VALENTINA

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Dernière partie, mes lecteurs adorés !

Hier, je croyais qu'on était dimanche. Et j'étais un peu paniquée. Parce que j'avais déjà écrit les deux premiers 'OS' avant de commencer à poster. Donc, en gros, que cette partie a été amorcée il y a bien un mois (qui a dit que je suis lente ? qui ?). Et que j'étais quand même en retard… Donc la première tranche a beau avoir un sacré besoin d'être retouchée, je vous l'envoie quand même.

Un gros bisou à Zen, merci pour ta review ! Quand ton compte sera créé, dis-le moi ^^.

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Valentine

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La nuit les épingle comme deux papillons sur une flamme de bougie. Matt finit sa bouteille le liquide ambré glougloute du col de verre jusque dans sa gorge. Le son qui en résulte est étrange, haché, comme un bruit de tuyauterie à demi bouchée qui crachoterait son dernier souffle avant de rendre l'âme.

Matt adore cette musique. Elle est douce et calme. Tout ce qui y compte, c'est l'instant fugace où le flacon délivre les reliques de son ambroisie : le mince filet d'or s'écoule lentement, fatalement jusque dans son gosier grand ouvert… et y disparaît. Il ne ressent plus aucune brûlure, juste un peu de chaleur qui irradie tendrement son pharynx.

L'alcool goutte et s'apaise. Le silence est d'or.

Matt respire enfin, à l'abri dans ses nuées de coton. Il se croirait presque libre. La tiédeur moite de la nuit tire des perles de sueur le long de sa nuque, qui roulent affablement jusque sur un pull qu'il se retient d'ôter, plus par flemme que pour se préserver des courants d'air. L'éthanol lui brûle les joues, lui monte au cerveau. Il se sent bien. Vaguement pâteux, mais c'est si bon. Le murmure qui l'englobe a disparu depuis un moment, remplacé par des pensées décousues où se mêlent mises sur écoute, jeunes orphelins perdus et plans retors pour échapper à l'affligeant sérieux d'un certain blond.

Le rouquin tend la langue il lèche avidement le goulot, à la recherche de la moindre lichette qui lui aurait échappé, et avec elle la béatitude qui l'accompagne. Hélas, la bouteille est désespérément vide. Le gémissement de désarroi lui échappe avant même qu'il ait pensé à le contenir.

Il claque le flacon sur le sol, pauvre victime inconsciente de sa faute. Le son qui en résulte est cristallin, aigu, chatoyant. Dans la chape de silence de la pièce, il résonne comme un coup de tonnerre.

A s'en percer les tympans.

A dix pas de là, Mello sursaute violemment. Le fusille du regard, bien sûr. Matt estime son bond à une quinzaine de centimètres, à deux doigts de son record d'il y a un mois. Provoqué par le roux. Ses lèvres s'étirent en un sourire narquois qu'il sait vaguement provoquant.

Mello n'a pas l'air de trouver ça drôle. Mello ne trouve jamais rien de drôle, à part peut-être un regard déconfit chez ceux qu'il écrase à coups fielleux. Le tout prend parfois des tours impressionnants, comme cela a manqué de peu ce soir. Matt jurerait que la main du blond a glissé vers son flingue – l'espace d'un instant, bien sûr. Mello n'est pas du tout violent -. Mais il a retenu son geste. Dieu seul sait pourquoi. A défaut de le cribler de balles, il le fusille de son regard noir. Les deux se valent. Malheureusement, cela redouble l'hilarité que le rouquin tente de dissimuler. Dangereuse initiative. Pris d'une quinte de toux à s'en étouffer, il bascule en avant, frappe le sol pour évacuer sa joie frénétique, et s'étrangle.

Les yeux de Mello viennent de glisser jusqu'à la bouteille. Un éclair mauvais prouve qu'il a fait le rapprochement.

Il pince les lèvres, affichant l'une de ces moues désapprobatrices qu'il réserve habituellement aux moments où Matt le lâche en pleine transaction musclée pour acheter des clopes. Matt aurait presque peur, s'il n'avait pas dû tâter de cette expression au moins un millier de fois. Merci à son immunité chèrement acquise.

Le blond apprécie peu son indifférence crasse, mais c'est de sa faute. Il fronce tant les sourcils qu'ils sont à deux doigts de se rejoindre. Pauvre chou, ricane Matt. Ça va lui faire des rides.

« Tu l'as eue où ? » demande le blond d'un ton réprobateur, en désignant la bouteille vide du menton.

Matt esquisse un geste négligent de la main.

Et devinez quoi ? Mello apprécie peu. Rien d'étonnant. Il n'apprécie pas grand-chose, ces jours-ci. Faire des confettis avec la carcasse de son très cher Garret ne lui a pas suffi : il lui faudrait le monde entier à ses pieds, Matt le premier. Comme s'il n'avait pas eu le temps de se rendre compte que Matt est sa bonne pâte, prête à prendre une dizaine de coups pour lui à condition qu'il le lui demande gentiment.

Ou avec un canon sur la tempe. Mello communique beaucoup par flingues interposés. Le roux a bien essayé de lui inculquer d'autres formes de politesses, mais il n'y a rien à faire.

Boarf. Il a l'habitude.

« Alors comme ça, tu tapes dans le Lolita ? » rétorque-t-il finalement, à court de munitions.

Belle manière de détourner la conversation, se félicite-t-il avec une béatitude contenue. Peut-être un rien déplacée… mais il n'est pas à ça près.

Les sourcils de Mello se touchent. Bizarre qu'ils ne finissent pas collés ensemble, depuis tout ce temps. Ça ferait presque naturel, chez lui. Mais Mello a été gâté par la génétique. Il plisse les yeux sans comprendre (mais il n'en tire pas la moindre patte d'oie), son front se ride, sa bouche s'entrouvre tandis qu'il cherche une explication plausible à la réplique de son ami. Le bienheureux ne voit même pas où il aurait pu croiser une femelle assez jeune. Il faut dire que l'environnement n'est pas favorable.

Il fouille le moindre recoin de ses souvenirs avant de dénicher quoi que ce soit.

Les cuisines.

Sa première pensée : effectivement, ce n'est pas un homme. La seconde : on l'a vu ? Plus d'une personne, ou juste son acolyte ?

Il ne peut qu'en douter.

Il jauge Matt du regard. Celui-ci tire une bouffée sur l'une de ses insupportables cigarettes et l'observe fixement, goguenard, le tout dans la plus grande impunité. Il lui faudrait corriger ça un de ces jours. Tout est à corriger chez Matt. Il est trop agaçant. Irrévérencieux, insoumis, effronté. C'est peut-être ce qui fait son charme.

Mello soupire à grands bruits.

« Tu sais que la pédophilie est punie par la loi dans quasiment tous les Etats du monde ? » se gausse le roux en profitant de son silence.

-Ce n'est pas parce que je croise une fois un individu de l'autre sexe que je dois automatiquement me comporter comme un animal, » se défend-t-il avec plus de vivacité qu'il ne devrait.

Matt ricane grassement. Il l'observe en penchant la tête sur le côté, les yeux soudain arrondis, l'air innocent, le dos voûté, et passe une seconde un pouce sur les lèvres en prenant grand soin de mordiller l'ongle. Il a l'air étrange d'un nourrisson qu'on aurait dopé aux hormones de croissance. Et pas que.

« Une fois ? » répète-t-il avec un intérêt poli.

Mello fronce les sourcils plus encore qu'il n'est permis d'imaginer.

Le roux ne tient pas une seconde de plus. Mello le contemple avec dégoût, plié en deux à même le sol, occupé à se tenir les côtes d'une main et à frapper son poing de l'autre. Tordu en deux par son propre humour douteux. L'alcool lui donne un rire de phoque, grave et saccadé comme un hoquet qu'on aurait échoué à contenir et qui s'amplifierait sans retenue. Il ferait presque peur, à deux doigts comme il est de s'étouffer dans sa bave. Mais il se redresse, les joues rouges. Vivant.

Raté, pense Mello avec dépit. Il a manqué une bonne leçon sur les dangers de l'alcool et des moqueries gratuites.

Ses pensées retournent amèrement aux causes de ses maux, à savoir les cuisines. C'est vrai qu'il ne l'a pas croisée qu'une fois, la mioche.

La faute à qui, aussi ? Si ce prétendu ami s'occupait un tant soit peu de son triste sort, il n'aurait pas à devoir subir le goût honteusement premier prix des réserves de cette foutue planque ! Il avait intérêt à coffrer Kira, et le plus vite possible.

Mello inspecte ses ongles comme pour en déloger une poussière imaginaire. Il hésite à les enfoncer dans le visage de son compagnon, rien que pour le faire taire. L'image mentale d'un Matt au bord du martyre le calme. Un instant seulement.

« Excuse-moi de ne pas sauter sur tout ce qui bouge, » persiffle-t-il.

Matt sourit d'un air un peu stupide en tirant sur ses manches. Il a l'air ravi de prendre son ami sur le fait. A moins que ce ne soit encore la bibine qui lui étire le coin des lèvres et lui susurre ces idées déplacées. Il savoure, et plutôt deux fois qu'une. Et passe à l'attaque.

« Oh, je ne te reproche pas de sauter sur tout ce qui bouge, » insiste-t-il. « D'ailleurs, je ne te reproche rien. Je m'étonne juste un peu de tes goûts.

-Je ne vois pas de quoi tu parles, » se défend Mello.

Son ton est sec. Entre ses doigts, le crayon qu'il serre se brise et les copeaux de bois claquent sur le plan qu'il observe, celui d'un bâtiment immense aux multiples issues, et surtout, alarmes et caméras. Une cinquantaine de flèches, de zones noircies et de signes obscurs ont été ajoutés à la main, et des feuilles griffonnées jonchent les alentours. Le blond s'y plonge, prenant parti d'ignorer le gêneur.

« Pourtant, tu le voyais bien, il n'y a pas une minute » glisse la voix râpeuse du rouquin.

Mello froisse une feuille dans son poing. Matt commence à devenir particulièrement saoulant –c'est le cas de le dire-. Surtout qu'il a du travail, lui. Pas facile de se concentrer avec une telle nuisance sonore à portée d'oreilles. Une nuisance consciente de l'être, qui plus est. Et qui s'en amuse.

Un jour, il lui trouera la peau.

« Tu pourrais me foutre la paix cinq minutes ? » gronde-t-il. « Je ne suis pas en train de bâiller aux corneilles, moi. »

Il rature d'un geste nerveux ses dernières phrases, en griffonne une dizaine d'autres et prend du recul. C'est minable. Lamentable. Nullissime. Il jette contre le mur le plus proche ce qui n'est plus qu'une malheureuse balle de papier froissé qui vient rejoindre une pile déjà conséquente.

Au diable son rouquin de voisin. Il l'a déjà oublié.

Bien conscient de cela, Matt l'observe avec intérêt. Son esprit est de plus en plus clair, et c'en est déjà trop. Il regrette vaguement de ne pas avoir pris plus de temps avec la gougoutte. D'autres idées bien moins réjouissantes l'appellent. Sa tête lui pèse, ses paupières retombent, ses membres s'engourdissent chaque minute davantage. Il est crevé. Mais il n'a aucune chance de s'endormir. Pas tant que l'autre reste là, avec ses gémissements de rage et son crayon qui crisse sur le grain du papier.

Il soupire intérieurement, conscient qu'il va devoir se lever s'il veut lui botter le cul. Il s'étire langoureusement, orteil après orteil, avant de délier ses bras et d'arquer le dos. Un œil toujours posé sur Mello, qui prend grand soin de l'ignorer. Puis il se campe sur ses pieds. Il traverse la salle et se penche au-dessus du blond.

Le plan est plus grand qu'il ne le pensait. Mais un vague regard confirme ce qu'il soupçonnait déjà : Mello fait de l'acharnement.

« Ce truc est déjà parfait, » fait-il remarquer en défroissant le dernier brouillon que le blond a jeté.

-Je ne t'ai rien demandé.

-Arrête-toi cinq minutes.

-Dégage. »

Matt soupire. Deux yeux d'orage le tiennent en joue.

« Je voudrais juste dormir, » plaide-t-il sans trop d'espoir.

Sa voix transpire la lassitude. Mello feint de n'avoir rien entendu. Pas de doute qu'il s'en fout, et royalement. Sa posture crie qu'il ne voit pas en quoi il dérange, qu'il y a des lits dehors. Qu'importe que celui de Matt soit précisément dans la pièce. Le boulot du blond importera toujours plus.

« Mellowww… » gémit le pauvre rouquin.

-Cesse de prendre cette voix traînante ou je fais de la confiture avec ta cervelle !

-Seulement si tu m'avoues que tu te fais la gosse. »

Rire gras du rouquin. Il subtilise un stylo aux mains pâlichonnes, le tient à distance, replié en relative sécurité à l'autre bout de l'amas de papier. Esquisse son plus beau sourire de défi. Jauge avec attention son compagnon de fortune.

Le regard de son mafieux préféré est celui d'un tueur. Mauvais, il glisse jusqu'à son flingue. Le venin lui brûle la langue.

« Est-ce que tu veux vraiment qu'on parle de qui tu te fais ? » rétorque-t-il fielleusement.

Coup bas.

Matt sifflote et tourne la tête. En oublie le crayon qui tournoie au bout de ses doigts.

Une phrase tourne et se retourne dans sa tête, sourde douleur diffuse qui s'immisce entre les pensées les plus inopportunes et les moins vêtues, les carrés de peau blanche et dorée, la souplesse d'une chevelure d'or.

« L'amour, ça sert à rien. »

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Il la regarde hacher la viande à une vitesse étourdissante. L'énorme couteau s'abat dans un tic-tac régulier, méthodique, qui lui rappelle sans la moindre finesse qu'elle pourrait tout aussi bien lui trancher un poignet sans perdre de son aisance. La lame est énorme. Plus grosse que la main pâlichonne de la gamine, plus longue que son avant-bras, plus lourde que l'ensemble des armes qui reposent à sa ceinture. Elle s'échine à l'élever et l'abaisser encore et encore, infatigable, mécanique bien huilée par les ans. Un sang rosé suinte sur la planche de chêne striée par l'usage et ruisselle dans les petits canaux creusés sur son contour. Le morceau était déjà presque exsangue.

Elle le décolle du plan de travail d'un geste aérien et le jette dans ce qui ressemble de près ou de loin à une marmite. La viande grésille au contact du fond, libérant son odeur ferreuse. Mais le petit bout de fée a déjà disparu. Elle revient, les bras chargés d'herbes et d'épices qu'elle prélève et envoie pêle-mêle rejoindre le reste de la préparation. Pour une rare fois dans sa vie, Mello doit admettre qu'il n'y connait rien. Ce n'est pas comme si maîtriser la botanique ou l'art de la cuisson lui auraient été d'une quelconque utilité à la Wammy's House.

L'odeur est délicieuse. Elle trempe une cuillère méfiante dans le mélange, craignant les sursauts de l'huile, et prélève un fond de sauce qu'elle goûte. Le blond la soupçonne vaguement de s'y complaire et de satisfaire son ventre braillard, mais il ne dit rien. L'ai ravie, elle envoie voler la cuillère dans un évier mousseux.

Le chef a encore déserté. Et ça, elle adore.

Mello a une furieuse envie de goûter, lui aussi. Il abandonne son chocolat derrière lui et inspecte la marmite avec un intérêt curieux. Doucement, il approche son doigt, avant de craindre une brûlure. Quelques bulles de mauvais augure explosent à la surface du mélange. Il jette un coup d'œil aux louches trop lointaines –la flemme- et son regard tombe finalement sur la gosse. Ni une ni deux, il l'attrape et lui piège le bras. Elle hurle et se débat, griffe, mord… Il lui plonge la main dans la sauce.

Elle le regarde comme s'il était taré. Mais au moins, elle s'est calmée.

Brave bête.

Il lui bloque le poignet et s'accroupit à sa hauteur. Il lui tapote le crâne comme à un chien obéissant, conscient qu'elle louche sur son flingue en pesant le pour et le contre d'une fuite avec violences. Il approche sa bouche –elle repère le couteau à viande- et lui lèche les doigts. Oui, en fait, c'est plutôt bon, cette sauce.

Il retourne la phrase dans sa tête –la gamine s'est rétractée à l'autre bout de la pièce- et soudain, il pense aux sous-entendus de Matt. Il hoquète brusquement, se redresse d'un bond et balaie les environs du regard.

Craignant de déranger, le chef cuisinier referme doucement la porte…

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« Hey, Tina !

-Valentina ! »

Les cris fusent, répétés en écho de toute part de la pièce aux allures de caverne. Les quarante voleurs de la légende sont affalés au sol, une ou deux filles aux bras. Noyés par l'artifice des grésillements d'ampoules dévissées, ils s'avachissent sans complexe entre les tables, canapés et autres meubles renversés qui projettent leurs ombres vacillantes sur des visages coupés à la serpe par un barbier manchot. Une irritante fumée flotte au-dessus du sol, mêlée de parfums de coke, de cannabis ou d'héroïne.

Elle slalome entre des corps qu'elle distingue à peine. Elle enjambe un homme ivre mort, manque de glisser dans une flaque d'un liquide non identifié, se saisit d'une bouteille à l'équilibre précaire qu'elle repose un peu plus loin, sur le buffet qui sert de bar. Elle virevolte, insaisissable, en évitant les gestes saccadés des occupants.

« Hé, Tina ! Tu veux dix dollars ? Va dire à Rodd qu'c'est une tafiole ! »

La gosse met un point d'honneur à l'ignorer. Elle contourne le gars, croisant à l'occasion le regard d'une créature blondasse et dénudée qui masque aussitôt son visage derrière l'excité qui l'empoigne sans ménagement. Elle ne comprend rien à leurs occupations barbares.

D'un pas vif qui lui donne l'impression de voler au-dessus de tout ça, elle contourne un dernier couple et franchit le seuil de la porte.

« Non, non, Tina, mon cœur, » crie un autre. « Ressers-moi plutôt. »

Elle fait volte-face. Une seconde, une bouteille prise au hasard, une autre encore, un verre qui déborde presque de son alcool aux forts relents qui lui montent à la tête. Le verre tinte, les gros doigts calleux s'y enroulent, le liquide oscille. Et la voilà hors de portée.

Une main se referme sur le vide.

La gamine est comme une brise éthérée. Elle sautille, légère et inconsistante, elle volète entre les silhouettes dangereusement égarées, elle file comme le vent. Elle a ce petit quelque chose d'intouchable qui la distingue des autres comme une comète au beau milieu de la nuit. Elle est une étincelle jaillissant de braises qui s'éteignent. Ephémère, et enviée sans le savoir.

Elle brille.

Elle fuse.

Elle est différente.

Son secret est pourtant simple. L'enfance. Un brin de jeunesse et de nostalgie que lui envient sans le savoir les brigands à l'âme corrompue. Son innocence déjà bien entravée la rend lumineuse comme un joyau de taille, mais elle-même y est aveugle.

« Hey, Valentina ! » riquenasse un gaillard tanné par le soleil. « Roule une pelle à Neylon de ma part ! »

Elle grimace. A chaque fois qu'elle se rapproche de l'un d'eux, on l'interpelle. Ce qui lui permet de repérer ceux qui sont encore assez conscients ou pas assez occupés pour s'apercevoir de la présence de leur petit joujou. Elle n'est pas capable de comprendre ce qui les fait rire. Elle sait à peine ce que signifie rouler une pelle. Elle ne les voit que comme ceux qui lui ouvrent les portes des cuisines et, peut-être un jour, de son rêve.

Elle en heurte un par accident. Rien de grave. Celui-là est complètement imbibé et murmure des borborygmes pâteux en macérant dans son vomi. L'autre à côté, qu'elle évite, est lancé dans un trip dont elle ne préfère rien savoir. Et…

La porte claque violemment.

Bruit d'enfer.

Elle en voit au moins deux qui portent les mains à leurs oreilles et gémissent des imprécations inintelligibles. Cinq qui sursautent. Un qui observe le phénomène avec un regard blanc. La trentaine d'autres n'ont pas bougé d'un poil. C'est drôle, comme une vengeance inattendue. Elle ne sait pas sur quoi.

« Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ?! » éructe l'arrivant, sur le seuil de la porte.

Elle remarque qu'il ne peut pas tomber plus juste.

Ça la fait sourire. Personne n'interrompt jamais tout ça à moins de s'y joindre à son tour. L'arrivant doit avoir un certain cran. Elle tourne la tête vers lui.

Et le fixe d'un œil soudain méfiant.

Mello toise le tas de mélasse que sont devenus ses hommes avec un mépris teinté de désapprobation. L'odeur âcre de leur virilité lui fait froncer le nez, celle des stupéfiants renforce son dégoût, et l'image générale manque de le faire crier au sabotage ennemi. Sauteries spécial Rodd, ou comment maintenir sous sa coupe des montages de muscles dénuées de cervelle. Du pain et des jeux. De la chair et des stups. Des neurones en bouillie.

Pitoyable.

La gosse revient à elle-même. Elle évite adroitement une main tendue au niveau de ses chevilles, enjambe un corps ronflant et glisse vers la porte du fond. Vers l'autre extrémité de la pièce, loin, très loin de la furie aux manières imprévisibles.

« Qu'est-ce que vous foutez, bande d'attardés ? » gueule le trouble-fête, poings sur les hanches.

Elle sursaute. Tremblote en le voyant dégainer son revolver. Accélère son pas de souris. Gémit.

Il l'a vue.

Deux enjambées et il la saisit par les poignets, elle qui a fait tant d'efforts pour montrer aux paquets de viande ici présents qu'on ne pouvait pas la toucher. Il la soulève. Elle se débat, elle laisse échapper un braillement puéril mais il ne daigne pas desserrer sa poigne de fer. Alors elle le mord. Elle enfonce ses quenottes de toutes ses forces dans la peau blanche, comme si sa vie en dépendait, jusqu'à sentir le goût ferreux rehaussé de sel du sang.

Le blond laisse échapper un grognement de douleur. Il secoue le bras en jurant avec un air de démon, mais elle tient bon, décidée à ne pas lâcher la première. Et c'est comme si ses dents lui étaient arrachées toutes en même temps. Dans un horrible bruit de succion, il se libère.

Et la bâillonne au plus vite.

« Non mais qu'est-ce que tu fais là, toi aussi, au milieu de cette bande de sauvages ?! » tempête-t-il comme si elle ne venait pas d'essayer de le bouffer.

Elle ne lui fait pas remarquer qu'il s'agit de son job, ni qu'elle n'a aucun besoin de son attention et encore moins que le plus sauvage et dangereux de tous, c'est lui, et qu'il vient d'en donner la preuve en public. Déjà, parce qu'elle préfèrerait courir que parlementer. Et ensuite, parce qu'elle est bâillonnée. Pas très pratique pour donner son avis, qu'on ne demande pas, au passage.

Ce genre de détail pourrait être pris en compte quand on pose une question.

Ah, mais bien sûr. Rhétorique.

Le blond l'emporte à bout de bras, traverse la salle sous les regards bovins de ceux qui se demandent la nature du rapport que le roquet entretient avec l'italienne et la trimballe hors de la pièce jusque dans un couloir non éclairé. Il la lâche –elle est à bout de souffle à force de se débattre- et redessine avec dépit les traces de griffure qu'elle a laissé sur sa jolie peau laiteuse le temps de son 'transport'. A voir son air grognon, il semble regretter ce qu'il a cru être un acte de charité.

« Ces types ne représentent pas une fréquentation correcte pour des filles de ton âge, » lui fait-il vertement remarquer.

Quelle belle leçon.

Encore heureux qu'elle en soit consciente. Non mais c'est vrai, peut-être que mettre les pieds dans la mafia, c'était partir sur de bonnes bases ?

Mais, une fois de plus, elle la boucle. Actuellement parce que le blond fouille dans sa poche pour briser une barre à sa tablette de chocolat et la lui tendre. Elle fait la moue et tourne la tête avec dédain, comprenant qu'il la prend définitivement pour une gosse de cinq ans sans défense. Il hausse les épaules.

« Très bien, » fait-il, avant de l'approcher de sa propre bouche.

En un éclair, elle chaparde la friandise et la fourre au fond de son gosier d'un geste vif. On ne résiste pas comme ça à l'appel du ventre. Surtout que l'arôme dégagé par les bris bruns ne pourrait laisser personne indifférent.

Les yeux sombres du mafieux pétillent. Sa réaction l'amuse ? Très bien, elle s'en fiche, si cela lui ouvre les portes vers la suite des opérations. Elle louche déjà sur la suite avec un air plus qu'insistant. Que voulez-vous. C'est l'habitude qui revient au galop.

Le chocolat lui macule les lèvres de traces sombres que la lumière rare fait sembler tranchantes. Il y en a assez pour que les stries de ses gerçures se rejoignent, alors même que celles-ci ont l'air profondes comme des crevasses sur un glacier. Elle passe avidement la langue sur la pâte douce-amère.

Nouveau signal. Le mafieux porte une main à ses poches. Il fait voler une nouvelle barrette qu'elle saisit habilement, regrettant vaguement qu'il la lui jette comme à un chien. Mais la récompense est assez succulente pour qu'elle ne se froisse pas. Le blond s'accroupit alors à sa hauteur –c'est parfois prodigieusement agaçant- et lui tapote la tête. Elle esquive, mutine. Ravie de lui glisser entre les doigts. Elle se dresse à côté de lui sur la pointe des pieds. Puis elle pose ses lèvres contre sa joue et l'effleure comme une caresse.

« Z'aviez du chocolat sur la joue, » explique-t-elle, espiègle. « P'r engueuler quelqu'un, ça fait pas sérieux. »

Puis elle s'enfuit à toutes jambes, le laissant planté là.

Il n'a pas l'air con.

Xxx

CONCLUSION

xxX

Elle l'a planté. Ça y est.

Ne ricane pas trop, il va t'entendre.

Oh le petit bout de femme. Il savait qu'il avait raison de parier là-dessus. Les plus minuscules sont les plus coriaces. Et elle l'a fait : pas une phrase, et l'imbécile teigneux a fermé son grand bec autoritariste. Si c'est pas beau, tout ça. Se moquer ainsi du blond.

Et sans représailles, en plus.

Bon, il l'a peut-être un peu aidée. Mais non. Elle l'a trouvée toute seule, celle-là.

Dupé à son propre jeu.

Une porte entrebâillée se referme dans l'ombre. Pas le moindre grincement les gonds bruissent à peine. Léger cliquetis. La poignée remonte, et, derrière la fente opportune, l'œil intrus disparait parmi les ténèbres.

Ça y est, jubile Matt. Elle l'a ferré.

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THE END.

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Lecteurs fantômes… reviewez svp !

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NOTE D'AUTEUR :

Comme promis, la voilà. Le patatoïde de la dispersion est à l'œuvre. Fuyez, mesdames et messieurs, fuyez… à moins que vous n'ayez des questions sur la merveilleuse histoire de Valentina. *Se jette des fleurs et évite les tomates…*

Si ça vous ennuie, juste après, il y a les remerciements. Zappez allègrement.

Je vais donc commencer par le titre. On m'a demandé dès le premier chapitre si la mioche se nommait Colombe ou Valentina. Beaucoup d'entre vous ont supposé, à juste titre, que son prénom était Valentina. Il se trouve que non. Ce n'est ni Colombe, ni Cendrillon, ni Valentine, ni Valentina. Le titre de chaque chapitre est en fait un prénom féminin qui doit symboliser la vision qu'on y a de la petite : Colombe comme une pauvresse et future chair à pâté, Cendrillon comme une princesse en haillons, bonne à tout faire et mise aux fourneaux, et Valentine comme une petite séductrice, car c'est dans cet OS qu'elle achève d'apprivoiser Mello.

La vérité, c'est qu'elle n'a pas de nom. Mes chers lecteurs, je suis sûre que parmi vous se cachent des écrivains en herbe. Vous avez sûrement constaté que les personnages que vous créez sont des connards ingrats qui n'en font qu'à leur tête. Ils ont un nom bien à eux, refusent de vous le donner, et ne se laissent pas faire si vous ne trouvez pas l'exact fichu groupe de lettres et que vous décidez d'en mettre un autre au hasard. La mioche est faite dans le même bois. Dans ma tête, je l'appelle Valentina, mais à chaque fois que je fais ça, elle essaye de me tuer du regard. C'est très agréable, d'être maltraité par ses personnages.

Ah oui, mais vous me direz, les mafieux l'appellent Valentina, eux. Donc ils doivent avoir raison, non ?

Je suis bien triste de vous décevoir. Minus numéro un n'est pas du genre à se livrer. Presque muette, hein. La preuve, qu'est-ce que vous savez d'elle ? En comparaison, on en sait plus sur Matt qui pourtant est sorti de la tête de son dessinateur presque aussi vite qu'il y est entré. La gosse n'a pas livré tous ses secrets, et c'est fait exprès, parce qu'on est là pour Mello.

Je ne sais pas si je la réutiliserai, mais il est fort possible qu'elle réapparaisse dans quelques micro-séquences du futur Primum non nocere. Le contraire aussi, remarquez.

Et un coup de pub, un !

Ah oui, je devais finir sur le prénom de la gamine. La vérité, c'est que je ne l'ai toujours pas trouvé. Au désespoir, et comme je me suis rendue compte qu'il était possible de ne pas l'écrire, j'ai décidé d'arrêter de chercher. Alors pourquoi les mafieux l'appellent Valentina ? Parce qu'ils sont comme vous. Ils ont besoin de mettre un nom sur les choses ou les personnes qui les entourent. Et Valentina est le prénom le plus cliché que j'aie trouvé et qui puisse correspondre le mieux à la manière de penser des mafieux. Je… je l'ai sorti d'une pub pour une quelconque huile d'olive… (et avec ça, on est fière, hein !)

Merci beaucoup à Zen. Tu m'as donné une sacré idée de fic pour le futur. Dépeindre un autre personnage en utilisant non pas un seul OC, mais plusieurs, un par chapitre, ça pourrait bien marcher. Enfin, vu la tonne de projets que j'ai déjà sur le dos, je ne vais pas trop abuser, non plus…

L'instant pub n°2 : ceux qui ne connaissent pas encore Mauguine sont invités à éviter de rater leur vie en se renseignant sur son compte. Cette auteure est superbe, magnifique, fabuleuse ! …

…c'était un cri du cœur.

Place à un nouveau sujet. La bouffe.

Comme certains l'auront peut-être déjà remarqué, je parle très souvent de nourriture dans mes histoires. C'est tout à fait moi. Toute l'histoire y est consacrée, d'ailleurs… je vais creuser un trou bien profond pour m'y planquer et je ressors. Le rire bien nerveux, après la diatribe sur le chocolat…

Sur Mello. Mon prof d'addictologie est formel : l'addiction au chocolat n'existe pas. Après une suggestion, j'ai vérifié autre chose. Mello est en fait accro à la nourriture. Et comme il aime le chocolat, c'est tout naturellement vers lui, sa signature, qu'il s'est tourné. Et vous connaissez l'une des raisons qui peut déclencher ce type d'addiction ? Le complexe d'infériorité. Souvent aggravé par un manque affectif. Je crois bien qu'on a tout Mello, là, qui reporte ses sentiments sur son cacao chéri, plus chéri que Matt, plus chéri que la bataille contre Kira. Ça s'applique aussi aux autres orphelins et à leurs jouets favoris.

J'ai un peu de mal à décrire les goûts et les odeurs, alors pour le tout début, quand Mello mord dans son chocolat, j'ai fait un peu comme si je décrivais un vin. A ce qu'il paraît, ça marche pareil. Toujours dans le premier chapitre, il y a aussi un parallèle d'addictions entre Mello et les autres. Ensuite… la fille est bien italienne et pas hispanique. J'ai cru que je ne réussirais pas à expliquer le cheminement de pensée de Mello. J'adore Garrett. C'est comme ça, c'est l'un de mes innombrables bébés. Oh le bordel mal rangé.

Cendrillon. Ah, le début… c'était la première fois que j'écrivais sur Matt, vous comprenez ? Un régal. J'avais l'impression de le voir, lui et le soleil orangé pour baigner le sol, les clôtures et les parpaings irradiés de la clarté rasante de la journée. Quand je parlais dans la tête de l'OC, aussi, c'était étonnamment simple. Elle n'est pas très intelligente. Pas très brave. Juste inconsciente, méfiante et irréfléchie tout à la fois. Elle a une fierté malgré ses guenilles. L'histoire de Che aussi était une petite graine de folie passagère. Sinon, la fin du chapitre pue le romantisme à en vomir et c'est bien dommage, mais je n'ai pas pu m'en débarrasser.

Le dernier, Valentine, est pour moi un raté, mais bon. C'est un final. J'ai eu trop de mal à jongler entre les têtes de Matt et Mello au début, et avec le style narratif. J'ai même dû redémarrer de zéro parce que ça n'allait pas là où je voulais, ce que je fais très rarement parce que je déteste ça. Je n'ai pas réfléchi en faisant que Val cuisine encore de la viande, même si c'est ma partie la mieux réussie (végétariens, retenez vos coups !).

La scène avec les mafieux aussi ne rend pas bien. Ça m'énerve. Je n'arrive pas à réécrire. Comment faire pour rentrer dans le petit crâne de Matt, par la suite ?

Pour finir. Ma conception de Mello.

Elle se résume à peu. Mello est asexué. Toutes mes excuses, mesdemoiselles. Il est trop obsédé par l'idée de vaincre pour se préoccuper de sa vie sentimentale ou sexuelle. Il n'y a rien entre lui et qui que ce soit, au moins dans sa tête de pioche. Ensuite, il ne supporte pas de perdre et se considère comme supérieur. Enfin, il ne s'est jamais préoccupé d'exprimer son affection. Mello est brut de décoffrage. Point. Il y a peut-être d'autres détails mais voilà les grandes lignes.

L'ai-je bien illustré ?

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REMERCIEMENTS :

C'est la première fois que j'angoisse autant pour une histoire publiée sur ffnet. L'accueil sur le fandom de DN n'est pas folichon, j'en étais consciente avant de démarrer, aussi suis-je ravie de ne pas avoir babillé dans le vide. Un grand merci à tous ceux qui ont pris le temps de me lire jusqu'au bout, qui ont jugé bon un follow ou un favorite. Des remerciements encore plus immenses pour mes reviewers, qui sont des perles, des merveilles, d'un côté parce que la review est un salaire dont l'auteur ne sait même plus s'il doit l'attendre, et que plus encore, c'est une décharge de bonheur à l'état pur. C'est un peu la preuve que quelqu'un lit réellement…

Merci à Vilbbes, pour la première review et pour le Matt x Sayu. Lecteurs, passez sur le W project, il ne vous en sera fait que le plus grand bien.

Merci à calyspo pour ta review détaillée, très S (xD) qui a eu le don de me rassurer et de me confirmer que j'ai réussi ce que j'entreprenais avec Colombe. Merci également pour le follow. Lecteurs, passez sur sa fic et embrassez le chien de Misa, il est trop chou ! Ah, et tapez sur L. Méchant L. (Et vive la pub !)

Merci (pour la 3e fois XD) à Zen pour tes reviews. J'espère que ma réponse est assez claire et qu'elle te satisfait. Je veux vraiment avoir l'adresse de ton compte ! On pourrait papoter… je ne sais pas… quelque chose ! Je suis super contente que tu apprécies Valentina-mon-bébé-d'amouuuur….

Merci à Mad J-J pour ton follow et ton chaleureux PM qui m'a sauvée la vie alors que j'étais au bord de la dépression. Vraiment.

Merci à Melusine78 pour ta mise en favoris.

Merci à PinkyDuck pour ton follow.

Merci à Luce, bien sûr. Mais si je te remercie à chaque fois que j'écris quelque chose, tu vas finir par te lasser, non ?

A tous les lecteurs fantômes, il vous reste une dernière chance de me dire si vous avez aimé ou si je suis une pauvre merde qui ne devrait même pas écrire. Ou si je devrais faire plus gaffe quand je crée un OC. Ou si c'était trop long. Ou trop court. Ou si vous avez envie de raconter votre vie. Si par exemple vous aussi vous avez de grands handicaps dans la vie comme… euh… la peur du Mello ? Je vous écoute. J'aime les reviews. J'aime les reviewers. Je vous aime.

(Vous avez vu ? Un Mello domestiqué ! A votre avis, ça se tient en laisse ? …)

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J'espère vous retrouver sur mes prochaines et hypothétiques histoires. Même si vous ne laissez pas de reviews.

(Sniff. *Yeux de chien battu.* Oui, je suis accro...)

A plus !

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NB : il faut que j'écrive une scène avec ma choute qui cherche le mot 'puceau' dans un dico. Vraiment. Je la vois déjà, HIHI !