mauvais choix des mots, jusqu'à ce qu'au tout dernier moment elle entende Améthyste marmonner quelque chose dans sa barbe, quelque chose qui ressemblait fortement à « ouais, c'est toi que j'emmerde ». Horrifiée, elle se retourna.

« Qu'est-ce que tu as dit ?

- Oh, rien, » répondit vaguement Améthyste, mais elle souriait d'un air goguenard.

Ses hanches se balançaient lorsqu'elle marchait, ses cheveux en parfaite synchronisation. Les petits écouteurs pendaient toujours avec négligence de sa poche arrière et rebondissaient contre son derrière, invitant à une pensée que Péridot ne pouvait ni nommer ni caser. Dégoûtant, c'est tout ce qu'elle trouvait. « Dégoûtant, » osa-t-elle-même se dire, et elle le répéta dans sa tête. Absolument dégoûtant.

Pour des raisons inconnues, ses joues étaient encore chaudes.