Ce chapitre aura pris un peu plus de temps que prévu... Je ne vais pas lister les raisons pour lesquelles j'ai mis autant de temps (si ce n'est celle que je suis un peu un boulet.. désolée T.T), mais je suis super contente d'être enfin arrivée à bout de ce chapitre ! Je ne sais pas s'il est meilleur que le premier (j'en doute fort XD), mais j'espère qu'au moins il ne vous décevra pas trop... éè J'ai fait de mon mieux, en tout cas.
Si le premier chapitre servait d'introduction, alors celui-ci sert de transition. Pas d'événements vraiment notables pour ce chapitre, donc, mais je voulais prendre encore un peu de temps pour correctement poser les bases de ce qui devrait avoir lieu... au chapitre suivant :) Mais allez, je me tais, et je vous souhaite une bonne lecture ! Merci infiniment pour tous vos commentaires. x3 (J'en ai eu deux fois plus que ce que j'espérais... vous êtes super chous ;w;) J'espère que ce chapitre vous plaira aussi.
Celui qui ne pouvait perdre
Chapitre 2
D'aucuns auraient pu croire, simplement, naïvement, que l'affaire se terminerait ainsi ; que la scène étrange qui s'était déroulée sous les yeux de Kouki n'était que l'histoire d'une fois et n'aurait plus jamais lieu ; qu'Akashi avait voulu Kuroko et que, maintenant qu'il l'avait eu, c'était fini-
Inepties.
Dans les jours qui suivirent ce que Furihata prit bien vite l'habitude de surnommer, mentalement, le drôle d'incident, il ne fut pas rare qu'après l'entraînement de l'équipe de Seirin, ce drôle d'incident se reproduisît.
A chaque fois, la procédure était la même : un jour sans rien de spécial, de pluie généralement, qui paraissait banal, Furihata fuyait le froid de l'hiver extérieur en s'attardant sous la douche, en profitant de son cocon de tiédeur agréable – puis, après de longues minutes, enfin détendu, enfin rassuré, las des réflexions diverses qui le torturaient, il osait mettre un pied dehors. Il sentait l'air frais des vestiaires contre sa peau ; il s'habillait en vitesse, soupirait, ramassait ses affaires, pensait à diverses choses ; il s'arrachait à la chaleur de la salle commune, se glissait dans le couloir, se dirigeait vers la porte ; et là, à cet instant, toujours, inlassablement, il retrouvait Kagami et Kuroko, sortis à peine quelques minutes plus tôt.
Et là, à cet instant, toujours, inlassablement, il retrouvait Akashi Seijuurou, sans doute arrivé ici des heures plus tôt.
Akashi et ses yeux hétérochromes, qui à chaque fois foudroyaient Kagami, pleins de haine et de mépris et d'autre chose ; Kagami et son regard un peu fâché, un peu perdu, qui à chaque fois s'emplissait de colère et d'incompréhension tout en même temps ; puis Kuroko, Kuroko et son attitude étrange, Kuroko et ses pupilles qui voyageaient de l'un à l'autre, Akashi-Kagami, Kagami-Akashi.
A chaque fois, Furihata se sentait l'indésirable spectateur d'une scène secrète, cachée, intime peut-être, à laquelle il n'aurait jamais dû assister – à chaque fois, il se sentait intrus, et ce sentiment le mettait mal à l'aise autant qu'il lui donnait envie de continuer à observer ce qu'il se tramait.
C'était pervers, quelque part, songea-t-il un jour qu'il faisait gris, et que la température de l'air s'était refroidie. C'était pervers, oui ; c'était pervers, de s'intéresser à ce point aux affaires de Kuroko, de Kagami et de cet Akashi. Après tout, leurs histoires ne le regardaient pas – certes, Kagami et Kuroko étaient ses coéquipiers, ses amis, mais ils n'étaient pas proches au point de tout se raconter, et les deux garçons n'avaient jamais fait mine de vouloir lui faire part de ce qu'il leur arrivait, alors... Kouki supposait, simplement, qu'il n'était pas censé savoir ; mais c'était un adolescent, malgré tout, et l'idée de s'aventurer dans un domaine interdit l'excitait autant qu'elle le terrifiait. Il fallait dire qu'il y avait quelque chose de particulier à ces rencontres auxquelles il ne cessait d'assister – il y avait comme une atmosphère étrange, quelque chose d'indescriptible dans l'air, un détail sur lequel il ne parvenait pas à mettre le doigt, une infime particule d'information qu'il ne pouvait s'empêcher d'espérer saisir un jour...
Il avait parfaitement conscience de ce célèbre proverbe qui dit : la curiosité est un vilain défaut ; mais plus les jours passaient, et plus le drôle d'incident se reproduisait, plus il offrait de justifications à sa propre curiosité, mentalement, inconsciemment, et se répétait j'ai raison, c'est bon, c'est ce qu'il faut.
Ainsi, ce qu'il fallait le mena bien vite au jour où, avant même qu'il ne le réalise vraiment, tout changerait.
Encore une fois, c'était un jour où il faisait gris, et dans le ciel, sur le sol, pas une trace de pluie ; et comme tous les jours sans pluie, celui-ci vit Furihata se doucher en vitesse, sans se soucier ni de l'extérieur ni du bruit ni du cocon de chaleur protecteur ni du reste du monde, et s'en aller, finalement, parmi les premiers.
Si ce jour-là avait été un jour normal, sans doute le jeune lycéen de Seirin se serait-il laissé aller à rêvasser, à ressasser cet événement précis qui ne cessait d'arriver et qui semblait à la fois commencer à s'ancrer dans son quotidien, à la fois se faire de plus en plus étrange et malsain ; il aurait fermé les yeux, sans doute, rien qu'un instant, pour se remémorer l'expression surprise puis agacée puis folle de rage de Kagami ; et il se serait imaginé le regard neutre, presque triste, d'un Kuroko qui s'en allait toujours sans se retourner ; et il aurait senti s'insinuer dans sa tête l'image du visage d'Akashi, de cet Akashi qui l'avait foudroyé du regard à leur première rencontre, qui ne se gênait pas pour le mépriser des yeux à chaque fois qu'il le voyait, mais-
Ce n'était pas un jour normal, et Furihata Kouki avait la tête ailleurs. C'était un jour comme ça, aurait dit sa mère ; un jour où ses réflexions divaguaient sur toutes les choses du monde sans qu'il ne puisse les contrôler ; un jour où le moindre élément qu'il croisait dans la rue suffisait à le distraire, à le faire rêver.
Comme il quittait le gymnase de son lycée ce soir-là, le bruit du vent entre les lourdes branches d'un arbre le fit frissonner.
C'était l'hiver ; ça se voyait, aussi bien aux branches décharnées de ces géants de la nature qu'aux petits monticules de neige qui bordaient les trottoirs fraîchement déblayés, et ça se sentait dans l'air. Un peu partout, il y avait le froid qui se glissait entre les vêtements trop fins pour mordre la peau à pleines dents, et cette espèce d'odeur, de sensation dans les narines, comme si le taux d'humidité de l'air avait grimpé en flèche.
En sortant du lycée Seirin ce jour-là, donc, Furihata Kouki remonta rapidement, contre son nez, l'écharpe trop fine qu'il y avait placée et qui ne cessait de retomber ; et comme ses pas s'enchaînaient à bon rythme, plus rapidement qu'en automne ou qu'en été, il leva les yeux au ciel. Il le trouva gris, plein de nuages, embué, froid – il ne neigeait pas. Ne pleuvait toujours pas. Peut-être dans la soirée, se dit-il. Peut-être le lendemain. Peut-être la semaine prochaine, ou peut-être même jamais.
En face de l'école, un panneau immense affichait fièrement l'image d'une jeune fille souriante, tout en vantant la sortie du dernier album de cette idole – le regard de Kouki s'y arrêta un instant. Il n'était pas le plus grand fan d'idoles qui soit au monde ou même au Japon, et il y avait d'ailleurs une fille de son âge qui lui plaisait déjà, mais il y avait chez celle-ci quelque chose qu'il aimait bien ; son regard, peut-être, rouge ou brun, ou sa posture, droite et fière ? Il n'aurait su dire mais, s'il se rappelait bien, il avait déjà écouté l'une ou l'autre de ses chansons un jour, et il l'avait plutôt appréciée ; peut-être l'avait-il enregistrée sur son téléphone portable, d'ailleurs, ou bien-
Mais aujourd'hui n'était pas un jour normal, et Furihata avait la tête ailleurs – c'était un jour comme ça, aurait dit sa mère, un jour où il était prompt à se laisser distraire par n'importe quoi et tout à la fois.
Dès l'instant où il se rendit compte qu'il avait oublié son téléphone portable dans les vestiaires, donc, il se maudit et fit marche arrière.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, Furihata n'était pas de ces adolescents dont le smartphone avait, au fil des années, évolué au point de ne devenir plus qu'une extension du bras ; au contraire, il était même plutôt du genre à ne s'en soucier que toutes les trois heures et à, régulièrement, ignorer sans le vouloir messages comme appels importants ; mais il se souvenait tout de même avoir caché, dans la mémoire de ce petit appareil, diverses informations, textos, et peut-être même photos (dont une, il en était sûr, de la fille qui lui plaisait) qu'il aurait préféré, honnêtement, que personne ne découvre jamais, et...
Avant même qu'il ne s'en rende compte, il s'était mis à courir, et l'écharpe à son cou manquait presque de s'envoler.
Kouki arriva au gymnase du lycée Seirin bien plus vite qu'il n'en était parti.
Une fois devant les immenses portes vitrées qui, ce jour-là, protégeaient le bâtiment moins des voleurs ou des indésirables que du froid, il eut tôt fait de les ouvrir et ne s'arrêta qu'après – haletant, un peu, moins qu'après l'entraînement, il se réjouit de trouver la lumière encore allumée. Moins d'une minute après, il avait atteint le couloir qui donnait sur les vestiaires, dont il fut surpris autant que soulagé de trouver la porte déverrouillée, et même, entrouverte.
Visiblement, l'un de ses coéquipiers avait dû rester ; probablement Hyuuga, songea-t-il, comme son regard parcourait les alentours à la recherche de son capitaine. Le tout, maintenant, serait de récupérer son portable dans son casier, sans que son senpai ne l'enferme par erreur.
Furihata s'approcha donc rapidement des vestiaires, et il s'apprêtait à poser la main sur la poignée lorsqu'un nom fermement prononcé le fit sursauter.
« Kagami-kun. »
Heureusement, le jeune homme se calma sitôt qu'il reconnut la voix de son coéquipier – mais c'était à croire que Kuroko était voué à l'effrayer, décidément, que ce soit en apparaissant de nulle part où en parlant lorsqu'il s'y attendait le moins.
Toujours est-il qu'une autre constatation s'imposait, maintenant : Kuroko et Kagami étaient encore là, dans les vestiaires. Et par la porte entrouverte, Furihata pouvait les entendre – et rien qu'en s'approchant d'un pas ou deux, doucement, bientôt il put les voir.
Dans la scène qui s'offrit alors à ses yeux, il y avait quelque chose de dérangeant.
Dès le début, à vrai dire, dès l'instant même où la voix du fantôme de l'équipe l'avait surpris, Kouki avait senti quelque chose d'étrange dans l'air – sur le coup, il n'y avait pas cru. Mais maintenant ce n'était plus pareil ; maintenant, il se tenait juste derrière la porte entrouverte des vestiaires, encore haletant d'avoir tant couru, et maintenant, il observait Kagami et Kuroko à leur insu.
Kuroko, le regard vide et froid, insensible, et debout, le dos plaqué contre un casier de métal bleu ou vert.
Kagami, qui tournait le dos à l'intrus, la tête inclinée en avant et les yeux rivés sur son coéquipier, face à lui.
« Kuroko, sérieux, grogna-t-il alors en réponse, et ses mots agacés ne parvinrent aux oreilles de Furihata qu'en un murmure. Bordel, qu'est-ce que tu fous... ?! »
A l'extérieur, le troisième élève de Seirin resta interdit.
Il y avait dans la voix de Kagami quelque chose de la colère, ou de l'impulsivité qui lui était si propre, et dont il faisait preuve autant sur le terrain que dans la vie de tous les jours ; mais cette colère, cette impulsivité semblait bien froide, exprimée ainsi au milieu du local désert. A vrai dire, elle sonnait un peu comme une rage dont on venait de réaliser la folie et l'inefficacité – et, quelque part, dans le fond, elle donnait un peu l'impression de tristesse et de désespoir.
« Je n'ai pas le choix, Kagami-kun.
– Si, tu l'as ! »
Le fracas qui s'ensuivit fit sursauter Kouki.
Dans son emportement, l'as de Seirin avait lancé son poing dans la porte de l'un des casiers ; et le bruit, métallique, assourdissant, venait de résonner dans tout le vestiaire.
« Je sais bien que t'es pas du genre à te plaindre de grand-chose, reprit de plus belle le plus grand des deux coéquipiers, mais c'pas une raison pour te laisser faire par ce connard, bordel ! »
Face à lui, Kuroko resta silencieux. Pas un seul instant sa bouche ne s'ouvrit ; pas un seul instant son regard ne se releva pour se poser sur Kagami ; et pas un seul instant il ne réagit, tout simplement. Cela sembla mettre l'autre joueur hors de lui, puisqu'il envoya un second coup de poing dans le casier à sa droite – mais l'ex-joueur de Teikou n'en tint pas compte.
« Kuroko... T'as pas besoin de toujours obéir à cet enfoiré, merde... »
Et même la supplication dans la voix de son ami sembla le laisser de marbre – sembla seulement, cependant.
Une seconde ou deux s'écoulèrent dans un silence si parfait que Furihata en vint même à se demander comment, à ce point, ses deux camarades pouvaient ne pas l'avoir encore remarqué, lui et son souffle qui peinait à ralentir ; l'instant d'après, toutefois, il comprit.
Lorsqu'il entendit Kuroko murmurer « tu as raison », lorsqu'il aperçut Kagami se rapprocher et se pencher sur lui, il sentit son cœur s'emballer plus que jamais. De son observatoire discret, il pouvait voir la lumière prendre la main de son ombre, et deviner l'ombre regarder sa lumière droit dans les yeux, cette fois. Il avait l'impression d'être un espion, un agent secret, ou pire encore, un voleur indésirable, indésiré, et-
Le thème du dernier Final Fantasy le fit soudain tressaillir, sortir de ses pensées et puis, paniquer – à l'intérieur des vestiaires, juste en face des deux coéquipiers ou plutôt, des deux amoureux, son téléphone était en train de sonner.
Aussitôt, il sut qu'il devait faire quelque chose, et il agit sans même réfléchir : d'un seul coup, brutal, rapide, il poussa la porte des vestiaires et courut à son casier, qu'il ouvrit à toute vitesse.
« D-D-Désolé, c'est mon portable ! S'exclama-t-il, paniqué, encore sous le choc de la scène à laquelle il venait d'assister. Je l'avais oublié ici et et je me suis dépêché m-mais je viens d'arriver ! Je le récupère tout de suite et je repars vite ! »
Ses mains tremblaient tandis qu'il s'emparait de son portable, lequel sonnait encore, et ses joues étaient brûlantes, il le sentait. Ni Kagami ni Kuroko, qu'il n'osa même pas regarder, ne lui firent la moindre remarque, toutefois.
« A-Allez, je m'en vais alors ! Lança-t-il finalement, une fois qu'il eut récupéré l'objet, mais l'angoisse faisait chevroter sa voix et il savait que ça n'allait pas, que ça n'irait pas. A-A demain ! »
Sur ce, Furihata sortit en trombe des vestiaires, et ne put s'arrêter de courir, non, de fuir, avant d'avoir rejoint l'affiche de l'idole qu'il avait quittée juste ainsi.
Ce soir-là, Furihata rentra haletant, épuisé, angoissé, et ne mangea presque pas.
Dans sa tête, il ne cessait de ressasser ce qu'il avait vu, entendu et puis déduit, aussi – la relation entre Kuroko et Kagami. Dans son innocence et ses acquis d'adolescent de quinze ou seize ans, le jeune homme les avait toujours cru amis ; et malgré cette histoire d'ombre et de lumière, malgré leur collaboration de plus en plus exceptionnelle, malgré les regards qu'ils se jetaient parfois ou leurs éternelles escapades à deux au fast-food du coin, jamais il n'avait imaginé qu'il puisse y avoir... plus.
Il s'était bien dit, une fois ou l'autre, que les deux garçons semblaient particulièrement proches – mais, c'était tout, et encore maintenant, alors qu'il l'avait vu de ses propres yeux, il peinait à croire que ces deux-là étaient... amoureux, semblait-il.
Cette simple idée le faisait rougir et, allongé sur son lit à ne savoir que faire, il plongea nerveusement son visage entre les draps. Contre sa peau, ils étaient doux, et il pouvait deviner à leur odeur fraîche que sa mère les avait lavés, venait même de les changer ; étonnamment, cela suffit à le calmer.
Entre-temps, il avait fermé les yeux. Et même s'il sentait la lumière tout autour de lui, le noir contre ses paupières closes lui faisait du bien, lui donnait sommeil et le délassait tout en même temps – au point qu'il en vint à se demander si c'était si horrible que ça, finalement. Kagami et Kuroko. A bien y réfléchir, l'idée qu'ils puissent s'aimer ne le choquait pas tant que ça ; ça le surprenait, bien sûr, parce qu'il ne s'y attendait pas, mais maintenant qu'il y réfléchissait… Maintenant qu'il y réfléchissait correctement, et non plus au rythme de son cœur effaré, ça lui apparaissait même presque comme l'aboutissement logique de cette longue relation d'amitié, de mépris, de reconnaissance et puis, d'ombre et de lumière, qu'avaient jusqu'alors entretenue ses deux amis.
C'est au moment où il décidait que non, finalement, ce n'était pas si gênant que ça, que le thème principal de son jeu vidéo favori le fit sursauter, pour la deuxième fois de la journée.
Pris au dépourvu, il se redressa d'un seul coup et balaya sa chambre du regard ; une minute encore, et il parvint à se reprendre, juste à temps pour réaliser que son téléphone sonnait. Sans plus attendre, il tendit la main, s'empara de l'appareil, et décrocha aussitôt, sans même prendre le temps de vérifier qui l'appelait.
Il aurait peut-être dû, pourtant.
« O-Oui, allô ? Bégaya-t-il en approchant de son oreille le combiné, qu'il tenait à deux mains. C'est Furihata Kouki à l'appareil, je...
– Furihata-kun. »
Cet unique mot suffit à le faire tressaillir, puis rougir, et sentir la peur ou l'angoisse ou le stress naître au plus profond de son cœur : cette voix-là, il l'aurait reconnue entre mille.
Une voix calme, posée, sincère, qui prononçait les mots bien distinctement et toujours sur le même ton neutre, une voix qui énonçait chaque fait comme s'il était vrai et avait su troubler presque chaque personne qui l'avait entendue ; une voix rassurante, aussi, lorsqu'il le fallait, mais tout autant effrayante dès que la situation changeait.
Ce soir-là, donc, c'était Kuroko qui l'appelait, et à l'instant même où il s'en rendit compte, Furihata Kouki sut que son appel avait un rapport avec la scène à laquelle il venait d'assister – avec le fait que Kagami et Kuroko avaient failli s'embrasser.
« Ah, heu, K-Kuroko, bafouilla Kouki au téléphone, et il déglutit difficilement. Salut... Je- Je peux faire quelque chose pour toi ?
– Tu nous as vus, Kagami-kun et moi ? »
Cette phrase était une question, apparemment, mais la bouche de Kuroko ou le grésillement du téléphone ou les deux lui donnaient l'intonation d'une certitude, d'une véritable affirmation.
Peut-être était-ce dû au fait que Kuroko savait, sans doute ; il n'était pas bête, il avait un excellent sens de l'observation, et il avait bien dû remarquer, par conséquent, que Furihata n'était pas dans son état normal en entrant dans les vestiaires – qu'il n'était pas bien essoufflé, non plus, qu'il avait l'air troublé, qu'il rougissait un peu.
Toujours est-il que son coéquipier attendait une réponse et que, cette fois, il en avait vraiment besoin, sans doute. Kouki n'était pas le garçon le plus empathique qu'il existe (il lui arrivait même de se montrer plutôt égoïste, parfois), mais il n'avait aucune peine à s'imaginer à la place de son camarade ; et s'il avait été à sa place, justement, il aurait eu peur d'être mal jugé, d'être mal vu – il le savait.
Il n'était pas sûr que Kuroko ressente forcément quelque chose de semblable, mais il savait qu'à sa place, il aurait eu peur qu'on se moque de lui, qu'on le dénonce aux responsables de l'école, qu'on le renvoie du club et qu'on fasse dès lors courir cent horribles rumeurs dans son dos.
« Je..., répondit-il ainsi, un peu embarrassé tout de même. O-Oui, enfin... Non ! Enfin si ! Mais je... Je juge pas, j'te promets ! D'ailleurs je suis très content pour vous, vraiment ! Je suis d-désolé, Kuroko, j'aurais pas dû arriver à ce moment-là mais je... je suis heureux pour toi, je te le jure ! »
A court d'idées, Furihata s'arrêta de parler, et le bref silence qui s'ensuivit fut des plus lourds et des plus embarrassants.
De son côté, Kuroko écouta sans doute, et ne répondit qu'à la fin ; mais il répondit, heureusement, et le remercia doucement. Il lui expliqua qu'il aimait Kagami, et Kouki eut un sentiment bizarre lorsque cette idée le frappa – il se sentit un peu mal à l'aise, et en même temps, un peu fier de l'avoir découvert. Puis, l'ombre de Seirin raconta que sa lumière l'aimait aussi ; avec cette pudeur et cette réserve qui étaient toujours les siennes, il mentionna brièvement la façon dont ils s'en étaient rendu compte ; sans périphrases ni fioritures, il précisa que Kagami et lui sortaient ensemble, maintenant.
Il fit promettre à Furihata de ne rien dire à personne, et Furihata promit.
Cette nuit-là, Kouki dormit peu.
Pendant de longues minutes, ou de longues heures peut-être, il resta allongé sur son lit, au milieu de sa chambre, les yeux rivés sur le plafond que la pénombre environnante avait rendu bien sombre ; plus éveillé encore qu'en pleine journée, il laissa son regard suivre le tracé des fissures dans les coins, et son esprit se perdre à bien des interrogations qui, pour la plupart, le dépassaient vite et s'en allaient trop loin.
Il y avait en lui quelque chose d'étrange, qui l'empêchait de s'endormir autant que de réfléchir correctement.
Ce n'était pas qu'il n'était pas heureux pour ses deux coéquipiers et ce n'était pas qu'il s'en voulait de les avoir surpris en fin de journée non plus ; c'était plutôt une sorte de sentiment indescriptible qui s'emparait de sa poitrine et la serrait tantôt, la relâchait tantôt, à un rythme des plus désorganisés, comme les accès de panique dont il était parfois victime. C'était une drôle d'impression, aussi, quelque chose qui ressemblait un peu à ce qu'il ressentait au début des films d'horreur et de certaines séries policières – comme une espèce de pressentiment, de mauvais pressentiment, et la certitude qu'un malheur va arriver, la conviction que tout va mal finir et qu'on s'efforce de ne pas croire.
Mais peut-être aussi y avait-il de la jalousie ou du dégoût refoulé dans cette impression ; peut-être était-il question d'un quelconque désir, d'une envie, ou de l'amertume d'avoir été tant de fois repoussé par la fille qui lui plaisait ; peut-être était-ce un regret, en vérité, ou la conscience qu'il aurait dû tout savoir bien avant que Kuroko ne lui avoue quoi que ce soit.
A dire vrai, Kouki n'en avait aucune idée – alors, il s'allongea sur le côté, observa une dernière fois la porte de sa chambre et le filet de lumière jaune juste en-dessous, et s'efforça dès lors de garder les yeux fermés.
Aux alentours d'une ou deux heures du matin, peut-être plus tôt, ou peut-être pas, il émergea cependant de sa léthargie avec l'impression de n'avoir pas dormi du tout, et aussitôt il se retourna, de sorte qu'il fit bientôt face à sa fenêtre, qui donnait sur la rue. Il avait un peu de sable dans les yeux et sa vision était trouble, au début, mais quelques clignements des paupières et deux bonnes minutes lui permirent de se réhabituer à la pénombre – autour de lui, partout, dedans, dehors, c'était calme.
Et tout à coup, un véhicule fendit à toute vitesse le silence de la rue et de la chambre de Kouki ; il fila, comme le vent, comme la lumière et comme la peur dans les moments critiques, puis s'enfuit dans la nuit et, lentement, le bruit qu'il avait provoqué s'évanouit – puis, disparut, tel la blessure qui cicatrise de jour en jour jusqu'à n'être plus.
Le silence, absence de bruit comme de mouvement et de vie, revint – un instant, ou deux.
Mais cinq ou six minutes encore et à nouveau il était brisé, violenté, assassiné ; car dehors, la pluie s'était mise à tomber, en grosses gouttes, partout, sur la route et les pavés.
Furihata s'endormit au son de cette berceuse insouciante, qui ne dépendait de rien sinon du ciel, et ne s'éveilla plus jusqu'au matin.
Et voilà pour ce deuxième chapitre ! :P
Comme je l'avais annoncé au départ, cette fic contient du KagaKuro en arrière-plan, et du coup... le voilà ! (C'est léger, je sais. Mais même ! J'ai fait du KagaKuro ! Yay ! *bam*) Maintenant, je vous laisse deviner quel problème cette situation va poser la prochaine fois... :) J'essaierai d'avancer un maximum le chapitre 3 pendant que je suis encore en vacances (je reprends les cours le 17 février) et de poster ce chapitre... je sais pas quand. Dès que je pourrai.
A côté de ça, j'ai encore quelques OS à finir pour Un jour de décembre (je souffre du syndrome "je commence quinze trucs pour n'en finir que deux ou trois") et un chapitre à boucler pour Chroniques d'une longue semaine, mais ça... ce sera si j'y arrive. Bweh uxu
En tout cas, merci d'avoir lu ! J'espère n'avoir déçu personne ! TwT