Disclaimer : One Piece appartient à Eiichiro Oda.

Note : Bon, pour celui-là... Disons que l'objet n'est qu'une excuse pour de la broderie. J'espère néanmoins qu'il vous plaira et je vous souhaite à tous et à toutes une bonne lecture. À la prochaine !


BERMUDA

Shanks

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On lui demandait souvent pourquoi ses bermudas étaient si excentriques. Si peu conventionnels pour un pirate. Tantôt colorés aux motifs fleuris, tantôt étranges. Qui captivaient parfois mais qui attiraient inexorablement les regards de tous ceux qu'il croisait. (Il ne s'imaginait absolument pas qu'il s'agisse en vérité de ses jambes poilues exhibées ainsi.)

Shanks ne répondait jamais.

Mais Benn savait. Il avait déjà visité West Blue, par le passé. Il en connaissait les mythes et les légendes, les superstitions et les adages incongrus. Cette région du monde se glorifiait dans l'intellect de ses habitants, mais briller parmi les abrutis était accessible à n'importe quel con.

Benn, il avait déjà entendu les matrones distiller leur venin dans le coeur des mioches. Les rouquins, disaient-elles, les êtres à cheveux flamboyants sont des démons nés dans les flammes des volcans sous-marins. Il n'y avait que les sorcières pour donner naissance à de telles abominations. Des sorcières ayant vendues leurs âmes et leurs corps aux Rois des Mers pour obtenir leurs faveurs. Bien sûr, les matrones ne s'interrogeaient pas sur le contenu des faveurs. Ça n'avait aucune importance à leurs yeux. Il pouvait autant s'agir d'obtenir l'immortalité, de traverser Calm Belt à la nage, que de sauver le village de la famine, elles s'en fichaient.

Les matrones préféraient les lapider avant de le découvrir. Puis de les pendre séance tenante.

Les archéologues d'Ohana tentèrent de leur insuffler un brin de raison. De logique et de rationalité. Sans succès. La superstition était trop bien encrée. Depuis trop longtemps. Cette sornette traînait dans les esprits depuis des siècles… et s'il y avait bien une chose que le Siècle Oublié aurait pu emporté, c'est cette malédiction des rouquins.

Shanks ne parlait jamais de ses parents.

À raison. Son père l'avait abandonné dès que les sages-femmes lui signalèrent avoir découvert des mèches rousses sur son crâne encore sanglant et poisseux de l'accouchement. Sa mère n'eut pas le temps de le serrer dans ses bras une seule fois, ni même de se remettre de ses couches. Elle fut emportée, rouée de coups et pendue dans l'heure qui suivi. Coupable d'avoir trompé son époux, d'avoir pactisé avec les Rois des Mers et pratiqué la sorcellerie. Son cadavre, les jupes encore pleines de sang, fut balancé dans l'océan. Corps violacé à la nuque brisée, emporté par les flots tumultueux de West Blue.

Accoudé au bastingage, Shanks rêvassait. Les yeux perdus dans le vague. Comme s'il cherchait quelque chose, comme s'il se recueillait au fond de ses eaux. Comme s'il s'y ressourçait. Benn soupira, secouant la tête d'un air résigné avant de grimper jusqu'à la vigie, y rejoignant Yasopp.

Shanks avait besoin d'être seul pour faire le deuil d'une mère qu'il n'avait jamais connu.

Les rouquins étaient expulsés du village. Réduits à vivre entre eux, les aînés s'occupant des nouveaux-nés… Et c'était dans les bras d'une adolescente rousse que Shanks se retrouva, abandonné à périr dans la forêt. Il s'était battu pour survivre, pour vivre. Il tenta d'affirmer sa tignasse en l'exhibant alors qu'il traversait le village. Mais les passants le fuyaient, les poissonnières et les maraîchers dissimulaient leurs victuailles sous des étoffes et les matrones crachaient à ses pieds. Certains priaient même qu'on les pardonne d'avoir osé croiser le regard d'un démon…

Alors l'adolescent décida de détourner leurs regards. De les obliger à fixer des bermudas excentriques, ridicules. D'oublier sa tignasse rousse de malheur pour, peut-être, raffermir un amour-propre déclinant.

Ça fonctionna. Un temps, seulement. Bientôt, ce fut un bonnet grisâtre et mal tricoté qui recouvrait son crâne. Qui le suivit jusque sur le bastingage du navire de Gold Roger. Puis, le bonnet fut remplacé par un chapeau de paille, sa confiance retrouvée.

Anéantie à nouveau lorsqu'il croisait des pirates de West Blue.

Alors il renfilait des bermudas colorés, et enfonçant un peu plus son chapeau de paille sur son crâne après y avoir dissimulé ses mèches folles.

Jusqu'au jour où il rencontra la barmaid...

Mais moi, je trouve vos cheveux magnifiques. Un roux enflammé par une passion qui emporte tout sur son passage...

Aujourd'hui, Shanks ne portait plus que des bermudas par habitude – et par goût.

Parce que Makino lui avait rendu confiance en lui. Parce que Makino avait été la première à complimenter sa tignasse. Aujourd'hui, Shanks le Roux porte le nom que la marine lui avait attribué pour se moquer avec fierté.