Bonjour, bonsoir à toutes et à tous.

Ce big OS ou fic, est dédiée aux jumeaux terribles parce qu'en ce jour spécial de leur anniversaire il fallait marquer le coup. Je suis une fine folle de Saga. Et de Kanon. Kanon et Saga. Je ne sais lequel des deux je préfère. Etant donné que moi-même je suis née sous le signe des Gémeaux (demain précisément), je ne pouvais me permettre de passer à côté (c'est le meilleur signe du zodiaque et là ce n'est pas du parti pris).

Il en résulte un long OS découpé en 4 chapitres. Je n'arrive plus à faire simple.

C'est un défi personnel que je me suis lancé, étant une adoratrice des Gémeaux maudits. Je l'ai écrite pour moi au départ mais je souhaite vous la faire partager, je crois que c'est la deuxième fic qui me tient autant à cœur. De montrer leur relation fraternelle a représenté un casse-tête chinois pour moi. C'est facile de prendre Saga et Kanon à la dérision en les mettant en scène dans des scénarios humoristiques – je parle de moi hein – mais c'est autre chose de les dépeindre IC. Avec leur histoire propre et leur lien brisé.

Voilà, je vous livre mon écrit en espérant qu'il vous fera ressentir des choses.

Je ramais avec l'ainé des jumeaux, je ne savais pas comment l'aborder. Merci à toi ma She' pour tes précisions sur le personnage de Saga, du coup peut être que je le prends d'une autre façon de d'habitude…

C'est une fic sombre je le dis d'entrée de jeu avec présence de twincest (c'est cochon et pas beau mais j'aime bien) donc vous êtes prévenues. Mais pas que, du coup il se place en arrière plan… Ce texte retrace la relation fusionnelle et douloureuse qui unie Saga et Kanon, cette dualité à double tranchant que l'on retrouve non seulement dans leur lien mais aussi dans leurs personnalités et dans leur armure.

Pour une question d'éthique et de morale je leur donne l'âge de quatorze ans, il en va de soit.

Raiting : M (sexe et violence un petit peu)

Pairing : Saga/Kanon avec Shion en arrière fond

Genre : Yaoi / Dark / Family

Disclaimer : les chevaliers appartiennent à Masami Kurumada patin-couffin… Mes OC m'appartiennent à moi rien qu'à moi.

Bonne lecture,

Peri

~ oOo ~ JOYEUX ANNIVERSAIRE LES TWIN :-*~ oOo ~

Du Saga, du Kanon. Du Kanon et encore du Saga ! Youpi !


OooOo0oOooO

Une âme pour deux cœurs

OooOo0oOooO


Chapitre 1

La dure loi du Sanctuaire

Sanctuaire d'Athéna époque avant-guerre

Le soleil écrasait les apprentis en nage qui s'entrainaient dans les diverses arènes du Sanctuaire, sous la surveillance de leurs maîtres respectifs. Il était au zénith, la matinée s'achevait sur une note rude. Beaucoup rentrait éreinté et la journée ne faisait que commencer.

Un garçon âgé de quatorze ans reprenait son souffle difficilement. Malgré le fait qu'il soit rodé à une vie d'exercice, il n'empêchait que cela demandait toujours énormément d'énergie pour ne pas flancher devant le regard acéré de son maître. Son maître ainsi que les autres apprentis. Il devait montrer l'exemple, tenir bon quand ses camarades abandonnaient. Lui ne pouvait se permettre ce luxe, lui devait, c'était son unique but. Il devait quoi ? Tout. Atteindre l'harmonie parfaite entre la maîtrise de son cosmos, de son corps mais aussi de son mental. Etre juste en toute circonstance, briller et surpasser en force et en stratégie tous les autres. S'élever au rang de demi-dieu. Rien que ça. Exploit quasi impossible pour un garçon en pleine insouciance de la vie. Insouciance n'était pas un mot employé par Saga, jeune gémeau en devenir.

Son innocence il la perdit en entrant sur ces terres sacrées, domaine d'Athéna la bien aimée déesse de la Guerre. Il connaissait par cœur le refrain du leader qui doit montrer l'exemple et qui ne peut se permettre de douter ou de perdre. Saga n'avait d'autre possibilité dans la vie que de vaincre. D'ailleurs l'on pouvait affirmer que cette vision des choses menée par Kléonas chevalier des Gémeaux en titre fonctionnait… Son élève se révélait être le plus prometteur et performant d'entre tous. L'obtention des armures d'ors allait bientôt avoir lieu, nul doute que le jeune Saga aurait la sienne avec les félicitations de son maître et du Grand Pope ; dirigeant du Sanctuaire.

Saga alla rejoindre Kléonas pour remonter dans son temple, l'heure du déjeuner arrivait à point nommé. En regagnant leur maison, le chevalier ne complimenta aucune fois son élève. Sa rigidité ainsi que son goût de l'excellence incitait le jeune adolescent à se dépasser à chaque fois. Jamais il ne recevait d'encouragements, au contraire, son maître pointait ses faiblesses pour qu'il les corrige la fois d'après. L'homme était strict mais juste. Taciturne aussi car il ne parlait pas pour ne rien dire, seulement pour les choses importantes et judicieuses. Son élève se devait de prendre le même chemin que lui.

Le jeune disciple examinait avec attention son mentor. Kléonas dépassait la quarantaine, il possédait une stature imposante – grande et musclée – il semblait taillé dans le marbre. Au début il eut peur de lui, normal pour un petit garçon d'à peine quatre ans… Cet homme portait les cheveux longs, de longs et épais cheveux noirs corbeaux comme les habitants de ce pays. Ces iris sagaces gris brillaient d'un éclat de perspicacité, il devinait toujours tout. Surtout concernant les habitudes et les bêtises de son élève. Il mena bon nombre de combats qui lui laissèrent des traces creuses sur ses bras et épaules. Un homme buriné par le temps et les batailles. Saga l'admirait énormément, il représentait son modèle, son idéal. Idéal qu'il tentait d'atteindre par tous les moyens pour faire honneur à son rang.


Depuis qu'il était enfant, Kléonas lui répétait qu'il ferait la fierté de la chevalerie, que sa future armure était dotée de la plus grande puissance et que seul un homme aguerri aurait le privilège de la porter. Ces mantras martelaient sa tête depuis des années, il y croyait dur comme fer à présent. Avant de rentrer dans leur temple, l'homme s'arrêta pour parler à son élève. Il se tourna face à lui en plantant ses prunelles mercure dans celles du jeune garçon.

— Saga… Dans peu de temps tu revêtiras l'armure d'or des Gémeaux… Tu sais ce que ça implique ?

Kléonas restait toujours énigmatique quand il parlait de sa future armure à Saga.

— Oui maître, je ferais honneur à Athéna ainsi qu'à vous. répondit l'adolescent plein de fougue.

Les traits durs du visage de l'homme se radoucirent d'un coup en entendant les paroles pleines d'entrain de son élève. Il porta sa main sur l'épaule de Saga.

— Tu es un homme à présent. Mais… Je ne pense pas que tu prennes la véritable mesure de la signification d'un tel acte. Ne la déçois jamais Saga. Jamais. Les armures vivent à travers leurs porteurs, tu dois la respecter et ne pas trahir tes idéaux et tes valeurs. Elles se nourrissent de nos ambitions, de notre courage. Essaye dans la mesure du possible d'être en accord avec elle, comme une concordance… Tu me suis ?

L'adolescent acquiesça de la tête.

— Elle te sera fidèle envers et contre tout. C'est plus qu'une simple armure, c'est une seconde peau. Tu devras être fort autant mentalement que physiquement pour la supporter. Saga, tous tes camarades qui sont tes futurs compagnons de route comptent sur toi. Ils se reposent déjà sur toi, tu es leur modèle. Assume. Assume tes actes jusqu'au bout. Dans quelques semaines tu me succèderas et remporteras ce titre. Je veux que tu y réfléchisses dors et déjà… Laisse ton passé derrière toi, et tout ce qui peut t'entraver. Tu vois de quoi je veux parler ?

Saga savait pertinemment de quoi ou plutôt de qui son maître voulait parler…

— Tes choix seront dictés par la raison et non par le cœur. Laisse-le suivre sa propre route, il représente un frein dans ton avenir. Il va falloir t'en séparer.

Sur ces derniers mots, Kléonas laissa son élève en retrait pour entrer dans son temple.

Saga se dirigea dans la cuisine où les couverts étaient dressés pour trois. Trois parce que deux. Parce que le garçon avait un frère jumeau. Kanon. Le numéro deux, l'ombre du gémeau, l'apprenti maudit. Le destin se révélait cruel pour certain, une armure pour deux. Cela restait inenvisageable. Le Grand Pope ne savait que faire de ce garçon plein de fougue. Ce fut un euphémisme de le dénommer ainsi car le jumeau de Saga possédait un caractère dur, encore plus que la roche sédentaire qui se dressait sur les falaises bordant la mer. Aussi rogue qu'insolent, et tête brûlée de surcroit. Kanon était un écorché vif, un égratigné de la vie. Personne n'arrivait à en faire façon.

Le chevalier des Gémeaux appela son deuxième élève pour qu'il vienne à table. Il arriva sans se précipiter avec son regard suintant l'arrogance. Ils s'installèrent en silence, le cadet des frères dévisageait son ainé. Ils ne parlaient pas si Kléonas ne leur en donnait l'autorisation, et ils s'en souvinrent des coups de bâton qu'ils reçurent en désobéissant. Les frères se jaugeaient sans bruit, seulement leurs regards trahissaient une tension palpable. Toujours à couteaux tirés, ils se défiaient sans cesse et pour tout.

— Cette après-midi je vous emmène vers les côtes pour votre entrainement, avisa le chevalier.

— Même moi maître ? demanda surpris Kanon.

C'était rare pour le souligner. Etant le deuxième, il se cachait la plus part du temps. Rectification : le Pope et son mentor le cachaient aux yeux des autres.

Quelques fois il avait la possibilité de pratiquer ses exercices en compagnie de son frère et du Saint, quand celui-ci était bien luné.

— Oui, toi aussi Kanon. Pourquoi tu n'as pas envie de venir ?

— Oh si, si !

— Bien. J'attends de toi de l'attention, et surtout que tu te tiennes à carreau. Evite de continuer tes frasques au sein du Sanctuaire, je sais…

Kanon déglutit difficilement, il donna cependant le change en restant impassible.

— De quoi voulez-vous parler maître ?

— De tes escapades en ville… Ou quand tu te fais passer pour Saga… Tu t'amuses à faire tourner en bourrique les autres apprentis, ce qui donne une mauvaise image de ton frère. Je ne peux le tolérer… Si tu recommences, tu gouteras à une punition plus dure que ce que tu as connu. Compris ? Ce n'est pas avec un tel comportement que tu honoreras ta déesse… Voilà pourquoi toi tu ne prétendras jamais au titre de chevalier. Tu ne le mérites pas.

— Oui, compris.

— Compris qui ?

— J'ai compris maître.

Cela finissait quasiment toujours ainsi, Kléonas reprochait maintes et maintes choses à Kanon et lui bourrait le crâne avec des répliques blessantes, lui disant qu'il n'égalait pas son frère. Que lui avait un avenir incertain, qu'il ne serait jamais rien. Il ne postulait même pas pour une quelconque armure de bronze.

Au début il s'en fichait, seul comptait la possibilité de demeurer en compagnie de son frère, sa seule famille. Lui les honneurs, le mérite, le champ de bataille il n'en avait cure. Kanon désirait être son propre chef, il rêvait de terres lointaines, de pays étrangers, de visiter le monde entier. De pouvoir naviguer libre sur un voilier comme les pirates des livres qu'il lisait pendant ses intercours. Alors, l'armure des Gémeaux pouvait bien aller se faire voir ailleurs comme on dit…

Seulement au fil des ans il vit que Saga changeait. Son frère s'éloignait petit à petit de lui pour sa petite gloriole personnelle… Il devenait pédant presque, comme le garçon du sixième qui se prenait pour la réincarnation d'un dieu. Alors par défi, pour irriter son jumeau, il se mit assidument à l'entrainement. Pour rivaliser et même surpasser son propre frère. Kanon avait l'esprit de contradiction, se trouvant toujours là où on ne l'attendait pas. Il allait montrer à tous de quoi il était capable.


Ils terminèrent de manger pour partir tôt en début d'après midi. Pour éviter que Kanon ne soit repéré, Kléonas s'arrangeait pour le sortir aux heures creuses et l'amener aux alentours du Sanctuaire, où personne ne s'aventure. Il était strict mais pas dénué d'humanité, il avait également la charge de Kanon, il pourvoyait à son éducation. Peu être moins assidument que pour son protégé mais tout de même. Ils s'arrêtèrent en bas des falaises sur un ban de rocailles. Descendre ces pentes abruptes représentait en soit une épreuve, c'est souvent que les jeunes garçons s'arrachèrent les genoux et les coudes sur ces roches escarpées. Maintenant ils en prenaient l'habitude. L'endroit était sauvage, balayé par les intempéries, le vent semblait souffler plus fort qu'ailleurs. Ce vent chargé d'embrun leur fouettait le visage, laissant des traces cuisantes sur leurs joues au gout de sel. Les falaises se hissaient hautes dans le ciel lumineux de la Grèce, un petit bout de mer venait s'échouer entre ce berceau de pierre, les emprisonnant dans le sédiment. Sur le dessus des falaises s'éparpillait la steppe, brunissant à l'orée des côtes.

Kanon adorait ces moments de liberté. Il les savourait, comme s'il communiait avec les éléments. Le vent, la mer, cet air iodé emplissait ses poumons pour le gorger de force. Enfin il pouvait admirer la mer s'étendre à perte de vue au-delà de l'horizon. Il s'imaginait des contrées lointaines où il poserait le pied un jour. Un jour, quand il atteindra sa majorité il partira de ce Sanctuaire de malheur qui l'éloigne de son jumeau. Il emmènera Saga avec lui, à eux deux ils affronteront l'inconnu, tous les dangers. A eux deux ils seront invincibles. Et au diable Kléonas ! Au diable Athéna ! Au diable le devoir de chevalier !

Les deux frères redoublèrent leurs efforts pour contenter leur professeur. Saga maîtrisait l'arcane ultime de l'armure des Gémeaux. Il arrivait sans mal à faire apparaître des galaxies pour les abattre sur ses éventuels ennemis. Pour son frère c'était une autre paire de manche, n'étant entrainé que peu il ne parvenait pas à s'élever au même niveau que son ainé. Le Gold leur montra comment procéder. Sous les yeux ébahis de ses disciples il fit apparaitre des centaines de planètes qui se propulsaient à la vitesse de la lumière, c'est comme si l'univers entier les avalait. Elles se dirigeaient droit sur eux, dans un sursaut de lucidité les jumeaux les esquivèrent à tour de rôle.

Une fois que les adolescents furent à bout de force, le chevalier stoppa ses attaques, il se planta devant le cadet les poings sur les hanches. Ses cheveux volaient derrière son dos, il était impressionnant.

— Kanon. Je suis au regret de te dire que tu n'arriveras pas à acquérir cette technique. Seul un véritable prétendant au titre de l'armure d'or des Gémeaux le peut. Fais-toi une raison.

L'enfant rageait silencieusement, à genoux sur le sol ses poings fermés tremblaient. Sans regarder son maître, il se concentrait sur les cailloux qu'il avait devant les yeux pour ne pas le braver comme trop souvent. Il détestait qu'on lui montre ses faiblesses, et surtout qu'on ne croit pas en ses capacités.

La colère au ventre il défia tout de même son professeur. Il releva la tête pour plonger ses yeux dans les pierres de lune qui le toisaient.

— Maître. J'y arriverais, je vous le prouverais ! Il n'y a pas que Saga qui sache contrôler son cosmos, moi aussi je…

— Suffit ! cingla Kléonas.

Il rabattit sa cape qui tournoyait dans le vent, d'un geste vif.

— Tu oses me contredire ? Petit impertinent. Tu n'es rien mon pauvre garçon ! Rentres-toi ça dans le crâne, cela vaudra mieux va ! Une fois que tu seras en âge de te débrouiller seul, tu seras chassé du Sanctuaire. Il n'y a pas de place pour les doublures… Surtout les perdants dans ton genre… Tu iras où bon te semblera, mais tu ne fouleras plus les pieds de ce domaine.

— Et Saga ? Que va-t-il devenir ?

— Il restera ici, telle est sa destinée. Il dirigera toutes les troupes d'ici une décennie, j'en suis convaincu. C'est le meilleur élément que nous ayons eus depuis longtemps. Tu vois Kanon… Tu n'as pas ta place à ses côtés.

— Jamais vous ne nous séparerez ! hurla le plus jeune.

L'homme lança un regard plein de sous-entendu à l'ainé, qui posa sa main sur l'épaule de son frère.

— Kanon… Je… Je suis désolé mais… Il a raison, nous devrons nous séparer à un moment ou un autre… Je dois accomplir ma destiné. La tienne n'est pas ici.

L'adolescent se tourna vivement vers son frère ahuri d'une telle révélation.

— Saga ! Comment !? Tu es de son avis ? Tu veux me voir partir !? Ca ne te fait rien de ne plus jamais me voir ?

Il se releva et courut loin d'eux. Une fois qu'il fut sûr de ne plus être à portée de vue il laissa ses larmes se répandre sur ses joues. Elles étaient aussi salées que la mer elle-même. Teintées de l'amertume de la trahison.

Saga voulut le suivre mais son maître l'en empêcha en lui signifiant qu'il faisait le bon choix.

~oOo~

Kanon rentra le soir venu sans prononcer un mot pour les occupants du temple. Il attendit cependant son frère quand il vint se coucher dans leur chambre commune.

L'ainé pénétra dans la pièce baignée de noir, quand il alluma la lumière il vit son frère assis dans son lit, sous les couvertures le tuant du regard. Ses iris rageurs le désintégraient sur place. Saga contourna le lit de son jumeau pour s'assoir au bord du sien.

— Tu es fâché n'est-ce pas ? Comprends-moi Kanon… Je n'ai pas choisi, je n'ai rien décidé. C'est mon devoir.

Ton devoir, ton destin, ton armure, ta mission. Ecoutes-toi parler ! Tu pues la prétention c'est incroyable ! On a toujours le choix te fous pas de moi. C'est nous qui sommes maîtres de notre destin, pas une pseudo étoile qui décide pour nous ! Moi je vais me barrer de là, et toi… Toi tu croupiras dans ce tas de ruine vers ton vénéré Grand Pope. Ce vieux croûton dégénéré !

— Kanon ! Comment oses-tu parler du Pope comme ça !? C'est irrespectueux. Tu ne crois en rien dans la vie ou quoi ? C'est avec une attitude comme celle là qui fait qu'on ne peut rester ensemble. C'est uniquement de ta faute si on doit se séparer !

Kanon prit un ton ironique pour imiter son frère.

— Comment oses-tu parler du Pope comme ça ? C'est irrespectueux… Merci Saga dieu tout puissant d'éclairer ma lanterne avec ton discours de lèche-botte. Va donc lui cirer les pompes à ce débris, et par la même occasion tu pourras fonder un club des adorateurs de méchoui avec la blonde d'en haut !

— Tu ne comprends rien à rien… fit las Saga en s'emprisonnant la tête de ses mains.

Son frère continua de le provoquer.

— Oh Saga le tourmenté de la vie hein ? Pauvre petit Saga qui porte tout le poids du monde sur ses épaules et qui doit supporter son crétin de frangin ! C'est ça que tu te dis ? T'inquiètes pas, je ne serais plus une gêne pour ta quête de gloire. Dans pas longtemps je me casserai de là ! Et sans toi ! Je te la laisse ta précieuse armure, amuses-toi bien avec !

Il ne pouvait plus l'entendre. Ses paroles arrogantes, son ton belliqueux. Il voulait qu'il se taise. Saga se leva et bondit sur son frère pour le plaquer contre le matelas, il avait ses mains posées sur les épaules de Kanon. Le poids de son corps pesait lourd pour emprisonner son frère et l'empêcher de se débattre.

— Tu ne vois pas ? Tu ne vois donc rien Kanon ! Tu me rends dingue à dépasser les bornes pour tout et tout le temps ! J'en ai marre de toi. Mais tu es mon frère ! Je ne veux pas être séparé de toi, j'aimerais que tu restes à mes côtés. J'aimerais qu'il y ait deux armures d'or des Gémeaux pour que nos vies continuent d'être liées l'une à l'autre… C'est impossible. Tu seras mieux loin d'ici. Loin de ce Sanctuaire, je te l'assure. Tu vivras ta propre vie sans contrainte, sans devoir, sans rien. Tu ne comprends pas que d'entre nous c'est toi qui a la chance de posséder la meilleure destinée ? Celle du libre arbitre. Alors Kanon, vis pour moi, vis pour nous, pour ce que je ne pourrais accomplir.

Ses mots moururent dans un murmure.

— Saga… Je… Viens. Viens avec moi, partons les deux alors ! Envoie tout promener.

— J'aimerais tellement... Si tu savais, mais je n'ai pas le droit. On compte déjà sur moi, toi au moins tu seras écarté de cette vie de sacrifice. Tu seras un homme normal.

D'un mouvement brusque Kanon repoussa son frère au bout du lit, et se releva toujours assis sur son matelas.

— Aaaarrh ! C'est pas possible hein ? Ca te plait ma parole d'être considéré comme un demi-dieu !? Pas vrai ? Ca t'excite dis-moi ? Lâche-moi et dégage ! Laisse-moi tranquille.

Il se coucha et se retourna dos à son jumeau pour ne plus le croiser du regard. Saga alla s'étendre dans son lit mais le sommeil le fuit. Il pensait à son frère encore et encore. Il naviguait entre haine et amour, rivalité et protection, affection et rage. Kanon déferlait en lui des émotions contradictoires et intenses. Terriblement intenses, il n'avait aucun ascendant sur son cadet. Pas comme avec les autres. Il se mit dans la poche tous ses camarades, des plus petits aux plus vieux. Ils se pliaient en quatre pour le contenter et quémandaient ses attentions sans cesse. Alors que Kanon restait indépendant, aucune chose ne le touchait vraiment. Il était guidé par ses envies. Peut être sans le déceler, son cadet le mettait face à ses vérités… Face à ses choix, ses questionnements… Il représentait tout ce que lui désirait être et dont l'accès lui serait éternellement fermé.

Kanon pouvait aller où bon lui semble, être irrévérencieux avec ses pairs, ses ainés sans se soucier des conséquences. Il assumait ses actes jusqu'au bout. C'était une tête brûlée, une plaie béante où tous les sentiments humains s'emmêlaient et s'enchevêtraient. Kanon était une personne à fleur de peau, ivre d'aventure. Il disait tout haut ce que les autres pensaient tout bas. Inconsciemment Saga l'admirait et l'enviait de cette liberté qui imprimait ses chairs. Lui aurait voulu posséder de cette insouciance et de cette rébellion qui grondait en sourdine dans le corps de son frère.

Mais non, Saga resterait Saga. Il agirait comme on attendait qu'il agisse. Il montrerait l'exemple, il incarnerait la bonté, la droiture, la force tranquille, la puissance mesurée, la dévotion envers sa déesse. C'est comme s'il s'accaparait tous les maux du monde pour les porter sur ses épaules. Un poids énorme pour un garçon en pleine adolescence, loin d'être un homme…

Cette relation fraternelle fusionnelle déviante détruisait petit à petit les deux frères. Ils restaient campés sur leurs positions en étant incapables de se parler normalement, simplement.


Quelques jours plus tard Saga partit avec Kléonas pour patrouiller aux alentours du Sanctuaire. Il voulait montrer à son élève comment pister correctement des éventuels ennemis et comment mener une bonne patrouille. Kanon en profita pour sortir malgré l'interdiction de son maître.

Quand il s'aventurait hors du temple il se faisait passer pour son frère, c'était bien plus pratique. D'autant plus qu'il s'adonnait à quelques plaisanteries ou mesquineries pour embêter les autres apprentis.

Il se posta au dessus des marches entre le quatrième et le troisième temple. Il ne mit pas longtemps à être contenter dans sa soif de taquinerie… En effet des bruits de pas retentirent derrière lui, ainsi que des rires joyeux d'enfants. Essoufflés et rieurs les petits garçons s'arrêtèrent devant leur idole. Ils saluèrent le garçon qu'ils prirent pour Saga.

Un petit blond aux boucles ondoyantes et un petit garnement aux cheveux bouclés indigo le regardaient les yeux emplis d'admiration.

— Saga ! Tu viens jouer avec nous ? questionna le petit Milo.

— Oui c'te plait viens ! On va chasser les pillons ! renchérit Aiolia.

Les enfants étaient âgés de six ans, ils s'entrainaient également au titre de chevalier d'or. Apparemment ils échappèrent à la vigilance de leurs maîtres respectifs pour décamper de la sorte. Kanon ébouriffa la tignasse de Milo.

— Vous ne vous entrainez donc pas ? leur dit l'ainé.

— Non ! On veut s'amuser nous ! cria Milo qui était enthousiasme à longueur d'année.

— Je suppose que vous avez désobéis à vos maîtres… fit Kanon en agitant son doigt pour marquer sa désapprobation.

— Euh…

Milo mit ses mains derrière son dos et se tortillait de gauche à droite comme si une envie irrépressible de s'adonner à un besoin primaire le submergeait.

Kanon rit.

— Allons, dites-moi la vérité…

— Dis rien aller Saga ! C'te plait dis rien ! On en a marre de faire des devoirs et des exessercices. C'est fatiguant et Milo il a pleuré en plus ! apprit Aiolia qui avait encore des difficultés à s'exprimer.

Milo frappa son camarade sur le bras.

— C'est même pas vrai, menteur !

Puis il bouda en croisant les bras sur sa petite poitrine en faisant la moue.

Un autre petit garçon remontait les marches tout seul. Un livre à la main, le petit Camus prétendant en titre de l'armure du Verseau s'arrêta à leur hauteur. Milo l'intercepta en le retenant par le bras.

— Oh Camus tu viens avec nous ? On va aller à la plage avec Saga ! C'est lui qui va nous surveiller, on va attraper des pillons !

Camus examinait son interlocuteur sans rien répondre.

— Laisse Milo, il est pas rigolo Camus d'abord. On s'amusera mieux sans lui, dit Aiolia en tirant la langue au nouveau venu.

Kanon s'interposa.

— Laissez Camus tranquille, s'il ne veut pas se joindre à vous c'est son choix. Il faut le respecter. Tu vas où dis-moi comme ça ?

— Je rentre au temple du verseau. J'ai des devoirs à finir, avoua l'enfant.

— Mum… Des devoirs, encore… Tu ne veux pas rester avec tes copains ?

— J'ai pas de copain. Ca ne sert à rien ! Ils ne sont pas amusants, moi je préfère lire ou rester avec Shura. Il est sérieux lui au moins.

— Bien, à plus tard Camus alors.

— A plus tard Saga.

Le garçonnet remonta les marches des autres temples sans prêter la moindre attention à ses camarades, ni à Milo qui commençait à renifler.

— Qu'est-ce que tu as Milo ? demanda Kanon.

— Il est vilain Camus ! Il ne parle à personne et pis il dit qu'il n'a pas de copain. C'est nul ! Moi j'ai des tas de copains, c'est bien mieux. Je m'ennuie jamais moi. Il ne nous aime pas et ben moi non plus je l'aime pas !

— Ouais viens Milo on y va ! lança joyeusement le lionceau.

— Alors tu viens avec nous Saga ? Pis tu diras rien hein ? s'inquiéta le minuscule scorpion.

Kanon se leva et accepta de les accompagner jusqu'à la plage, un peu de divertissement lui ferait le plus grand bien.

Pendant que Milo ramassait toute sorte de coquillages et couteaux, Aiolia s'évertuait à faire des châteaux de sable. Seulement il ne comprenait pas qu'il fallait mouiller le sable pour que les fondations tiennent… Ses pâtés s'écroulaient immanquablement, mais il persistait à continuer dans son entêtement. Il construisait des œuvres abominables en tirant la langue, ce qui traduisait son effort. Kanon pensa que la relève ne serait pas assurée avec un chevalier de la sorte…

Milo revint vers Kanon en courant tout essoufflé pour ne pas changer. Il sautait sur place.

— Gad' Saga j'en ai eu un ! J'en ai eu un ! Il est beau !

Il tendit la main et ouvrit sa paume pour découvrir un pauvre papillon à moitié déchiqueté. Ses ailes avaient été déchirées. Kanon le prit devant ses yeux, l'examina quelques secondes et le balança dans le sable.

— Pourquoi t'as fait ça Saga ? C'est pas gentil, c'était mon pillon !

— Milo… Il était tout déniapé ton machin… Qu'est-ce que tu lui as fait ? Il souffrait à cause de toi. Tu lui as fait mal, c'est toi qui es méchant. Tu dirais quoi si je t'arrachais les bras hein ? Tu ne crois pas que tu souffrirais ? Il allait mourir de toute façon.

Le garçon sanglotait, entre deux spasmes il répondit.

— C'était pour l'attraper, sinon j'aurai pas pu… Je voulais te le donner…

— Je m'en fiche de ton papillon Milo.

L'intensité des pleurs du petit redoublèrent, il ne comprenait pas pourquoi Saga était si méchant d'un coup, il ne lui parlait jamais comme ça d'habitude. Kanon quant à lui savourait son petit pouvoir sur ce garçon si fragile. A six ans ils sont d'une naïveté incroyable. On pouvait tout leur faire gober.

Le jumeau se radoucit en prenant Milo par les épaules.

— Arrête de pleurer Milo, j'ai une idée… Tu veux voir quelque chose de mieux qu'un papillon ? Quelque chose de cent fois mieux ?

Le petit grec s'essuya les yeux du revers de sa main en reniflant.

— Oui… C'est quoi ?

— Attends-moi ici, je reviens.

Kanon partit plus loin vers les rochers qui formaient une digue naturelle. Il réapparût un quart d'heure plus tard, lui aussi les mains derrière le dos. Il s'accroupit devant le garçon.

— Tu veux voir ce que j'ai dans les mains Milo ? Mais promets-moi que tu n'en parleras à personne… Ca sera notre petit secret…

— Oui, oui ! Montre, c'est pour moi ?

Milo redevint tout excité par ce cadeau inattendu.

Avec un sourire démoniquement machiavélique, Kanon ouvrit la main pour laisser apparaître un scorpion noir. Impressionné Milo recula de deux pas.

— N'aies pas peur enfin… Tu ne vas pas me dire que toi, futur chevalier du scorpion tu as peur d'un insecte comme ça ? Et puis il faudra t'y faire parce que ces bestioles représentent ton signe…

— C'est dangereux, ça pique mon maître m'a dit…

— Oui… Ca pique mais toi tu es bien un futur chevalier n'est-ce pas ? Tu crois qu'on te laissera rester dans ton temple avec ton maître si tu as peur d'un petit insecte de rien du tout ?

— Je veux pas partir tout seul.

— C'est ce qui arrivera si tu ne maîtrises pas tes peurs… Est-ce que tu veux me ressembler dis ?

— Oui Saga, j'aimerais être fort comme toi quand je serais grand !

— Alors commence maintenant… Tu sais ce que sera ton épreuve plus tard quand tu devras porter ton armure d'or ?

Milo hocha de la tête pour marquer son ignorance.

— Et bien, ton épreuve à toi sera de rester étendu au sol avec des centaines de scorpions qui marcheront sur ton corps… Ils te piqueront avec leurs dards, là tu vois la pointe de la queue… C'est là que réside leur poison… Tu devras supporter la douleur et les piqures pour prétendre à l'armure du scorpion… Prends-le dans ta main.

Milo se recula encore en cachant ses mains derrière lui.

— Milo… Je vais me fâcher…

Les larmes mouillèrent le minois du garçon.

— Prends cette bestiole dans ta main !

Il attrapa Milo par le bras et le força de sa poigne à ouvrir sa main. Le petit pleurait à chaudes larmes, hoquetait de peur.

— Ne fais pas ton gamin ! Tu la veux cette armure oui ou non ? Tu veux continuer à être mon ami ? Moi je ne côtoie pas les peureux et les pleurnicheurs ! Camus a bien raison de ne pas te parler… Tu n'en vaux pas la peine.

Puis il lâcha sa prise. Dans l'élan Milo faillit tomber à la renverse. Kanon lui parlait sèchement, avec mépris. Son désir étant de lui provoquer de la peine et de ternir l'image si parfaite de son jumeau par la même occasion.

— Tu me déçois Milo… Réellement, ne viens plus vers moi dorénavant.

Il s'apprêtait à partir quand une petite voix serrée lui dit.

— Non attends Saga ! Je veux pas être un trouillard. Je veux… Que tu sois mon ami.

Le plus grand se retourna satisfait de ses manigances. Il jubilait.

— Tends ta main.

Milo obtempéra, tremblant de peur. Kanon lui déposa l'insecte dans la main. A ce contact répugnant et étrange le petit garçon ferma les yeux fort pour ne plus le voir. Peut être que s'ils restaient clos le scorpion s'en irait comme par magie. Seulement le cadet des jumeaux prit la petite menotte de Milo et l'obligea à la fermer. Ce dernier hurla de terreur. La carapace dure lui faisait bizarre, les pattes s'agrippaient à sa peau, le dard s'abattit dans sa paume et une vive brûlure lui arracha un autre cri, mais cette fois-ci de douleur. Il lâcha l'insecte et tomba à genoux dans le sable. Il se tenait le poignet en pleurant sa souffrance, cherchant du regard l'aide de Saga.

Il vit le regard de son idole se brouiller d'une lueur inquiétante, Saga faisait peur.

— Arrête de pleurer, on dirait une fille. Je vais te ramener à ton maître.

— J'ai mal, ça me fait trop mal Saga !

Kanon porta le garçon dans ses bras, ce dernier s'accrocha en tailleur autour de la taille de l'adolescent jusqu'au Sanctuaire. Aiolia suivait derrière avec peine tant les enjambées du cadet furent grandes. Kanon déposa le lionceau dans son temple et Milo dans le sien. Son maître n'était toujours pas revenu, surement qu'il le cherchait partout. Il fit promettre au mini scorpion de ne rien divulguer puis le laissa seul au milieu du salon.


Le jour d'après Kléonas revint en fin de matinée d'une humeur exécrable, il entra comme un furibond dans ses appartements et tonna le prénom maudit. Il apprit de la part de Léōnídas chevalier du Scorpion, les frasques de son apprenti « Saga » qui s'amusa à torturer psychologiquement le petit Milo et physiquement puisqu'il se fit piquer à la main.

— Kanon ! Viens ici et ne m'oblige pas à le répéter une deuxième fois !

Le jeune rebelle arriva en se pavanant mais quand il vit la mine de déterrée de son maître il se ravisa. Surtout quand il s'aperçut que ses yeux passèrent du gris au rouge, là il blêmit.

— Qu'as-tu fais encore !? Je t'avais pourtant prévenu mais non tu n'écoutes personne. A cause de toi les autres auraient pu se douter que quelque chose clochait ! Saga n'a pas ce type de comportement. Tu le salis auprès de ses pairs c'est tout bonnement inadmissible. Milo a une forte fièvre par ta faute, il aurait pu se faire empoisonner ! Tu es inconscient ! Léōnídas a pu barrer les effets de la substance toxique heureusement ! En plus laisser un enfant de six ans seul dans un tel état… Mais il te passe quoi dans la tête ? Tu es malade, je ne vois que ça comme explication. Je n'en peux plus de toi, tu n'es bon à rien, si seulement tu aurais pu mourir à ta naissance cela aurait évité des soucis.

Saga arriva à bout de souffle, il courut après le chevalier. Il se cramponnait au mur près de l'entrée.

Kléonas agrippa les cheveux de Kanon qui se débattait entre sa poigne. L'homme asséna un coup de poing phénoménal dans la figure du jeune homme pour l'étourdir. Il le traina par la tignasse jusqu'au pas de la porte, en passant à côté de Saga il lui ordonna de ne plus sortir du temple jusqu'à nouvel ordre. Il descendit les premiers temples avec son fardeau en main pour arriver en bas de celui du Bélier. Le chevalier du Scorpion l'attendait devant il espérait une sanction exemplaire. Le chevalier des Gémeaux déclara.

— Saga va payer je te le garantis, il retiendra la leçon.

— Comment as-tu pu faire une chose aussi vile ? Milo avait confiance en toi ! Une confiance aveugle, tu as abusé de l'innocence d'un enfant. Tu ne vaux rien. Saga tu me déçois. Par ton inconséquence il est malade à présent. C'est moi et uniquement moi qui initie mon disciple à l'art de la maîtrise du poison, dit Léōnídas en soutenant le menton du fautif pour qu'il le regarde dans les yeux.

Il s'en alla sous un tonnerre de jurons. Kléonas parla un ton plus bas pour que personne ne l'entende.

— Tu vas payer je te le promets. J'espère que le Grand Pope te bannira après ça. Cela aura comme vertu de t'éloigner de Saga. Toi et ta mauvaise influence. Je ne tolérerai pas que tu le salisses par tes idées déviantes. Aller, viens !

Kanon se réveilla de sa torpeur, il se débattait tout ce qu'il pouvait mais son maître le trainait toujours dans le sable et les cailloux par les cheveux. Il manqua plus d'une fois de lui arracher le cuir-chevelu. Le dos de l'adolescent râpait sur les pierres anguleuses, lui laissant de fines blessures. Il l'entraina comme ça jusqu'aux confins du Sanctuaire, là où les roches prédominent sur le Promontoire Sacré.

Tout au bout de la falaise s'élevant au bout du ciel, résidaient les ruines du temple de Poséidon. Il imposait malgré les dégâts du temps passé. Les colonnes de marbre blanc montaient comme pour toucher les nuages, inébranlables pierres majestueuses. Une impression étrange submergea Kanon à terre. Une sensation d'oppression l'envahit des pieds à la tête, son corps semblait rétrécir de l'intérieur. Mais aussi il éprouvait une attirance étrange pour cette bâtisse sacrée. Kléonas lui expliqua longuement les tenants et aboutissants de sa démarche, s'en suivit une leçon de morale qui se termina par des menaces. L'homme rigide voulait pousser son apprenti indiscipliné à réfléchir sur sa conduite, sans aller jusqu'à l'extrême… Il ne pouvait pas lui faire endurer ça… Tout le long de son monologue, Kanon ne l'écouta pas trop absorbé à admirer les pierres blanche briller et trancher la perspective du ciel azur de Grèce. Elles ressortaient tellement bien que l'on aurait cru qu'un peintre les avait dessinées sur la toile bleue en fond. Cette blancheur immaculée aveuglait le jeune garçon, pour pouvoir les regarder il fut obligé de couvrir ses yeux de sa main. Le soleil se reflétait sur le marbre.

Le chevalier des Gémeaux le laissa là seul en lui dictant de revenir plus tard au temple, après avoir médité sur sa conduite innommable. En fin d'après-midi le soleil se couchait faisant apparaitre des rayons jaune-orangé sur les bords des colonnes, donnant au temple un aspect solaire presque irréel. Kanon fasciné par ce spectacle ne décrochait toujours pas le regard. Quelque chose l'appelait au loin… Comme un mantra, une voix sourde mais douce… Les pierres chantaient pour lui dans un langage quasi muet. Le temple se parait d'un éclat doré, seul la base et les colonnes se parsemaient de cette couleur. Les ruines en contre bas restaient telles quelles.


De son côté Kléonas ressassait sa soit disant punition. Quand il alpagua Kanon il eut l'intention réelle d'en faire de la charpie et de l'emprisonner là-bas… En dessous du temple du dieu des mers, au Cap Sounion. Il changea d'avis arrivé sur le tertre. Non. Impossible de faire endurer ce calvaire à un jeune garçon, si tant est qu'il soit aussi têtu et insupportable que son apprenti. A la dernière minute il écouta sa conscience pour le laisser réfléchir seul – c'était un prétexte comme un autre. Sa dureté ne se réduisait pas à des actes de barbaries, loin de là. Kanon ne méritait pas ce type de punition.

(suite...)