Note de la traductrice: Voici la suite! J'étais sensée la poster il y a une semaine, mais j'ai eu un petit problème d'ordi qui m'a retardé.

mamy 83 C'est exact :p Et je suis contente que ça t'ai plu ^^

adenoide Oui, malgré deux ans passés dans le monde sorcier, Harry a des lacunes au sujet du monde magique, mais c'est tout à fait normal je crois.

hitori C'est vrai, ils méritent la prison, mais je crois que vivre dans la peur constante est encore mieux :p Et ta patience est récompensée ^^

petite grenouile Contente que tu aimes :)

Muirgheal Je t'en prie :)

Yoka Mdr XD Ce serait un très beau scénario :p

Bonne Lecture!


L'Impasse du Tisseur

Ce fut terriblement perturbant pour Remus de découvrir, en sortant de ses quartiers à midi, un mot de Dumbledore sur son bureau lui indiquant que ses cours avaient été annulés pour aujourd'hui, et non pas assuré par un remplaçant comme ils s'étaient mis d'accord. La paranoïa du professeur atteint des sommets; il ne put s'empêcher de s'inquiéter, craignant qu'on ait peut-être découvert, d'une façon ou d'une autre, ses indiscrétions concernant Black. Si Dumbledore allait le renvoyer, il aurait été forcément là à l'attendre dans son bureau pour le faire en personne, non? Quoique, si c'était bien le cas, des aurors l'attendraient là aussi.

Toutefois, en se dirigeant vers l'infirmerie pour faire le point avec Poppy, il vit un très grand nombre d'élèves absents de la Grande Salle, et les couloirs étaient beaucoup trop vides à cette heure de la journée. Un mot accroché à la porte de la classe de Minerva lui indiqua que ses leçons n'étaient pas les seules à avoir été annulées, il s'agissait de tous les cours. Remus n'aimait pas émettre des conjectures sur ce que cela voulait bien dire.

Si les couloirs étaient trop vides, l'infirmerie était inconfortablement comble. Vu le nombre de têtes rousses, le clan Weasley au complet avait élu résidence, ainsi qu'un petit troupeau de guérisseurs de Sainte Mangouste. Remus vit au moins trois personnes vêtues de l'uniforme de l'hôpital.

On ne voyait Poppy nulle part, et Pomona était en pleine discussion avec un des guérisseurs.

Arthur Weasley dirigea son regard vers Remus lorsque ce dernier entra. Le père de famille était assis dans un fauteuil, auprès de sa femme endormie, et il ressemblait à ce que Remus ressentait. Molly dormait à poings fermés sur un des lits d'hôpitaux, recroquevillée dans sa cape.

Arthur le vit et le salua d'un mouvement fatigué de la main et avec un sourire peu enthousiaste.

Bill Weasley, l'ainé, était là avec lui, en pleine conversation sérieuse avec son père et un autre roux trapu possédant une forte ressemblance avec Molly. Remus reconnut Bill grâce à un travail en freelance avec Gringott, il y a quelques années. Il ne pouvait s'agir que d'une urgence familiale, pour qu'il vienne jusqu'ici, puisque Bill vivait à présent en Égypte, travaillant pour Gringott comme briseur de sorts. L'autre devait donc être Charlie, le cadet, qui vivait en Roumanie.

Les jumeaux étaient aussi là, mais Percy et Ron manquaient à l'appel. Peut-être que l'un d'entre eux a eu un accident de balai? Non, Remus finit par les apercevoir, chacun endormi sur un lit.

Remus répondit au salut d'Arthur d'un signe de tête.

La porte menant au bureau de Poppy était entrouverte. Remus y frappa et passa la tête dans l'entrebâillement.

Poppy était assise à l'intérieur, buvant son thé d'une main tremblante, pâle comme un linge, et semblait avoir vieillie de trente ans dans la nuit.

"Poppy?" demanda Remus, stupéfait, "Qu'est-ce qu'il s'est passé?" Il passa l'embrasure de la porte, pour venir s'assoir dans la chaise devant elle.

En toute réponse, Poppy posa les coudes sur son bureau, le visage entre ses mains, et se mit à sangloter.

Remus se dépêcha de se lever pour refermer la porte, son inquiétude se transformant en terreur. Alors que les pleurs de Poppy augmentaient en volume, il lança un silencio pour faire bonne mesure, et retourna à sa chaise.

L'infirmière n'avait pas réagi de cette façon la nuit où Londubat était mort. Ni lorsque les guérisseurs leur avaient appris que la petite Poufsouffle avait subi des attouchements sexuels. Aucun des évènements de la Guerre n'avait causé de tels sanglots. Oui, bien sûr, il l'avait vue pleurer, ou plus souvent rager, mais elle arrivait toujours à se contrôler, toujours capable de s'acquitter des tâches qui lui incombaient. Une faiblesse momentanée serait réprimée d'une main de fer. Cette créature tremblante, sanglotant, se balançant en pleurant, n'était pas la Poppy qu'il connaissait.

Complètement dérouté, il prit la femme dans ses bras, reconnaissant du fait qu'elle soit une des rares personnes qui savaient au sujet de sa maladie, sans pour autant éviter tout contact avec lui.

Il fallut cinq bonnes minutes à Poppy pour se calmer et pouvoir enfin prendre la parole, "Je-Je suis vraiment désolée, Remus," dit-elle d'une voix enrouée, "Je… Je ne suis pas… pas dans mon état normal en ce moment."

"Mais qu'est-ce qu'il s'est passé?" demanda Remus de nouveau, d'un ton plaintif. Il lui versa une autre tasse de thé, la forçant entre les mains de son aînée, "Je peux te chercher quelque chose? Un philtre calmant, peut-être?"

"Oh, non Remus," Elle leva la main et secoua la tête, "Je ne peux pas en reprendre, ça va vite m'endormir de nouveau," répondit-elle, mais avec une pointe de regret, remarqua-t-il, "Seulement le thé." Elle souffla dessus, et prit une longue gorgée. Elle ferma les yeux et son visage se renfrogna en une mine crispée, "Cette nuit, Ginny Weasley… Elle… Eh bien, c'était un accident de potion…" Poppy parlait lentement, comme s'il lui était difficile de penser à ce qu'elle était en train de dire, "Elle essayait d'infuser une potion illicite. Elle a failli mourir… Minerva, Severus et moi, on a utilisé le Tribuo Vita"

"Mon Dieu." haleta Remus, "Vous allez bien? Minerva? Est-ce qu'elle…?" Il sentit son cœur se serrer, la peur au ventre. Tous savaient que se sortilège s'avérait souvent mortel pour les sorciers. Il commençait à comprendre l'hystérie inhabituelle de Poppy.

Elle acquiesça, "Oui, tout le monde va bien. Nous avons eu de la chance, d'être tous présents. On avait la triade nécessaire pour compléter le sort, alors c'était suffisamment sûr, et puis il y avait aussi toute cette énergie pure qui venait de Severus…" Poppy secoua la tête, "Je ne voudrai jamais l'affronter en duel."

"Comment avez-vous…?" Remus essayait d'appréhender ce qu'ils avaient fait, "Alors, Ginny Weasley…?"

"Elle va s'en sortir." l'informa Poppy avec lassitude, "Et puis, pendant qu'on était retenu par tout ça, Sirius Black s'est introduit dans le château. Il est arrivé jusqu'à la Tour de Gryffondore."

Remus se figea, "Est-ce qu'il y a des blessés?" demanda-t-il d'une voix calme, se préparant à la réponse.

Poppy fit non de la tête. Remus était complètement ravi d'être en position assise; ses jambes auraient flageolé de soulagement.

"Pauvre Harry, cependant." continua Poppy, triste, "Il traverse une période difficile. Il a passé la nuit ici parce qu'il était un de ceux qui ont tiré la sonnette d'alarme pour l'accident de Ginny. Il est très proche des Weasley, tu sais. Eh bien, son familier était resté dans son dortoir, et on dirait qu'il a attaqué Black, l'a chassé de la Tour. Et Black a tué cette pauvre bête. Complètement fait exploser."

Remus avait du mal à suivre le récit décousu de son ami, "Black a tué la chouette de Harry?" demanda-t-il, confus.

"Oh, non." Poppy secoua la tête, comme si elle venait de comprendre qu'elle n'était pas très cohérente, "Désolée, tu ne pouvais pas savoir. Harry l'a ramené, avant-hier, tu n'étais pas très en forme."

C'était le code de Poppy pour "le loup de Remus est trop irascible pour être en contact avec des humains". Certaines lunes étaient pires que d'autres. Avec tout le stress de ces derniers temps, on avait remarqué que ça allait en être une très mauvaise. Remus s'était retiré tôt, avec sa potion et un philtre calmant.

Poppy continua, "Harry n'était pas dans la Tour après le couvre-feu. Severus l'a trouvé dehors, à l'extérieur du château. Il s'avère qu'il donnait à manger à un grand chien noir depuis le début du semestre, et il s'était endormi sur la pelouse avec lui. Le chien s'est montré très protecteur envers Harry. Il a failli arracher le bras de Severus quand il l'a grondé. Eh bien, tu sais comment Severus réprimande ses élèves, je suppose que le chien a cru qu'il allait faire du mal à Harry. Il a tout de suite renversé Severus et s'est jeté sur sa main dominante, il a donc appartenu à un sorcier avant, pour sûr."

Cela lui fit dresser les cheveux sur la tête, "Un chien, tu as dit?" Il déglutit avec difficulté.

"Ah oui. Harry était en train de piquer de la nourriture pendant toute l'année. Je crois qu'il sortait en douce chaque après-midi pour le voir. Tu sais, Severus m'a mentionnée qu'il l'avait vu se glisser pour le diner en retard quelques fois. J'étais soulagée quand j'ai appris que c'était ça la raison, et pas quelque chose de… eh bien…" finit-elle sans terminer sa phrase, avec un mouvement de la tête.

Remus était très, très content que Poppy ne soit pas dans son état normal. Sinon, elle aurait remarqué que ses mots l'avaient affecté. Il se força à relâcher ses épaules, à inspirer profondément.

"Donc, Black a tué le chien?" demanda Remus lentement, essayant de la réorienter vers le sujet principal.

"Exact. Le plus jeune des garçons Weasley gardait leur dortoir verrouillé parce qu'un des chats n'arrêtait pas de pourchasser son rat. Black a forcé l'entrée et s'est mis à retourner la pièce de fond en comble à la recherche d'Harry, et le chien est apparu en plein milieu de tout ça. Dumbledore pense que Black pourrait avoir une cape d'invisibilité, car le chien a pourchassé quelque chose hors du dortoir, mais les portraits n'ont rien vu. Bien sûr, un chien poursuivrait quelqu'un sous une cape grâce à son flair, non?"

Remus hocha la tête, "Qui a vu Black tuer le chien?" Il reposa sa tasse de thé et plaça ses mains sur ses genoux, pour qu'elle ne les voie pas trembler.

"Personne. Pas même un portrait. Le chien a suivi Black dans les couloirs jusqu'à un cul-de-sac au troisième étage et Black l'a explosé. Puis il a dû faire demi-tour avant de disparaitre." soupira Poppy.

"Exploser?" Remus expira un long souffle, "Il reste des traces?"

"Tout comme ce pauvre Peter." renifla Poppy, "Il ne reste rien de lui, juste un collier."

"Donc, ils n'ont pas trouvé Black?" demanda Remus, gardant le contrôle sur sa voix avec difficulté.

"Non, il a complètement disparu. C'est la pagaille depuis ce matin. Le Ministère a rappelé les détraqueurs à cause de leurs effets sur les enfants. Les élèves seront tous renvoyés chez eux d'ici demain pour renouveler les protections." Poppy prit une petite gorgée de son thé, "Je ne peux pas dire que ça m'attriste, je ne vais pas être d'une grande utilité pour un bout de temps. Les parents insistent pour faire fermer l'école et pour le renouvellement des sorts. Alors le conseil accorde un congé payé à tout le monde." Poppy fit un sourire sinistre, "C'est époustouflant ce que quelques lettres bien placées de la part de parents sang pur peuvent accomplir avec Fudge. Cet homme n'est qu'un..." Elle s'interrompit, le rouge aux joues, "Je devrais me taire maintenant." dit-elle, gênée.

Poppy dirigea son regard quelque peu voilé vers Remus, "Tu vas bien? Tu as besoin de te faire soigner quelque chose? Pomona peut..."

Remus sourit, pour la première fois ce matin, "Je vais bien, Poppy. La potion… Je ne peux pas te dire à quel point ça change les choses." Remus n'a jamais eu les moyens de s'offrir une potion tue-loup. Ce n'était que la deuxième fois qu'il avait pu l'avoir pendant toute la semaine de pleine lune, "Je dois une bouteille de whisky pur feu à Severus, au moins."

Les gallions pour payer les ingrédients de la potion provenaient des fonds de Poudlard, mais Severus faisait don de son temps pour la faire. L'homme avait catégoriquement refusé toute tentative de la part de Remus et de Dumbledore qui voulaient le payer pour le temps consacré, indiquant d'un air sombre qu'il était dans son propre intérêt de faire en sorte que Remus soit "en majeure partie inoffensif".

"Mais, j'ai bien peur que ça m'ai plutôt fatigué. Tu crois qu'on aurait besoin de moi aujourd'hui?" mentit Remus. Il n'était pas prêt à faire face à Dumbledore avant d'avoir décidé comment réagir à cette dernière information.

Poppy fit un mouvement négatif de la tête, "Je pense que ça ira. Il y a déjà la moitié des enseignants qui vont partir."

"Mais, Harry va bien? Dumbledore va l'envoyer dans un endroit sûr?" s'enquit Remus, inquiet.

Une expression singulièrement satisfaite apparu sur le visage de Poppy, "Severus n'a pas apprécié les dispositions prises par Dumbledore. Il l'a ramené chez lui."

Remus la fixa du regard, "Et Dumbledore l'a laissé faire? Est-ce prudent?"

Poppy plissa les yeux avec désapprobation, "Dumbledore n'a absolument aucun mot à dire la dessus." dit-elle froidement, "J'ai discuté avec Severus et je pense que son plan est le plus avisé."

"Mais…" bredouilla Remus, "Est-ce qu'il est vraiment la bonne personne pour ça? Je veux dire, Severus…"

"Est bien conscient de son devoir." continua Poppy à sa place, "C'est plus que ce que je peux dire de certains sorciers." finit-elle avec amertume.

Remus décida qu'il ne devait pas poursuivre ce sujet de discussion avec Poppy, pour le moment. Il se pourrait qu'il apprenne des vérités qu'il n'avait pas forcément envie d'entendre.

"Bon, si on n'a pas besoin de moi," dit Remus, brisant le silence, "Je dois m'occuper de quelque chose."

Poppy acquiesça d'un vague mouvement de la tête, les paupières lourdes. Remus lui prit la tasse des mains avant qu'elle ne la renverse et transforma son fauteuil en canapé.

"Oh non, Remus," protesta-t-elle, sur un ton endormi, "Il faut que je..."

"Chut," l'interrompit Remus, en l'aidant à allonger ses jambes. "Tu peux faire une sieste au moins, si tu ne veux pas aller te coucher."

Lui, en revanche, allait partir à la recherche de ce foutu chien.


Severus se sentait soulagé d'avoir décidé de faire le voyage en portoloin et non pas en transplanant. Il ne s'était pas senti aussi épuisé depuis la mort du seigneur des Ténèbres. En l'occurrence, la confrontation avec Pétunia avait vidé les réserves déjà amoindries de ses dernières forces.

Il ne devait pas oublier, quand il en aurait l'occasion, de rechercher les effets secondaires du Tribuo. Ce sort était rarement employé, il fallait être exactement au bon endroit, au bon moment.

Harry était légèrement plus en forme. Son visage avait encore ce teint blême qu'il avait adopté lorsqu'il s'était effondré dans le parking. La Pimentine qu'il lui avait donnée à l'occasion ne ferait bientôt plus effet.

Madame Figg les poussa tous deux à s'installer dans le canapé de son séjour. Elle s'affaira pendant quelques minutes avant qu'ils soient chacun en possession de tasses de thé (très) sucré. Et tout cela, en entretenant une conversation que Severus avait du mal à suivre, et qu'il décida qu'il valait mieux ignorer.

"Professeur…?" demanda le garçon lentement, en buvant son thé, lorsque madame Figg quitta enfin la pièce pour aller chercher le portoloin de Dumbledore. On dirait qu'il avait plus de mal que d'habitude à assembler les mots en phrases cohérentes.

"Quoi, Potter?" Severus essayait de ne pas s'énerver. Un des chats de la propriétaire bondit aux côtés de Severus, exigeant son attention. Il le caressa distraitement, et sentit ses nerfs encore à vif se calmer un peu lorsque le chat ronronna.

"Ma tante et mon oncle? Ils sont vraiment en danger?" Le garçon regardait Severus d'un air presque implorant.

Severus acquiesça. Il supposait qu'il ne pouvait pas en vouloir à Potter pour ses petits désirs de vengeance.

"Être avec eux, moi, les… protégeait?" Sa voix était toujours aussi lente, toujours avec ce ton suppliant que Severus n'avait jamais entendu auparavant.

"Exact, tu devras demander au directeur comment ça fonctionnait." répondit Severus, en pensant que le directeur devait au garçon un très grand nombre d'explications.

"Il faut que j'y retourne, alors." murmura le jeune sorcier. Il était assis avec le visage penchée au-dessus de sa tasse, Severus n'arrivait donc pas à discerner son expression.

"Que tu y retourne…?" Severus était certain qu'il avait loupé quelque chose.

Potter inspira profondément, "Pour les Dursley. Il faut que vous me ramener." Sa main tremblait alors qu'il tenait sa tasse. Il secoua ses cheveux en arrière en levant la tête.

"Il n'y a même pas trente minutes, tu m'as dit que tu allais t'égorger si je te ramenais, Potter." grogna Snape, pas d'humeur à jouer, "Qu'est-ce que tu racontes?"

"Quelqu'un va leur faire du mal. Et Dudley alors? Qu'est-ce qui va lui arriver? C'est bon. Je peux supporter l'oncle Vernon. C'est…" Potter parlait vite, sa voix dans les aigus.

"Assez, Potter." le coupa Severus, calmement. Il était trop fatigué pour crier, aussi enrageant soit-il. "Je n'ai aucun intérêt à écouter ça. Quant à ton cousin, la mère de Granger est en train de faire un rapport aux autorités moldues à son sujet. Je suis sûr qu'elle pourra s'assurer qu'on lui leur retire la garde et qu'il sera pris en charge. Surtout si les Dursley prennent en considération mon conseil et partent aujourd'hui."

Potter le regarda avec des yeux ronds, "Pourquoi ils l'enlèveraient aux Dursley?"

Severus se frotta l'arête du nez avec son majeur, souhaitant que le garçon arrête de poser des questions. Cependant, c'était les premières vraies questions que Potter ait posées au sujet de toute cette affaire, alors Severus pensait qu'elles méritaient leurs réponses, "Parce que madame Pomfresh et moi essayons d'assurer sa protection. Et parce que des parents qui enferment des enfant dans des placard comme punition ne devraient jamais être autorisés à élever un enfant."

Potter fixa Severus du regard, longuement, puis détourna les yeux, et haussa les épaules, "C'était pas comme ça." dit-il à voix basse, "Ce n'était pas une punition de toute façon. Ils… vous savez… ils étaient obligés de me faire une place."

"Et je suppose que tu ne viens pas de subir une crise de panique qui t'a plongée dans une soudaine dépression nerveuse?" dit Severus d'un ton méprisant, incapable de s'en empêcher. Il classa les mots du garçon quelque part dans son esprit pour les analyser ultérieurement.

"C'est juste que… j'étais surpris et je crois que j'ai oublié de manger aujourd'hui. Je ne me sentais pas bien. Je ne me sens toujours pas bien. " admit le garçon d'une voix tremblante, "Désolé, j'ai pêté les plombs." Potter le regardait avec un étrange amalgame de défi et de honte, "Alors, Dudley va… quoi? Se retrouver dans un orphelinat ou quelque part…? À cause de moi?"

"Non… Il va se retrouver dans des conditions de logement alternatives parce que ses parents sont des salauds violents et abusifs," grinça Severus entre ses dents, "Qui viennent justement de se mettre à dos tout le Monde Magique. Préfèrerais-tu qu'ils aient l'opportunité de continuer à élever un sociopathe qui se retrouvera probablement en prison avant ses vingt ans?" Toutefois, Severus se dit dans son for intérieur qu'il était trop tard pour sauver le cousin de Potter de ce destin.

Severus fut épargné de la réponse de Potter par le retour de madame Figg. Elle portait un énorme panier dans ses mains. Vu la façon dont elle le tenait, il était lourd.

"Et voilà mes chers. Je vous ai faits un bon panier repas pour le diner. J'ai pensé que ce serait bête de ma part de vous laisser là toute la nuit, alors que vous serez bien mieux chez vous, mes pauvres chéris. J'ai accompagné Albus plus tôt dans la journée et j'ai fait les lits." Madame Figg posa le panier aux pieds de Severus.

Severus fit une grimace. Il aurait dû se rendre compte qu'Albus prendrait l'initiative de "ranger un peu".

La vieille femme sortit une cuillère en bois de sa poche, "Et voilà, professeur Snape." dit-elle un peu trop gaiement, "Ça s'enclenchera dès que vous le tiendrez tous les deux en même temps."

Severus se leva, la fatigue apparente dans ses mouvements, en s'assurant que sa jambe soit en contact avec le grand panier, avant de prendre la cuillère, "Viens, Potter," dit-il en lui indiquant de se lever d'un geste de la main, "As-tu déjà voyagé en portoloin?"

Potter se leva à son tour, puis secoua la tête.

"Accroche-toi à ça, et ça va s'activer et nous prendre chez m..." Severus hésita, "… chez… nous." Le regard du jeune sorcier vacilla sous ses lunettes.

Il tendit le bras vers la cuillère, non sans hésitation.

"Assure-toi d'être en contact avec tes affaires." l'avertit Severus.

La main de Potter se figea, et il jeta un regard vers le sac-à-dos à ses pieds. Puis mit un pied sur la sangle. Severus hocha la tête avec approbation.

Alors que les doigts de Potter se refermaient autours de la cuillère, Severus eut cette sensation d'être trainé en avant comme si on l'avait hameçonné par son nombril.

Ils passèrent à travers un tourbillon de couleurs et de lumière. Severus sentit ses pieds toucher le sol avec force. Potter atterrit en position étalée, à en juger par le bruit qui en résulta. La chambre était plongée dans l'obscurité. Toutefois, il savait qu'ils se trouvaient au bon endroit. Il pouvait sentir l'odeur distinctive de son salon, à base de livres, de bois anciens, de meubles poussiéreux et de désuétude.

"Professeur?" La voix de Potter perça dans l'obscurité, quelque peu affolée.

"Tout va bien, Potter, ne panique pas. Je vais allumer la lumière." Severus sortit sa baguette et l'éclaira. Le garçon se trouvait bel et bien vautré sur le sol près de la cheminée. Le grand brun fit deux pas en avant et déclencha l'interrupteur.

Potter adopta une expression méfiante en observant la pièce, et se releva lentement. "Pourquoi…?" commença-t-il sans terminer sa question. Puis il passa sa main sur la petite table basse placée près de son fauteuil de lecture préféré d'un geste étrangement méticuleux.

"Pourquoi quoi?" demanda Severus. Potter n'acheva jamais sa phrase et il était trop épuisé pour le presser de répondre, "Suis-moi." dit-il brusquement en prenant le panier. Il alluma la lumière du corridor, pensant à son lit avec envie, mais tout de même conscient d'avoir besoin de nourrir l'enfant, et lui-même, ainsi que fixer quelques règles; sinon Potter allait sans aucun doute mettre la maison sens dessus dessous en moins de deux jours.

Severus se demanda si une démence légère à modérée pourrait être un effet secondaire du don d'une part de son âme à une autre personne. Ce serait la seule chose qui puisse expliquer ses actions du jour.

Il repoussa le souvenir des yeux accusateurs de Lily qui l'observaient dans ses rêves.

Potter le suivit silencieusement jusqu'à la cuisine. Severus alluma la lumière et regarda le garçon, essayant de jauger sa réaction.

Ce dernier regardait l'interrupteur comme s'il pourrait mordre, avant de promener son regard autours de la petite cuisine démodée avec un air confus.

Severus posa le panier sur la table et déballa les diverses provisions avec lesquelles madame Figg avait jugé bon de les accabler, pendant que Potter prenait ses repères.

Severus sortit un demi-litre de lait et une demi-douzaine d'œuf du panier, "Mets ça dans le frigo." dit-il calmement.

Severus se demanda ce que pensait Potter de cette pièce. Il passait peu de temps dans sa cuisine, même quand il se trouvait ici, alors il n'avait jamais pris la peine de changer quoi que ce soit. Le sol était recouvert d'un carrelage gris quelconque dont la couleur d'origine s'était estompée de sa mémoire depuis longtemps. Des placards et des tiroirs bleus, la couleur préférée de sa mère, avec le four et le frigo en blanc. L'évier et l'égouttoir en porcelaine blanche.

Il se souvint de sa mère qui préparait le diner sur cette cuisinière avec sa baguette. Elle craignait toujours que le gaz leur explose à la figure, elle utilisait alors le sortilège de la Flamme Bleue. Le plus souvent, son père ne voyait pas la différence. Une fois ou deux, le vieil ivrogne l'avait remarqué, et sa phobie de la magie égalait celle de sa mère vis-à-vis de la cuisinière à gaz.

Ces fois-là s'avéraient être de mauvaises nuits pour la famille Snape.

"Euh, il y a de la nourriture là-dedans." dit soudain Potter, "Ça ne s'est pas périmé?"

"Ce n'est plus vraiment un frigo." répondit Severus. Il trouva les sandwiches que madame Figg avait préparés, reconnaissant du fait qu'il n'aurait pas à se démener dans la cuisine pour préparer un vrai repas. "Un sortilège qui les plonge en état de stase. La boite à pain en a un aussi." expliqua-t-il en indiquant l'objet sur le plan de travail, "Et ce placard." Il montra le garde-manger du doigt, "Je déteste le gaspillage." Il fit venir deux assiettes du placard et y mit les sandwiches.

"Vraiment? C'est génial!" Potter fixait le maigre contenu du petit frigo avec admiration.

Severus lâcha un petit grognement sarcastique. L'enfant était entouré au quotidien de merveilles, et il était impressionné par un simple sort domestique?

"Assieds-toi et manges." dit Severus, irrité.

L'enfant picora la moitié d'un sandwich avant de laisser tomber. Le professeur lâcha un soupir; il devait commencer à augmenter les portions du jeune sorcier.

Mais cela attendra. Severus craignait qu'ils s'évanouissent tous les deux dans leurs sièges s'ils restaient éveillés plus longtemps.

"Je suppose que tu pourras te débrouiller pour le petit-déjeuner demain matin?" pensa à demander Severus. Il lui vint à l'esprit que Pétunia était tellement inutile, qu'elle n'aurait jamais enseigné à Potter quelque chose d'aussi utile que faire la cuisine. Et Severus n'était pas certain de pouvoir se réveiller avant midi, vu son état.

Potter hocha la tête, l'expression circonspecte.

"Les appareils sont tous moldus, ou sinon fonctionnent comme tel." Severus sourit discrètement devant l'air surpris de Potter, "Ne mets pas le feu à la maison si jamais tu cuisineras."

Potter acquiesça de nouveau.

"Les chambres sont à l'étage. Tu prendras la chambre d'ami." Severus n'en avait jamais fait usage pour qui que ce soit, mais il l'avait meublée il y a des années, et n'avait jamais pris la peine de la changer.

"Oui monsieur." dit Potter d'une voix basse, le teint blême et les traits tirés. Il était grand temps pour eux deux d'aller au lit.

Severus fut envahi par un besoin désagréable de dire quelque chose de gentil et de réconfortant. Il prit la carte sur laquelle était inscrit le numéro de téléphone du domicile des Granger, "Tu pourrais appeler les Granger demain matin pour leur faire savoir qu'on arrivé sans problème?" Severus se dit que serait bien pour le garçon de se sentir moins coupé du monde.

Potter prit la carte avec un air clairement ébahi, "Vous avez un téléphone?" Il fixa la carte avant de lever le regard vers lui.

"Juste là." Severus pointa du doigt un vieux téléphone à cadran noir, accroché au mur près du frigo. "L'opérateur a oublié depuis longtemps l'existence de cette maison, mais le téléphone en lui-même fonctionne toujours."

"Oh." Potter reposa minutieusement la carte au centre de la table.

"Allons-y." Severus rangea ce qui restait du panier et des aliments dans le placard. Contre toute attente, Potter bondit sur ses jambes, rangea les restes de son sandwich dans le frigo et lava les deux assiettes utilisées, les empilant soigneusement sur l'égouttoir.

Bon, on lui avait au moins appris à faire la vaisselle. C'était logique, étant donné que Potter finissait toujours les retenus incluant le récurage de chaudrons de façon rapide et efficace.

Les escaliers semblaient aussi longs que ceux de Poudlard cette nuit-là. Arrivé en haut des escaliers, Severus ouvrit la porte de la chambre d'invité (la chambre de Potter désormais). Ils furent accueillis par deux énormes yeux jaunes.

"Hedwige!" s'exclama Potter, en s'avançant vers l'oiseau. Severus constata avec satisfaction que le reste de ses affaires étaient aussi arrivées. La fenêtre était entrouverte, laissant le vent froid d'octobre dans la chambre.

Ce n'était pas bon. Il lança un sort de répulsion météorologique sur la fenêtre, "Tu peux laisser la fenêtre ouverte pour que ta chouette puisse aller et venir." dit-il.

Potter semblait avoir oublié que Severus était derrière lui, car il eut un léger sursaut, "Monsieur?"

"Seulement elle peut passer par la fenêtre, et rien d'autre." Severus indiqua la fenêtre ouverte d'un mouvement de la tête.

"Ah. Merci." Potter esquissa un sourire las.

Potter ne devait absolument pas prendre un air aussi reconnaissant pour un simple geste de courtoisie qu'un sorcier accorderait au familier d'un autre sorcier, pensa Severus.

On dirait que la chouette les attendait simplement pour les accueillir, avant de partir chasser pour la soirée. Elle mordilla les doigts de Potter, et adressa un petit hochement de la tête à Severus, avant de s'envoler par la fenêtre.

Il balaya la pièce du regard. Le lit était récemment fait et débordés.

Le professeur se demanda comment était cette chambre modeste, comparé à ce que Potter avait chez Pétunia. Après tout, Severus n'avait vu que le salon des Dursley. C'était Lupin qui avait eu droit à la visite complète, et ils n'en avaient pas du tout discuté, à part pour confirmer l'histoire des verrous aux portes et des barreaux aux fenêtres.

Il y eut un silence gênant.

"Eh bien, bonne nuit Potter." Severus était tellement épuisé qu'il voyait flou.

"Bonne nuit, monsieur."