EDIT DU 13/10 : Bonsoir tout le monde. Je rajoute ce message pour dire que ce prologue a été remanié. Je vous conseille donc vivement de le relire. Je tiens à remercier AmiralNothomb de m'avoir aidé à faire la part entre ce qui allait et ce qui n'allait pas. Bonne lecture à vous !


Salut tout le monde !

Ouah, enfin je poste cette fiction, c'est un rêve qui se réalise ! Dire que je réfléchis à sa création depuis fin Avril... On peut presque dire que cette fiction a déjà cinq mois ! C'est un vieux bébé, dis-donc.

Cette fanfiction me tient énormément à coeur, j'espère vraiment que vous l'aimerez autant que moi je l'aime parce qu'elle est vraiment géniale de mon point de vue. J'ai rarement aimé une de mes fictions comme ça, j'espère qu'elle continuera à être haute dans mon estime et mon coeur.

Le contexte de cette fanfiction est très simple, il s'agit de la suite possible des livres. Tout ce que je dis dedans est normalement canon, vous ne devriez rien avoir à redire là-dessus. Je réfléchissais aux jeux du Capitole, et je me suis dit que cette vengeance était assez inappropriée puisque les enfants du Capitole n'était au final pour rien là-dedans. J'ai donc réfléchi à une meilleure vengeance envers cette société horrible, et j'ai trouvé. Il suffisait juste de choisir les bonnes personnes. Cette fiction a vite vu le jour pour n'être plus qu'une sombre histoire de vengeances, de manigance, de manipulations et de coup bas.

Je tiens à préciser que je ne possède absolument rien ! Tout l'univers de Hunger Games revient à S. Collins et le peu qu'elle nous en a dit. Il est fort possible que je me serve de certains ajouts fait par d'autres auteur du fandom que je connais, dont la plus notable est surement cette chère LJay Odair à qui je dédie, avec AmiralNothomb mon "fan n°1", cette fanfiction. Les tributs que vous allez très vite découvrir ne sont pas tous de moi, j'annoncerai au moment opportun à qui ils appartiennent. Je remercie d'ailleurs toutes ces personnes de m'avoir donné ces fabuleux tributs. Les gens, si jamais l'histoire se révèle être géniale, c'est parce que vous m'avez donné les clefs pour la créer. Sans vous, cette histoire n'est rien !

Je tiens aussi à parler de mon rythme de parution. Ma publication se fera toutes les deux semaines, j'ai besoin d'un bon moment pour écrire et j'ai jugé cette échéance correcte aux vues de ce facteur. J'ai quelques chapitres d'avance, mais il est possible pour quelques raisons (oui, j'appelle "raison" une dissertation de philo ou un gros DM de Math) que cela soit retardé, certaines semaines. J'espère sincèrement que ça n'arrivera pas, mais bon... On est jamais à l'abri de ces choses-là !

Enfin, je voudrai mettre... disons un WARNING. Je vais dans cette oeuvre utiliser le point de vue de personnages de l'oeuvre, ils sont secondaires voir tertiaires ou même complètement d'arrière plan. On ne sait pas grand chose sur eux, et nous avons chacun une vision différente de ces personnes. Je leur ai ici créé un passé, un présent, une famille, des proches et des souvenirs plus ou moins joyeux. Quoi qu'il en soit, il s'agit de ma vision du personnage, ou plutôt d'une des nombreuses versions d'eux qui fleurissent chaque jour dans ma tête. Il est possible que celle-ci ne correspondent pas à la votre. J'espère que vous apprécierez quand même mes chéris, j'ai eu énormément de mal à les créer.

C'est une longue NdA, mais j'espère avoir posé les bases. Je la finis par un remerciement à ma soeur Zeste Solène qui se trouve être ma bêta-reader. Tu gères, même si ta connexion ne veut pas toujours m'envoyer les chapitres !

Bonne lecture à vous !

EDIT : L'image de couverture est de agnes-cecile sur le site DeviantArt.


Prologue :

Bourreau de soi-même


La présidente Paylor ouvre le message. Le rapport de ses services de Sécurité Nationale vient d'arriver, et elle va devoir le lire. Le bien-être des habitants de Panem est une priorité. Elle se passerait bien de toutes ces démarches administratives, mais elle les assume. Elle a été élue, et bien sûr elle en est très fière. Sa nomination avait surpris tout le monde. Dire qu'elle s'était présentée uniquement pour représenter les Districts qui furent les plus touchés. Voilà maintenant la femme de terrain cloîtrée dans un bureau.

Depuis sa nomination, un an et demi plus tôt, Paylor a fait ce qu'elle pensait être le mieux pour son peuple. Elle sait qu'elle ne peut pas contenter tout le monde, néanmoins elle doit faire le maximum. La population a, à son sens, bien trop souffert, et pas seulement celle des districts. Le Capitole a certes été mieux loti financièrement, il n'en est pas moins que la vie n'y était pas rose non plus. Tout avait simplement été différent. Les uns étaient étouffés par la misère et la famine, alors que les autres servaient de poupées crédules à un manipulateur hors pair. Elle plaint autant les uns que les autres. Au final, elle s'est surprise à ne plus être que pour les districts. Ce que l'actuelle présidente défend est tout simplement la paix et l'égalité.

Elle ignore royalement le dossier qui trône bien en évidence sur son bureau, le jugeant tout à fait indigne du moindre intérêt. Qui est encore assez idiot pour croire qu'elle accepterait une chose pareille ? Elle était une ancienne commandante, une militaire au cœur dur, mais ce n'est pas pour cela qu'elle va ouvrir la porte aux massacres. C'est elle qui a fait détruire toutes les arènes des précédents Hunger Games, elle qui a érigé des mémoriaux en hommage à toutes les morts survenues à cause de l'ancienne dictature, elle qui a annoncé dans son premier discours que le passé ne s'efface que pour laisser une chance à l'avenir d'être meilleur. Elle a même rendu la liberté de la presse et d'opinion qui avait disparu depuis presque cent-cinquante ans ! Et pourtant il y a encore des gens pour imaginer qu'elle va faillir à sa réputation. Elle n'est pas surnommée la « Femme d'Acier » pour rien, ses convictions sont inébranlables.

Le dossier est épais. Paylor en a été étonnée. On dirait, sans l'ouvrir, qu'il est déjà complet et que tous les éléments nécessaires à l'effusion de sang ont été rassemblés avant même qu'elle n'ait pris la moindre décision. C'est comme si on avait créé une bombe dans son dos et qu'on cherchait à la désigner comme responsable de l'explosion alors qu'elle n'aurait fait que passer le message. En un sens, c'est de la manipulation. Et elle déteste se faire manipuler. Elle a été sous le joug d'un tyran pendant trop longtemps et ce n'est certainement pas maintenant que cela va recommencer. Elle n'a jamais laissé tomber. Elle s'était même tranchée la gorge pour échapper à des Pacificateurs qui l'avaient attrapée et voulaient qu'elle balance ses alliés. Elle est prête à recommencer mille fois si cela peut garder la liberté vivante.

Trois coups frappés à la porte résonnent dans le bureau présidentiel qu'elle a investi. Elle lâche un bref soupir en s'interrogeant sur la nature de cette visite. Peut-être est-ce Killian qui vient lui donner des nouvelles de la réunion hebdomadaire du Conseil des Quatorze ? Mais non, c'est une femme qui entre, un grand sourire joyeux aux lèvres. Paylor jette à peine un regard à celle-ci. Elle est petite avec des cheveux noirs coupés au carré et arrivant aux épaules et des yeux qui pétillent, comme toujours.

— Avez-vous jeté un œil au dossier que je vous ai communiqué, Madame la Présidente ?, demande-t-elle après de brèves salutations.

Paylor pince les lèvres. Celle-là fait partie des idiots auxquels elle pensait tout à l'heure. Elle ne l'accepte que parce qu'elle est la sœur et associée de Killian, mais si ça ne tenait qu'à elle la jeune femme serait mise à la porte pour avoir simplement osé penser qu'elle puisse accorder la moindre attention à un projet aussi fou, masochiste et idiot.

— Non, répond-t-elle d'un ton sec et sans appel.

— Vous devriez, si je puis me permettre. Nous avons tout pensé, vous n'auriez absolument rien à faire.

— Et vous, vous devriez apprendre que quand je dis « Non », c'est que c'est un refus définitif, s'exclame la Femme d'Acier en frappant du poing sur la table. Mademoiselle Nioc, je vous ai déjà refusé cette même proposition l'année dernière. Vous n'allez pas me dire que vous allez la réitérer tous les ans. Votre projet n'a qu'une place, et je vais l'y mettre tout de suite.

Sur ces mots, elle s'empare de la chemise jaune et la laisse tomber dans la corbeille. L'autre femme perd un peu son sourire. Un refus, encore. Elle a l'impression de n'essuyer que cela dans la vie. Elle l'a souvent entendu, ce maudit mot. Oh oui, si souvent...

Non, Alyah !

La petite lève lentement les yeux vers le grand homme qui lui parle. Elle lui adresse un grand sourire d'enfant de trois ans avant de courir vers lui comme le lui permettent ses membres maigres. Elle tend les mains vers le haut, espérant qu'il va la prendre dans ses bras. Elle regarde avec fascination son visage sévère taillé au couteau et ses yeux gris qui renvoient une lueur de glace. C'est le plus beau, mais c'est normal puisque c'est son papa.

Pourtant, l'homme ne la prend pas dans ses bras. Il attrape la poupée qu'elle tient et demande sèchement :

Où as-tu trouvé cela ?

Elle sautille en repensant à ce moment magique où l'objet tant désiré avait enfin été entre ses mains. Il avait fallu de longues minutes pour qu'elle se calme et cesse de courir dans tous les sens en criant de joie. Elle l'avait serré contre sa poitrine un très long moment avant de commencer à jouer à la maman, une activité qu'elle n'avait jamais essayé mais qu'elle avait toujours voulu tester. Elle s'apprêtait même à mimer la tétée quand son Papa était arrivé.

C'est Killian qui me l'a donnée, explique-t-elle en dodelinant gaiement de la tête. Il a été dans la grande salle commune et il a profité que Tanya Solkom ait le regard ailleurs pour lui prendre. Et puis il est venu me la donner parce qu'il savait que j'en voulais une.

L'homme baffe la petite qui tombe à la renverse en poussant une exclamation de surprise. Elle éclate en larmes, atterrissant sur ses fesses qui la font instantanément souffrir. Elle veut protester mais il est déjà parti et ce sont bientôt les cris de Killian qu'elle entend depuis la pièce voisine. Elle attrape la poupée désormais à terre et va se coller contre le mur, le doudou entre ses doigts. Elle sait qu'elle n'a pas le droit d'en avoir une mais elle en a tellement envie ! Maintenant son grand-frère qu'elle aime crie parce qu'il a mal, et ceci à cause d'elle. Elle continue de pleurer un moment, personne ne vient la consoler.

Elle est ramenée à la réalité par la présidente qui lui demande si elle va bien. Elle est restée un long moment dans ses pensées et Paylor qui ne l'apprécie pourtant pas a fini par s'en inquiéter. Il ne faut pas longtemps à Alyah pour se reprendre et lancer son habituel sourire à son interlocutrice.

— Ne vous en faites pas pour moi, lui assure-t-elle, ce n'est qu'un moment d'égarement. Je vois que vous ne comprenez pas encore que le Capitole mérite d'être tenu en laisse par au moins une ou deux éditions. Ce n'est pas grave, l'an prochain, vous vous en serez peut-être rendue compte.

Et sur ces mots, elle sort en ignorant le regard dur de la présidente. Si elle ne veut pas comprendre, ce n'est pas grave, la jeune femme a tout son temps. Après tout, s'il y a bien une chose qu'elle a appris grâce à sa difficile enfance, c'est qu'elle obtient toujours ce qu'elle veut. Il lui suffit d'être patiente. Ce n'était plus qu'une question de temps.

o O o

L'homme tapote doucement ses doigts sur son genou. Il a son discours en tête, prêt à être déclamé. Il a beaucoup de spontanéité, mais avec la politique cela ne fait pas bon ménage. De toute façon, il sait retenir ses plus bas instincts. Il a eu la chance de recevoir une éducation politique dès son plus jeune âge et il n'a jamais déçu ses parents. Même maintenant qu'ils sont ailleurs, il compte bien se montrer comme leur digne héritier. Sérieux, souriant, un peu froid mais plein de charisme, les yeux braqués sur la caméra, un calme mélancolique... Il se souvient par cœur de ses cours. Il espère juste que Flickerman ne fera pas de vagues. Il le trouve parfois trop... expressif.

Les lumières s'allument. Le moment arrive enfin. L'homme gonfle le torse, avant de se raviser en se souvenant que sa carrure maigre rend la chose plus ridicule qu'impressionnante. Il se contente alors de redresser son grand squelette et de passer une main dans ses cheveux coupés en brosse. César commence son speech, bien qu'il soit moins enthousiaste que d'habitude. Le jeune homme en comprend parfaitement la raison, aujourd'hui n'est certainement pas un jour de fête.

Enfin, le célèbre présentateur cesse son discours de bienvenue pour présenter son invité :

— Et voici avec nous ce soir le Premier Conseiller : Killian Nioc !

L'homme s'avance dans la lumière, pestant intérieurement contre l'excentrique homme. Pourquoi donc est-il obligé d'étirer ainsi les i ? Il s'appelle Killian Nioc, et pas Kiiiiiiiiiiilliiiiiiiiian Niiiiiiioc. Sans compter cet horrible accent du Capitole qui lui donne sans cesse mal à la tête. Il lui faut toujours plusieurs secondes pour savoir si une phrase est une affirmation ou une interrogation. Il ne peut s'empêcher de repenser à ces vieux CD qu'il avait trouvé une fois, où l'on entendait parler un ancien peuple qu'on nommait les français. Eux aussi finissaient leurs phrases dans les aigus et donnait cette irritante impression d'être constamment surpris.

Quand enfin le Premier Conseiller est assis, il salue d'un simple hochement de tête l'homme aux cheveux violets. Encore une excentricité dont il ne comprendra jamais l'origine. Le public est étrangement silencieux, il semble se douter que quelque chose ne va pas. Ou peut-être juge-t-il tout simplement la différence abyssale entre ces deux êtres. L'un vient du Capitole et est une de ses grandes figures. Il est extravagant et plein de couleurs, toujours très optimiste aussi tandis que l'autre vient des districts, probablement le Treize vu sa tenue, et semble discret, peu souriant mais sérieux. D'après le programme il a été nommé représentant du district du nucléaire au Conseil des Quatorze à 27 ans à peine. Son jeune âge et son regard empli de confiance auront sûrement plu à leur présidente. Ses cheveux noirs, ses yeux gris et ses vêtements de cette même couleur donnent l'impression de voir un film en noir et blanc, ce que son teint pâle renforce. Voir ces deux hommes assis l'un en face de l'autre est comme mettre le soleil à côté de la lune.

— Alors, monsieur Nioc, commence le célèbre animateur, je sais que ça ne va pas être facile, mais je crois que vous avez quelque chose de grave à nous annoncer.

Killian pince les lèvres, baissant les yeux dans une expression assez neutre bien que légèrement peinée. Inutile de prendre ce ton doucereux prononcé dans un futile murmure. Il n'est pas un petit garçon que l'on tente de rassurer après un mauvais rêve. Cela fait bien longtemps que cet enfant est parti, remplacé par l'adolescent fait d'argile que l'on a façonné en cet homme droit et fier aux grands desseins.

— En effet, Caesar, confirme le Premier Conseiller. Je dois vous prévenir, peuple de Panem, qu'il s'agit de quelque chose d'affreusement dur à entendre. Il s'agit là d'un affront à la société que nous nous sommes efforcés de créer. Chaque district a élu un représentant au Conseil, qui jusque-là s'est fait discret. Nous avons nous-même élu notre bonne présidente, qui a désignée d'elle-même un Conseiller Principal. Moi, en l'occurrence.

Il se tait et le silence se lève. L'homme sent une chape de plomb gorgée d'angoisse et d'appréhension tomber sur la salle pour étouffer doucement les coups de sa main de métal. Il apprécie cette sensation. Le peuple appréhende. Et lui sait. Il détient les clefs de la vérité. Il détient le pouvoir. Cette sensation court dans ses veines, fait monter l'adrénaline. Il vit enfin ce pourquoi il a été élevé. Il est enfin maître de la situation.

— Il y a une semaine jour pour jour s'est déroulé un événement qui vous a été tenu secret. Par événement, j'entends un crime. Un crime contre notre système. Un crime contre les districts. Un crime contre nos valeurs. Peuple de Panem, tonne-t-il en se levant, il y a une semaine, jour pour jour, la présidente Paylor a été assassinée !

Kilian s'arrête, l'air navré, pour permettre à la population de se remettre.

-Mais nous connaissons le coupable ! clame-t-il. Du moins… La coupable !

Il claque des doigts, et l'écran derrière lui abandonne le titre de l'émission à la typographie horrible pour une simple photo qui glace le sang de la quasi-totalité du public. La photo représente le coin d'une pièce. A terre, les dossiers s'échappent de leurs pochettes jaunes et cornées pour se balader sur un plancher de parquet ciré, affreusement froissés et pour certains rougis. Le parquet n'est pas souillé que de papier, on distingue allègrement cinq traces visiblement parallèles que l'on peut deviner être la marque d'une main aux longs ongles ayant tenté de se débattre alors qu'une tâche rougeâtre luit sur le bois clair, reflétant la lumière du bureau dans un effet macabre. Si encore la photo s'arrêtait là, personne n'aurait eu un si grand choc mais malheureusement ce n'est pas le cas… Une traînée rouge part de la flaque pour se finir sur un mur auparavant d'un blanc immaculé. Un dessin de sang représentant un rose vient signer le crime, symbole morbide déclarant fièrement « Ce meurtre est le mien ».

— La tueuse à la rose est revenue, explique-t-il par-dessus le brouhaha. Elle a égorgé notre bonne présidente. Elle a signé le crime de sa rose caractéristique. Nous pensions qu'avec le meurtre du président Snow, elle cesserait enfin de s'en prendre à nos scientifiques et à nos hommes politiques. Pourtant, il n'en est rien. Elle ne protestait pas uniquement contre la dictature de Snow. Elle protestait contre toute forme de pouvoir qui n'était pas le sien. Ce qu'elle veut, c'est le pouvoir ! Elle espère mettre la main sur Panem et le diriger elle-même. Il va de soi que nous ne la laisserons jamais faire.

Le public siffle et applaudit pour montrer son accord. La tueuse à la rose est leur plus grosse serial-killer depuis plusieurs décennies, voir plusieurs siècles. La plupart sont des malades mentaux que les profileurs identifient très vite et qui sont arrêtés prestement. Celle-ci n'est pas de ce genre. Personne ne lui a jamais diagnostiqué la moindre névrose. Elle tue dans un but purement inconnu, toujours des personnes importantes. Elle n'hésite pas à massacrer leur famille entière. Jamais elle ne laisse de témoin. Jamais elle ne montre de pitié. Mais surtout, jamais aucun indice concret n'a été retrouvé. C'est une tueuse professionnelle qui sévit depuis huit ans et qui compte déjà un total de soixante-treize victimes.

— Toutefois, continue le Premier Conseiller, il s'agit là de son dernier crime. Ce matin, elle a été arrêtée. Nous vous révélerons son identité quand nous l'auront découverte, car elle ne possède aucun papier, n'apparaît dans aucune archive. En attendant les prochaines élections dans cinq ans, il a été décidé que j'assurerai l'intérim. Le Conseil me secondera et validera mes décisions.

Il est à nouveau salué par la foule. Il se retient de sourire avec satisfaction, il aime être ainsi acclamé par un peuple. Il a reçu assez de coups et de cris lui disant de devenir quelqu'un qu'il ne peut que se réjouir que cela se soit enfin réalisé. Certes, ce n'est pas dans les conditions qu'il avait espéré mais c'est toujours mieux que rien. Il les laisse se calmer, il ne veut pas leur annoncer la nouvelle suivante pendant qu'ils se réjouissent et le montrent. Quand enfin le silence est de retour, il lâche d'une voix sentencieuse :

— Mais nous savons qu'elle a des alliés. Ils sont ici, au Capitole. Ils se cachent parmi les habitants et attendent le moment opportun pour délivrer leur cheffe et suivre ses traces. Pas de chance pour eux, elle nous a donné un indice pour les débusquer. C'est pourquoi, en guise d'avertissement, nous allons organiser un événement qui devrait être unique, et que tout le monde aurait préféré oublier.

L'écran change alors, une typographie agressive apparaît alors pour venir attaquer les yeux des spectateurs par son rouge enflammé. Il ne s'agit que d'un chiffre mais chacun sait à quoi il correspond. Des gens fondent en larmes alors que d'autres crient. Ils comprennent soudain. La roue n'a pas encore arrêté de tourner, elle a juste ralenti pour changer de sens. Ils sont pris dans un cercle vicieux duquel ils ne pourront sûrement pas sortir. La souffrance ne se stoppe jamais. Elle s'efface momentanément pour frapper de plein fouet de nouveau.

— Nous allons organiser les soixantes-seizièmes et derniers Hunger Games.

o O o

Dans une grande maison de la rue des Arts au Capitole, une famille comme les autres vit la même chose que bien d'autres soirs. Les deux petites filles de sept et quatre ans dorment toutes les deux dans leur lit, chacune un doudou contre elles : une peluche pour la petite et un calepin pour l'autre. La mère les regarde dormir avec tendresse avant de rejoindre son époux sur le grand canapé. Celui-ci lui vole un baiser et elle lève les yeux au ciel. Elle veut regarder la télé, pas l'embrasser toutes les deux secondes ! Ça, ils le feront après.

Toutefois, cette édition sera fort spéciale ! annonce Killian à l'écran.

Elle tente de comprendre de quoi l'émission peut bien parler mais sans avoir vu le début ce n'est pas facile. C'est son mari qui lui explique et elle sourit aussitôt. De nouveaux Hunger Games ? Voilà bien de quoi ravir les deux adultes qui se pensaient au chômage. Lui, en grand sportif, avait été instructeur à l'épée dans quelques précédents jeux. Il avait pensé ouvrir un centre d'escrime, ça a toujours autant de succès. Elle était profileuse pareil, ce qui pose plus de problèmes dans la reconversion. Que les Jeux de la Faim continuent était une bonne chose pour elle, même s'ils devaient avoir lieu au Capitole. On fait comme on peut pour vivre, après tout.

— Maman, papa ! s'écrie une petite voix dans le couloir.

Les deux tournent la tête vers leur petite princesse qui trottine dans leur direction, sa nuisette d'enfant froissée et tournée. Elle file dans les bras de sa mère qui ébouriffe les longs cheveux au tie and dye blond et rose bonbon de son petit bébé. Elle lui prend la main et regarde la paume où se trouve un tatouage de fleur représentant une helleborus niger rouge vive. Le signe ne trompe pas, elle est angoissée. Les lèvres maternelles se posent sur le front de la petite et le père s'enquiert :

— Que se passe-t-il, chérie ?

— J'ai fait un cauchemar !

Le père passe un doigt sur sa joue. Sa petite a souvent eu des cauchemars par le passé, mais ils pensaient que c'était terminé. Visiblement, ce n'est pas le cas. Il se lève pour aller chercher les antimelinoïques, des médicaments qui empêchent les cauchemars mais pas les rêves, qu'elle prenait auparavant.

— Tu n'as qu'à nous le raconter en serrant ta peluche Finnick, propose la mère.

— J'ai pas Finnick ! Il est dans la chambre.

— Alors va le chercher et on fera tous un gros câlin pour te réconforter.

Elle hoche la tête et file à toute vitesse, ses petits pieds cognant sur le sol au rythme de ses enjambées. L'homme s'assoit sur le canapé en déposant les gélules et un verre d'eau sur la table basse. Sa femme se redresse et s'étire. C'est toujours quand ils passent un moment tranquille que les filles les dérangent. Avoir des enfants a décidément quelques désavantages pour équilibrer avec le bonheur que ces bouts de chou peuvent procurer.

Vous comprenez, continue Killian, notre chère tueuse avait pensé à se créer une foule de partisans avant même de commencer à tuer, de façon à avoir des votants en cas de prise de pouvoir légal. Et qui sont les potentiels votants ? Des adultes. C'est pour cela que le Conseil des Quatorze a décidé que les tributs seraient choisis parmi les personnes majeures.

La petite revient enfin avec sa peluche du rouquin armé d'un trident. Elle retourne au creux de sa mère, frottant sa tête contre son sein. La femme lui caresse les cheveux de nouveau alors que son conjoint vient essuyer une de ses larmes du bout du doigt.

— Raconte-nous donc quel était ce méchant cauchemar, lui propose-t-il.

Les pleurs reviennent et l'enfant renifle bruyamment pour tenter de parler, mais elle ne fait à vrai dire que chouiner :

— C'était horrible ! Il y avait des messieurs qui prenaient Maman et qui l'emmenaient loin ! Et puis, ils prenaient Papa. Et après, vous vous battiez et Papa tuait Maman ! Après, un monsieur est arrivé et il a tué Papa aussi.

Les deux parents se regardent. C'est un rêve peu commun que leur petite dernière vient de faire, et soudain ils se demandent ce qu'il peut bien vouloir dire. Des pas se font entendre et leur aînée rentre en baillant :

— Papa, Maman ? Il se passe quoi ?

Toutefois, poursuit le Premier Conseiller qui ne va pas s'arrêter pendant l'intervention de l'enfant, il est évident que nous ne pouvons pas punir la totalité de la population adulte du Capitole. Il est donc bienvenu que la tueuse ait pioché presque uniquement dans ceux qui étaient souvent confrontés à la mort, ceux qui causaient le plus grand nombre d'infanticides jamais recensés. Nous avons donc décidé que la Moisson aurait lieu parmi ceux qui n'étaient pas de simples spectateurs.

Le père vient prendre sa petite brunette avec eux et tous se serrent pour un câlin. Ils sont mignons, une petite famille qui attend ainsi que le sommeil vienne les prendre pour les emmener au royaume d'Hypnos et Morphée.

Qu'entendez-vous pas là, monsieur Nioc ? interroge Caesar. Quelles sont ces personnes qui n'étaient pas que spectateurs ?

C'est à quatre que la petite famille s'intéresse à l'écran. Les deux fillettes sont heureuses d'apprendre que les Hunger Games vont reprendre. Elles ont toujours adoré cette émission de télé-réalité. Elles trouvent juste dommage que les personnes qui jouent les morts ne reviennent pas. Mais bon, ils doivent faire comme si c'était la réalité. A la télévision, Killian explique au présentateur :

C'est très simple, Caesar. Cette année, les tributs seront tirés parmi les adultes du Capitole ayant à un moment dans leur vie travaillé dans les Hunger Games sur tous les plans : Moisson, création, parade, interviews, arène... Ce sera autant un avertissement qu'un moyen de faire comprendre leur erreur à ceux qui ont aidé à mettre l'horreur en place.

Le présentateur a soudain le teint si pâle que même son maquillage ne peut cacher son changement de couleur. Il n'est pas le seul à ressentir cette impression de prendre une claque dans la figure. Partout au Capitole des gens crient de surprise et de peur. Certains restent impassibles et se figent alors que d'autres tombent dans les pommes, préférant le monde de l'inconscience à l'insupportable vérité.

— Maman, pourquoi tu pleures ? chuchote l'aînée.

La femme sursaute. Son maquillage coule sur ses joues, les souillant d'innombrables couleurs criardes. Ce ne sont plus leurs enfants que l'on attaque désormais. Ce sont eux. D'un côté, elle en est soulagée. Elle haïrait devoir craindre pour ses petites lorsqu'elles auraient atteint l'âge maudit de la douzième année. Et pourtant, elle a quand même peur pour elles. Ils pourraient tous les deux y laisser leur peau et elles se retrouveraient orphelines.

— Je pleure parce que j'espère que le sort saura nous être favorable, ma puce, répond-t-elle simplement.

La petite se contente de cette phrase mais son mari sait. Il comprend parce qu'il est lui aussi visé. Parce que celle qu'il aime est visée. Il craint pour leurs vies à tous les deux. Ils craignent tous les deux.

Dans toute la capitale de Panem, des gens paniquent. La trajectoire de la roue est désormais totalement inversée. Ils comprennent la douleur et la peur ressenties par tant de personnes au fil des décennies passées depuis les Jours Obscurs. Et alors le regret et la haine les saisissent. Certains se cachent chez eux. D'autres rêvent déjà d'une nouvelle rébellion ou d'un nouveau meurtre. Mais surtout, ils se résignent.

C'est à eux de faire face à l'horreur qu'ils ont engendrée.

…...

…...

…..

.

Je suis la plaie et le couteau !

Je suis le soufflet et la joue !

Je suis les membres et la roue,

Et la victime et le bourreau !

Charles Baudelaire