LUDO MENTIS ACIEM - PARTIE I, MANE TRIBULATIONIS

Chapitre 1 - D'un battement d'ailes


Petit mot : cette fan-fiction a vu le jour sur une autre plateforme, où les fondus d'HP sont bien moins nombreux. Ce qui explique la présence des petites notes d'informations ! Mais si tu es incollable (de chez incollable) sur l'univers de J.K. Rowling, elles te seront sûrement d'aucune utilité ! ;) Sur ce, bonne lecture !


Dans un monde d'une immensité titanesque, peu se doutent, ou peu veulent croire, que le plus petit être puisse engendrer les plus grands bouleversements. Les origines des cataclysmes trouvent leur source dans le petit caillou qui déclenche l'avalanche, dans l'allumette qui ravage la forêt d'un feu dévastateur. Une action exponentielle que les incrédules refusent d'admettre afin d'appuyer leur suprématie, la leur, et ce malgré cette bien célèbre théorie du chaos induit par l'effet papillon. Ce phénomène pose le postulat que l'innocent battement des ailes d'un papillon puisse soulever un ouragan à l'autre bout de la planète.

Un papillon ? Cet insecte ridiculement petit et éphémère ? Trop beau pour survivre ne serait-ce que deux semaines en pleine nature ? Alors que sur terre, les hommes s'échinent à marquer leur empreinte, à faire reconnaître leur existence, que ce soit par le biais de folies insensées ou des beaux gestes. Sans succès, quand bien même ils en eurent consacrés leur vie entière. Tous battus à plate couture. Par un vulgaire papillon. Heureusement que la race humaine survit à la honte, sinon, l'espèce aurait été éradiquée depuis belle lurette.
Et ce petit papillon, nonchalamment posé sur son index, pouvait-il lui aussi déclencher une tempête qui ferait chavirer les plus lourds des navires ? Cette idée fascinait Kate, qui étudiait les ailes nacrées et poreuses de l'insecte, dont la trompe spiralée frôlait son ongle. La voix de sa mère, résonnant derrière la porte, la détourna de sa contemplation :

— Kate ! Ton père est de retour !
— C'est vrai ?!

Cette phrase, qu'elle eut prononcé bien plus pour elle-même qu'à l'adresse de sa mère, provoqua l'explosion du papillon fictif dans une pluie de minuscules étincelles diaphanes. La jeune Kate, âgée de onze ans, bondit sur ses pieds en quittant le lit et se précipita à la fenêtre, écartant le vieux rideau crasseux en dentelle surannée. Un sourire radieux, soulignant ses dents dont l'alignement manquait encore d'harmonie, s'étira sur son visage, lorsqu'elle constata la vieille voiture noire garée devant leur maison du 45 Owlstone road. Le 5 était d'ailleurs tombé depuis longtemps, ce qui valait souvent aux propriétaires des erreurs postales. Kate se rua hors de sa chambre et descendit les marches en quatrième vitesse, atterrissant dans un virage contrôlé en s'appuyant sur la boule en bois qui terminait la rambarde. Son père n'était peut-être parti que depuis ce matin, mais ce soir était unique. C'était son soir. Elle avait attendu cela trop longtemps. Même lorsque tout espoir semblait s'être dévoré par les ténèbres de la cave dans laquelle elle s'était cachée durant des mois, elle se donnait encore la force de résister. En rêvant de ce soir.
Son père se déchargeait de son manteau de cuir dans le vestibule quand Kate le surprit. C'était un homme grand, soutenant une robuste carrure. Sur son visage, une jeunesse qui semblait s'éterniser, mais cela ne serait sans l'expression taquine qu'il arborait depuis toujours. Et lorsque celle-ci s'évanouissait, elle n'en laissait qu'une face sculpturale, en tout point inquiétante. Kate avait eu l'occasion de la voir à plusieurs occasions. Mais elle chassait ce souvenir loin dans sa mémoire. Ce temps était révolu désormais.

— Papa ! s'écria-t-elle, en s'élançant vers lui.
— Hey, ma chipie !

Lorsqu'elle se jeta dans ses bras, il encaissa un hoquet.

— Tu deviens trop lourde pour que je te porte, ma grande !
— T'insinues quoi par là, papa. Que je suis grosse ?
— Je croirais entendre parler ta mère !

Mais en réalité, Kate ne ressemblait que trop à son père, Phil. La preuve irréfutable étant les yeux qu'ils partageaient, d'un gris si singulier. Comme un acier scintillant d'un éclat verdâtre.

— J'ai entendu... !

Tous deux se tournèrent vers Grace, la mère de famille, avec ses longs cheveux bruns, légèrement en pagaille, ses yeux noirs perçants et son large sourire entre ses lèvres charnues. Elle croisa les bras contre sa poitrine et s'appuya sur l'arrête de la porte-vitrée aux carreaux sales qui séparait l'entrée du séjour.

— Les moldus ont vraiment l'oreille trop fine parfois ! ricana Phil en se penchant vers sa fille.
— Et les sorciers sont de bien mauvaise foi, répliqua Grace, narquoise. Surtout qu'il s'agit de promesses, n'est-ce pas mon chéri ?

À l'expression dubitative de son mari, elle s'écarta de l'ouverture, dévoilant un salon noyé sous la paperasse, laissant apercevoir des carcasses de bière traîner sur le plancher et des mégots de cigarettes agonisants à côté du cendrier. Phil dut s'y reprendre à plusieurs fois pour formuler une phrase complète :

— Ah oui, je t'avais promis que je rangerai.

Il sortit de sa poche sa baguette magique et l'agita sous le regard ébahi de Kate. Elle ne s'en lasserait jamais...

Recurvite. [1]

Aussitôt, les feuilles semblèrent s'aviver d'une nouvelle vie et s'empilèrent les unes sur les autres. Le cendrier lévita et effectua plusieurs tours sur lui-même, avant de rejoindre la cuisine à la manière d'une soucoupe volante, suivi par les canettes vides qui terminèrent leur course dans la poubelle. En un clin d'œil, le salon était nettoyé, les tables brillantes, l'air renouvelé. Mais le mur au vieux papier-peint demeurai inchangé, d'une teinte grisâtre, tout ce qu'il y avait de plus triste.

— C'est si agréable à ne plus avoir à se servir d'un aspirateur ! soupira Grace avant d'accorder un baiser à son époux.

Kate cligna des yeux en observant la scène. Elle sentait de la chaleur émanant de son cœur et se diffuser dans chacun de ses membres. Peut-être était-ce le bonheur pour lequel avait tant prié ? L'image de l'accolade de ses parents, dans cette nouvelle maison, qui méritait, certes, de sérieuses rénovations : elle voulut l'imprimer longtemps dans sa mémoire.

— J'en conviens ! Ta machine de Moldue fait un de ces bruits monstrueux en plus. On dirait que tu y as enfermé un dragon !

Mais l'impatience de la fillette gagna le dessus :

— Papa, papa ! On y va ?
— Tu es prête ? s'étonna-t-il en la regardant de bas en haut. Et ta liste ? Et ton sac ?

À ces mots, Kate détala à l'étage en quatrième vitesse. Son cœur battait à cent à l'heure. Elle arracha un parchemin plié à sa table de chevet, jeta son petit sac à dos d'un mauve souillé sur son dos, sac qu'elle avait préalablement préparé la veille avec la plus grande attention, et redescendit. Aussitôt arrivé, aussitôt reparti : Phil avait revêtu sa veste en cuir qu'il n'avait quitté que deux minutes. Kate s'en voulut un instant de ne pas offrir à ses parents l'instant de discuter, mais aujourd'hui, c'était son jour. Elle prit de l'avance en ouvrant la lourde porte d'entrée, courant sur le perron jusqu'à la rue en tirant sur les bretelles de son sac qui lui frappait le dos à chaque enjambée. Elle faillit trébucher à deux reprises en s'emmêlant les jambes. Mais son père la rattrapa :

— Hep, hep, c'est quoi cette fille ingrate qui ne dit pas au revoir à sa mère ?!

Il disait cela sur le ton de la plaisanterie, évidemment. Et tout de suite, Kate se confondit en excuses, trotta jusqu'à la porte, embrassa sa mère qui la serra dans les bras, avant de retourner illico sur le trottoir. Elle guetta le bout d'Owlstone road, comme si quelque chose en surgirait. Mais le bruit de la portière de la voiture de son père lui fit pivoter la tête.

— En voiture ? s'indigna-t-elle. M-mais... je voulais qu'on prenne le Magicobus moi !
— Désolée ma chérie, on n'a pas le choix.

Phil attendit que sa fille s'installe et s'attache pour éclaircir ses raisons :

— L'ancien contrôleur était un Mangemort, et pour l'instant, je ne veux prendre aucun risque. Mieux vaut-il rester prudent. [2]
— Je croyais que c'était fini tout ça ! se plaignit-elle alors que son père, d'un tour de clé, fit vrombir douloureusement le moteur du vieux véhicule.
— Tu-sais-qui est peut-être mort, certains de ses fidèles traînent encore en liberté... On ne sait pas ce qu'ils peuvent manigancer. Nous sommes plus des cibles prioritaires, mais restons sur nos gardes.

Déçue au plus haut point, Kate se tassa sur son fauteuil, la tête enfoncée dans ses épaules et serrant son sac contre elle.

— Je pensais que maintenant qu'Harry Potter l'avait tué, tout serait redevenu... « normal » ?
— Ma chipie, ça ne fait que deux mois ! Mais rassure-toi... je suis certain que d'ici la fin de l'année, tous les Mangemorts seront derrière les barreaux d'Azkaban, je te le promets.

Ah, les promesses de son père. Il ne fallait pas y compter. Même s'il disait cela pour la réconforter.

Kate attendit la fin de la deuxième chanson de Deep Purple, groupe musical moldu que son père portait en affection, et que la voiture bringuebalante sorte de la petite ville de Carlton pour s'intéresser à sa journée :

— Tu as eu affaire à quoi aujourd'hui ?
— Un épouvantard, rien de bien original ! haussa-t-il des épaules.

Phil n'exerçait pas un métier des plus communs au sein du monde la magie. Il était nettoyeur. À cette appellation, tout Moldu s'attendrait à voir paraître un vulgaire technicien de surface qui épurerait le trottoir à coups de jets d'eau ou qui récurerait les cuvettes de toilettes. Mais dans le monde des sorciers, être Nettoyeur était un métier à risque que très peu exerçaient. En premier lieu, il fallait détenir une connaissance quasi-exemplaire des Moldus, reconnaître leurs rites, leurs objets et s'adapter à leur quotidien. Et deuxièmement, il fallait agir dans la plus grande discrétion.
La plupart du temps, les Nettoyeurs intervenaient après le signalement étrange de la part de Moldus, qui décrivaient des phénomènes paranormaux, ou alors suite à une traque d'une créature échappée du monde des sorciers. Cela se traduisait par des portes des s'ouvraient, des jouets qui parlaient, des bruits de craquement de plancher, voire, dans les pires des cas, une confrontation entre les Moldus et la réalité de la magie. Ce que les Nettoyeurs devaient éviter à tout prix à chaque fois qu'ils étaient envoyé sur le terrain. Après quoi, ils appelaient les fameux fonctionnaires du Ministère, les Oubliators, chargés d'effacer de la mémoire de ces pauvres gens les événements auxquels il venaient de faire face. [3] Ça allait du petit boursouf dans la cheminée jusqu'au troll dans le jardin.
Mais le Ministère avait également recours aux Nettoyeurs lorsqu'il s'agissait de se débarrasser d'une créature nuisible ayant causé des pertes chez les Moldus. Et entre ceux qui se prenaient pour des sorciers autour d'un plateau de magie noir et les esprits vengeurs, ce genre d'affaire devenait monnaie courante.

— Et c'était drôle ? demanda Kate, curieuse.
— Pas aussi amusant que le coup du Père Noël, mais ce pauvre Moldu se trouvait cerné par des poupées ! Les gens ont vraiment des phobies bizarres !

L'anecdote du Père Noël ressortait régulièrement à la table des Whisper et c'était une histoire que l'on prenait plaisir à partager. Un épouvantard s'était attaqué à une étudiante et lui était apparu sous la forme d'un Père Noël, semblable en tous points aux bonshommes déguisés dans les supermarchés durant la période de l'Avant. La jeune femme s'était enfermée dans le placard de sa cuisine en le menaçant avec des casseroles, avant que les Nettoyeurs n'arrivent sur place.

— Tu ne m'as jamais dit ce qui apparaissait devant toi quand tu es face à un épouvantard ! se plaignit la fillette.
— Ta mère en colère ! Très en colère ! Les yeux rouges, les veines tapantes, les poings serrés... Brrr !
— Non, sérieusement, rit Kate en cognant l'arrière de son crâne contre le siège, l'appui-tête étant encore trop haut.
— C'est personnel, chipie ! lui sourit-il en appuyant d'un doigt sur la joue de sa fille.

Blottissant sa bouche contre l'arrière de son sac, Kate plongea dans une profonde méditation. Que verrait-elle à son tour le jour où elle devra affronter un épouvantard ? Peut-être la vision de la porte de sa cave et la terreur lui nouant les entrailles chaque fois que la vieille poignée métallisée et écaillée oscillait. Elle se cacha le visage en entier, espérant chasser ses sombres pensées.

Trois heures de route furent nécessaires avant que la voiture ne se gare sur les stationnements de Charing Cross Road, à Londres. Le soir tombait à peine et Kate effaça d'un revers de manche les miettes du gâteau qu'elle avait englouti, tout en contemplant les bâtiments de la capitale anglaise. Ses derniers souvenirs de Londres remontaient à si loin, rien ne lui semblait familier. Mais tout la fascinait. Un sourire s'esquissa sur les lèvres de son père lorsqu'il aperçut au loin le panonceau rouillé qui pendait au vent. Le pub semblait minuscule et miteux. Les vitres étaient si sales qu'on ne parvenait à distinguer l'intérieur du lieu.

— Le Chaudron Baveur, soupira-t-il, presque ému, un sourire sautant aux coins des lèvres. Mon vieux, ça fait si longtemps que je n'étais pas venu...

Il outrepassa sa légère déception lorsqu'il découvrit, en ouvrant la porte, une pièce principale presque désertée. L'auberge avait fermé une année entière et reprenait à peine du service. [4] Quelques fidèles clients savouraient leurs boissons au comptoir, tandis qu'une jeune femme, de dos et accroupie, s'occupait à réparer les pieds des longues tables à l'aide de sa baguette magique. Nombreux étaient les meubles qui avaient subi des dommages suite aux bagarres et aux arrestations de Nés-Moldus lors du régime des partisans du Seigneur des Ténèbres.

En attendant la clochette sonner à l'arrivée des Whisper, la jeune femme pivota et se redressa. Elle n'avait pas même vingt ans, constata Kate. Et n'était pas forcément la plus charmante des sorcières, bien que son expression était tout ce qu'il y avait de plus avenant. Son visage était allongé, peu féminin, au trait crayeux, avec ses longs cheveux blonds tirés en arrière et un regard manquant de vivacité.

— Bonsoir, monsieur, mademoiselle, les accueillit-t-elle d'une voix légèrement éraillée.

Elle adressa un sourire tout particulier à Kate.

— Que puis-je pour vous ?
— Nous aimerions réserver une chambre, déclara Phil de son air presque engageant – durant sa jeunesse, Phil avait eu une lourde réputation de séducteur, et pour cause, son sourire madré et son regard d'acier en ensorcelaient plus d'une.
— Oui, bien sûr !

Trottant derrière le comptoir, la jeune tenancière attrapa une clef et se dirigea vers l'escalier grinçant et peu sécurisant.

— Suivez-moi, je vous prie !
— Tom ne travaille plus ici ? la questionna Phil en la suivant dans le couloir, après que Kate étudiait son environnement.
— Oh non, soupira-t-elle en insérant la lourde clef de cuivre dans la serrure de la chambre 109. Il a pris sa retraite avec la fermeture de l'an passé. J'ai pris le relais en sortant de Poudlard, j'aimais beaucoup trop cet endroit pour l'abandonner à son sort.
— C'est courageux de votre part !
— Il fallait bien que quelqu'un le fasse.

En leur ouvrant la porte, elle leur laissa quelques secondes pour découvrir leur chambre. Elle était encore étouffante de poussière, mais les draps du grand lit avaient été remplacées il y a peu. Au-dessus de ce dernier, le portrait d'une vieille dame habillée d'une robe pourpre et bouffante, les manches bordées de dentelles, détourna le regard de sa lecture et abaissa ses bésicles pour observer ses nouveaux visiteurs.

— Tu viens faire tes courses pour la rentrée ? demanda d'une voix accorte la servante à Kate, dans le cadre de la porte.
— O-oui, cafouilla-t-elle, timide.
— Première rentrée, je suppose.

Kate hocha frénétiquement la tête.

— Tu verras, se voulut-elle rassurante. Poudlard t'offrira les plus belles années de ta vie. De plus, à partir de cette année, tu auras le droit à des professeurs de choix... Comment t'appelles-tu ?
— Katelyna, bredouilla-t-elle en tirant sur les bretelles de son sac pour dissimuler son angoisse. Katelyna Whisper.
— Enchantée de faire ta connaissance, Katelyna. Moi, je suis Hannah. Hannah Abbot. [5]

Puis, elle s'adressa à son père, avant de rejoindre le rez-de-chaussée :

— Le repas sera certainement prêt d'ici une bonne demi-heure. Prenez votre temps pour vous installer.

Après le délicieux ragoût de mouton concocté par Hannah, père et fille discutaient autour d'une boisson, assis à l'une des tables centrales du Chaudron Baveur. Il n'y avait nul besoin de s'isoler : un client silencieux était voûté sur le comptoir et trois sorcières douteuses gloussaient plus loin, à la table circulaire contre la fenêtre.

— Une bièraubeurre, ça n'a pas de prix, se réjouit Phil en reposant la pinte en argile sur la table.
— J'aurais parié que tu aurais commandé un Whisky pur-feu, nasilla Kate. T'es malade, papa ?
— Tu sais, ce sont parfois les plaisirs les plus simples de la vie qui sont les plus goûteux, pas forcément les plus alcoolisés ! Si seulement les Moldus pouvaient commercialiser la Bièraubeurre des Trois Balais, ils se feraient un fric monstre... !
— Je peux goûter ?
— Hors de question !
— S'il te plaît, supplia-t-elle faussement en appuyant ses voyelles.
— Retourne à ton jus de citrouille, moujingue ! ricana-t-il en la narguant d'une nouvelle gorgée de bièraubeurre. On en reparlera quand tu seras plus vieille !

Kate fit mine de le bouder un instant. Mais elle avait profité de si peu de moments en face à face avec son père et tous les sujets touchant à la sorcellerie qu'elle ne pouvait se permettre de s'enfermer dans un mutisme enfantin ce soir-là.

— Papa ?
— Hmm ?

Il roula ses lèvres dans sa bouche pour lécher en toute discrétion les gouttes de bièraubeurre qui avaient débordé.

— Si le choixpeau m'envoie à Gryffondor... tu seras furieux contre moi ?
— Furieux contre toi ? répéta-t-il en retenant son rire. Pourquoi le serais-je ?
— C'est bien connu. Les Serpentards n'aiment pas les Gryffondors et inversement !
— Et tu penses qu'un père qui a été un Serpentard devrait être furieux contre sa fille car un bout de tissu rapiécé l'a envoyé dans la maison opposée ?

Il planta son regard dans le sien et se voulut convaincant.

— Quelle que soit la maison dans laquelle tu iras, je serai fier de toi.

Les joues de Kate s'empourprèrent et la fillette se réfugia dans son jus de citrouille, qu'elle faillit renverser. De justesse.

— Et... si je suis à Serpentard... tu penses que j'aurais des ennuis ?
— Vis-à-vis de moi et des Mangemorts.

Kate hocha la tête d'un geste lent, gênée par le sujet qu'elle abordait. Phil poussa un soupir et passa son doigt sur le rebord, ébréché par endroits, de la pinte.

— Tu sais ma chérie... ce n'est pas parce que tu es à Serpentard que tu es destinée à devenir quelqu'un de mauvais. Les Serpentards sont réputés pour aller au bout de leurs idées, ils ont la détermination d'accomplir leurs desseins personnels. Certains pensent que c'est par le biais d'actions mauvaises qu'ils pourront se l'affirmer. Tu sais mieux que quiconque qu'on ne peut pas juger une personne uniquement sur sa maison d'origine...

En effet, son père était lui-même le meilleur exemple. Nombreux avaient été ceux qui avaient voulu le rallier à la cause des Mangemorts alors même qu'il fréquentait encore Poudlard. Mais Phil avait résisté, envers et contre tout.

— Les préjugés ne sont pas la science infuse. Regarde, je suis peut-être un Sang-pur de Serpentard, et pourtant, j'ai épousé ta mère et je vis désormais en totale immersion chez les Moldus. Ce qui nous a valu d'ailleurs quelques ennuis...

Il avait prononcé ses derniers mots grinçants bien bas, comme les laissant s'évanouir dans sa boisson aux teintes d'ambre.

— Mais... tout cela ne serait peut-être pas arrivée sans tante Charity... couina Kate.
— En effet... En effet...

Charity Burbage [6], Whisper de son nom de jeune fille, était la grande sœur de Phil. Mordue par le mode de vie des Moldus depuis le début de ses études à Poudlard, élève à Poufsouffle, elle y était devenue la professeur spécialisée durant de nombreuses années. Jusqu'à ce que les Mangemorts ne la prennent en chasse lors du retour à la vie du Seigneur des Ténèbres. Charity fut kidnappée chez elle son mari moldu périt et son fils, Eliot, perdit la conscience sous les sortilèges qu'on lui infligea, laissé pour mort dans sa chambre. Sa disparition fit longtemps la une des gazettes, mais la réalité n'était que trop cruelle : torturée pour l'exemple, Voldemort l'acheva devant témoins. Personne ne retrouva son corps... Le décès de sa sœur avait plongé Phil dans les méandres de ses émotions les plus noires, alors qu'il était lui-même le prochain sur la liste des Mangemorts.

— Mais je ne regrette rien ! souffla-t-il.

Kate releva son regard vers lui et le dévisagea longtemps. À son soulagement, il n'avait pas adopté cette mine inexpressive qui la rendait si nerveuse, mais arborait un très léger sourire.

— Si Charity ne m'avait pas inculqué sa passion pour les Moldus, je n'aurais certainement jamais exercé mon métier, je n'aurais jamais rencontré ta mère et je n'aurais jamais eu l'adorable petite sorcière qui me sert de fille. Et cela, aucune sorcière, aussi belle, brillante et renommée soit-elle, n'aurait pu me l'offrir... C'est la magie propre aux Moldus.

Puis, il termina sa déclaration sur une note plus personnelle :

— Et je n'aurais jamais découvert le rock moldu ! Quel gâchis cela aurait été...

Kate rit aux éclats en se rappelant son père chanter à tue-tête du Blue Öyster Cult ou Led Zeppelin au volant de sa vieille voiture de Moldu. Non, il n'aurait pas pu vivre autrement qu'ainsi sans être malheureux.

Lorsqu'ils remontèrent pour se coucher, Phil veilla quelques temps à la fenêtre tandis que sa fille s'était endormie dans le grand lit. Mais quand il s'aperçut que Kate geignait dans son sommeil, en pleurant de grosses larmes, il s'allongea sur le matelas et la réfugia entre ses grands bras, en apposant un long baiser sur son front brûlant. Aussitôt, elle se rasséréna et les cauchemars de la cave se métamorphosèrent en rêves de Poudlard...


— Papa, papa ! Debout, il fait jour !

Les cris modérés de Kate qui sautillait sur le lit obligèrent Phil à ouvrir un œil.

— Chérie, laisse ton paternel exercer son devoir en paix, grommela-t-il en refermant les paupières, se réfugiant davantage sous la couverture.
— Mais il fait jour ! se scandalisa-t-elle en courant jusqu'à la fenêtre, dans des bruits de pas grinçants.

Contraint de s'éveiller ne serait-ce qu'un instant, Phil fouilla la surface de la table de chevet à tâtons et attrapa sa baguette magique. Il suffit d'un geste du poignet pour qu'un filet argenté sorte de son extrémité et indique l'heure devant ses yeux léthargiques.

— Nom d'un scrout, Kate, grogna-t-il, il n'est même pas huit heures !
— Mais il fait jour ! répétait-elle, insistante.
— Eh bien descends au rez-de-chaussée prendre ton petit-déjeuner. En attendant, papa pionce !

Ses derniers mots furent engloutis par l'oreiller, mais Kate n'en tint pas compte. Déjà habillée depuis belle lurette, elle se précipita dans le couloir et descendit les escaliers en trombe. Hannah, qui orchestrait les serpillières d'une baguette adroite, lui adressa des yeux grondeurs.

— J'ai des clients qui dorment encore, petite !
— Désolée ! s'empourpra-t-elle en adoucissant ses pas.

Mais Hannah esquiva un sourire en se dirigeant vers le comptoir.

— Assieds-toi, l'invita-t-elle en tapant d'une main sur une haute chaise. Que veux-tu manger ? J'ai des œufs au bacon, des toasts, du pudding et il doit me rester une louche de beans.

Les yeux de Kate s'illuminèrent cela faisait si longtemps qu'on ne lui avait pas proposé un petit-déjeuner aussi copieux. Pourtant, elle se retint :

— Je ne sais pas si mon papa accepterait de payer plus cher pour...
— Je te l'offre va. Ce n'est pas tous les jours que j'héberge une nouvelle élève. Je te mets un peu de tout.

À côté des repas frugaux, ce petit-déjeuner était un véritable régal. Et le jus de citrouille frais un délice.

— Tu verras, à Poudlard, les elfes de maisons sont de vrais cuistots ! Tu ne mourras jamais de faim !
— C'est vrai ?!

Hannah hocha la tête en regardant la fillette dévorer littéralement son assiette, tout en gardant un œil sur sa Gazette du Sorcier, sur laquelle remuait les clichés de sorciers.

— Rien de neuf à l'horizon, soupira-t-elle. Encore un interview d'un combattant de Poudlard, un procès de Mangemort, une sorcière hystérique qui a retrouvé des gnomes dans son potager d'artichauts et les Canons de Chudley ont encore gagné un match pour cette saison. Tu suis le Quidditch, Kate ?
— Non, pas vraiment, je... je n'en ai pas l'occasion.
— Pourtant, ton père est bien sorcier. Vous ne supportez aucune équipe ?
— Lui, peut-être, mais...

Comment lui expliquer qu'elle avait passé toute sa dernière année de vie enfermée dans une cave, dans la crainte d'être découverte et d'être torturée par les Mangemorts ? Le Quidditch passait bien après toutes ses autres préoccupations, comme survivre, ou s'inquiéter pour son père qui risquait sa vie pour les protéger et les fournir en vivres.
Comprenant que Kate ne terminerait pas sa phrase, Hannah se plongea de nouveau dans la lecture de son quotidien.

Phil descendit l'escalier une bonne heure plus tard. Pressé par l'impatience de sa fille, il dut ingurgiter son café en deux gorgées, avant de la mener dans la cour du Chaudron Baveur, où étaient entreposés des tonneaux et des carcasses de bouteilles vides. Et devant eux, il y avait ce mur en vieilles briques. Kate trépignait sur place. Elle savait ce qui se dissimulait derrière ce dernier. Phil sortit sa baguette magique et tapa du bout du bois tour à tour sur les briques, dans un ordre bien précis. Aussitôt, le mur réagit et les briques coulissèrent pour libérer un passage. Le chemin de Traverse.

Peu de sorciers déambulaient dans la grande rue commerçante à une heure pareille de la matinée, mais leur exubérance faisait pétiller les yeux de Kate. Leurs robes sombres, ou de couleurs discrètes, leurs chapeaux, parfois pittoresque. Certains portaient, en tant qu'attaque de cape, la petite tête d'un cerf en cristal, qui bramait dès lors que l'on posait les yeux trop longtemps sur elle. Un hommage à Harry Potter, l'élu qui les avait tous sauvé. Les vitrines émerveillaient le petit cœur de Kate, qui courait en tous sens, cahotant son sac violet dans son dos. Elle se sentait revivre dans un monde qui était véritablement le sien.
La première étape fut sans conteste Gringotts. Dans les conditions de son métier, Phil transportait rarement sur lui la monnaie propre aux sorciers. En pénétrant dans le grand bâtiment blanc, au portail doré aussi imposant qu'un dragon, Kate ne sut s'il fallait rire de la tête grossière des gobelins ou s'il valait mieux baisser les yeux devant leurs regards inamicaux et méfiants. Comme l'avait prévenu Phil, les circuits de Gringotts étaient aussi sensationnels que les montagnes russes des Moldus, et père et fille s'en donnèrent à cœur joie, au grand dam du pauvre gobelin qui les accompagnait jusqu'au coffre familial, le coffre 592. Phil descendit seul tandis que Kate demeura dans le wagon. Elle se doutait bien que son père refusait qu'elle se rende compte de la situation financière de sa famille, déjà bien assez précaire. Ils auraient pu hériter de l'argent de Charity, la sœur de Phil, si seulement on avait retrouvé son corps. Et selon les lois du Ministère, un héritage en cas de disparition languissait durant cinq ans. Il ne faisait aucun doute que tante Charity était morte, tout le monde le savait, et pourtant, personne n'accorda l'argent au père de Kate, en regard des lois.

Puis, ils remontèrent la rue en s'arrêtant à chaque boutique où la liste préconisait de faire ses achats. À commencer par celle de madame Guipure, la couturière, une petite sorcière replète et souriante, toute vêtue de mauve. Malgré l'heure matinale, quelques clients erraient dans la boutique, en particulier des élèves accompagnés par leurs parents, qu'ils soient déjà à Poudlard ou non. Kate balayait les visages en essayant de les retenir. Ces gens seraient peut-être ses futurs compagnons de maison. Il y avait cette jeune fille à la peau mate, les cheveux d'ébène, qui se pavanait dans une nouvelle robe. Mais elle semblait déjà trop vieille pour une première année. Il y avait la petite fille modèle, aux boucles blondes agrémentées d'un ruban rose, accompagnés par papa et maman, aux petits soins de chaque détail. Et aussi le pauvre garçon aux cheveux châtains, avec ses lunettes sans rebords lui tombant sur son nez aquilin, qui se dépêtrait tant bien que mal dans sa robe trop grande pour lui, alors que son père discutait avec une sorcière de sa connaissance, sans prêter attention aux difficultés éprouvées par son fils.

Kate tournoya plusieurs fois sur elle-même devant le miroir, extatique, portant sa future robe de sorcière. Elle caressa le bout de tissu où elle coudrait, d'ici quelques jours, l'écusson de sa maison. Adjugé vendu : trois robes, un chapeau basique, une cape d'hiver et des gants en cuir de dragon vert gallois, à défaut de trouver un dragon aux écailles violettes, sa couleur préférée.
Tous deux instaurèrent une pause chez Florian Fortarôme, le vendeur de glaces du Chemin de Traverse. Alors que Phil opta pour des parfums comme Chocogrenouille, beurre de cacahuète ou miel d'Hydromel, Kate trouva son bonheur dans un duo pain d'épices et sucre d'orge bleu. Au sommet de leurs boules, le vendeur avait déposé une miniature de dragon, à la couleur des glaces, qui crachait de petites étincelles pour rendre leur surface plus crémeuse. Le temps d'une rêvasserie devant le magasin d'accessoires de Quidditch.

Chez Wiseacres, ils se fournirent en fioles, achetèrent un télescope et une petite balance en cuivre. D'un coup de coude, la maladresse de Kate eut raison d'une boîte de tubes, rattrapées de justesse par le sortilège de Phil, à deux doigts du sol. Il avait appris à rester sur ses gardes avec une fille pareille, qui semblait laisser traîner ses mains et ses jambes partout, sans s'en rendre compte.

— Tiens, je ne connais pas ce magasin, reconnut Phil devant la boutique Weasley, farces pour sorciers facétieux, qui n'avait pas posé le pas ici depuis plus de quatre ans.

Et quand bien même aucune fourniture de la liste ne pouvait se trouver ici, Phil entra, suivi de près par sa fille, dont il partagea l'euphorie. L'intérieur était bariolé de milles couleurs vives, des marionnettes animées, capricant à travers les étalages, distribuaient des échantillons aux clients ou soufflaient des bulles roses qui crépitaient à l'intérieur. Cet été, la boutique faisait la promotion de sa nouvelle création : le Fane'z. Le slogan des affiches, qui exposaient la photo mobile d'un jeune homme dont le nez tombait comme un pétale fané, se montrait délibérément provocateur suite aux derniers événements qui avaient entaché le monde des sorciers. « Les Mangemorts sont des fans ratés. Soyez comme Voldemort, fanez votre nez ! » [7]. Retrouvant son âme d'enfant, Phil s'octroya l'achat de quelques crèmes canari, bonbons néansang et d'un chapeau-sans-tête auprès de Verity, la jeune sorcière qui gérait la boutique. Quelque part, Kate ne put s'empêcher de plaindre sa mère qui aurait à supporter les blagues magiques de son père une fois de plus.

— Tiens, voici sept gallions, lui déclara Phil en sortant de la boutique, lui fourrant les sept pièces d'or dans sa petite main. Je me charge d'aller acheter tes livres, pendant ce temps, tu vas chez Ollivander.
— Quoi ? Tu ne veux pas m'accompagner ? couina-t-elle avec une pointe de déception et de surprise.
— Je sais que l'acquisition d'une baguette est un moment intime. C'est mieux pour toi si tu es seule. Je te rejoindrai devant son échoppe.

Après avoir frotté la tête de sa fille d'une main amicale accompagnée d'un clin d'œil, il se dirigea dans la direction opposée pour rejoindre la librairie de Fleury et Bott, les mains dans les poches. Cette fois, l'appréhension chassa la joie dans l'esprit de Kate. Livrée à elle-même, elle marcha à petits pas furtifs vers la boutique du fabriquant de baguette. L'enseigne avait été abîmée lors du cambriolage de l'an dernier. Désormais, on pouvait seulement lire :
Ollivander – Fabriquant de bague... ...avant J-.C.

Hors contexte, cela se révélait assez comique. Kate poussa la porte la peur au ventre et fixa de suite le vieux monsieur rabougri qui rangeait les boîtes éparpillées sur le sol sans l'aide de la magie. Il leva vers elle de grands yeux ahuris, soudain emplis de satisfaction.

— Mais que vois-je ? Une jeune fille qui s'apprête à faire sa rentrée à Poudlard ?
— Vous êtes monsieur Ollivander ? bredouilla Kate en s'approchant doucement.
— Moi-même.[8]

Elle s'apprêtait à énoncer les raisons de sa présence, mais cela lui parut totalement stupide. Il paraissait évident qu'elle se présentait ici pour acquérir une baguette, non pas une botte de radis ou le nouveau rappel-tout à la mode que les inventeurs sorciers avaient couplé avec les effets de la beuglante. À son grand soulagement, elle n'eut pas besoin de prononcer un mot supplémentaire qu'Ollivander lui tendait déjà l'écrin d'une baguette noire.

— Pourquoi ne pas commencer par essayer celle-ci ?

Avec toute la délicatesse du monde, Kate l'attrapa par le manche. Aussitôt, tout son corps fut parcouru d'un frisson et l'écrin se désintégra dans la main d'Ollivander.

— Hem... Je ne pense pas que celle-ci convenait.

Et pendant que Kate reposait la baguette avec déception et que le vieil homme escaladait les rayonnages à la recherche de l'idéale, il s'intéressa à elle :

— Comment t'appelles-tu jeune fille ?
— Katelyna Whisper.
— Ah, la fille Whisper ! Oui, oui... je me souviens de ton père. Et de sa sœur. Si je ne me trompe pas, il a toujours avec lui sa baguette en bois de châtaignier, trente-deux centimètres, ventricule de dragon ?
— Je pense oui !
— Il avait fallu seulement deux essais pour lui dégoter la baguette de ses rêves. J'espère qu'il en sera de même pour toi.

Sur ces mots, il lui proposa une seconde baguette. Mais cette fois, Kate la laissa glisser entre ses doigts et, tombant à ses pieds, la baguette perfora le plancher d'un énorme trou qui laissa flotter dans l'air une âcre odeur de bois cramé. De nombreux essais furent vains et se soldèrent à chaque fois d'un échec désastreux. Elle en vint même à mettre feu aux derniers cheveux du pauvre Ollivander, qui la rassura en lui assurant qu'elle n'était pas la première à commettre ce genre d'accident.

— Je ne pensais pas en arriver à cet extrême, soupira-t-il en se procurant une boîte, laissée à part sur une étagère isolée. Essaie celle-ci. Cela fait cinquante ans qu'elle traîne ici, peut-être l'emporteras-tu avec toi.

Il s'agissait d'une belle baguette, assez petite mais travaillée avec finesse.

— Bien, je vais essayer.

Priant sa chance, Kate se saisit de la baguette et la leva au-dessus de sa tête dans un geste délié.

Dehors, Phil patientait en observant défiler les passants dans la rue, adossé à la boutique face à celle d'Ollivander, les manuels nonchalamment coincés sous le bras. Il ne se doutait pas que le choix serait à ce point interminable. Lorsque soudain, une détonation sourde retentit et le souffle chaud de la déflagration lui ébouriffa les cheveux l'explosion des vitres du vendeur de baguettes avait résonné dans tout le chemin de Traverse.

— Kate !

Lâchant les livres sous la panique, Phil se précipita vers la boutique, bouscula quelques passants, et, sautant par une vitrine fracassée, inspecta les lieux à la recherche de sa fille.

Ventus !

Un puissant courant d'air s'engouffra dans le commerce dévasté, chassant la poussière chaude et étouffante.

— Kate ! continuait-il à crier, soulevant une à une les armoires tombées à la renverse.

Un petit toussotement l'alerta de sa position. Et lorsqu'il la rejoignit, il retrouva une Kate aux cheveux hirsutes, le visage peinturluré de suit mais le sourire rayonnant. Dans sa main, une baguette qui avait dégringolé devant elle, au grand hasard, lors de l'explosion. Et cette dernière luisait à son contact.

— Papa, toussa-t-elle sans se soucier de sa situation, j'ai trouvé ma baguette magique !


Bois de lierre, 28,75cm, crin de licorne. C'est la description que lui avait donné Ollivander alors que Phil et lui s'arrangeaient pour réparer la boutique en deux-trois coups de baguette. Sa nouvelle acquisition la rendait fière. Le bois clair, presque blanc, se terminait sur un manche aux torsades en relief rouges. Elle qui se serait attendue à une baguette brune et grossière, celle-ci lui semblait si précieuse et sophistiquée. Kate s'amusait à faire rouler sa nouvelle possessions dans ses paumes, non sans cacher son bonheur, assise sur les marches du dehors, lorsque son père la rejoignit et lâcha un hoquet :

— Nom d'un crapaud scrofuleux, Kate, tu ressembles à un parfait petit doxy. [9]

D'un geste de sa baguette accompagné d'un bas Tergeo, la suie qui barbouillait la figure de Kate se volatilisa.

— Allez, viens, ne traîne pas, l'exhorta-t-il en poursuivant sa route, nous avons un dernier achat à faire avant de rentrer à la maison.
— Mais... ma liste est complète ! s'étonna-t-elle en vérifiant la lettre qu'elle avait apprise par cœur à force de la lire.
— Tu trouves ?
— Le chaudron, j'ai, les gants, j'ai, la balance, j'ai...
- À quoi donc fait mention la dernière ligne ?

Elle parcourut le courrier et aussitôt eut-elle lu qu'elle releva vers Phil un regard ébahi.

— Tu vas m'acheter une chouette ?!
— Je pensais plutôt à un chat. Nous avons déjà Littleclaws ! [10]

Littleclaws était une chouette nyctale [11] que son père avait adoptée peu avant l'avènement du Seigneur des Ténèbres. Une boule de plumes vive et discrète, l'idéal pour les messages secrets et urgents. Littleclaws n'avait jamais été un animal très porté sur l'affection, néanmoins, se séparer de son maître qu'il tenait en respect qui semblait être une aberration.

— Un chat ? Tu serais prêt à m'offrir un chat, papa ? répétait Kate qui peinait à y croire.
— …coute ma chérie, avec tout ce qu'il s'est passé ces derniers mois, je préférerai que tu gardes une présence toujours auprès de toi à Poudlard.

Car il n'existait pas une nuit dénuée de cauchemar pour la jeune Kate, et Phil l'avait bien remarqué et s'en inquiétait.

— Mais ça coûte cher ! On a déjà dépensé beaucoup !

Cela lui importait bien peu. S'il avait mis un point d'honneur à ne pas avoir acheté de robe ou d'objets d'occasion, c'est qu'il avait conscience de l'importance de cette journée aux yeux de sa fille.
La Ménagerie Magique était le lieu privilégié pour s'attendrir devant quelques petites bêtes plus ou moins mignonnes. Des crapauds violets côtoyaient de charmants escargots oranges, émanant le poison à plein nez, un lapin blanc qui se transformait en chapeau haut-de-forme à chaque sursaut et même un crabe de feu. Au fond de la boutique, des dizaines de cages miaulaient. À côté, un perroquet noir aux yeux rouges croassait à leur intention :

— Croa, taaaaaaaaaisez-vous ! Croa ! Taaaaaaaaaaisez-vous matous !
— Alors ? Lequel te plaît ? demanda Phil en fourrant ses mains dans les poches alors que Kate examinait l'intérieur de chaque cage.

Tour à tour, les chats se présentaient spontanément devant elle, comme l'implorant de miaulements qu'elle les adopte. Il y avait une portée de chatons noirs de la tête aux pattes, un siamois peu dégourdi, un gros persan pressant, un petit chat tigré qui faisait les cent pas dans sa cage, un autre roux qui s'attaquait à ses barreaux. Et une boule de poils blanche recroquevillée au fond de sa cage. Ce dernier intrigua tout particulièrement la jeune fille qui gratta à la serrure. Pivotant la tête, le chat angora d'un blanc immaculé révéla ses grands yeux vairons, bleu et vert.

— C'est lui ! C'est celui que je veux ! Et je l'appellerai Mister Minnows ! [12]


[1] : Recurvite est le sort inventé par J.K. Rowling pour nettoyer. Il se complète avec le sort Tergeo.
[2] : Stan Rocade, le jeune contrôleur du Magicobus, est en effet un Mangemort. Se référer aux derniers tomes d'Harry Potter.
[3] : Si J.K. Rowling fait état des Oubliators, les Nettoyeurs sont en revanche de mon invention. Mais je me doute qu'ils doivent exister dans la tête de l'auteur, sous un autre nom, peut-être !
[4] : De nouveau, je respecte le livre : le Chaudron Baveur a effectivement fermé durant la durée du règne de Voldemort.
[5] : Hannah Abbot est un personnage de J.K. Rowling, du même âge qu'Harry et ses amis. …lève à Poufsouffle, elle devient à sa sortie de Poudlard la nouvelle tenancière du Chaudron Baveur. C'est Rowling qui l'a dit !
[6] : Charity Burbage est la femme que l'on voit mourir dans le tout premier chapitre du tome 7, de la main de Voldemort. Evidemment, tout ce qui tourne autour de sa famille est fictif, puisque J. n'en a donné aucune information.
[7] : Le Fan'ez est une invention de ma part. J'ai pensé que Fred et Georges avaient mis cela au point durant l'année où Voldemort régnait sur le monde des sorciers. A la mort de son jumeau, Georges aurait donc officiellement mis en vente leur dernière création, en hommage à ce dernier...
[8] : Même après ce qu'il a vécu, je pense que le vieux Ollivander n'avait qu'une envie : retrouver son ancienne vie et vendre des baguettes pour oublier.
[9] : "Le Doxy est une petite créature couverte d'une épaisse fourrure noire et ressemblant à une fée."
[10] : Littleclaws se traduit littéralement par petites griffes.
[11] : La chouette nyctale est l'une des plus petites chouettes du monde, plus petite encore que le hibou petit-duc (note : Coquecigrue, le hibou de Ron, est un petit-duc)
[12] : Mister Minnows se traduit littéralement par "monsieur vairon".