Auteur : ella_bane

Lien vers la fic en vo : sur ao3, works/110660

Traductrice : Aconit

Rating : M

Résumé : Quand un prince en visite jette son dévolu sur Merlin, Arthur n'est pas amusé. Une histoire d'amour, de loyauté et de secrets dissimulés depuis trop longtemps. Merthur.

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NdT : Cette histoire a été publiée sur AO3 par ella_bane, et personnellement, c'est un de mes Merthur préférés ^^. J'ai demandé la permission de la traduire il y a trois mois, mais je n'ai reçu aucune réponse… Alors je publie cette traduction, et si l'auteur me demande de la retirer, je le ferais.

En tout cas, cette fiction est normalement un très long OS (20 000 mots environ). J'ai pris la décision de la découper en 4 chapitres pour pouvoir la publier au fur et à mesure que je la traduis… J'ai tout de même essayé de couper à des endroits stratégiques pour essayer d'avoir des unités dans chaque chapitre, ainsi qu'une certaine cohérence.

Voici donc la première partie ! N'hésitez pas à laisser une review si ça vous a plu ^^


A Warlock's Worth

...

Partie 1

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Arthur voulait une épée pour son anniversaire, mais sa nourrice lui dit que les garçons de cinq ans qui avaient des épées ne vivaient pas pour voir leurs six ans.

« Pourquoi ?

— As-tu déjà entendu parler du roi-garçon qui rencontra le roi-troll ? »

Avec des yeux écarquillés et des oreilles avides, Arthur secoua la tête.

« Non ? dit Juliet avec une surprise simulée. Eh bien, je dois te la raconter, alors. » Elle s'assit sur le lit à côté de lui, ses mains rapides et capables remontant les couvertures de laine sur ses épaules. « Le roi-troll voulait rencontrer le roi-garçon, tu vois, parce que même s'il n'avait que cinq ans, il était un grand guerrier.

— Aussi bon que père ? »

Juliet se pencha vers lui, sa senteur familière de lavande chatouillant le nez d'Arthur, et murmura, « Meilleur. »

Arthur gloussa. Il adorait cette histoire. Il l'avait entendu une bonne dizaine de fois. C'était sa préférée. « Comment il s'appelait ?

— Voyons, Arthur, évidemment ! »

Arthur hocha la tête avec un petit visage solennel. « Les meilleurs guerriers s'appellent Arthur.

— Oui, c'est vrai. Maintenant, puis-je finir ?

— S'il te plaît. Je suis désolé.

— Tu es un bon garçon. Ce n'est pas tous les jours qu'une servante entend un prince lui demander pardon. Alors, le roi-troll avait très peur du roi-garçon. Il savait qu'un garçon avec tant de talent et de force grandirait pour devenir un homme avec encore plus de talent et de force. Il mit en place un plan pour le tuer.

— Parce qu'il était mauvais !

— Non, parce qu'il avait peur. Tu te souviens pourquoi ?

— Il avait peur parce que le roi-garçon détestait la magie !

— Oui, c'est vrai ! Alors le roi-troll décida d'organiser un tournoi royal et il invita tous les rois du pays et leurs champions. Il y avait de la nourriture comme tu n'en as jamais vu, si abondante ! Du pain fin et chaud, des faisans rôtis, des fruits épicés, et du cidre.

— Et des joutes ? Et des chevaux ?

— Oui, tout ça aussi. Lorsque le festin de bienvenue fut terminé, le roi-troll présenta à chaque roi un cadeau.

— Qu'est-ce qu'il donna à Arthur ?

— Une épée ! L'épée la plus puissante qu'avait jamais vue le monde. Une épée forgée dans le soufflé enflammé d'un dragon !

— Je tuerai cet horrible dragon ! cria Arthur.

— Le roi-troll dit, 'Tu es encore un garçon, mais je t'offre une épée d'homme. Mais tu dois être méfiant ! Cette épée ne doit pas être utilisée avant que tu ne sois un homme fait. Utilise-là avant l'heure, et elle te trahira.' Le roi-troll savait qu'Arthur était intelligent et prendrait compte de son conseil, mais il connaissait aussi le cœur d'un garçon quand il était question de belles armes.

« Pauvre Arthur ! dit Arthur. Quel piège ignoble !

— En effet. Quand les grands combats commencèrent, Arthur combattit avec sa fidèle dague. À chaque ennemi auquel il faisait face, il regardait avec envie la belle épée, mais il ne l'utilisait pas. Il restait avec sa dague. Il fut rapide à défaire tous les champions de tous les rois qui étaient venus. À seulement cinq ans ! »

Arthur lui fit un sourire immense. Il s'imaginait en train de tenir haut la dague, tandis que beaucoup de sang coulerait de la lame.

« Mais alors, le roi-troll appela son champion. C'était une bête magique avec des ailes gigantesques faites de cuir et une mâchoire gigantesque remplie de dents acérées. Et elle crachait du feu.

— Le dragon !

— Oui. Et c'était le même dragon qui avait forgé l'épée magique. C'était le moment qu'avait attendu le roi-troll. Le roi-garçon rejeta sa dague et se saisit de l'épée. Le dragon fondit sur lui, mais Arthur resta ferme, l'épée levée et prêt à transpercer le grand Wyrm. Mais juste alors que le dragon s'approchait, l'épée disparut et le roi-garçon fut consumé dans une boule de feu.

— Pauvre Arthur !

— Oui. Et c'est pour ça que tu ne dois pas avoir une épée pour ton anniversaire, jeune prince. Ce n'est pas l'heure. » Juliet lissa sa frange, les yeux brillants de cette jolie couleur verte et dorée qu'Arthur adorait. « Pas encore.

— Père m'en donnera une, de toute façon. »

Elle claqua de la langue, puis se pencha et l'embrassa sur le front. « Bonne nuit, Arthur. Espérons que ton père soit avisé.

— Bonne nuit. »


Quand Arthur eut six ans, son père l'emmena voir sa première exécution. Il faisait froid ce jour-là, et ses cheveux étaient saupoudrés de neige. Juliet les avait secoués en marmonnant sa désapprobation.

Un homme maigre avec des cheveux paille et des taches de rousseur fut emmené sur l'estrade, en contrebas de leurs sièges. Uther le montra du doigt et dit, « Cet homme est un sorcier. Que t'ai-je dit sur les sorciers ?

— Ils sont mauvais. Ils veulent détruire Camelot.

— Très bien. »

La plupart des souvenirs d'Arthur à propos de cette journée sont des images : le sang brillant sur la neige, les yeux vides de la tête tranchée, Juliet en larmes quittant la salle du trône.

Un souvenir reste indélébile.

« Père, où est Juliet ? demanda Arthur quand Uther apparut à son chevet ce soir-là.

— Tu es trop vieux pour avoir une nourrice.

— J'le suis pas, dit Arthur.

— Demain, tu auras un serviteur, comme moi.

Arthur se blottit plus profondément dans ses couvertures. « Oh. »


La deuxième exécution à laquelle Arthur assista fut plus facile. Le sorcier criait sur Père et il utilisa la magie pour enflammer les gardes dès qu'ils s'approchaient. Les cheveux d'une petite fille prirent aussi feu. Quand le sorcier fut brûlé sur le bûcher, Arthur fut content.


Quand Arthur rencontra Merlin, il avait assisté à l'exécution de plus d'une centaine de sorciers.


Arthur rêvait.

Il était perdu dans une forêt étrange, en une nuit sans lune. Le vent d'hiver soufflait en vagues inlassables et des doigts glacés rampaient sur sa colonne vertébrale. Son épée avait disparu, tout comme son armure, et Merlin… Merlin n'était pas là. Il vacillait dans les ténèbres en le cherchant. Hurler était inutile, mais il essaya tout de même ; il mit ses mains en coupe et cria jusqu'à ce que sa voix devienne rauque. Quand ses dents commencèrent à claquer plus bruyamment que le vent ne mugissait, et qu'il se blottit contre le sol, Merlin apparut, et avec lui, une couverture de chaleur et la lumière du jour. « Arthur, vous êtes en sécurité maintenant. Je vais m'occuper de vous. » Ses lèvres étaient douces, sa bouche ouverte et humide sur le cou d'Arthur, et sa voix ronronna contre la peau d'Arthur, « Je vais m'occuper de vous. »

Le sol de la forêt devint son lit familier, et les grands arbres des rideaux. Merlin était une présence chaude à ses côtés. Arthur se tourna pour lui faire face, impatient de goûter sa bouche. Il cligna des yeux juste avant que leurs lèvres ne se rencontrent et Merlin disparut. La vue du baldaquin au-dessus de son lit rendait la place vide près de lui encore plus froide et – dans ce moment entre le sommeil et l'éveil – le laissa aussi perdu qu'il l'avait été dans la forêt.

La conscience lui revint, et il remercia la couverture de laine sur ses hanches, ferme dans son refus de penser à ses rêves. Sa bouche était pâteuse, ses yeux collés. La lueur pâle du soleil de ce printemps en avance qui filtrait dans ses appartements lui disait qu'il avait trop dormi. Il frissonna, ramena la couverture sur son menton et remarqua les cendres dans l'âtre – refroidi depuis longtemps. Merlin était en retard.

Il jeta un regard noir à la porte de ses appartements, comme s'il pouvait y faire apparaitre Merlin à la force de son regard fixe. Quand la porte s'ouvrit et que Merlin se rua à l'intérieur, des excuses se déversant de ses lèvres, Arthur fronça les sourcils.

« Désolé, Arthur. Il y a mille choses à faire pour le festin de bienvenue, et votre père laisse Marta commander tout le monde, et j'ai été en bas depuis la première lueur du jour, à aider pour changer la paille et à installer les tables, et puis Gaius a eu besoin de moi… » Merlin leva le regard du plateau. « Et vous vous en fichez. Petit-déjeuner ?

— Merlin, tu dois t'occuper de moi avant du reste. Pas de Gaius, et certainement pas de la cuisinière. Je ne peux pas imaginer que mon père ne serait pas d'accord. Quelle sorte d'aide pourrais-tu donner aux cuisiniers, de toute façon ? Tu es bien trop maladroit. As-tu oublié que je dois faire face au prince Steffan ? » Arthur sauta hors du lit pour disparaître derrière le paravent. « C'est gelé, ici. Rallume le feu. Et sors-moi ma tunique de cérémonie.

— Oui, Arthur », soupira Merlin avec son ton habituel et d'une patience à toute épreuve.

Un jet régulier d'urine accompagna les mots suivants d'Arthur. « Tu sais à quel point c'est important.

— Hmph, dit Merlin. Je suppose qu'un combat à l'épée peut être important pour certaines personnes. »

Arthur émergea de derrière le paravent. « Ne sois pas stupide. Le tournoi n'est qu'une partie du problème. Nous devons savoir où nous en sommes avec le roi Rhisart et son idiot de fils.

— Et le fait que le prince Steffan n'ait jamais perdu un tournoi ne signifie rien pour vous ? »

Le sourire d'Arthur était immense. « Oh, je le vaincrai. Père peut utiliser toutes les ressources de Camelot pour amadouer le fils de Rhisart à propos de ce col de montagne, mais il ne me verra jamais perdre exprès un combat. Steffan est un crétin, de toute façon.

— Qui a dit que vous le feriez exprès ? sourit Merlin. Vous êtes indiscutablement le meilleur à Camelot, mais ils disent que les guerriers de Delian sont formidables, surtout le prince. »

Arthur lui donna une tape sur l'épaule en s'asseyant devant son petit-déjeuner. « Est-ce que le champion de Camelot n'est pas assez, Merlin ? Tu cherches un nouveau maître, non ?

— Je vous sers vous, dit Merlin.

— Je sais, répondit aisément Arthur. Combien de fois ai-je essayé de te renvoyer ? »

Au lieu de répondre, Merlin joua distraitement avec le plateau, puis il fit son choix parmi la nourriture d'Arthur. Il sélectionna enfin un gros morceau de pain dégoulinant d'un précieux miel de printemps. Il l'apporta à sa bouche, et Arthur suivit le mouvement des yeux, en se demandant si Merlin allait vraiment manger son petit-déjeuner.

Merlin le maintint immobile, la bouche ouverte, semblant perdu dans ses pensées. « J'ai entendu parler, commença-t-il, de l'histoire de Delian. C'est-à-dire, leur histoire concernant ce que certains pourraient appeler…

— De quoi est-ce que tu parles ? se plaignit Arthur en fixant les lèvres de Merlin.

— Rien. Je veux dire, Gaius a mentionné… »

Arthur agita une main dédaigneuse. Il avait aussi entendu les rumeurs. « Delian est aussi purgé que Camelot. Il n'y a plus de sorciers dans le royaume de Rhisart. »

Une grosse goutte de miel sombre tomba du pain pour atterrir sur la main de Merlin, sur la peau entre son pouce et son index. « Mais les rumeurs », dit-il en tirant la langue pour le lécher.

Avec un souffle exaspéré, Arthur arracha le pain chaud et collant des doigts de Merlin. « Est-ce que mon père traiterait avec Delian si les rumeurs étaient vraies ?

— Je suppose que non. » Merlin lécha le coin de sa bouche et fixa le pain dans la main d'Arthur.

« Oh, pour… tiens. » Arthur rompit un morceau de son pain et le lui donna, énervé par l'attention que Merlin créait pour ses lèvres. « Depuis quand les affaires d'états ont un intérêt pour toi ?

— Mm, elles n'en ont pas, » dit-il avant de fourrer son cadeau dans sa bouche. Les cloches sonnèrent et Merlin sursauta. « Je dois aller aider Gaius. » Il fila.

Arthur était sur le point de le rappeler pour qu'il s'occupe des cendres, mais les mots moururent dans sa gorge quand il vit un feu ronflant dans l'âtre et, sur le lit, ses habits de cérémonie parfaitement ordonnés.

Merlin devenait imprudent.


Merlin se précipita pour aider Gaius et accomplir les travaux qui l'attendaient, les lèvres courbées en un sourire alors qu'il imaginait Arthur traîner au lit. Arthur était un dormeur agité, enclin à exposer encore et encore plus de peau alors que la nuit avançait. Les matins préférés de Merlin étaient ceux où il arrivait bien avant qu'Arthur ne se réveille. Voir son front lisse sous le sommeil, sa bouche ouverte et détendue, l'étendue forte et large de son dos : tout cela faisait mourir d'envie Merlin d'un désir impuissant.

Il avait été en retard exprès, sachant qu'Arthur avait besoin de plus de sommeil. Les efforts supplémentaires qu'Arthur avait demandés à ses hommes n'étaient rien comparés à l'entraînement qu'il s'était imposé ces dernières semaines.

Être pris dans la passion d'Arthur pour gagner le Tournoi des Princes était au mieux gratifiant, au pire exaspérant : Merlin aimait regarder Arthur s'entraîner. Sa grâce physique était indéniable, ses prouesses à couper le souffle. Cela avait gêné Merlin, ce flot de fierté et d'affection qui déferlait sur lui dès qu'Arthur se battait. Ça ne l'avait pas dérangé longtemps. Ce qui n'était pas si bien, c'était l'attention constante que demandait Arthur à cause de son entraînement intensif. Il se trempait dans de l'eau chaude toutes les nuits et ordonnait à Merlin de masser ses muscles raides avec une pommade. Toute cette peau sous les doigts de Merlin le faisait rêver quand Arthur était silencieux, et bégayer quand Arthur parlait. Il se sentait coupable pour son désir, mais ça ne l'empêchait pas de se caresser dans les ténèbres de sa chambre en imaginant que c'était la main d'Arthur autour de lui.

« Merlin ! »

Il se retourna et vit Gwen se dépêcher dans le couloir derrière lui, un paquet de linge chancelant dans ses bras.

« Gwen », dit-il en revenant sur ses pas pour la croiser. « Comment vas-tu ? » Il l'aida à stabiliser son chargement.

Doucement, afin que personne ne puisse entendre ses plaintes – les serviteurs et des nobles matinaux bougeaient en une ruée incessante autour d'eux – elle plissa le nez et murmura, « Je suis épuisée. J'ai été debout toute la nuit, à épousseter des chambres dans la tour ouest. Tu sais ce que c'est quand des rois viennent. Trois fois plus de travail, et personne ne sait quelles demandes ils vont faire.

Merlin pencha la tête. « Des demandes ?

— Tu es protégé par Arthur, mais certains des serviteurs plus bas placés n'ont pas cette chance. »

Devant le regard alarmé de Merlin, elle lui lança un rapide sourire. « Ce n'est rien, Merlin. Simplement, certaines personnes prennent des libertés quand elles ne le devraient pas.

— Mais le roi et Arthur, ils n'autorisent sûrement pas…

— Ce n'est pas encouragé, mais quand ce sont des membres d'une famille royale, la protection n'est pas aussi rigoureuse. »

Merlin fronça les sourcils. « Je ne savais pas. » Et puis, « Est-ce que tu es inquiète ? Pour toi, je veux dire. » Quand Morgana était partie, la protection de Gwen était partie avec elle. « Arthur va…

— Euh, eh bien je le suis un peu. Oui. Inquiète, je veux dire. Même si Arthur fera de son mieux pour protéger les serviteurs, il sera peut-être trop inquiet pour le tournoi et, eh bien, j'ai entendu dire que le prince Steffan est parmi les visiteurs.

— Ouais, Arthur le déteste. Il ne m'a pas dit pourquoi, par contre.

— Le roi Rhisart et le prince Steffan sont déjà venus, quand Arthur a été nommé chevalier. » Elle baissa la voix encore plus, jetant des coups d'œil autour d'eux alors qu'elle parlait. « Arthur a été horrible avec lui. Il l'a battu assez méchamment dans le tournoi. Arthur était presque comme maintenant, grand et musclé. Le Prince Steffan était maigre, maladroit, un peu comme... » Elle rencontra les yeux de Merlin, puis rougit. « Euh, peu importe. Je ne travaillais pas pour Morgana à l'époque, mais tout Camelot est venu pour regarder. Le combat à l'épée a été humiliant pour Steffan.

— Et maintenant Steffan est connu pour être un des meilleurs combattants d'Albion.

— Oui, murmura Gwen. Il voulait retrouver son honneur. » D'un ton ironique qui ne lui ressemblait pas, elle ajouta, « Les princes et les chevaliers, ils sont drôles avec leur honneur. Et comment va Arthur ce matin ?

— Il est impatient. » Magnifique. Parfait. « Plus intéressé par les combats que par les négociations.

— Merlin, pourrais-tu, euh ? » Elle lissa les draps dans ses bras. Et puis, semblant prendre une décision, elle dit, « À plus tard. »

Merlin l'attrapa par le coude. « Gwen, je vais parler à Arthur. Tu seras protégée, je le promets.

— Merci. Je ne voulais pas le demander moi-même. » Elle s'interrompit. « C'est un peu compliqué, n'est-ce pas ? »

Merlin acquiesça, en pensant à Lancelot alors qu'elle se dépêchait de s'éloigner.


Merlin fit sursauter Gaius en entrant dans l'atelier.

La fiole de verre dans les mains de Gaius glissa, et se serait brisée au sol sans Merlin. La fiole et son contenu jaune-brunâtre planèrent dans les airs. « Merlin, » le réprimanda Gaius.

« Est-ce que vous voulez que je la laisse tomber ?

— Je ne veux pas que tu te fasses attraper, répliqua-t-il. Tu dois être prudent. »

La fiole s'écrasa par terre et le liquide se déversa au sol. Gaius attrapa un chiffon pour nettoyer le désordre. « Désolé », dit Merlin, sans savoir exactement pourquoi il s'excusait alors qu'il épongeait le liquide visqueux. « Je suis prudent, murmura-t-il.

— La porte derrière toi est toujours ouverte, souligna Gaius.

— Personne ne viendra. Ils sont tous trop occupés aujourd'hui. »

Gaius haussa un sourcil. « Arthur est là tous les jours. Plusieurs fois par jour, dois-je préciser. »

Merlin grogna en essorant le chiffon au-dessus d'un bol. « Arthur ? Arthur pourrait se tenir devant moi pendant que je fais de la magie et il ne le croirait toujours pas, et il le remarquerait encore moins. » Il pensa au feu qu'il avait allumé et les habits qu'il avait arrangés sur le lit d'Arthur quelques minutes plus tôt. « C'est la dernière personne dont je dois me soucier. Il pense que je suis un idiot, de toute façon. »

Gaius fouilla dans des racines séchées, des poudres colorées et des pâtes dans des pots, sur le plan de travail. « Peut-être est-ce parce que tu es un idiot. La porte est toujours ouverte. N'importe qui aurait pu rentrer pendant ton petit discours. »

Merlin regarda la porte ; elle se ferma en claquant.

« Merlin !

— Désolé, désolé ! Arthur a dit quelque chose d'étrange ce matin. Il pense que Delian est purgé.

— Je ne sais pas ce qu'il y a dans ton cerveau. Arthur est avec toi à chaque heure de chaque jour, maintenant. Tu dois faire attention.

— Je n'ai fait que fermer la porte. Le vent aurait pu avoir fait la même chose.

— Le vent ? Réfléchis, Merlin. » Le sourcil de Gaius était arqué et sa bouche, une ligne fine.

« Avez-vous entendu ce que j'ai dit sur Delian ? demanda Merlin.

— Si Uther ne veut pas qu'Arthur sache la vérité, ce n'est pas à nous de le détromper sur ce propos, » dit Gaius en retournant à sa table.

Le front de Gaius se plissa alors qu'il continuait à trier ses ingrédients. « Le roi Rhisart n'enverrait jamais un sorcier avec la suite de son fils, s'il est vrai qu'un sorcier travaille à sa cour.

— Un sorcier à sa cour ? Vous n'en avez pas parlé avant. »

Gaius leva une main. « Ce n'est qu'une spéculation. Une spéculation du conseil privé. Uther n'en est pas sûr. Et s'il l'était, il n'est pas en position d'attaquer Delian, pas avec Mercia juste là.

— Arthur devrait le savoir, même si ce n'est qu'une rumeur. »

Gaius soupira. « Je ne suis pas entièrement pas d'accord. Mais j'ai peur que la seule inquiétude pressante dans l'esprit d'Arthur soit le tournoi. » Il secoua la tête. « Cinq princes différents, et tous sont ici pour la gloire. Nous allons être occupés à bander des os royaux, les prochains jours.

— Hmm, Gwen m'a dit ce qu'il a fait au Prince Steffan.

— Arthur était une brute à l'époque.

— Il peut toujours l'être, remarqua Merlin. Je ne sais pas pourquoi tout le monde oublie ça.

— Eh bien, dit Gaius en fixant les ingrédients éparpillés sur la table. Il semble que nous soyons à court de pâte de grenouille. La dernière était dans cette fiole. »

— La fiole que vous m'avez dit de laisser tomber.

— Celle-là même.

— Je dois aller vous chercher des grenouilles, n'est-ce pas ?

— Oui, Merlin. Vas-y. »


Arthur en avait assez d'attendre.

Derrière lui, Merlin gigotait. Il s'appuyait sur un pied puis sur l'autre, et tripotait d'une main les fils qui dépassaient de sa tunique blanche et rouge, en tenant de l'autre une carafe de vin. « Qu'est-ce qui prend tout ce temps ? Ils sont arrivés il y a une demi-heure.

— C'est un long voyage depuis Delian. Une suite aussi grande a besoin de temps pour se rafraîchir et enlever la poussière de la route.

— Quand même, se plaignit Merlin, ils sont juste en train de se pomponner pendant que toute la cour attend. »

Arthur acquiesça intérieurement, et ça l'incita à dire, « Peu importe ce que je pense de Steffan, tu dois le traiter avec respect. Il est le prince héritier de Delian.

— Je peux être parfaitement respectueux envers un prince héritier.

— Je n'en ai pas vu la preuve. »

Merlin ouvrit la bouche mais ses mots furent engloutis dans les trompettes cristallines des serviteurs de Delian.

L'émissaire de la cour du roi Rhisart était habillé d'atours qui rivalisaient avec les plus beaux qu'aurait pu porter Uther, et sa voix avait une résonance plus adaptée à un ménestrel qu'à un simple héraut. « Le prince Steffan, fils du roi Rhisart, prince héritier de Delian. » En s'inclinant avec fioriture, il s'écarta avec grâce pour révéler le prince, debout derrière lui.

Le prince Steffan et son entourage, des courtisans vêtus de soie et cinq formidables chevaliers en violet et or, entrèrent dans la salle des banquets. Il avait changé, remarqua Arthur. Ce n'était pas surprenant, puisque six années étaient passées depuis qu'il avait posé les yeux sur le lâche. Steffan était grand et large d'épaules à présent, son sourire décontracté, ses yeux plein d'entrain alors qu'il inclinait la tête devant Uther – pas une fraction de seconde de plus ou de moins que ce que son rang demandait. Des murmures d'appréciation, venant des hommes comme des femmes, pouvaient être entendus alors que le prince se tournait vers Arthur et s'inclinait aussi devant lui.

Arthur bougea avec gêne, pensant à leur seule et unique rencontre dans un tournoi. Il se souvenait de Steffan assis sur les fesses, le nez en sang, le visage humide de larmes et de morve alors qu'Arthur le surplombait, un sourire suffisant sur les lèvres. Il se souvenait des mots qu'il avait dits, mesquins et cruels. « Le meilleur des chevaliers a gagné, Steffan. Le meilleur des princes. Maintenant, arrêtez de pleurnicher et relevez-vous. » C'était mal de la part d'Arthur, il le savait maintenant, mais ce qui était arrivé plus tard était impardonnable.

Un écuyer de Delian, âgé de douze ans à peine, avait pris le plus gros de la colère humiliée de Steffan, ce jour-là. Gaius avait dit à Arthur, plus tard, que le garçon ne pourrait plus jamais marcher.

« C'est un peu un dandy, non ? » dit Arthur à Merlin, en regardant la couronne parsemée de joyaux de Steffan et sa cape opulente.

Steffan sembla entendre la remarque chuchotée. Son regard parcourut Arthur et la compagnie derrière lui. Il leva un sourcil et posa sa main sur la garde de son épée. Arthur garda une expression neutre. Le prince goûterait bien assez tôt de l'épée d'Arthur. Et, cette fois, la raclée serait gagnée.

« Qui ? Le prince Steffan ? murmura Merlin derrière lui. Il vous ressemble un peu, en fait. Vous savez, grand et blond ?

— Tais-toi, Merlin.

— Oh, merde, » marmonna Merlin. Arthur se retourna et vit le vin rouge se répandre sur le linge de table blanc neige et sur la manche autrefois immaculée de Merlin.

« Merlin. Vas te changer avant de m'embarrasser encore plus. » Les serviteurs se dépêchèrent d'enlever le tissu et les couverts pour les remplacer par d'autres, en quelques secondes.

Arthur ignora le Oui, Arthur de Merlin et se retourna vers le Prince Steffan, qui semblait n'avoir heureusement pas remarqué la maladresse de Merlin.

Uther fit un pas en avant. « Camelot vous souhaite la bienvenue, Steffan. » Il fit un geste vers Arthur. « Vous vous souvenez de mon fils, le Prince Arthur. Notre affaire peut attendre demain. Ce soir, nous dînerons et profiterons du meilleur de ce que Camelot peut offrir ! »

Arthur inclina la tête, mais pas assez pour ce que ça soit une insulte. « Je vous en prie, soyez le bienvenue et profitez du festin de ce soir. Comme l'a dit mon père, nous vous offrons le meilleur. »

Steffan adressa à la cour un large sourire tout en fossettes. « Merci, mon père sera heureux de l'entendre. »

Les serviteurs s'avancèrent pour guider les invités à leurs places. Comme Merlin avait été responsable de Steffan, Arthur prit sur lui pour lui montrer son siège. « Par ici, » dit-il, en imaginant Merlin couvert de légumes pourris. L'image l'aida à apaiser son courroux.

« Encore une fois, merci, » dit Steffan. De la venaison succulente baignant dans une sauce épaisse, des bols de pommes aux épices, des coupes de vin et de lourdes miches de pain croustillant furent placés devant eux.

Steffan regarda autour de lui, confus. « N'y a-t-il personne pour nous servir ?

— Mon serviteur a été quelque peu retenu. »

De la musique, tirée des mains de maîtres musiciens venant des quatre coins du royaume, emplit la pièce. Arthur tendit le cou pour guetter le retour de Merlin. Une voix douce de soprano commença à chanter.

« Camelot n'a pas beaucoup changé, » remarqua Steffan.

Arthur chercha l'insulte dans ces mots, mais n'en trouva aucune et se détendit. « Je vous prie d'accepter mes compliments pour vos victoires récentes, dit-il.

— Merci, Arthur. Cela signifie beaucoup pour moi, venant de vous. À part vous, personne ne m'a jamais battu.

— Je suis sûr que les écuyers abondent en Delian.

— Oui, eh bien, dit Steffan, imperturbable. Les écuyers sont comme les serviteurs. Il y en a toujours un autre qui attend de servir. Et vous devez savoir que mes victoires étaient contre d'autres chevaliers.

— Oui, dit Arthur, incapable de se retenir. Pas aussi impuissants, les chevaliers. »

Un éclair de colère traversa le visage de Steffan, mais il fut prompt à se reprendre. « Et cependant, je les ai battus, chacun d'entre eux. »

Du coin de l'œil, Arthur vit Merlin entrer dans la salle. Il était essoufflé, mais ses vêtements étaient exactement comme avant, y compris les fils sur lesquels il avait tiré, sans la tache. Trop parfait. Trop exact. Arthur fronça les sourcils alors que Merlin s'approchait, mais il inclina son corps vers Merlin pour qu'il puisse lui parler.

« Il était temps, marmonna-t-il quand Merlin se pencha pour chuchoter à son oreille.

— Je suis désolé, j'ai dû fouiller dans une pile de…

— Continue tes devoirs, et si tu planifies de renverser quelque chose d'autre ce soir, pars maintenant.

— Vraiment ? Je peux partir ?

— Non, Merlin. Tu ne peux pas partir. » Il abaissa le ton de sa voix, se penchant plus proche de lui. « Si je dois endurer ça, alors toi aussi.

— Naturellement. Tout ce que vous voulez. » Arthur pouvait entendre le sourire dans sa voix.

« Ne fais rien tomber d'autre.

— D'accord. Je le promets.

— Pas même le tranchoir rempli de sauce ?

— Est-ce que vous n'allez jamais me laisser oublier ça ?

— Comment le pourrais-je ? Tu l'as fait trois fois.

— Qu'est-ce que vous conspirez avec votre serviteur ? » demanda Steffan d'une voix amusée.

Arthur sursauta devant l'interruption, puis fut énervé d'avoir oublié Steffan. Jetant un regard noir à Merlin, comme si c'était sa faute, il dit, « Absolument rien. Mes excuses. Merlin, verse le vin. »

Steffan l'interrompit, le regard perçant. « Fais attention à ne pas le renverser. On m'a promis le meilleur de Camelot, ce soir.

—Très bien », annonça Merlin, son regard passant d'un prince à l'autre. Il se raidit et prit une cruche de vin et la coupe de Steffan. Il la remplit à ras-bord et le vin roula dangereusement près du bord, sur le point d'éclabousser la nappe. Encore. Les lèvres d'Arthur se serrèrent. Laisse-le se renverser, pensa-t-il.

Ce ne fut pas le cas. Le liquide écarlate tournoya d'une manière peu naturelle pendant un instant infime avant de rentrer dans la coupe. Merlin fit un grand sourire et lança à Arthur un regard qui signifiait, Est-ce que vous avez vu ça ? Hein ? Je suis le meilleur serviteur du royaume. Arthur leva simplement les yeux au ciel et pris une gorgée de sa coupe, en grimaçant quand le vin coula sur son menton. C'était difficile de masquer sa nervosité et la soudaine accélération de son cœur.

« Quel service impeccable, » dit Steffan. Arthur s'étouffa sur-le-champ avec son vin. « Je pourrais avoir besoin de votre serviteur ce soir. Le laisseriez-vous me servir ? »

Arthur essaya de retrouver sa voix alors que Merlin tapotait son dos, et parvint enfin à dire, « J'ai peur de ne pas pouvoir me passer de Merlin ce soir.

— Quel dommage. » Steffan cessa de regarder Arthur pour se concentrer sur le roi.

Arthur essuya son menton avec une serviette et tapota le bord de sa coupe. « Plus de vin, Merlin. »


Merlin se précipita dans les couloirs pour ranger les appartements d'Arthur avant qu'il ne revienne du festin. Les autres princes étaient arrivés et étaient en plein Conseil avec Arthur et le roi.

Devant la porte d'Arthur, il heurta un serviteur qui portait la livrée de Delian. Le jeune homme balaya les excuses de Merlin. « Mon maître aimerait vous parler. »

Merlin cilla. « Le prince Steffan ? Je pensais qu'il était au Conseil.

— Ce n'est pas votre problème. Maintenant, s'il vous plaît, venez avec moi. Il vous attend. »

Merlin hésita en pensant à la tension entre Arthur et le prince Steffan.

« Il est des plus insistants. Je sais que votre roi n'apprécierait pas que mon maître soit mécontent.

— Est-ce qu'il a besoin de moi ? Je suis sûr que n'importe quel serviteur peut s'occuper de lui. J'ai du travail. »

Le serviteur de Delian devint plus brusque. « Oui. C'est vous qu'il veut. Maintenant, s'il vous plaît, venez. »

Merlin haussa les épaules, tout de même curieux. « Très bien. » Une fois qu'ils furent à l'étage du dessous, il essaya de ne pas regarder dans la chambre par-dessus l'épaule du serviteur.

« Sire, je l'ai. »

Merlin entendit Steffan répondre, « Splendide. Fais-le entrer. »

L'homme s'inclina profondément et laissa Merlin dans l'embrasure de la porte.

Le prince Steffan apparut. « Entre, entre. Nous avons beaucoup à discuter et peu de temps pour le faire. »

Merlin entra, fermant la porte derrière lui. « Ah ? C'est que, mon seigneur… De quoi devons-nous parler ? »

Les yeux de Steffan brillaient ; ses gestes étaient exubérants. « Assieds-toi, et je te le dirais.

— Euh... »

Le prince lui tira une chaise. « Assieds-toi. »

Merlin s'assit.

« Je sais ce que tu as fait », dit-il en tournant autour de Merlin, le doigt pointé sur lui, « quand tu as versé le vin.

— Versé le vin ? Je ne... » Oh. Merlins se souvint des perles écarlates de liquide, comme de petits rubis posés sur le bord de la coupe. Pas une seule n'était tombée, il s'en était assuré. Un usage imprudent de la magie, pour garder propre la table. « Je ne sais pas de quoi vous parlez, » dit-il.

Steffan agrippa le menton de Merlin avec des doigts forts, et força sa tête à se relever. « Regarde-moi. »

Merlin regarda avec un ébahissement abasourdi les yeux de Steffan virer au doré.

« Vous utilisez la magie, » souffla Merlin ; il s'aperçut qu'il avait du mal à parler plus fort qu'un murmure.

Steffan relâcha le menton de Merlin et il s'assit sur la chaise en face de lui. « Oui. C'est vrai. Et tu es très certainement un sorcier. » Il pencha la tête, le regard perçant. « Sûrement le plus puissant que j'ai jamais senti.

— Senti ?

— Oui. C'est un de mes dons, dit-il en leva la main. Sentir la magie chez les autres. »

Le besoin de bondir hors de sa chaise et de nier sa magie était étouffé par l'assurance de Steffan. Le prince était assis, avec un air content de lui, voire même enchanté. Il n'allait pas appeler la garde, Merlin en était certain. Il ouvrit la bouche, et réalisa qu'il ne pouvait rien trouver à dire ; sa surprise était trop grande.

Steffan se pencha en avant. « Tu en es un, n'est-ce pas ? »

Merlin hocha la tête stupidement. Il ne pouvait pas parler. Il avait gardé le silence pendant trop longtemps pour que les mots lui viennent. D'autres mots le pouvaient, et ils sortirent précipitamment. « Vous ne devez le dire à personne. »

Steffan se rassit et posa ses mains sur son ventre. « Je ne suis pas fou. Je connais le penchant d'Uther pour les sorciers rôtis. Mais qu'en est-il d'Arthur ? Toi et ton prince paraissez… amicaux. Il ne le sait pas ? » Un reflet moqueur apparut dans ses yeux. « Ne lui fais-tu pas confiance pour garder ce grand et terrible secret ?

— Ce n'est pas ça. Arthur a beaucoup de responsabilités. Je ne veux pas l'accabler d'une autre.

— Tu ne veux pas qu'il ait à choisir, n'est-ce pas ? »

La question embarrassa Merlin – il était trop proche de la vérité. « Il n'y aurait pas de choix, marmonna-t-il. Je le sais.

— Assez avec Arthur. » Les lèvres de Steffan se plissèrent de dégoût, comme si le nom d'Arthur était répugnant. « C'est essentiel que tu étudies ton don. La magie est chaotique. Mystérieuse. J'ai été entraîné à garder le contrôle et à la soumettre à ma volonté, à l'exercer. Avec ta réserve de pouvoir, les difficultés pour la maîtriser sont encore plus importantes. Tu dois avoir des milliers de question. Je peux t'aider. »

L'excitation fit bafouiller Merlin. « Oui. Je veux dire, j'ai des questions. Tout ce que j'ai fait, je l'ai deviné. Je ne peux pas m'entraîner ici. C'est trop dangereux. Mais je veux apprendre. J'en ai besoin. » Pour Arthur. Pour la future Albion.

Steffan pointa du doigt la monstruosité en chêne dans le coin de la pièce. « Soulève cette armoire.

— Maintenant ?

— Oui, maintenant. Allez, vas-y. »

Merlin hésita, puis essuya ses paumes moites sur son pantalon. « La magie est interdite à Camelot. »

« Merlin, je ne suis pas l'ennemi. » Les yeux de Steffan s'illuminèrent de doré, il dit quelques mots que Merlin connaissait bien, et la porte se ferma avec un cliquetis sonore.

« Soulève-la maintenant.

— À quelle hauteur ?

— Ah ! Peu importe, jeune sorcier. » Steffan fit rouler son poignet en un geste large et exagéré.

Merlin leva la main. L'armoire se souleva doucement, jusqu'à ce que l'arche en bois sculpté touche le plafond, et puis les chaises sur lesquelles ils étaient assis, le lit et la table suivirent le mouvement. Tous atterrirent au sol avec un petit bruit sourd quelques secondes plus tard. Merlin grimaça, en attendant la réaction de Steffan.

« Brillant », dit-il, et il inclina la tête avec plus de respect qu'il n'en avait montré pour Uther.

Le plaisir simple de partager sa magie envahit Merlin. Il rendit son sourire à Steffan, en inclinant sa propre tête en retour.

« Et pour les sorts ? Tu n'en as pas à disposition, n'est-ce pas ? »

Il fut brutal et effrayant, le souvenir d'Aredian et de Gaius dans les cachots. « Je ne connais aucun sort. »

Steffan garda le silence pendant un moment, le menton posé sur ses doigts joints. Puis, il se leva et commença à arpenter la pièce, en se murmurant à lui-même.

« Hmm, que puis-je dire au roi ? Comment te retirer de tes devoirs ? Je dois voir ce que tu peux faire d'autre.

— J'ai beaucoup d'obligations. Pour le Prince Arthur et pour Gaius – c'est le médecin de la cour. Je ne sais pas comment je pourrais...

— Je sais qui est Gaius, dit brusquement Steffan. Et pour tes devoirs, tu dois réaliser que je ne suis pas sans pouvoir à Camelot. Lève-toi, et viens ici. »

Merlin fut rapide à avancer vers le prince. Vers le prince qui avait des pouvoirs, comme lui. Vers le prince qui appréciait la magie. « Bien sûr. Je suis désolé, mon seigneur. »

Steffan attrapa doucement le bras de Merlin, le forçant à se pencher, et il regarda son visage.

Merlin supporta l'examen étrange de Steffan, qui se termina quand Steffan dit, « Hmm. Tu n'es pas sans beauté physique, je vois. Un peu singulière, peut-être, mais tes lèvres sont extraordinaires.

— Qu'est-ce que vous suggérez ? commença Merlin. Beauté ? Je ne comprends pas ce que vous...

— Tais-toi, dit Steffan en posant un doigt sur les lèvres de Merlin. Personne ne nous soupçonnera, comme ça. »


À suivre…