Les correspondants.

1 - La solitude.

La nuit était en train de tomber sur Privet Drive. La journée avait été d'une chaleur étouffante et inhabituelle pour un mois de juin. Personne ne s'attendait à ce que le soleil se présente avant au moins un mois. C'était le sujet de conversation de tous les habitants du quartier, et ce fut la première information que le présentateur de l'émission qui passait à la télévision, au rez-de-chaussé de la maison numéro 4, mit en exergue.

" - Alors Jim, quelles autres surprises nous réserve le climat pour ce mois-ci ? Il fait anormalement chaud pour la saison à ce que j'ai cru comprendre.

- C'est vrai, c'est vrai Ted. Tout le Royaume-uni est en proie à une vague de chaleur inexpliquée et, les scientifiques l'espèrent, passagère. Pour l'instant, tout ce que je peux vous dire, c'est que le soleil est là, alors ne perdez pas une minute, et profitez tant que le climat nous le permet !"

On pouvait entendre la discussion entre le présentateur télé et le météorologue à travers toute la maison, et pourtant, personne n'était dans le salon, personne n'observait le poste de télévision qui débitait son dialogue à de sourdes oreilles.

Les propriétaires de la maison, Mr et Mrs Dursley était dans leur cuisine, une tasse de thé à la main malgré la chaleur ambiante. Leur discussion était houleuse et secrète. Personne ne devait pouvoir entendre l'objet de leur inquiétude. Pas même Dudley, leur fils bientôt agé 18 ans.

Celui-ci se trouvait à l'étage du dessus. Assis au bureau de la plus petite chambre de la résidence, il observait les traces qu'avait laissé son précédent propriétaire. Harry Potter, qui avait quitté cette chambre au cours de l'été précédent, et n'y avait jamais remis les pieds depuis, n'avait pas abandonné grand chose derrière lui. Il y avait seulement, punaisé au mur , au dessus du lit, un calendrier fait main qui énumérait les jours restant avant son anniversaire. Dans un coin du bureau, une petite pile de journaux aux images mouvantes, qui avaient captivées Dudley pendant des heures, et avaient fait progresser son changement d'opinion à propos de son cousin. A part celà, il ne restait rien. Rien sinon le souvenir d'Harry, qui hantait encore les lieux malgré lui.

Dudley n'avait que peu de nouvelles de son cousin. Pendant plusieurs mois, il n'avait pas été très familier avec la méthode d'acheminement de courrier sorcier. Il n'appréciait pas beaucoup les hiboux. Il avait pendant plusieurs années, été admiratif d'Hedwige, la belle chouette blanche de son cousin, mais quand il lui avait demandé dans une de ses lettres, pourquoi elle n'apportait pas le courrier, il n'avait obtenu aucune réponse. Peut-être valait-il mieux ne pas poser la question.

Balayant la pièce une dernière fois du regard, Dudley retourna à la contemplation du ciel. Il remua un peu sur sa chaise en regardant sa montre. Cela faisait bientot deux heures qu'il était installé, dans l'attente de quelque chose qui ne semblait pas pressé d'arriver. Soupirant légèrement, le jeune homme se laissa entrainer dans ses pensées. Il se remémora toutes les années où il avait cotoyé Harry, ou plutôt, toutes les années où il l'avait tyranisé. Il lui avait fallut un moment pour comprendre qu'il n'était pas en train d'agir correctement. Même si c'était dans le sens de ses parents, harceler quelqu'un était définitivement quelque chose qui ne se faisait pas.

Il fut tiré de ses sombres pensées par un bruissement d'ailes se rapprochant. Relevant la tête, il observa la chouette qui était apprue au loin. Il aurait probablement put la reconnaitre entre 10. Il n'osait pas affirmer pouvoir le faire entre mille. Après-tout, elle ne lui était familière que depuis quelques semaines.

C'était une petite chouette hulotte au plumage parsemé de taches brunes et blanches et aux yeux jaunes très vifs. Elle poussa un petit cri que Dudley s'empressa d'étouffer en lui donnant un morceau de pain qu'il lui avait gardé, en prévision. Elle le laissa détacher la lettre qu'elle tenait accrochée à la patte, tout en continuant de mordiller le pain. Les mains fébriles de Dudley détachèrent la lettre, une lettre qu'il avait passé toute la journée à attendre, et qu'il s'empressa de lire.

Hello D,

Comment vas-tu ? Ici tout va bien, comme d'habitude, mais je le dis et le répète, la maison parait vide sans toi.

Ta dernière lettre m'a enchantée ! J'ignorais tes talents d'écriture. C'est bon de savoir qu'une fois loin, tu ne m'oublies pas. J'avais peur que tu tournes définitivement la page, une fois ta vie d'avant retrouvée. Sache que pour ma part, je ne pourrais pas, je ne pourrais pas faire comme si je ne t'avais pas connu. Et si cette maudite guerre a put apporter une bonne chose, c'était toi.

Nos instants me manquent,... tu me manques. Parfois, je m'assois au fond du jardin, là où on avait l'habitude de se cacher pour discuter de tout et de rien, (j'espère que tu t'en souviens). Je m'y asseois seule, et la solitude me pèse, cette cachette n'a plus le moindre charme si elle n'est pas partagée avec toi. Tu me manques. L'ai-je déjà écrit ? Qu'importe. Tu me manques D. J'espère qu'on se reverra vite.

Affectueusement.

Amy.

Le coeur de Dudley se serra alors qu'il relisait la lettre pour la seconde fois. Amy lui manquait. Il ne se passait pas un jour, pas une minute sans qu'il ne pense à elle. Il lui arrivait même de ne pas en dormir la nuit. Il avait besoin de la revoir. Amy était tout ce qu'il avait de plus cher, si tant est qu'il ait une quelconque richesse. Mais Amy était une sorcière. Et chez les Dursley, les sorcières n'étaient pas très appréciées.

Sans perdre le temps, et avant que la chouette ne reparte bredouille, il attrappa une feuille de papier qu'il avait préparé, et se mit à écrire. Et si au début, il avait dû apprendre à emprunter des livres à la bibliothèques pour pouvoir tenir une correspondance intéressante et attentionnée, il avait finalement réussi à se passer de ses guides et à écrire par lui même. Voilà déjà une bonne chose qu'Amy avait inconsciemment fait pour lui. Elle l'avait poussé à devenir quelqu'un de plus cultivé, quelqu'un avec qui on pouvait discuter sans risquer de s'ennuyer. Pendant longtemps, Dudley n'avait pas cherché à ouvrir un livre. Il n'avait même jamais mis les pieds à la bibliothèque de son quartier. Il lui était tellement plus facile de tout régler avec ses poings et ses grimaces de petit singe pourri gaté. Mais, il avait finalement compris que les plus forts n'étaient pas ceux qui avaient les bras les plus musclés. Les plus forts étaient ceux qui avaient assez de répartie pour détruire leurs adversaires sans avoir recours à leurs mains.

Alors Dudley s'était instruit. Parce que si personne n'avait jamais attrappé des mouches avec du vinaigre, il y avait fort à parier que personne n'avait jamais attrappé une fille en jouant les grosses brutes. Et s'il y avait bien une chose que Dudley refusait par dessus tout, c'était l'idée qu'il puisse perdre Amy. Même si c'était un sombre hasard qui les avait fait se rencontrer, Dudley était certain que désormais rien ne pourrait les séparer. Ni le temps, ni les gens, pas plus que la distance et leurs absences.

Dudley signa la lettre qu'il venait de rédiger et se décida toutefois à la relire.

Amy,

Je suis content que tu ailles bien, mais à Privet Drive, rien ne se passe comme on pourrait l'espérer. Le temps est anormalement chaud, mes parents sont inquiets et Harry ne donne que peu de nouvelles. Mais ce n'est pas le pire...Le pire, c'est que tu n'es pas là, auprès de moi, et que tu me manques.

Je n'aurais jamais cru pouvoir écrire ça à une sorcière, tu le sais bien, avant de te rencontrer je n'étais qu'un abruti complet. Mais maintenant, j'arrête, je joue cartes sur tables, fini de faire semblant. Je me sens vide Amy, je me sens vide maintenant que tu n'es plus là. L'ennui et la morosité me gagnent. Et encore, ça serait bien si ce n'était que ça. Mais, la douleur de ton absence a décidé de s'ajouter au tas.

Je donnerai tout ce que j'ai pour que tu sois auprès de moi. Je donnerai tout pour entendre ta voix. Tu me manques terriblement. Je suis malade à en crever. J'ai besoin de te revoir, et vite.

Avec tout mon amour.

D.

Il trouva la lettre vraiment désespérée, et faillit la déchirer. Mais le courage lui manqua. Et puis, la chouette était partie, elle ne reviendrai que le lendemain. Cela lui laissait du temps, pour se poser, pour réfléchir, pour choisir les mots et les phrases qu'il pourrait lui écrire.

Abandonnant la lettre, Dudley s'allongea sur le lit. Il se mit à observer le plafon. Surement comme Harry avait dû le faire des centaines de fois avant lui. Et il se mit à penser. Ses souvenirs refluèrent comme la marée montante et la douleur serra son coeur de plus belle. Il ferma les yeux pour voir l'image d'Amy danser sur ses paupières.

Il sentit ses yeux commencer à devenir douloureux, cela lui arrivait souvent ces temps-ci. Dudley n'avait plus laissé couler de vraie larme depuis des années. Mais, quand il revoyait le visage d'Amy, quand il se remémorait le son de sa voix, la douceur de ses mains, il ne pouvait s'empêcher de ressentir le terrible vide de son absence au quotidien. Pendant plus de 6 mois, il avait vécu tous les jours à ses cotés. Elle était là quand il se réveillait, une tasse de café à la main, assise à la table de la cuisine. Elle était là quand, opressé, par l'environnement et ses sentiments, il allait se réfugier dans leur cachette. Elle était là aussi quand il riait, quand il s'énervait, quand il niait en bloc tout ce qui l'entourait, et quand il renversait tout ce qu'il trouvait, en proie à une colère qu'il ne controlait pas toujours. Amy était toujours là. Et il n'imaginait pas qu'un jour, cela puisse changer.

Et pourtant, il fallait se rendre à l'évidence, la guerre n'allait pas durer éternellement. Dudley se tenait autant qu'il pouvait, au courant de l'avancée de celle-ci. C'était aussi un de leurs secrets. Ses parents désapprouvaient complètement toute liaison avec le monde magique. Mais, à chaque fois qu'Amy parvenait à obtenir une information nouvelle sur ce qu'il se passait, elle venait tout lui raconter. Et même s'il lui avait fallut un moment pour l'admettre, Dudley priait sincèrement pour que son cousin survive à tout ce qui était en train de lui arriver.

Il fut tiré de ses rêveries par le bruit d'un hibou s'engouffrant par la fenêtre, dans la petite chambre. Dudley ne mit pas longtemps à le reconnaitre, c'était l'hibou dont se servait Harry pour communiquer avec lui. Il se leva donc, pour récupérer la lettre, et donna également un morceau de pain au volatile qui s'en empara et fit demi-tour. Dudley lu la lettre en diagonale et l'abandonna sur le bureau, se promettant d'y répondre une fois qu'il aurait envoyé sa lettre à Amy. Sur ce, il repris place dans le lit, et, de rêveries en rêveries, il fini par s'endormir, l'esprit étourdi par l'amour et la douleur provoquée par l'absence de sa chère amie.