Pairing _ Drago Malefoy / Hermione Granger à la base ; mais maintenant…

Genre _ Romance. Romance. Romance. Et famille évidemment, parce qu'allez demander à Drago de rester calme quand ses enfants vivent des histoires d'amour, vous ! u_u' C'est pas hyper facile ! Il se mêle de tout ! Ralala...

Rating _ Légèrement M… Même si ça reste soft ! :-)

Note de moi _ … Bonne lecture -Oui, oui on se retrouve direct en bas, j'y blablate ! :P


Point d'Orgue


Anaïa Potter + Cameron Potter


Dans la pénombre de leur chambre à coucher, Cameron suivait du bout des lèvres une route de baisers qu'il connaissait par cœur. Elle partait du genou de son épouse, torsadait entre ses cuisses sans atteindre la terre promise, glissait contre sa hanche, virevoltait contre ses cotes, bourgeonnait sur sa poitrine, trébuchait sur sa nuque… et stoppait contre ses lèvres entrouvertes. Il souriait en atteignant son but, amusé par le souffle court d'Anaïa qui enroulait ses bras autour de lui comme pour l'empêcher de partir. L'idée ne lui aurait pas traversé l'esprit une seule seconde.

Ou du moins, il n'avait pas eu la moindre raison de lui échapper avant d'entendre un hurlement strident à l'autre bout de leur maison. Anaïa ouvrit grands les yeux et –comme par l'effet d'un sort- fit disparaître la femme pour redevenir la mère. Cameron se laissa tomber sur le matelas à côté d'elle en ronchonnant et elle déposa un rapide baiser sur ses lèvres avant de s'extirper du lit.

« Ca fait plus d'une heure que t'es là-dedans espèce de Scroutt-à-Pétard ! entendit-il crier, si fort que tous leurs voisins devaient commencer à les maudire. C'est ma salle de bain aussi, tu te souviens !?

- C'est moi que tu traites de Scroutt-à-Pétard, espèce de sale Bandimon !?

- Arrêtez de vous disputer ! » intervint soudain une petite voix plus proche.

Anaïa poussa un soupir en enfilant quelques vêtements et il s'efforça à faire de même, alors que l'idée de rester au lit pour trainasser le tentait tant. En se glissant dans un jean, il marmonna à l'adresse d'une Ana étrangement sombre.

« Et dire qu'on en voulait au moins cinq… »

Cinq enfants. C'était leur souhait commun, juste avant leur mariage. Cela ne leur semblait ni trop, ni pas assez. Un chiffre parfait, presque logique. Ils étaient trois chez lui, elle avait trois frères et sœurs, et ils n'avaient jamais éprouvé la sensation de « trop ». Et pour leurs parents, cela semblait si facile. Puis…

« On en a eu deux d'un coup et ça nous a guérit de cette idée insensée ! sourit Anaïa en écoutant d'une oreille la dispute qui s'envenimait –leurs filles adolescentes possédaient un don certain pour inventer des insultes surréalistes. Est-ce que ça fait de moi une cinglée si je te dis que je regrette cette époque ?

- Tu parles bien de ces mois interminables où nous ne dormions plus, avions à peine le temps de manger puisque dès que l'une d'elle s'arrêtait de pleurer, l'autre prenait le relais, et où nous baignions littéralement dans les couches sales ? C'est bien cette époque là dont tu es nostalgique ?! »

Elle hocha la tête et il essaya tant bien que mal de ne pas exploser de rire. Merlin, les femmes étaient donc bel et bien folles à lier ! S'il avait trouvé un moyen de les renvoyer à ce moment, seize ans auparavant, elle aurait probablement fait une dépression nerveuse. Ils avaient alors à peine vingt-quatre ans, s'étaient imaginés que tout serait extraordinairement facile et s'étaient retrouvés avec deux bébés pour le prix d'un seul. Deux filles qui –même leurs parents l'avaient admis- étaient bien décidées à obtenir le Prix du Pire Bébé. En grandissant, elles n'avaient d'ailleurs pas changé d'un poil !

Hazel et Phoebe avaient la relation la plus fusionnelle qui soit environ 99% du temps. Puis, sans que quiconque ait pu prévoir ce qui déclenchait la colère de l'une d'entre elle… Le monde explosait. Après un été à partager la même chambre alors qu'elles vivaient séparément à Poudlard, elles semblaient ne plus se supporter.

Et entre elles, Jaimie tâchait désespérément de jouer les médiateurs, sans comprendre qu'elles agissaient ainsi de temps à autres pour évacuer la pression qui s'accumulait dès que l'une d'elle faisait une petite bêtise.

Non, elles ne se chamaillaient pas quand l'une d'elles critiquait ouvertement l'autre, ni même quand leur avis divergeait sur un point fondamental de leur vie –qui était le plus mignon des joueurs de l'équipe de Quidditch de leur oncle Logan par exemple. Elles ne s'étaient pas non plus disputées lorsque Phoebe avait embrassé l'amoureux d'Hazel parce que, malgré leurs goûts bien distincts, elles craquaient toujours sur les mêmes garçons. Elles préféraient déclencher de petites guerres quand l'une d'elle trainait trop dans la salle de bain, finissait le parfum de l'autre ou lui empruntait des vêtements sans lui demander avant. Pure logique féminine, apparemment.

« On devrait intervenir avant le bain de sang, grimaça finalement Anaïa après un « Je vais t'arracher les yeux ! » des plus imagés.

- Jaimie se jetterait dans la mêlée… »

Cinq ans après la naissance des filles, ils s'étaient soudain rendus compte que leur projet de vie « Cinq enfants et une maison loin de la ville » était loin d'avoir abouti. Ils vivaient alors toujours dans un petit appartement qu'ils louaient depuis la naissance des jumelles et s'étaient mis à chercher une maison –cela leur semblait curieusement plus évident que de faire un autre enfant. Certes, Hazel et Phoebe avaient bien grandi et ne les rendaient plus fous depuis un moment, mais ils venaient juste de retrouver leur intimité et n'avaient aucune intention de la perdre.

Mais Jaimie, qui ne faisait rien comme tout le monde, avait décidé de pointer le bout de son petit nez tout rond malgré tout. Et comme pour se faire pardonner, il s'était dévoilé être le plus adorable des bébés. En riant, Ana admettait constamment qu'elle aurait pu l'oublier en quittant l'appartement tant il se faisait tout petit. Il n'avait pas changé le moins du monde depuis lors. Jaimie était toujours ce garçonnet silencieux au sourire facile et communicatif, ce gamin un peu pataud qui racontait des blagues au beau milieu des chamailleries entre sœurs afin de désamorcer la situation. Sauf que désormais, il n'était plus tout à fait un gamin…

Cameron interpréta tout à coup la mine triste d'Ana et ses remarques nostalgiques sur la naissance des filles. Il s'en voulut un peu de ne pas y avoir pensé avant. Quel piètre époux il faisait ! Après avoir enfilé un t-shirt pour cacher son torse nu, il s'avança donc vers sa femme, lui bloquant l'accès à la sortie. Il glissa un doigt sous son menton et l'obligea à affronter son regard. Il n'éprouva aucune surprise en trouvant ses yeux légèrement humides, juste ce bête coup au cœur qu'il ressentait toujours lorsqu'elle pleurait devant lui, cette culpabilité mêlée d'appréhension à l'idée de ne pas avoir réussi à chasser sa peine avant qu'elle ne l'atteigne.

« Jaimie rentre à Poudlard dans deux semaines… »


Anaïa aurait voulu pouvoir contenir les larmes traitresses qui coulaient sur ses joues. D'abord parce que pleurer pour ça lui semblait ridicule –elle ne pouvait rien changer à la situation, après tout ! Mais aussi parce que lire la détresse dans le regard de son mari la rendait toujours malade. Elle se sentit presque responsable de craquer ainsi, vainement, alors qu'il l'attirait contre son torse pour la réconforter. Il caressa doucement ses cheveux et elle regretta de ne pouvoir retourner au lit et reprendre les choses où elles s'étaient arrêtées. Ca n'aurait rien changé aux raisons de sa peine, mais ça l'aurait distraite pour un long moment.

« Ana, ça va aller… Tout va bien se passer. »

Elle acquiesça maladroitement, callée contre son torse, ses sanglots enflant dans sa gorge alors qu'elle imaginait –une fois de plus- à quel point tout changerait bientôt. Elle avait évidemment ressenti la même chose lorsque ses filles étaient montées dans le Poudlard Express pour la première fois. Elle se souvenait encore de s'être enfermée dans la salle de bain et d'y avoir pleuré une heure au moins en rentrant de King's Cross. Mais à l'époque, elle avait encore Jaimie. Son petit James avait besoin d'elle.

« Il se fera des tas d'amis, comme toujours, chuchota Cameron contre son oreille. Et Jaden sera dans la même année que lui, tu te souviens ? Il ne sera pas tout seul ! »

Jaden Zabini, le fils d'Anthony et Luce, n'avait que quelques mois de plus de Jaimie, et entrerait en effet à Poudlard cette année là, lui aussi. Anaïa aurait voulu rappeler à Cam que jamais les deux garçons n'entreraient dans la même maison –Jay était aussi impulsif et chaleureux que Jaimie était doux et pondéré- mais au lieu de ça, elle bredouilla :

« Ce n'est pas pour lui que je m'inquiète ! C'est pour nous ! »

Cam la repoussa aussi vivement que si elle l'avait giflé et un éclat d'angoisse pure marqua les traits de son visage alors qu'il la contemplait, la mâchoire serrée. Il siffla un « Pour nous ? » entre ses dents, ses doigts se crispant tels des serres dans ses épaules, et elle s'empressa d'expliquer, redoutant sa peine autant que sa colère :

« On n'a pas été seuls depuis… Plus de seize ans, Cameron ! Seize ans, t'imagines ?! Et si… Et si on ne se savait même plus comment faire. Je sais que les enfants seront toujours là pour les vacances, mais… Je n'arrive même pas à me souvenir de comment c'était d'être juste nous deux. J'ai juste un peu peur. Ça ne t'angoisse pas, toi ? »

L'espace d'un instant, elle crut qu'il allait lui dire qu'elle était totalement folle puis une lueur malicieuse anima son regard et un petit sourire courba ses lèvres, lui rendant le Cameron qu'elle aimait déjà à un âge où cela ne lui était pas permis. Il laissa remonter ses mains jusqu'à tenir son menton au creux de ses paumes et se baissa légèrement pour mettre son visage à la hauteur du sien. Puis, d'une voix singulièrement envoutante, il susurra :

« Non… Je ne m'angoisse pas du tout. Et je me souviens très bien de cette époque, tu sais ? Tu veux que je te rafraichisse un peu la mémoire ? »

Elle ne put retenir un sourire et acquiesça, son cœur se mettant à battre à tout rompre dans sa poitrine alors qu'il se penchait pour déposer un baiser au coin de sa bouche.

« On se déshabillait juste en passant le seuil de la maison…

- Vraiment ?

- Uhm uhm, confirma-t-il en laissant courir ses lèvres le long de sa mâchoire. Et on restait nus. Tout. Le. Temps.

- Nous étions donc nudistes ? pouffa-t-elle avant de gémir lorsqu'il saisit son lobe entre ses dents.

- Oh que oui ! C'était plus facile, comme ça.

- Plus facile pour… ?

- Faire l'amour nos trois fois réglementaires par jour, voyons ! Tu ne fais aucun effort pour t'en rappeler, ma parole ! Concentre-toi sur ma voix, d'accord ? »

Elle ne riposta pas lorsqu'il la poussa doucement jusqu'à lui faire heurter le lit. La main calée dans son dos, il l'allongea tendrement avant de la suivre, ses lèvres cajolant toujours sa peau alors que ses doigts se mettaient à fureter.

« Nous faisions l'amour absolument partout, juste parce que nous le pouvions. Même sur la table de la cuisine !

- Je n'ai aucun souvenir de ce type… minauda-t-elle alors qu'il s'appuyait plus lourdement sur elle, lui faisant regretter leur récente nudité.

- Je te les rappellerais, tous les jours dès le 1er Septembre. Je te déshabillerais avant même que tu ne puisses dire bonjour, je te plaquerais contre la… »

Elle le fit taire en plantant sa bouche contre la sienne et il poussa un grondement rauque en soulevant ses jambes pour les enrouler autour de sa taille. Le contact l'électrisa aussi brutalement qu'avant, avant d'être maman, avant d'être sa femme… Autant que dans cette fichue cave, des années auparavant.

Rien n'avait changé.

Et ses angoisses éclatèrent aussi aisément que des bulles de savon alors qu'il repoussait son jean et se ruait en elle avec une frénésie qu'elle était impatiente d'assouvir. Elle plongea dans leur étreinte sans plus se soucier de quoi que ce soit d'autre que lui.

Elle enfouit son cri dans son cou quelques minutes plus tard, le corps si douloureusement tendu autour de lui qu'elle se fit l'effet d'une pieuvre emprisonnant sa victime. Et lorsqu'il bascula sur le côté pour la laisser respirer, un sourire extatique sur le visage, elle ne put s'empêcher de l'accuser tout en roulant pour poser sa tête contre lui :

« Tu m'as hypnotisée ! »

Son torse fut secoué par un petit rire et il embrassa le sommet de son crâne tout en tâchant de retrouver son souffle. Haletants, ils mirent quelques minutes à échapper à la soudaine léthargie qui s'était emparée d'eux.

Puis, aussi soudainement qu'ils avaient échappés à leur quotidien, ce dernier leur revint en plein visage sous la forme d'un silence assourdissant. Un silence qui jamais –au grand jamais !- ne régnait dans leur maison lorsque leurs filles y étaient. Ils échangèrent un regard rempli d'angoisse et se relevèrent d'un bond. Cameron s'emmêla les pieds dans son pantalon et faillit s'écrouler avant de reprendre le contrôle, alors qu'Ana se ruait vers la porte, le cœur serré.

Merlin, qu'étaient-ils encore allés imaginer ?!


James Robert Potter, les yeux écarquillés par l'horreur de son geste, contemplait les corps de ses sœurs aînées. Sa baguette magique toute neuve pointée sur elles, il prit doucement conscience de ce qu'il venait de faire alors que leurs iris s'agitaient –seules choses qu'elles pouvaient encore bouger.

Il avait ensorcelé ses sœurs. Il avait pris sa baguette dans sa chambre et avait lancé ce sortilège dont il venait juste de lire le nom dans un de ses livres de classe. Petrificus Totalus. Merlin ! Ses parents allaient l'étrangler. Et dès qu'elles seraient à nouveau capables de bouger, Hazel et Phoebe feraient de sa vie un enfer. D'ordinaire, elles étaient plutôt cool comme sœurs… Mais il venait de les ensorceler ! Lui ! L'enfer serait doux en comparaison de leur vengeance.

Puis, ses inquiétudes futiles disparurent alors qu'il réalisait brutalement que les remontrances de sa famille n'avaient aucune importance. Il allait finir à Azkaban, rien de moins ! Il n'irait jamais à Poudlard, ne mettrait jamais le Choixpeau magique sur sa tête –d'ailleurs, c'était sans doute une bonne nouvelle étant donné qu'il pressentait le « Poufsouffle ! » et que son grand-père le renierait illico- et finirait sa vie au fond d'une cellule. Car s'il y avait bien une chose que Jaimie savait, c'était qu'on ne plaisantait pas avec les règles. Et qu'il venait d'enfreindre la loi fondamentale du « Pas de magie avant dix-sept ans en dehors de l'école ». Sa vie était finie, avant même d'avoir commencé. Il…

« Par le Gland de Merlin ! James ! »

Il fit volte-face en un saut, le visage exsangue et il se retrouva projeté dans les bras de sa mère sans qu'il ne sache trop comment. Elle chuchota un « Oh, mon bébé » compatissant et il jeta un bref coup d'œil en direction de son père qui avait profondément enfoncé ses dents dans ses lèvres, comme pour se retenir de rire.

« C'est toi qui a fait ça, Jaimie ? Tu viens de réaliser le rêve de ton vieux père !

- Mais, je… Et… Et la magie… Et Poudlard… Et… Azkaban… »

Il sentait des sanglots naître dans sa gorge et fit tout pour les ravaler alors que son père fronçait les sourcils dans sa direction, se demandant apparemment ce qui lui prenait. Puis, un éclat de compréhension illumina son regard et il éclata de rire avant de se faire réprimander par sa femme.

« Jaimie, mon cœur, tu ne vas pas aller à Azkaban voyons ! Nous allons probablement recevoir un courrier et nous faire taper sur les doigts pour t'avoir laissé utiliser ta baguette avant d'être en sécurité à Poudlard, mais personne n'a été blessé et aucun moldu n'a vu quoi que ce soit… Tu n'imagines tout de même pas qu'ils enverraient tous les enfants un peu curieux ou pressés à Azkaban, si ? (Il hocha la tête, penaud, et elle s'empressa d'ajouter :) Il n'y aurait pas assez de place !

- Oh… »

Le soulagement s'abattit sur ses épaules et il se tourna vers ses sœurs qui –malgré leur incapacité à bouger- paraissaient prêtes à l'étriper. Enfin, au moins ne se disputeraient-elles plus ! Pas avant la prochaine fois en tout cas, laquelle –si elle se produisait à Poudlard- pourrait être empêchée par un simple petit sortilège.

Lentement, il baissa la tête et observa la baguette magique qu'il tenait entre ses doigts, sentant soudain monter en lui un enthousiasme troublant. Enfin, il avait réellement le pouvoir de changer les choses ! Il pourrait arrêter les disputes de ses sœurs d'un coup de baguette magique, sans risque de se faire pincer ou mordre –bon, ça n'était pas arrivé depuis longtemps, mais quand même…

« Donne-moi ça, avant de tuer quelqu'un ! » coupa son père en lui arrachant sa baguette des mains, sans doute inquiet de le voir soudain si souriant.

Quelques secondes plus tard, ses sœurs s'éveillaient et la colère qu'il lisait dans leurs yeux le fit reculer d'un pas. Il se cacha rapidement derrière sa mère alors qu'elles se ruaient sur lui d'un seul et même mouvement, vivement stoppées par leur père qui –avec une habilité qui devait tout à l'habitude- les rattrapa par la taille.

« Tu es fichu, microbe ! s'égosilla Hazel malgré la poigne paternelle.

- Je voulais juste vous aider, murmura-t-il en restant bien en sécurité derrière sa mère. Vous alliez vous entretuer !

- Et maintenant, c'est toi qu'on va tuer ! proclama Phoebe, ses yeux chocolat lançant des éclairs.

- Personne ne va tuer personne ! »

Le silence s'imposa d'un coup lorsque leur mère les gronda. Comme toujours, Ana ne laisserait passer aucune menace de mort, et Jaimie s'interrogea brutalement sur les raisons de son inaction des dernières minutes. Elle avait forcément dû entendre les grandes crier, et elle n'était pas venue. Sourcils froncés par la suspicion, il jeta un coup d'œil à son père qui n'avait pas boutonné son jean et sa mère dont la peau était rosie, comme par le contact de cette barbe de trois jours qu'arborait son père ce matin là. Il ne put s'empêcher de grimacer. Beurk ! Ils étaient des parents tout de même. Ils pouvaient se retenir !

« D'ailleurs, bougonna soudain Hazel, qui semblait en être venu à la même constatation que lui, Qu'est-ce que vous fichiez tous les deux ? Vous n'avez pas entendu crier ?! »

Phoebe gloussa alors que leur père les lâchait d'un seul coup, et leur mère se racla la gorge sans pour autant dire un seul mot. Le silence pesa un moment, seulement interrompu par les petits rires que Phoebe ne parvenait pas à dissimuler malgré la main que sa sœur avait plaquée sur sa bouche et Jaimie s'empressa de rejoindre ses sœurs. Rien ne pouvait rassembler davantage trois enfants que de faire front contre des parents embarrassés.

Malheureusement, leur mère trouva rapidement une parade et –d'un ton Malefoyen pur- expliqua :

« Nous voulions vous donner un avant-goût de la vie qui vous attend à Poudlard. Après tout, vous devrez veiller sur votre frère, les filles, et… Apprendre à vous débrouiller pour régler vos conflits sans nous ! »

Jaimie prit l'air de celui à qui on ne la fait pas, Phoebe abandonna la partie et éclata de rire en pointant la braguette de son père du doigt. Et Hazel, comme toujours la plus Malefoyenne des trois malgré son physique plus Potterien qui soit, rétorqua froidement :

« Il n'était pas pour nous, l'avant-goût, bande de gros dégoûtants ! »


Kylian Malefoy + Jillian Ward


En poussant le petit portail du jardin, Kylian plissa le front, se demandant pour la énième fois depuis l'apparition de la lettre sur son bureau, ce qui l'attendait là. Quelques heures interminables qu'il avait passées à réfréner son impatience tout en travaillant aussi correctement qu'il était possible, chose qui lui paraissait de plus en plus complexe à mesure que les années passaient…

Mais en ce samedi matin, c'était pire. Sa femme –l'absence de paperasse n'y changeait rien, il considérait Jill comme sienne- lui avait offert une distraction pour le moins surprenante. Juste une adresse, accompagnée d'un petit mot « Viens me rejoindre à onze heure –heure anglaise. ».

Au fond de lui, il s'était presque attendu à découvrir un hôtel. Mais puisqu'il se retrouvait perdu au beau milieu d'Oxford, il commençait à en douter… A moins qu'une petite auberge se dissimule dans ce jardin, Jill n'avait pas prévu une journée de débauche pour les rapprocher un peu.

Comme toujours, un poids pesa sur son estomac à l'évocation de cette distance toute neuve qu'il sentait s'imposer entre eux. Chaque jour qui passait semblait les rapprocher de cette discussion qu'il avait toujours compté fuir, le « Est-ce que tu imagines toujours passer le reste de ta vie avec moi ? ».

Depuis quelques semaines, il pressentait que sa réponse serait un « non » ferme et définitif.

Il fit quelques pas, la cherchant du regard dans ce jardin, s'attendant presque à la voir surgir de derrière un arbre en souriant. Mais rien. Il suivit le sentier, ses cailloux roulant sous ses chaussures et finit par se retrouver devant une petite maison Georgienne entourée d'une véranda qui avait l'air de servir de serre.

Merlin, où avait-il atterrit exactement ?

Une idée qu'il aurait trouvé farfelue s'il n'avait pas été aussi désespéré lui vint tout à coup. Peut-être souhaitait-elle rompre avec lui dans un décor magnifique ? Peut-être qu'après toutes ces semaines sans faire l'amour, à se croiser à peine dans l'appartement et à se fuir du regard, Jill allait-elle enfin admettre qu'elle ne voulait plus de lui ?

Sans pouvoir s'en empêcher, un million de scénarios catastrophes lui vinrent à l'esprit, jusqu'à ce qu'il se focalise sur le pire : et si elle avait rencontré quelqu'un d'autre ? Elle était tellement absente depuis quelques temps que tout était possible.

Son cœur se crispa dans sa poitrine alors qu'il faisait quelques pas de plus en direction de la maison, la peur enflant en lui tel un ballon proche de l'explosion. Il essaya bien de se rassurer, tout en tournant sur lui-même pour découvrir où elle pouvait bien se cacher, mais rien n'y faisait.

Il se demanda ce qu'il aurait pu faire différemment et la réponse lui sauta aux yeux : vivre réellement avec elle aurait été un bon début, sans doute. Ils s'étaient rencontrés une quinzaine d'années auparavant, et après tout ce temps, leur relation était toujours… plus ou moins la même. Certes, c'était ce qu'ils avaient souhaité au départ : une indépendance qu'abandonnaient nombre de couples, deux vies bien distinctes qui se mêlaient uniquement lorsqu'ils le décidaient…

Cependant, vivre d'un bout à l'autre de l'Atlantique n'était pas sans conséquences, malgré les facilités qu'offrait la magie des sorciers. Il ne comptait plus le nombre de fois où, quittant le travail, il découvrait qu'à cause du décalage horaire, Jill était déjà partie travailler. Il ne comptait plus le nombre d'événements ratés, de promesses oubliées, de déceptions qu'ils se causaient l'un à l'autre.

Et malgré tout ça, il l'aimait, lui.

Il aimait la façon un peu anarchique dont elle menait sa vie, glissant par conséquent un peu de folie dans la sienne pourtant si organisée. Il aimait ses petites manies bizarres, son obsession pour le chocolat, son sourire un peu moqueur, ses cheveux coupés courts, ses sous-vêtements dépareillés, son refus de suivre les règles les plus simples… Bref, tout ce qui faisait d'elle Jill, la femme la plus désespérément indépendante qu'il connaissait.

Une femme qui avait néanmoins accepter d'avoir le deuxième enfant qu'il voulait tant, le prévenant brusquement au détour d'une conversation un « Oh et je suis enceinte ! », suivi d'un « J'ai arrêté la pilule, ce n'est pas un accident… » -sa façon bien à elle d'annoncer les nouvelles, en bref ! Pendant quelques semaines, il s'était alors étrangement attendu à un désastre, qu'elle regrette sa décision totalement irréfléchie et en prenne une autre sans le consulter. Puis, alors qu'il rentrait du travail et qu'elle se préparait à aller au sien, elle s'était rallongée sous les draps avec lui et l'avait rassuré de quelques phrases toutes simples :

« Je veux ce bébé, moi aussi. Je voulais juste qu'on soit un peu seuls, toi et moi, sans Eidan, pour… nous redécouvrir, passer à nouveau du temps sans enfant, baptiser chaque pièce de l'appartement sans Amy pour imposer des règles sur « l'utilisation des pièces communes » ou Eidan pour nous interrompre. Je voulais ce temps pour nous, Ky, et je l'ai eu. Maintenant… Je veux ce bébé dont tu as passé des mois à parler et il a intérêt à être exceptionnel ! »

Le bébé en question avait désormais trois ans et en effet, il –ou plutôt elle- était exceptionnel. Probablement autant que son grand-frère, même si l'avenir le confirmerait… Enfin, aux yeux de Ky, il était plutôt évident qu'un bambin ayant commencé à marcher à neuf mois et qui parlait désormais presque aussi bien qu'un enfant de quatre ans avait forcément de quoi faire la fierté de ses parents. Tout comme Eidan qui était le meilleur élève de sa classe à Poudlard, et qui -même s'il testait certaines limites, comme tous les garçons de son âge et sûrement encore davantage par la faute des fichues cousines Potter- faisait sa fierté.

Jill ne pouvait pas être déçue, pas à ce sujet. Surtout pas à ce sujet !

Elle pouvait regretter des tas de choses, mais pas ça, pas l'existence de ces deux petits geeks en puissance.

Il n'eut que le temps d'imaginer la façon dont sa vie se terminerait si elle décidait de le quitter que la porte de la véranda grinça, laissant apparaître le principal sujet de ses angoisses. Elle lui sourit, d'un sourire un peu tordu et forcé, et il en conclut qu'il était fichu.

« Qu'est-ce que tu attends ? » s'enquit-elle en fronçant les sourcils avant de lui faire signe d'entrer.

Il aurait pu répondre : « Je préfère rester là si tu dois me jeter dehors ensuite, parce que je ne te laisserais pas me plaquer sans rien faire ! » mais ses pieds se mirent à avancer vers elle, d'instinct. Il observa ses joues rosies d'excitation et son étrange rictus –mélange de joie et de stress- et il commença à douter des raisons de sa présence en ce lieu. Peut-être…

La main de Jill se tendit vers lui et il la saisit sans hésiter, son cœur battant si fort qu'il sentait résonner chaque coup contre ses tempes. Elle le tira vers elle et posa un léger baiser sur sa bouche avant de se reculer, apparemment aussi stressé que lui.

Merlin, mais que se passait-il ici ?

« Ne dis rien ! ordonna-t-elle en imposant son index contre ses lèvres. Juste… Viens avec moi, d'accord ? Tu pourras crier après. Et me traiter d'inconsciente, comme tu aimes tellement le faire. Mais pour l'instant, tais toi. Promis ? »

Il acquiesça bêtement, son cerveau essayant tant bien que mal de suivre le cours des événements alors qu'elle le conduisait à travers la véranda-serre-il-ne-savait-quoi. Le parfum des fleurs lui fit presque tourner la tête et il l'entendit marmonner quelque chose sur des « anciens propriétaires sans odorat » avant qu'elle pousse la porte de la maison.

Une délicieuse odeur de muffins chassa celle des fleurs et il s'apaisa –elle n'allait pas le gaver avant de rompre, n'est-ce pas ? A moins qu'elle souhaite l'empoisonner, mais Jill était bien moins subtile en général. Il huma, sans pouvoir s'en empêcher et se sentit tout à coup comme chez lui impression qui se renforça dès qu'il aperçut Eidan et Gwen, assis côte à côte sur un canapé à quelques mètres de là.

Ok. Elle n'allait pas rompre devant leurs enfants. Sûrement pas.

« Mais qu'est-ce qui se passe ici ? »

Gwen sauta du canapé –ou du moins, elle essaya de sauter en agitant ses petites fesses et tomba dessus, amortie par ses rondeurs de bébé- et courut vers lui en tendant les bras, comme elle le faisait toujours. D'ordinaire, le premier mot qu'il entendait sortir de sa bouche était « Pourquoi », suivi d'une question surréaliste telle que « Pourquoi il est blanc le nuage ? » ou « Pourquoi qu'on a cinq doigts ? ». Pas cette fois.

« Papa ! Papa ! Papa ! s'agita-t-elle en s'accrochant à ses jambes, ses petits cheveux d'un roux sombre partant dans tous les sens. Viens voir la chamb'e de moi ! »

La… Quoi ?! Il entendit Eidan ronchonner en se levant et avec un regard légèrement condescendant à l'adresse de la mère, il soupira :

« Je t'avais bien dit qu'elle ficherait tout par terre ! »

Sa mère lui décrocha une œillade assassine avant de se pencher vers Gwen pour la prendre dans ses bras, un sourire complaisant apparaissant sur ses lèvres.

« Gwen, ma puce, qu'est-ce qu'on avait dit ?

- Un sec'et… Pas dit papa. »

Ky sentit sa mâchoire se décrocher. Son regard passa d'Eidan qui souriait de toutes ses dents, à Gwen qui paraissait abattue par le rappel de sa mère… Cette dernière, elle, le fixait comme si elle s'apprêtait à lui annoncer quelque chose de très important. Et si ses neurones avaient été connectés en cet instant précis, sans doute aurait-il pu comprendre. Mais non. Il était totalement perdu…

« Jill… Qu'est-ce qu'il se passe ? »

Il l'entendit déglutir, et il sut que cet instant resterait marqué à tout jamais dans ses souvenirs comme « le moment où Jill a eu peur de ma réaction » -elle qui prétendait se moquer de tout la plupart du temps ! Puis, elle releva le menton et lança d'une voix audacieuse, sans même trembler alors qu'elle paraissait à deux doigts de la crise de panique :

« C'est notre nouvelle maison ! »


Jill prit une profonde inspiration, s'attendant à environ un million de questions de la part de son intello préféré –le seul qu'elle puisse supporter d'ailleurs… Avec Eidan et Gwen évidemment, qui semblaient impatients de suivre la voie tracée par leur père.

Mais Kylian se contenta d'écarquiller les yeux et devint tout à coup si pâle qu'elle s'inquiéta de lui avoir provoqué un infarctus. Elle se rapprocha de lui, le cœur au bord des lèvres, et regretta tout à coup toutes les cachoteries qu'elle lui avait faites durant les dernières semaines. Elle avait tant espéré lui faire plaisir qu'elle n'avait pas réellement prévu qu'il puisse être si choqué.

« Ky ?

- Notre… maison ? »

Ky tourna la tête et observa les lieux avec un étonnement tel qu'elle s'angoissa de plus belle. Peut-être que la maison ne lui plairait pas… Elle qui aimait les lieux modernes, pleins de métaux et de couleurs flashy avait décidé qu'après quinze ans à vivre comme elle l'entendait, des compromis étaient peut-être envisageables. Toutes les pièces communes de la maison étaient décorés avec un soin évident, un peu trop british à ses yeux, mais elle voulait qu'il s'y sente chez lui. A l'exception de la cuisine qui sortait droit d'un magazine d'art-déco : cette pièce était un peu son bureau, c'était donc à elle de s'y sentir bien.

Quant aux chambres des enfants, elle avaient été préparées par les deux concernés –elle se souviendrait toujours de la tête du vendeur lorsque Gwen s'était dirigée d'un pas décidé vers les décorations Star Wars en disant « Veux la lampe Dar'vado' ! » alors qu'il tentait désespérément de leur proposer une fresque constellée de petites fées.

« Tu ne veux pas être une fée, ma grande ? lui avait-il demandé ensuite avec un sourire très professionnel qui s'affaissait de minute en minute.

- Non. Jedi ! »

Dieu du ciel, elle n'aurait jamais dû laisser Eidan s'occuper de sa petite sœur aussi souvent ! Certes, Gwen ne comprenait absolument rien de ce qu'elle regardait, mais elle en savait suffisamment pour avoir l'air d'une mini-fan. Elle allait se retrouver avec deux intello-geeks qui mélangeraient culture sorcière et moldue jusqu'à lui faire tourner la tête. Ils la rendraient folle, aucun doute là-dessus. Peut-être même davantage qu'elle-même avec Kylian dont le regard se posait ici et là sur des choses venant de leur ancien appartement, celui là même qu'il avait quitté quelques heures auparavant sans se douter qu'il n'y mettrait plus jamais les pieds.

Ok. Peut-être qu'elle avait un peu exagéré en déménageant toutes leurs affaires sans lui en parler. Ou peut-être avait-elle dépassé les limites bien avant ça, en se mettant à visiter toutes les maisons à vendre d'Oxford et à pousser leurs enfants à lui mentir –elle était toujours surprise que Gwen ait tenu le coup aussi longtemps ! Ou pire encore, peut-être s'était-elle montrée un peu présomptueuse en imaginant que son Ky, l'homme le plus prévoyant du monde, serait heureux de se retrouver dans une telle situation sans possible retour en arrière.

« Notre maison ? bredouilla-t-il finalement en se tournant vers elle, toujours blême. Mais tu… Comment ça « notre maison » ? Je… Depuis quand est-ce qu'on a une maison ? »

Il n'avait pas l'air en colère. Juste perdu. Elle tendit néanmoins Gwen à Eidan et –d'un sourire- demanda à ce dernier d'éloigner la petite. En murmurant mille bêtises, ce dernier obéit et disparut dans la cuisine : elle ne donnait pas cher de ses muffins avec ces deux gourmands dans les parages. Mais elle avait d'autres priorités que de sauver ses desserts en cet instant précis.

« Tu es fâché ? s'enquit-elle avec une grimace. Tu m'en veux de ne pas t'avoir… Je savais que j'aurais dû t'en parler avant, et ne pas prendre de décisions sans te consulter ! Mais… C'est ce que tu as toujours voulu, alors… J'ai pensé qu'une surprise, ce serait mieux. Plus drôle, plus… Surprenant ! Une surprise surprenante ?! Vas y, tu peux te moquer ! Enfin, ce que je veux dire, c'est que je voulais que ça te plaise et que tu n'ais pas de raisons de t'inquiéter et que… »

Il la fit taire d'un regard et elle crut voir ses épaules s'affaisser. Comme de… Soulagement ?

Il s'avança jusqu'à glisser sa main le long de sa nuque, l'incitant à relever les yeux pour affronter son regard, et elle eut la sensation étrange d'avoir loupé quelque chose. Impression qui s'affirma lorsqu'il chuchota :

« Tu ne veux pas rompre. Tu nous as acheté une maison.

- Rompre ?! bredouilla-t-elle sans comprendre d'où lui venait une idée aussi farfelue. Pourquoi pensais-tu donc…

- Tu étais absente et… J'avais la sensation que tu essayais de me fuir. »

Elle ferma les yeux, se morigénant d'avoir pu lui faire croire une chose aussi insensée juste pour lui faire une surprise –ou plusieurs en réalité… Puis elle sentit monter en elle une colère plutôt coutumière : son bougre de compagnon ne comprenait vraiment rien à rien ! Pour quelqu'un d'aussi intelligent, il était aussi effroyablement stupide dès lors que cela concernait leur relation de couple.

Et pour la énième fois en quinze ans, elle dut le rassurer.

Il lui semblait parfois que toute leur vie n'était faite que de ça : ils s'apaisaient l'un l'autre, constamment, incapables de faire réellement confiance en cette relation qui avait si bizarrement commencée, doutant des sentiments de l'autre à chaque occasion… C'était comme un jeu, un jeu auquel elle espérait mettre définitivement fin ce jour là.

« Je t'aime, espèce d'idiot ! Pourquoi est-ce que je voudrais rompre, hein ? Qu'est-ce que tu t'étais mis en tête cette fois ? Que j'avais rencontré quelqu'un d'autre et que je te fuyais par culpabilité, ou un truc du genre ? (Il s'empourpra légèrement et elle comprit qu'elle avait visé juste.) Pourquoi est-ce que j'irais voir ailleurs pour trouver ce que j'ai déjà à la maison ?

- Tu es légèrement responsable, cette fois, maugréa-t-il avant de désigner la pièce d'un index menaçant. Ca fait des semaines qu'on n'a pas… couché ensemble. Et encore plus de temps qu'on n'a pas simplement eu une discussion qui ne concerne pas les enfants. Tu ne peux pas m'en vouloir d'avoir imaginé le pire. »

Non, elle ne pouvait pas. Il suffisait habituellement qu'il rentre plus tard du travail pour qu'elle s'imagine une jolie petite potionneuse à genoux sous son bureau, alors même que Ky ne faisait pas partie de ce genre d'homme –et encore moins de ce genre de patron. Et elle s'en voulait un peu désormais.

La culpabilité s'évanouit lorsqu'il finit –enfin !- par sourire, de son petit sourire en coin qu'elle aimait depuis le soir de leur rencontre, ce sourire à la fois timide et fier qui représentait tout ce qu'il était. Il se pencha légèrement et, les yeux brillants d'émotion, il susurra :

« Alors… C'est chez nous ? (Elle ne put qu'hocher la tête.) Tu réalises qu'on est en Angleterre, pas vrai ? Tu as toujours dit que tu ne quitterais pas Boston pour tout l'or du monde. Que c'était chez toi et que tout ce à quoi tu tenais était là-bas.

- Je suppose que la situation a changé… Tu es là. Eidan est à Poudlard les trois quarts de l'année. Et avant même que l'on s'en rende compte, Gwen y sera aussi. Et ta famille est là. Ce à quoi je tiens le plus est ici maintenant. Ma famille peut transplaner, pas moi. Ils viendront à nous, au lieu que ce soit toujours à toi de faire… Des compromis. A mon tour, maintenant.

- J'aurais continué à faire des compromis jusqu'à la fin de ma vie, Jill. Tu le sais, pas vrai ? »

Elle acquiesça, un « ç'aurait été injuste » virevoltant au bout de ses lèvres. Elle n'avait pas besoin de le prononcer, il le savait. Au lieu de ça, elle plaisanta :

« Et vivre sur le même fuseau horaire nous fera du bien, tu ne crois pas ? »

Il hocha gravement la tête, son sourire se renforçant un peu plus à chaque seconde, alors qu'il semblait prendre doucement conscience de tout ce que ce déménagement signifiait. Ils ne vivraient plus en décalé, pourraient enfin avoir une vraie vie de famille…

Avec ses besoins d'indépendance, elle savait que ce serait parfois compliqué, qu'un temps d'adaptation serait nécessaire afin qu'ils ne finissent pas par se taper dessus. Mais elle était prête. Les mois qu'elle avait passé à tout mettre en œuvre avaient suffit à raffermir sa position et son envie d'avancer enfin.

Et puis, si quelque chose l'agaçait, elle pourrait toujours l'éviter quelques heures : la maison était suffisamment grande pour ça.

« Tu veux visiter ? » demanda-t-elle, impatiente de lui faire découvrir tout ce qu'elle avait fait –avec énormément d'aide de leurs deux familles complices- en si peu de temps.

Il lui prit la main et l'embrassa doucement avant de la tirer vers la cuisine où avaient disparus les enfants et il se figea soudain, comme sous l'effet d'une illumination. Et, les yeux écarquillés par sa prise de conscience, il lui posa la question qu'elle avait tant espéré éviter… Au moins jusqu'au déjeuner dominical des Malefoy le lendemain !

« Mais Jill… Et ton travail ?! »


Adrian Malefoy + Clare Malefoy


Un courant d'air survolait sa joue, troublant son sommeil, et Adrian se demanda –sans ouvrir les yeux- s'il avait pu laisser une fenêtre ouverte la veille. Mais non, ça ne lui arriverait jamais. L'atmosphère bruineuse d'Angleterre portait bien trop de risques pour la femme qui partageait son lit. Sa femme. Alors, il s'obligea à se réveiller et faillit bondir hors son lit en se retrouvant face à deux orbes couleur de jade puis un petit rire franchit sa gorge lorsqu'il comprit qu'il avait simplement eu à supporter la nouvelle technique de réveil cent pour cent Angeline Malefoy.

« Papou ! »

Il esquissa un sourire tendre lorsque la petite fille cessa de lui souffler dessus pour se blottir contre lui. Ses petites boucles d'un blond presque blanc chatouillaient ses narines, mais il n'en avait cure. Il profitait de la douceur d'Angie qui grandissait bien trop vite à son goût et cesserait sans doute un jour d'agir ainsi avec lui. Elle n'avait que quatre ans, certes, mais déjà il se sentait nostalgique de l'époque où il devait la porter vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ses bras formant une barrière contre tout ce qui pouvait la blesser.

Désormais, elle marchait et courait dans tous les sens, tombait souvent, parlait sans s'arrêter et refusait de lui tenir la main dans les escaliers parce qu'elle était capable d'avancer sans lui. Il aurait dû l'enfermer dans une boite où il aurait stoppé le temps. Il était presque certain qu'il existait un tel sortilège. Il l'aurait laissé sortir uniquement en se sentant prêt… Jamais, donc.

Il faillit éclater de rire en songeant que –quelques années auparavant- il se moquait du comportement de son père avec Min, ou de Cameron qui couvait les jumelles, et plus encore de Ronald Weasley qui avait élevé la protection de sa fille au rang d'art. Il les trouvait tous si ridicules à refuser de voir grandir leurs filles, à tenter de chasser les garçons qui leur tournaient autour et à refuser d'imaginer qu'elles puissent devenir adultes…

Qui c'est qui est ridicule maintenant ? s'esclaffa une petite voix qui ressemblait étonnamment à celle de son beau-père.

Lui, sans aucun doute possible. Il pouvait se chercher toutes les excuses qu'il voulait, il était bel et bien risible. Il commençait déjà à s'angoisser à propos de Poudlard. Et des garçons. Il y avait ce gamin à l'école maternelle sorcière qui avait essayé d'embrasser sa fille, ses lèvres couvertes d'une matière non-identifiable tendues vers la joue parfaite d'Angie. La mère du garçonnet s'était approchée de lui pour dire quelque chose comme « Ne sont-ils pas adorables à cet âge là ? » et il avait failli lui répliquer qu'il était prêt à porter plainte pour agression. Angie avait réagi à sa place en criant un « Beurk ! T'es trop beurk ! » qui avait fait pleurer le petit garçon. Merlin, qu'est-ce qu'il était fier d'elle !

« Papou ?

- Oui, petit ange ? »

Apparemment, le câlin était fini. Depuis quelques temps, la fillette avait du mal à rester en place plus de quelques minutes, son corps débordant d'une énergie qu'il avait bien du mal à suivre. Elle se redressa, les yeux brillants de ce qui semblait être du bonheur pur et simple, et il sentit que son cœur se gonflait d'arrogance à l'idée d'avoir pu créer –avec de l'aide, évidemment- une enfant aussi jolie et maligne et de réussir à la rendre heureuse. Certes, elle était aussi très têtue –Clare disait sans cesse que cela lui rappelait quelqu'un et il mimait de ne pas savoir qui- et refusait d'avoir tort mais même son petit caractère le rendait fier.

« Debout, d'accord ? »

Il hocha la tête et elle sauta du lit avant de se précipiter vers la porte, l'abandonnant là, légèrement perplexe. Jetant un coup d'œil à son réveil, il réalisa qu'il était encore bien tôt pour être ainsi tiré du lit. En particulier un dimanche ! Clare aimait partir tôt pour se rendre au déjeuner dominical de ses beaux-parents, mais jamais elle ne l'avait réveillé avec trois heures d'avance. Surtout pas après une nuit comme celle qu'ils avaient partagée. Elle aurait pu lui faire grâce d'une heure de sommeil en plus, en l'honneur des orgasmes qu'il lui avait offerts.

En rouspétant, il sortit du lit et enfila un pantalon par-dessus le caleçon qu'il avait mis au milieu de la nuit de peur qu'Angie ne finisse par les rejoindre, comme elle le faisait pratiquement tous les matins. En se grattant le torse, baillant à s'en décrocher la mâchoire, il se dirigea vers la cuisine d'où se dégageait une odeur de… Brûlé.

Il s'efforça de ne pas éclater de rire en découvrant la cuisine qui semblait avoir survécu à une explosion nucléaire et se tourna en essayant de deviner d'où provenaient les gloussements intempestifs d'une Angie surexcitée qu'il entendait.

Et enfin, ça lui revint. Son anniversaire. Il avait vingt-six ans aujourd'hui. Et ce n'était pas dimanche, mais samedi. Ce qui signifiait que sa femme travaillait et qu'elle devait partir tôt, raison sans doute pour laquelle il était debout à une heure indue. Un sourire irrépressible monta à ses lèvres et –d'un pas soudain plus alerte- il accourut vers la salle à manger pour se retrouver face à… La scène la plus adorable qu'il ait vue de toute sa vie. Clare lui renvoya son sourire et il admira la façon dont sa robe tombait sur ses hanches avant de réaliser qu'elle l'avait portée auparavant, à un autre anniversaire, sept ans plus tôt. Angie tenait un dessin sur lequel elle avait dessiné leur petite famille et sautait sur place en chantant un « joyeux anniversaire » criblé de fausses notes.

Alors il n'y tint plus. Il s'approcha jusqu'à pouvoir serrer ses deux petites femmes contre lui, se mit à rire en entendant le « Mais je chantais ! » de sa fille, suivit de peu par un « Beurk ! » quand il saisit les lèvres de Clare à pleine bouche. Elle plaqua sa main contre sa nuque et renforça leur baiser jusqu'à ce qu'Angie se glisse entre eux, les repoussant de toute la force de ses petits bras pour les séparer. Puis elle lui prit la main et le tira vers la table basse du salon sur laquelle reposaient quelques paquets bien emballés et un petit-déjeuner…

« J'ai cuisiné, annonça Clare avec un rictus d'excuses. J'ai pensé que…

- Tu en avais assez de moi et que tu voulais m'empoisonner ? la taquina-t-il, récoltant un coup de coude en plein ventre. Désolée, mon ange. Tu as énormément de qualités, mais… Ce sont des œufs brouillés, ça ?

- Des pancakes ! s'écria Angie en lui tendant l'assiette. T'en veux ? »

Adrian écarquilla les yeux en découvrant la pâte informe et gluante que sa fille avait le déshonneur d'appeler pancakes. Et –malgré tous les efforts qu'il voulait bien faire pour les rendre heureuses- il secoua la tête. Pas question d'avaler cette chose. La moue d'Angie se fit boudeuse et il se dirigea vers ses cadeaux avec enthousiasme afin de la distraire. Il s'assit sur le canapé et sa fille lui tendit les paquets un à un, s'amusant de ses « Oh ! » et de ses « Ah ! » lorsqu'il découvrait leur contenu.

Clare lui caressait la nuque, assise tout près de lui, faisant naître des frissons partout sur sa peau et il finit par demander à Angie d'aller mettre les cadeaux dans la chambre afin de rester seul une seconde avec sa femme. Dès que la fillette eut disparu, il se rua sur la bouche de son ange, lui murmurant mille « je t'aime » entre leurs baisers jusqu'à ce qu'elle finisse par plaquer ses mains contre son torse pour l'empêcher de renforcer leur étreinte.

« Ce soir, promit-elle avec un sourire amusé. Tes parents gardent Angie… Je rentrerais tôt et on pourra se coucher très très tard. On la récupérera demain au déjeuner. »

Il aurait pu se mettre à danser pour fêter ça, mais il se contenta de déposer un baiser chaste contre ses lèvres. Il pouvait bien patienter une douzaine d'heures… A condition de prendre une douche froide avant. Puis son regard se posa sur la nourriture qui refroidissait et toute son excitation disparut à l'idée d'avaler une seule bouchée de ce festin. Alors, avec le sourire le plus charmeur qui soit, il murmura :

« En parlant de déjeuner… »


« Papou… Y'a des gros mots là ! »

Clare leva le regard de la table sur laquelle elle venait de disposer le bacon tout juste grillé par son mari, et contempla les deux amours de sa vie. Angie était assise sur le plan de travail, ses petites jambes se balançant alors qu'elle suivait les mouvements de son père des yeux. Adrian était occupé à faire de la pâte pour les pancakes –qui seraient excellents, comme toujours- et cessa de battre la mixture pour regarder sa fille, l'air de plus rien y comprendre.

« Des gros mots ?

- Oui ! Là ! Dans la pâte ! »

Angie pointa d'un index accusateur la préparation de son père et Adrian éclata de rire en traduisant enfin les paroles de l'enfant. Avec un petit rictus dans sa direction, il corrigea Angie :

« Des grumeaux, petit ange. Des grumeaux.

- C'est pareil ! »

Comme toujours, la réponse fusa, et Clare faillit se mettre à rire en voyant le rictus condescendant purement Malefoyen qu'arborait désormais sa fille. Dès que quiconque tentait de la reprendre –il était plutôt normal de confondre des mots ou de mal les articuler à son âge- elle répondait systématiquement ce « C'est pareil ! », l'air de dire que puisque les gens la comprenaient, ils pouvaient bien cesser de lui faire perdre son temps. Conciliant, Adrian hocha la tête avant de lancer :

« Débarrassons-nous donc de ces gros mots, alors ! »

La fillette pouffa et Clare ne put s'empêcher de sourire encore plus, jusqu'à ce que le maudit lancinement qui l'avait réveillée en pleine nuit revienne la hanter, lui coupant si brutalement le souffle qu'elle ne put s'empêcher de lâcher un hoquet de douleur. Elle entendit Adrian s'approcher d'elle, jusqu'à poser une main apaisante entre ses omoplates alors que la lèvre inférieure d'Angie se mettait à trembler, et Clare s'en voulut instantanément d'oser lui causer une nouvelle frayeur. Tout ça à cause d'une fichue migraine causée par l'épuisement…

« Mon ange ? Tu…

- Ca va. J'ai juste besoin… »

Le nom de la potion lui échappa, comme toujours, et elle tapota sa tempe, signifiant ainsi qu'elle avait mal à la tête. Adrian, ne voulant pas la lâcher une seule seconde se tourna vers sa fille en lui demandant simplement d'apporter un peu de « nuages ». Angie tendit la main vers l'énorme boite remplie de potions et de cachets de toute sorte et en sortit une fiole ornée d'un petit dessin fait par ses soins.

Malgré la douleur, Clare eut un rictus, amusée par la technique d'Adrian pour obtenir un peu d'aide. Sur chaque flacon et chaque sachet, puisqu'Angie était loin de savoir lire, il avait dessiné des choses simples –soleil, nuage, éclair, animaux hideux, et même vêtement… Il n'était pas rare d'entendre « Tu vas chercher le pantalon de maman ? » et de voir réapparaitre l'enfant avec une petite pilule colorée qu'elle ne se serait jamais risquée à avaler.

Angie était loin d'être une enfant idiote. Elle avait compris que quelque chose ne tournait pas rond chez sa mère à l'âge où les enfants ne connaissent pas encore le sens du mot « maladie » et encore moins celui du mot « mort ». Et comme les enfants mimant d'aider leurs parents à faire le ménage, ou ceux qui aidaient à la cuisine, Angie s'était portée volontaire pour tout autre chose : chasser la méchante, très méchante maladie qui faisait du mal à sa maman.

Clare regrettait parfois que sa fille n'ait pas eu droit à quelques années de plus d'innocence à ce sujet… Mais il lui suffisait d'observer la fillette tendre la fiole vers son père pour s'assurer qu'au fond, l'idée de la mort restait très abstraite pour elle. Sans doute imaginait-elle l'Hemopathia Detraquia comme un vilain monstre qui prenait des coups à chaque fois que Clare prenait une potion ou un cachet un monstre qu'elle pouvait aider à tenir à distance.

Clare aurait aimé que ce soit vrai.

Ou mieux, qu'Adrian –dont le regard s'était éteint d'un seul coup- ait encore les mêmes convictions que leur fille qu'il n'ait pas eu l'occasion de la voir au seuil de la mort quatre ans auparavant et qu'il ne redoute pas de revivre ce moment trop tôt… Comme s'il pouvait y être préparé un jour. Elle embrassa doucement sa joue, espérant le rassurer ainsi, mais elle savait pertinemment que rien n'y ferait tant qu'elle aurait mal.

Elle se laissa donc tomber sur sa chaise et avala rapidement sa potion, espérant chasser la douleur suffisamment vite pour effacer la peur qu'elle lisait sur le visage de son époux. Peur qui n'avait aucunement sa place en ce jour. Puis, elle attendit que la potion fasse effet en obligeant Adrian à s'occuper d'Angie qui l'observait, les yeux ronds. Leur fille étant la seule chose pouvant le tirer de sa torpeur, il s'empressa de composer un masque rassurant et se remit à faire les pancakes.

Clare ferma les yeux en soupirant, le corps tendu par la souffrance, et écouta Adrian qui faisait le clown pour distraire leur fille trop maligne. Elle lâcha un rire lorsqu'il lui demanda ce qu'elle comptait faire subir à ses grands-parents ce soir là et qu'Angie répondit calmement qu'elle voulait juste « des papates et des histoires ». Apparemment, les fameuses pommes de terre de Drago Malefoy avaient de l'avenir… Autant que les récits d'Hermione Granger qui savait si bien tenir ses petits-enfants en haleine.

C'était sans doute pour tout ça qu'Angie insistait toujours pour aller chez les Malefoy et non chez les Weasley. Enfin, pour ça et pour Echo, sa grande cousine qu'elle admirait sans que cette dernière ne s'en rende compte le moins du monde. Angie ayant tendance à démontrer son affection en lançant des petites piques mesquines –qui faisaient fondre les adultes parce que « la vérité sort de la bouche des enfants »- elle n'était pas forcément appréciée des enfants de son âge…

Sauf des garçons. Vraisemblablement parce qu'elle ressemblait à une poupée, mais surtout parce que –comme tous les humains dotés d'un chromosome Y- même les petits garçons aimaient se faire malmener par la plus jolie fille du coin lorsqu'ils en avaient l'occasion. Sa migraine s'évanouissant peu à peu, elle s'efforça à sourire et s'incrusta dans la conversation au sujet des pommes de terre qui « Non, papou, les papates de papi sont plus bonnes que tes papates à toi ! » -la vérité sort de la bouche des enfants, aucun doute là-dessus…

« Angie, papa m'a dit que tu avais un amoureux, est-ce que c'est vrai ? »

Angie se tourna vers sa mère et poussa un soupir étrangement blasé, comme si tous les garçons qui lui tournaient autour la rendaient folle. Les épaules d'Adrian furent secouées par un rire, alors que la fillette déclarait gravement.

« Non. C'est que Dennis qui voulait faire des bisous… Mais il sent le fromage.

- Quel fromage ?

- Un fromage qui pue !

- On dit « qui sent mauvais », petit ange, intervint Adrian avec un sourire en coin.

- C'est pareil ! rétorqua Angie, prévisible, avant de conclure : Tous les garçons sentent le fromage.

- Continue à penser comme ça très longtemps, d'accord ? »

Clare leva les yeux au ciel, amusée autant qu'agacée par la nouvelle inquiétude de son mari qui semblait s'imaginer qu'Angie allait trouver chaussure à son pied et quitter la maison depuis qu'elle allait au jardin d'enfants. Une peur si irrationnelle qui le faisait tant ressembler à son père qu'elle en avait des sueurs froides : Angie allait en baver à l'adolescence. Comme toujours, cette idée fit naitre en elle une peur qui –elle- était parfaitement rationnelle. Et si elle ne voyait pas Angie à l'adolescence ? Et si elle abandonnait sa fille avant cette période où elle aurait si désespérément besoin d'une mère ? Et si Adrian…

« Y'a que papou qui sent pas le fromage !

- Ca, petit ange, c'est un privilège de papou !

- C'est quoi un prive-liège ?

- Privilège, répéta Adrian ce qui lui valut évidemment un « C'est pareil ! ». Et un privilège, c'est une chose à laquelle seules quelques personnes ont droit… Par exemple, mon privilège de papou, c'est de sentir bon. Et le privilège de maman, c'est d'avoir droit à un mari qui sent bon !

- Oh… »

Angie parut réfléchir quelques secondes, puis comme prise d'une illumination subite, son visage se fendit d'un incroyable sourire. Et –son regard passant d'Adrian à Clare- elle déclara simplement :

« Alors, peut-être que moi, quand je serais très grande, je pourrais avoir un amoureux-papou ! »

Le sourire d'Adrian disparut brusquement et Clare retint un éclat de rire, imaginant aisément ce qu'il pensait en cet instant : qu'un jour, sa fille adolescente se pointerait avec à son bras, un homme de deux fois son âge, avec déjà un lourd bagage de marmots et de divorces… Alors, rien que pour l'embêter, elle applaudit.

« Félicitation, Adrian. Tu viens de pousser notre fille vers une relation Œdipienne qui te fera faire des cauchemars un long moment… »

Adrian la fusilla du regard et cette fois, elle n'y tint plus : elle éclata de rire.

Rire qui s'évanouit une seconde plus tard, lorsqu'elle reçut en plein visage une quantité effective de pâte à pancakes. Elle écarquilla les yeux, ahuri qu'il ait osé –alors que ce n'était clairement pas la première fois qu'ils s'amusaient avec de la nourriture… Mais indubitablement la première fois qu'Angie participait. Et hoqueta un « Adrian ! » choqué.

Un petit sourire narquois d'une insolence qu'elle trouvait toujours aussi sexy tordit les lèvres de son mari pas repentant pour un gallion. Et elle sentit son estomac faire un looping lorsqu'il porta ses doigts couverts de pâte à sa bouche, les léchant un à un avec une langueur exaspérante. La fièvre qui envahit ses joues n'eut aucun rapport avec sa maladie cette fois, et son souffle se coupa…

Jusqu'à ce qu'Adrian se retrouve aussi maculé de pâte qu'elle, attaqué par une Angie qui n'avait évidemment pas remarqué la soudaine tension de la pièce. La fillette se mit à rire en voyant le liquide crémeux dégouliner des cheveux de son père, et en clin d'œil, se retrouva toute sale à son tour.

Clare faillit arrêter Adrian, qui recouvrit les cheveux d'Angie sans réaliser que la nettoyer leur prendrait un long moment mais elle se figea en entendant leur fille crier et glousser.

Peut-être que ça n'avait aucune importance finalement…

Ils avaient tous les deux oubliés sa migraine, laquelle disparaissait peu à peu malgré le vacarme, et c'était le principal. S'ils avaient besoin pour ça d'être entièrement couverts de pâtes à pancakes et –Oh Merlin !- de farine, et alors ?

Elle vivait simplement pour ces petits moments. En espérant qu'ils soient le plus nombreux possibles.

Alors sans plus hésiter, elle se lança dans la bataille.


Minerva Malefoy + Cooper Moonlight


Min ferma doucement la porte derrière elle, priant pour qu'elle ne grince ni ne se bloque afin de pouvoir se faufiler discrètement jusqu'à sa chambre et assurer : « Mais je suis rentrée depuis des heures ! Tu ne m'avais pas vue ?! » avec une hypocrisie troublante. Elle retira ses talons, chancela à cause de son poids, puis –ses chaussures accrochées au bout des doigts- marcha sur la pointe des pieds en direction de sa chambre.

Elle fut arrêtée par un raclement de gorge à l'entrée du salon, et releva la tête avec la moue la plus angélique qui soit. Vainement. Cooper, adossé au chambranle, la fixait, partagé entre l'amusement et ce qui semblait être de la colère. Et zut ! Elle s'approcha de lui, prête à mettre son féminisme au placard pour éviter ses remontrances, mais il l'arrêta avant qu'elle ne puisse le toucher : il était parfaitement conscient de ses faiblesses désormais.

« Bonsoir, chérie, lança-t-il d'un ton faussement affable, avant de baisser les yeux sur sa tenue de travail, et d'ajouter : J'espère que tu as passé une bonne journée.

- Ca a été, répondit-elle en attendant qu'il ne se mette à la traiter d'inconsciente.

- Tu as l'air un peu fatiguée… »

Elle secoua la tête, si violemment qu'elle lui tourna un peu, consciente que son mensonge était flagrant. Elle avait mal aux pieds, aux jambes, au dos et à la tête. Ah, et elle avait absolument besoin de faire pipi. Tout de suite. Mais si elle l'admettait, elle serait définitivement fichue et cloitrée au lit pour le mois à venir.

« Minerva, tu te souviens de nos vœux, n'est-ce pas ? »

Elle leva les yeux au ciel. Merlin, ils étaient mariés depuis à peine un an, et elle n'en pouvait déjà plus de l'entendre citer ce maudit bout de papier. Pourquoi ne pouvait-il pas être comme tous les hommes et considérer que les vœux n'étaient que de bêtes promesses vaines que les couples se faisaient pour se supporter au démarrage de leur mariage ? Pourquoi devait-il tout prendre au pied de la lettre ? Et pourquoi –par le Gland de Merlin- devait-il être si désespérément charmant ?

« On a juré de ne pas se mentir, toi et moi. Et de toujours se faire confiance, tu te souviens ?

- Vu que tu ne cesses de me le rappeler, oui, bougonna Min avant de se dandiner d'un pied sur l'autre, plus pour chasser son envie pressante que pour exprimer le moindre malaise.

- Et tu te rappelles de notre petite discussion de la semaine dernière au sujet de ton surmenage ? Tu sais, quand tu as promis de lever le pied et de te reposer, au moins quelques jours ? »

Elle acquiesça, des explications au bout des lèvres. Elle ne les formula pas, consciente qu'il s'en ficherait. Actuellement, son travail devait passer après. Mais elle avait été promue Ministre de la Coopération Magique Internationale huit mois auparavant, dépassant miraculeusement nombre de candidats au poste, et elle devait encore faire ses preuves. De plus, Gideon comptait toujours sur elle pour certains dossiers et elle n'avait pas pu l'abandonner comme ça –d'une façon étrange, il faisait partie de sa famille. Malheureusement, Cooper ne voulait pas entendre tout ça. Il voulait juste s'assurer qu'elle dormait huit heures par jours, mangeait convenablement et ce jusqu'à la fin de la semaine au moins.

« Minerva ?

- D'accord, j'ai mal au dos. Et un peu partout, en fait, avoua-t-elle avant de se mettre à crier : Mais ce n'est pas de ma faute ! Ni de celles de ces maudites chaussures ! C'est de la tienne ! Tu m'as mise enceinte d'un monstre ! Ce bébé est énorme ! Echo n'a jamais été aussi grosse !

- Echo est née avec presque trois mois d'avance. Et tu es enceinte de trente-sept semaines. Tu pourrais accoucher d'un moment à l'autre. Bien entendu que ce bébé est énorme, il est prêt à sortir…

- Alors pourquoi est-ce qu'il ne sort pas, hein ?! »

Elle posa ses mains sur son ventre –énorme- et se mit à bouder. Cet enfant venait de déformer irrémédiablement son corps, elle n'avait aucun doute là-dessus. Et il la rendait déjà folle avant même d'être né –il aurait dû pointer le bout de son nez neuf jours plus tôt, au lieu de ça, Monsieur prenait son utérus pour une salle d'attente.

« Peut-être qu'il attend que tu arrêtes de courir partout. Il n'a sûrement pas envie de te rendre ridicule en plein rendez-vous de travail en te faisant perdre les eaux devant tes collègues… »

Cette image lui fit écarquiller les yeux. Zut, elle n'avait pas imaginé ça une seule seconde. Il avait réussi à lui faire peur, et il le savait vu son sourire. Elle lui tira bêtement la langue, et une seconde plus tard, se retrouva plaquée contre son torse pour un baiser qui la fit frémir des pieds à la tête. Apparemment, il n'était pas si en colère que ça, même si elle prenait des risques à se balader ainsi avec son ventre énorme –lequel parvenait presque à les séparer de sa circonférence.

« Comment va mon fils ? demanda-t-il tout contre ses lèvres, en glissant ses mains contre son dos.

- C'est peut-être une fille, tu sais…

- Si c'est le cas, on retentera ! »

Elle lui fit les gros yeux. Elle avait parfaitement compris son envie d'avoir un autre enfant, au moins pour qu'ils vivent cette expérience tous les deux et même si elle se plaignait continuellement, elle était heureuse d'être enceinte. Certes, cette grossesse la ralentissait, mais elle lui donnait aussi l'impression d'entamer une nouvelle page à sa vie. Son mariage, un an plus tôt, suivi de leur emménagement dans cette petite maison à un kilomètre seulement de la propriété de ses parents, et ce bébé maintenant… Tout cela lui prouvait qu'enfin, leur séparation forcée était derrière eux, qu'enfin, ils formaient véritablement un couple. Mieux que ça : une famille.

Néanmoins, elle n'avait pas l'intention de procréer à tout va. Elle travaillait trop, tout comme lui, même s'il passait énormément de temps à la maison à écrire et répéter, afin de s'occuper d'Echo au maximum. Et ni l'un ni l'autre ne voulait faire une croix sur leur rêve –celui qu'il avait atteint, celui qu'elle touchait du bout des doigts. Ils voulaient jouer sur les deux tableaux, et cela obligeait quelques restrictions. Sans compter que deux enfants, c'était bien suffisant !

Elle n'était apparemment pas la seule à le penser, puisqu'une voix résonna soudain depuis le salon, preuve que leur discussion avait été espionnée.

« Coop ! Si tu voulais une poule pondeuse, tu t'es trompé de femme ! »

Et qu'elle n'était pas la seule à avoir quelque chose à se reprocher. Plissant les yeux, elle enfonça son index dans le torse de Cooper, lequel eut le mérite de paraître désolé. Et, prenant sa voix la plus désagréable malgré son envie de rire, elle gronda :

« Et la promesse de « Pas de soirées potes à la maison », alors ?! »


Cooper se détourna pour fusiller ses amis du regard, en particulier Gabe qui avait été incapable de se taire, puis leur fit rapidement signe de quitter la maison avant de se faire menacer d'un sortilège. Min ne plaisantait pas avec cette règle là, en grande partie parce que les membres de son groupe étaient incapables de ne pas jurer comme des dresseurs de dragons, et qu'Echo avait désormais la mauvaise habitude de chercher à exprimer ces mêmes gros mots en langue des signes. Et que cela l'amusait un peu trop !

« Bonjour, les garçons, salua Min lorsqu'ils arrivèrent près d'elle. Et au revoir les garçons !

- Allez, bougonna Leslie. Au moins un petit bisou pour la route ! »

Roulant des yeux dans ses orbites, Min lui fit signe d'approcher, mais son idiot d'ami se pencha pour déposer un bref baiser contre son ventre rond. Cooper le saisit par le col et le repoussa si violemment qu'il alla heurter un Gabe hilare alors que Mac secouait la tête, désespéré.

« Ca porte chance ! s'écria Leslie pour seule excuse.

- Est-ce que je ressemble à une tortue, selon toi ? rétorqua froidement Min en lui indiquant la sortie.

- Non, mais tu marches à la même allure avec ton… »

Mac saisit Gabe avant qu'il ne puisse exprimer le fond de sa pensée, et le tira en arrière, faisant signe à Leslie de le suivre. Ce dernier déposa un furtif baiser sur la joue de Min qui ne put s'empêcher de lui sourire, puis ils disparurent tous les trois en claquant la porte, l'abandonnant seul avec sa petite tortue.

« On voulait juste fêter la fin de la tournée, s'excusa Cooper en essayant de la ramener contre lui. Et je voulais rentrer tôt pour être avec toi… Mais tu n'étais pas là ! Et ensuite, il y a eu cette histoire avec Echo…

- Quelle histoire ? »

Il la vit blêmir, comme toujours angoissée dès que cela concernait leur fille, et il s'empressa de la calmer en glissant ses pouces contre sa nuque, en un bref massage qui lui fit pousser un petit gémissement de plaisir.

« Ne panique pas, d'accord ? Elle s'est un peu… battue. Mais… »

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que Minerva tourna les talons, se précipitant –du moins, autant que possible avec son chargement supplémentaire- vers la chambre d'Echo, à l'autre bout du couloir. Il la suivit en marmonnant « Ne panique pas, tu parles… », tout en se demandant comment il pourrait provoquer son accouchement.

Il n'en pouvait plus de la voir enceinte –il n'osait imaginer dans quel état elle était, elle, après ces longs mois. Il était si perpétuellement stressé à l'idée qu'elle tombe, se blesse ou accouche toute seule qu'il n'en dormait plus la nuit. La veille, après un concert éreintant, il avait passé des heures à l'observer dormir pour s'assurer que tout allait bien. Il l'avait réveillée en sursaut en voyant son ventre se soulever pour lui demander si elle était sûre de ne pas être en train d'accoucher. Elle avait jeté un coup d'œil à son ventre, puis s'était rallongée en rétorquant :

« Quand je me mettrais à hurler, j'accoucherais, ok ? Là, c'est juste le bébé qui a le hoquet, espèce de grand paranoïaque ! »

Il n'avait pas réussi à fermer l'œil par la suite. Et si elle n'accouchait pas très bientôt, ils finiraient par s'entretuer, aucun doute là-dessus. Il était impatient de voir son fils –il ne doutait même pas que ce soit un garçon mais s'était promis que ce serait la dernière fois. Pas question de remettre ça ensuite, même s'il adorait lire la panique sur le visage de Minerva quand il le suggérait. Elle était déjà suffisamment stressée avec Echo.

Vraiment trop, conclut-il en l'entendant crier. Il aurait dû la préparer en douceur, mais il avait été perturbé par son absence. Elle était probablement la seule femme au monde à continuer à travailler après avoir dépassé le terme.

« Par Merlin ! Que s'est-il passé ?! »

Il s'adossa au mur près de la porte, observant Min qui parcourait le visage d'Echo du regard, manipulant son menton comme pour déterminer l'état de chaque blessure alors qu'elle n'était marquée que d'un œil au beurre noir. Certes, il avait eu un mouvement de recul en la voyant lui aussi, après être allée à la récupérer chez ses grands-parents, mais maintenant qu'il s'y était fait, il trouvait cela presque drôle… En grande partie parce qu'il avait vu dans quel état était l'adversaire de sa fille.

« Maman, je vais bien, signa Echo en repoussant les mains protectrices de sa mère. Papi a voulu le faire disparaître par magie, mais papa voulait que tu le vois… Il pensait que ça ferait venir Jazz plus vite.

- Jazz ?!

- Jasper. »

Min se tourna vers lui, l'air de dire que jamais elle n'accepterait le prénom Jasper si c'était pour affubler son fils d'un surnom si ridicule ensuite mais il était presque sûr de réussir à la convaincre. Lorsqu'elle serait sur son lit à Sainte-Mangouste, toute pleine d'hormones, et sur son petit nuage post-accouchement. Son beau-père lui avait expliqué qu'il pourrait demander n'importe quoi à ce moment là, et il comptait bien suivre son conseil.

« Qui t'a fait ça ?

- Zabini, dénonça Echo avant de faire la moue. Mais je l'ai frappé en premier. Il a dit que j'étais une… »

Elle lui fit alors un petit geste de la main pour lui demander de compléter sa phrase et Cooper se rapprocha, jusqu'à rejoindre les deux femmes de sa vie sur le petit lit de sa fille. Puis, puisqu'elle ne connaissait pas la manière d'exprimer le mot, il le prononça à voix haute, comme son beau-père l'avait fait un peu plus tôt :

« Tête-brûlée. Et puisqu'Echo n'avait aucune idée de ce que ce mot signifiait… Elle l'a frappé. Plusieurs fois.

- Et ce petit imbécile a répliqué ? gronda Minerva en caressant tendrement la joue de sa fille qui, a huit ans seulement, se laissa cajoler. Il a trois ans de plus qu'elle, il devrait avoir honte !

- Il n'a pas fait exprès. Il a juste voulu me repousser, je suis tombée, et j'ai reçu son genou dans l'œil. C'était un accident.

- Il n'empêche que Jaimie et lui sont trop grands, ma puce. Tu ne devrais pas jouer avec eux s'ils t'embêtent… »

Echo haussa les épaules en rougissant légèrement, et Cooper ne put s'empêcher de sourire. Son cousin Jaimie, et le meilleur ami de ce dernier, étaient les plus proches d'elle en âge. Et Angie, qui venait ensuite, n'avait pas réellement les mêmes préoccupations qu'elle. Echo aimant vivre dangereusement, il était plutôt normal qu'elle se tourne vers les deux garçons. Min avait du mal à le comprendre, sans doute parce qu'elle voyait Echo comme une fillette fragile alors que cette dernière, bien que manquant d'avantage de confiance en elle de jour en jour, savait très bien se défendre toute seule.

« Il s'est excusé, j'espère ? » demanda finalement Min, apparemment prête à poursuivre le garçon en justice si ce n'était pas le cas.

Echo hocha timidement la tête avant de tirer un bout de parchemin de sa table de chevet. Et de le tendre à sa mère en virant rouge pivoine. Min le déplia et lut à voix haute, souriant davantage à chaque mot :

« Chère Echo, je suis désolé de t'avoir fait mal, même si c'était pas fait exprès. Je ne voulais pas te rendre triste non plus en te traitant de tête brulée. C'était un compliment. Tu es la seule fille que je connaisse qui grimpe aussi bien aux arbres et qui accepte de jouer à des jeux de garçons, et je trouve ça génial. Quand tu m'as battu à la course aujourd'hui, j'étais impressionné. Je voulais juste te le dire, voilà. J'espère que ta maman acceptera de faire disparaître ta blessure, comme mon père a fait disparaître les miennes. Ton œil est plus joli sans le bleu autour. Jaden. »

Cooper faillit éclater de rire en voyant Min replier le parchemin, les lèvres pincées pour se retenir elle aussi, et le rendre à Echo qui s'empressa de le replacer là où il était. Puis, elle croisa son regard, et il sut qu'ils pensaient exactement à la même chose. Cooper glissa donc sa main sur celle de Minerva et mêla ses doigts aux siens, puis, conscient que cela méritait d'être dit, il suggéra à sa fille :

« Tu devrais la garder précieusement…

- Pourquoi ? »

Cooper serra les doigts de Min plus fort, alors que de sa main libre, cette dernière prenait celle de sa fille. Il était fier de voir que sa Minerva, celle qu'il avait rencontrée dans un train neuf ans plus tôt, était encore là, malgré les années passées. Qu'il l'avait ramenée, juste par sa présence à ses côtés, à croire aux histoires qui l'avaient conduites à l'aimer démesurément.

Et, tout en sachant que son propre happy-end ne signifiait pas que l'univers entier en était rempli, tout à fait certain même que tout l'idéalisme du monde ne permettrait peut-être pas à leur fille d'avoir la vie merveilleuse qu'il imaginait pour elle, il répondit avec toute la ferveur possible, comme un souhait qu'il espérait voir se réaliser :

« Parce que maman croit si fort aux contes de fées qu'elle vient juste de s'imaginer le début du tien… »


Drago Malefoy & Hermione Malefoy


« Et ils vécurent tous très heureux pour toujours… Fin ! »

La voix douce d'Hermione s'interrompit, et la dame –son âge lui offrait l'honneur de pouvoir ainsi être nommée- se pencha légèrement sur le côté. Elle put ainsi contempler la moue frondeuse de sa petite-fille, laquelle la fixait, pas assoupie du tout malgré l'heure tardive.

« C'est même pas vrai d'abord ! » protesta-t-elle finalement en secouant la tête.

Son petit nez recouvert de tâches de rousseur se fronça, tout comme ses sourcils, alors que ses boucles d'un blond presque blanc s'agitaient sous ses mouvements. Hermione ne put s'empêcher de sourire en voyant la fillette, âgée de tout juste quatre ans, paraître si sûre d'elle. Parfois, il lui semblait retrouver de son époux dans ce regard clair si désespérément confiant et elle éprouvait alors une certitude à son tour : la petite Angéline ferait la fierté de son grand-père en rejoignant la maison Serpentard –un Malefoy de plus à y parvenir.

« Qu'est-ce qui n'est pas vrai ? demanda Hermione en caressant les boucles blondes de l'enfant qui s'était assise, ses jambes repliées sous elle.

- Que tout le monde a été très heureux ! D'abord, papa il a dit que papi et toi, vous avez presque fait un divorce. Et qu'en plus, bah, tonton Ky et tata Jill, ils étaient fâchés pendant quelques temps parce que tonton Ky, il voulait un autre bébé et que tata Jill, elle voulait pas ! Et t'as oublié aussi de dire que Jaimie, il veux aller à Poufsouffle et que papi, il sera pas content du tout, du tout… Et qu'Eidan, il avait fait des bêtises à l'école avec Hazel et Phoebe parce qu'elles ont une mauvaise infuence sur lui parce qu'elles sont des moitiés de Potter…

- Influence, Angie.

- C'est pareil ! rétorqua Angie en fronçant davantage son nez, comme toujours lorsque quiconque osait –chose dramatique- la corriger d'une quelconque façon. T'as oublié tout plein des choses… »

La fillette inspira profondément, releva le menton, et Hermione analysa aisément son expression : Angéline s'apprêtait à dire quelque chose d'inacceptable. Ce qui lui arrivait –au plus grand désespoir de tous à l'exception de Drago- bien trop souvent.

« Est-ce que t'oublies des choses parce que t'es vieille ? »

Un éclat de rire retentit tout à coup dans la chambre et Hermione releva les yeux vers la porte grande ouverte. Absorbée par le récit –censuré- qu'elle avait fait à sa petite fille de l'histoire familiale, elle n'avait même pas entendu son époux les rejoindre. L'épaule appuyée contre l'embrasure, Drago considérait tour à tour deux des femmes de sa vie, apparemment très amusé par la remarque de sa petite-fille. Lentement, toujours aussi séduisant que bien des années auparavant –surtout aux yeux de son épouse- il fit quelques pas dans leur direction.

« Angie, ta grand-mère ne sera jamais vieille, répliqua-t-il à l'adresse de sa petite-fille qui ne parut pas très convaincue. Et elle n'oublie jamais rien non plus… »

Drago esquissa un sourire en direction d'Hermione qui ne put s'empêcher d'y répondre, pourtant certaine qu'il s'apprêtait à ajouter quelque chose : il n'offrait que très rarement des compliments gratuits, à moins de vouloir la mettre dans son lit. Et encore, il n'avait plus à faire le moindre effort pour cela, et ce depuis de longues années. Peu importait leur âge, ils resteraient toujours aussi accro l'un à l'autre. Et elle ne doutait pas qu'il puisse néanmoins être encore mesquin de temps en temps.

« Elle omet, voilà tout, compléta-t-il avec un clin d'œil. L'histoire exhaustive prendrait des années à être contée… Et tu es encore bien trop jeune pour l'entendre.

- Un jour, je pourrai te la raconter, rassura Hermione en sentant Angie prête à débattre. Elle est pleine d'atrocités et de dangers, tu ferais des cauchemars… »

Angéline hésita un instant, puis poussa un profond soupir de dépit. Sagement, elle se rallongea, la tête sur l'oreiller et laissa sa grand-mère la border. Drago resta là, à côté du lit, conscient que sa petite-fille adorée n'allait pas en rester là. En effet, une fois bien entourée de sa housse de couette, ses boucles blondes formant un halo autour de son visage poupon, Angie mordilla ses lèvres. Puis, son regard oscilla un instant entre les deux adultes avant de se figer entre eux.

« En fait, c'est comme un conte de fée ! »

Drago haussa un sourcil, surpris, et put lire le même étonnement sur les traits de sa femme. Cette dernière caressa doucement les cheveux d'Angéline, en l'attente d'une explication qu'en bonne petite Miss-je-sais-tout, la fillette s'empressa de lui offrir :

« Toi et papi, vous êtes comme les princes et les princesses de toutes les histoires. Sauf qu'à la place des ogres et des dragons, y'a papi Ron qui fait tout un tas de bêtises et des méchants avocats tous nuls… Et à la fin, vous avez vécus heureux très longtemps et vous avez eu mon papa. Et Tata Min.

- C'est vrai que j'ai l'air d'un prince, confirma Drago en hochant très sérieusement la tête. Très bonne comparaison, Angie.

- A un détail près… »

Drago croisa le regard de son épouse et sut pertinemment ce qu'elle allait dire avant même qu'elle ne puisse conclure sa phrase.

« Quel détail, Mamimione ? »

Hermione se tourna vers Angélina, qui paraissait à la fois curieuse et agacée –après tout, pourquoi fallait-il toujours que les adultes trouvent moyen de la corriger alors qu'elle avait raison tout le temps ?

« Et bien, petit ange, l'histoire n'est pas tout à fait finie… »


Drago referma doucement la porte de la pièce derrière lui et éteignit les lumières du couloir une à une en avançant. Il passa devant la chambre désormais vide de Min, et comme toujours, fut surpris par une furieuse envie d'aller frapper à la maison d'à côté, juste pour s'assurer qu'elle allait bien, et qu'Echo n'avait pas grandi sans lui. Elles lui manquaient effroyablement, et il s'en sentait presque coupable : il aurait dû être tout simplement heureux qu'elles aient enfin un chez-elles, que Cooper soit si déterminé à faire leur bonheur… Et il l'était, au fond. Il était juste un peu triste de ne plus les avoir sous son toit.

Il chassa cette pensée, préférant se concentrer sur ce qui l'attendait, et entra dans sa chambre. Adossée aux nombreux oreillers de leur lit, Hermione lui adressa un petit sourire qu'il traduisit par un « Ce soir… ». Les points de suspension avaient un sens clair et précis dans ce cas ! Il s'empressa donc de la rejoindre, repoussa le tube de crème avec laquelle elle massait sa peau tous les soirs quand il la laissait le faire toute seule, et l'embrassa tendrement, heureux de sentir ses bras se refermer autour de son cou.

« Tu ne me trouves pas trop vieille, alors ? susurra-t-elle contre ses lèvres lorsqu'il plaqua son bassin entre ses cuisses.

- Ce serait hypocrite de ma part, rétorqua-t-il avant de déposer quelques baisers sur la courbe de sa mâchoire.

- J'ai neuf mois de plus que toi. Tu ne voudrais pas aller trouver une très jeune vieille femme de neuf mois de moins que toi ? »

Il secoua la tête, un rire au bord des lèvres et se redressa légèrement, interrompant leur étreinte pour rétorquer :

« J'ai passé des heures… -Que dis-je ?!- des années à travailler très dur sur nous, et tu crois que j'abandonnerais ça pour quelques cheveux blancs de moins ? »

Elle haussa un sourcil railleur, sous-entendant clairement qu'elle avait plus que « quelques cheveux blancs », et il leva les yeux au ciel. Merlin, après tant d'années, comment était-il possible qu'elle n'ait pas été contaminée par sa flagrante confiance en lui ? Certes, il adorait lui prouver à quel point il la désirait –il lui semblait parfois évident qu'il la désirerait toujours quand ils seraient morts et enterré !- mais il préférait le démontrer en actes plutôt qu'en paroles.

Par malheur, il avait épousé Hermione Granger. Et cette dernière adorait parler. Surtout lorsqu'il avait envie de tout autre chose. Il poussa donc un soupir à fendre l'âme qui fit monter un petit sourire moqueur sur les lèvres de sa sadique épouse, et s'allongea à côté d'elle, aussi près qu'il était possible sans être sur elle.

« Qui y a-t-il ?

- Tu es sûr qu'on doit faire ça ? demanda-t-elle d'une petite voix en jouant avec les boutons de sa chemise –elle lui ferait perdre l'esprit un jour. Je veux dire… Il y a vingt ans, ça aurait été normal de se lancer dans cette aventure mais maintenant ?

- Et bien quoi, maintenant ? (Elle baissa les yeux et il fronça les sourcils.) Hermione, tout est prêt. On l'annoncera aux enfants demain, et... Tout ira pour le mieux. Jill est là, totalement surexcitée par tout ça, Clare également et Cameron a tout terminé il y a quelques jours. Même Cooper a accepté de nous aider. Les papiers sont signés, l'inspection s'est passée à la perfection… Il n'y a plus moyen de reculer, tu t'en rends compte ?

- Je sais… C'est juste un peu fou, non ? »

Il éclata de rire en hochant la tête. Oh oui, ça l'était. Mais ils en avaient rêvés, et il n'était pas prêt à renoncer juste par peur de l'échec. Il se pencha au-dessus d'elle pour l'embrasser et décida de la convaincre, comme il l'avait fait tant de fois à tant d'occasions au cours de leurs vingt-six années de mariage.

« Je sais qu'en temps normal, les gens ne démarrent pas un nouveau projet à notre âge, qu'ils soient moldus ou sorciers d'ailleurs. Mais comment aurions-nous pu le faire avant ? A quel moment entre les tergiversions d'Ana, les surprises de Ky, les drames d'Adrian et les bêtises de Min ? Nous étions bien trop occupés avec eux, et même avec leurs enfants, pour nous occuper de nous, et tu le sais aussi bien que moi !

- Echo n'a que huit ans.

- Oui, mais elle a des parents, tu te souviens ?

- Oui, un papa qui passe la moitié de sa vie sur scène et une maman qui travaille six jours par semaines, rappela Hermione en grimaçant.

- Comme tu le faisais à l'époque d'Anaïa, une époque où tu étais pratiquement toute seule. Hermione, ce sont des détails… Nous réglerons les problèmes s'ils se présentent, mais je tiens à préciser que nos enfants nous doivent tous de nombreuses heures de baby-sitting et qu'Echo aura toujours quelqu'un pour veiller sur elle en la personne de Dondre !

- Mais les enfants…

- Les enfants iront très bien. Et si ça va mal, ce ne sera pas parce que nous prenons enfin le temps de faire quelque chose uniquement pour nous. Ils sont adultes désormais… C'est à notre tour de redevenir jeunes et insouciants ! »

Elle se mordilla la lèvre, doutant apparemment encore d'une décision qu'ils avaient pourtant prise des mois auparavant et qu'ils avaient élaborée bien plus tôt encore. Alors il abattit sa dernière carte, celle qui primait sur toutes aux yeux de sa Gryffondor : leur bonheur.

« C'est la première fois depuis très longtemps que je me sens aussi excité par quelque chose…

- Tu étais très excité il y a dix minutes, persifla-t-elle avec un sourire goguenard.

- Et je le serais toujours en passant le seuil de notre chambre, convint-il. Mais ça faisait longtemps qu'autre chose ne m'avait pas autant enthousiasmé… Soyons francs, nous avons pris des mois, des années, des décennies même à chaque fois qu'ils commettaient des erreurs. J'ai pris cent ans quand Min est tombée enceinte. Et cent de plus quand Adrian et Clare ont disparus. J'ai pris de l'âge en voyant le couple de Ky battre de l'aile et des milliers de rides –intérieures, d'accord !- quand Ana et Cameron jonglaient avec les jumelles. Mais là, depuis quelques mois… C'est comme si je me retrouvais à l'époque où on a commencé à vivre ensemble, avec tous ces projets géniaux et effrayants, avec tous ces rêves et ces buts à atteindre. »

Elle le fit taire en posant doucement sa main contre sa joue, et il tourna la tête pour déposer un baiser au creux de sa paume. Et il ajouta, avec un faux-frisson de crainte :

« Et puis, mieux vaut faire ça maintenant, avant que nos petits-enfants se mettent à nous faire vieillir prématurément à leur tour ! Imagine donc Angie dans quelques années, quand elle décidera que les garçons ne sont finalement pas si « beurk » que ça et qu'ils ne sentent pas le fromage comme elle l'avait cru… Ou Echo, lorsqu'enfin, elle réalisera qu'elle se voit de manière totalement déformée et qu'elle osera s'exprimer un peu plus… Et Jaimie. On le sous-estime, mais je suis certain qu'un jour, il révélera que sous sa façade de gentillesse et de compassion incarnée, il est un vrai sociopathe ! C'est impossible d'être si foncièrement gentil. Surtout pas avec les gènes qu'il se traine ! Oh et tu penses aux jumelles qui tomberont certainement un jour réellement amoureuses du même garçon !?

- Ne parle pas de malheurs, bougonna Hermione sans pouvoir s'empêcher de sourire face à l'avenir sombre qu'il dépeignait.

- Et Eidan, qui finira je suppose par sortir son nez de ses romans de fantasy et réalisa qu'il y a des filles autour de lui. S'il est comme son père, tu imagines le drame ?! (Elle mordit sa lèvre pour ne pas rire alors qu'il continuait, les yeux écarquillés d'horreur.) Et Gwen, Merlin ! Une fille intelligente ! Tu es passée par là, non ? Tu sais comment les gens l'appelleront à Poudlard ? Miss-Je-Sais-Tout, c'est certain ! Et puisqu'elle est aussi caractérielle que Jill, je peux t'assurer qu'elle ne se laissera pas faire et qu'elle cognera le premier garçon qui osera se moquer d'elle… Comme toi à une époque, d'ailleurs.

- Ca n'a pas si mal fini entre ce garçon et moi…

- En effet, mais elle subira énormément de choses avant d'arriver au happy-end, rétorqua-t-il en levant les yeux au ciel. Et je refuse que nos petits-enfants aient des vies aussi compliquées que les nôtres ! Pourquoi est-ce que tu souris comme ça ? »

Elle secoua la tête, et il en conclut qu'elle ne voyait pas les choses autrement : leurs petits-enfants seraient aussi compliquées, s'emmêleraient autant que leurs parents et qu'eux-mêmes… Qu'il le veuille ou non, ils avaient créé des monstres, lesquels avaient ensuite suivi le même chemin. Un chemin tracé d'embûches qui valait presque toujours la peine.

« Ce que j'essaie de te dire, c'est que si nous ne nous lançons pas maintenant, qui sait ce qu'ils pourraient inventer pour nous faire patienter encore davantage ? »

Il lui sourit, en l'attente de sa réaction et enfin, d'une voix moins angoissée, elle demanda :

« Alors… ça te rendrait heureux ?

- Je suis heureux », rétorqua-t-il.

Il ne mentait pas. Et s'il avait été tenté de l'oublier et de se plaindre de quoi que ce soit, il lui aurait suffit d'observer la femme que Merlin, Dieu, ou deux enfants marieurs avait mise sur sa route. Ou encore d'attendre ces dimanches midis où toute sa famille était réunie, lui offrant plus de bonheur qu'il n'aurait jamais cru pouvoir en avoir.

« Mais tu le serais encore plus ?

- Oui, je crois, conclut-il avant d'ajouter : Si seulement ça te rend heureuse toi aussi… »

Elle esquissa un sourire un peu tremblotant avant d'acquiescer. Puis, inutilement parce qu'il l'avait très bien compris sans aide, elle admis :

« J'ai peut-être un peu peur.

- Tu fais une piètre Gryffondor !

- Et toi un pathétique Serpentard ! »

Il ne s'offensa même pas de l'insulte, sans doute parce qu'elle n'avait pas tout à fait tort – un Serpentard ne se serait jamais lancé dans cette histoire sans l'assurance d'une réussite… Mais il estimait avoir gagné le droit de prendre quelques risques, après des années à veiller sur tout et tout le monde.

« Je t'aime, Drago…

- Ca veut dire que tu es toujours partante ? »

Elle n'hésita pas et acquiesça, peut-être encore effrayée par tout ce qui pouvait mal tourner, mais décidée à annoncer la nouvelle aux enfants le lendemain. Il espérait simplement qu'ils soient plus faciles à mettre dans son camp… Il avait déjà Jill, Clare, Cooper et Cameron derrière lui, après tout. Tout se passerait bien, à moins qu'ils ne s'imaginent que leurs parents perdaient la tête…

Il chassa ses nouvelles préoccupations quelques secondes plus tard, lorsqu'Hermione se rapprocha de lui pour l'embrasser. Mais avant de plonger dans l'étreinte qu'il adorait, il décida qu'à la moindre critique, il pourrait toujours tous les enfermer à la cave.

Tous les parents avaient leurs méthodes d'éducation : telle était la sienne.


La maison des Malefoy n'avait pas été si pleine de vie depuis les vacances précédentes et Dondre, l'elfe de maison qui refusait catégoriquement de prendre sa retraite, paraissait un peu dépassé par les événements. Tâchant de satisfaire tout le monde, la petite créature passait d'un étage à un autre sans jamais s'arrêter, conscient qu'il était désormais bien trop âgé pour supporter les excentricités d'une telle famille. Entre les adultes, les enfants, et les animaux, il se serait cru dans une ménagerie très particulière et se sentait totalement envahi.

Pourtant, lorsqu'il les vit, tous réunis dans le grand salon, l'elfe ne put s'empêcher d'être heureux. Trente années auparavant, son maître élevait seul son fils et l'atmosphère de la maison n'avait rien à envier à celle d'un cimetière, malgré tout l'amour de Drago pour Kylian. Jamais –au grand jamais- il n'aurait pu imaginer vivre un jour une telle fête, pleine de rires, de plaisanteries, de sous-entendus, de baisers et d'étreintes… Et jamais il n'aurait cru être autant aimé lui non plus.

« Dondre ! »

Le cri perçant d'une jeune adolescente coupa court à la plupart des discussions, et Dondre se sentit rougir jusqu'aux poils de ses oreilles. Hazel, l'ainée des petits-enfants Malefoy, se précipita vers lui, un immense sourire plaqué sur le visage. Les cheveux noirs, un regard brun à s'y noyer, l'adolescente de seize ans devait faire tourner bien des têtes malgré son petit côté rebelle. Ou peut-être grâce à lui…

« Je t'ai apporté une surprise !

- Vous… Vraiment, Miss Potter ? »

La jeune fille hocha la tête, sans se départir de son sourire apparemment inconsciente de l'embarras de l'elfe de maison qui ne s'habituait pas à la familiarité dont les enfants faisaient preuve avec lui. C'était cependant la première fois que quiconque décidait de lui offrir un cadeau sans raison particulière, même si sa maitresse avait toujours des petites attentions pour lui et que sa petite Echo lui fabriquait tout un tas de choses.

« Je l'ai trouvé en faisant mes courses de rentrée et j'ai tout de suite pensé à toi », précisa Hazel avant de déposer un baiser sur sa joue.

Elle se détourna rapidement pour rejoindre les autres membres de sa famille, lesquels avaient suivi la scène sans la trouver particulièrement choquante et Dondre décréta silencieusement qu'ils étaient tous devenus fous. Les sorciers n'offraient jamais de cadeaux aux elfes de maison. Jamais.

Il devait néanmoins admettre que ce n'était pas la chose la plus choquante qui se soit produite dans cette maison. Oh non, cette dernière avait vécu bien pire…


Sept. Sept petits enfants.

Lorsqu'il les voyait là, tous réunis, Drago avait du mal à y croire. Pourtant, il avait été l'un des premiers à bercer chacun d'eux, avait changé quelques couches, essuyé de nombreuses larmes, guéri bien des blessures, encouragé multitudes de jeux et de bêtises… Ce qui ne l'empêchait pas d'être choqué dès qu'ils se retrouvaient tous ensemble, surpris d'être le doyen d'une famille aussi vaste dont les membres restaient si proches malgré les épreuves.

Il croisa le regard d'Hermione par-dessus la table et elle lui sourit, l'air de dire qu'elle pensait comme lui. Sauf qu'elle avait vécu dans une famille unie, avait connu ces liens irréductibles, avait été un membre à part entière du clan Weasley… Elle connaissait le sens du mot « famille ». Lui n'en avait eu qu'une vague idée pendant la première moitié de sa vie, et faire partie d'un tout aussi éclectique lui paraissait presque surréaliste.

Il se souvenait de son enfance où, entre ses parents et lui, seul un silence morbide rythmait les repas. C'était comme si, en épousant Hermione, il avait aussi épousé de nouveaux sons et de nouvelles couleurs… Tout un nouveau monde.

Un monde bizarre où ses enfants et petits-enfants n'étaient pas tous blonds, où il en partageait certains avec Harry Potter et Ronald Weasley, où l'un de ses petits-fils entrerait sans doute à Poufsouffle… Un monde dans lequel il n'aurait jamais cru pouvoir vivre. Un monde qui lui plaisait infiniment.

Sans pouvoir s'en empêcher, il laissa son regard parcourir la table, ses pensées fourmillant dans son esprit à mesure qu'il dévisageait les membres de sa famille. Ses enfants d'abord qui étaient devenus des adultes dont il pouvait être fier.

Son fils ainé, celui pour lequel il avait dû se battre, était devenu un homme plus sérieux qu'il n'aurait jamais pu l'envisager, un vrai génie dans le monde de la sorcellerie, un maitre des potions respecté… Et plus important encore, un mari et un père exemplaire pour ses deux enfants.

Sa fille, avec laquelle il avait eu tant d'années à rattraper, avait l'air si comblée qu'il avait pris sur lui pour supporter l'homme qui la rendait heureuse –un Potter, certes, mais un Potter utile ! Elle veillait sur ses trois enfants comme une furie, prête à torpiller celui qui briserait le cœur d'une de ses filles adolescentes et à mordre celui qui s'en prendrait à son Jaimie –le loyal Jaimie qui, du haut de ses onze ans, n'avait pas honte le moins du monde d'être si différent de ce qu'on attendait de ses noms de famille.

Et il y avait son petit miracle, celui qu'il n'avait absolument pas vu grandir, celui qu'il avait bien failli perdre, celui auquel –au bout du compte- il avait fait le plus de mal. Lui, qui contemplait sa femme avec une telle vénération que Drago lui-même s'en sentait tout étourdi lui qui veillait continuellement sur sa fille, prunelle de ses yeux, sans jamais relâcher son attention. Celui qui fêtait ses vingt-six ans, lui donnant l'impression de prendre des années par la même occasion.

Puis il y avait sa petite dernière, celle qui grimpait les échelons menant au sommet sans le moindre doute, sans la moindre peur, avec un cran presque insupportable. Celle qui parvenait néanmoins à trouver du temps pour sa famille, jonglant habillement entre tous ses titres. Celle qui deviendrait Reine du Monde Entier si elle décidait de s'en donner la peine.

« Papa ? »

Drago sursauta presque en sentant la main de son cadet se poser sur son avant-bras et il remarqua son regard soucieux. Il lui décrocha un sourire afin de le rassurer, mais Adrian resta perplexe. Drago mit quelques secondes à comprendre ce qui troublait tant son fils : Angéline était dressée à ses côtés, en l'attente de quelque chose de sa part. La fillette lui adressa un rictus hautain –Merlin, qu'il était fier d'elle, si jeune et tellement de potentiel !- avant d'articuler très clairement :

« Est-ce que je peux monter sur tes genoux ? »

Drago acquiesça simplement avant de reculer un peu son siège afin que la fillette puisse se hisser sur lui. Il l'entoura doucement de ses bras, souriant dès qu'Angie lui piquait sa fourchette et son repas par la même occasion, et contempla la génération suivante.

Hazel et Phoebe, les jumelles, étaient les aînées, dignes filles de Potter, pleines d'assurance, de férocité, de talents de toute sorte. Il se disputait continuellement avec Harry Potter afin de déterminer qui –des Malefoy ou des Potter- avait offert leur arrogance aux jeunes filles. Respectivement élèves de Serpentard et Gryffondor, elles faisaient tourner bien des têtes et ça –au moins !- Drago savait de qui elles le tenaient… Même s'il aurait parfois espéré qu'elles s'abstiennent.

Venait ensuite Eidan, un vrai cerveau sur pattes qui se laissait pourtant entrainer dans les stupides plans de ses grandes cousines sans riposter –et avec un certain enthousiasme ! Il était si désespérément doué en tout que Drago soupçonnait Hermione d'en être parfois jalouse, lorsqu'elle n'était pas dévorée de fierté. Avec ses rêves de grandeur et ses ambitions plus folles encore, Drago ne doutait pas qu'il puisse réussir tout ce qu'il entreprendrait, quel que soit le monde qu'il choisissait.

Jaimie était l'anomalie de la famille –et tenait son rôle avec une dévotion consternante. Drago soupçonnait qu'il s'agissait d'une interminable crise d'adolescence –commencée dès le berceau- alors qu'Hermione préférait expliquer à qui voulait l'entendre que les enfants ne ressemblaient pas toujours à leurs parents… Le jeune garçon était doux comme une licorne, ne s'attirait jamais le moindre ennui et avait le don exceptionnel d'apaiser tout le monde, même en situation de crise –entre Potter, Weasley et Malefoy, il était bien utile !

Echo était sa protégée, sans doute parce qu'il l'avait pratiquement élevée ou encore simplement parce qu'elle en avait besoin. Elle manquait cruellement de confiance en elle, malgré son petit côté casse-cou. Et contrairement à ses cousins et cousines, cherchait souvent à être seule. Il lui semblait parfois qu'elle pourrait un jour exploser à force de tout garder en elle et qu'alors, elle ferait de nombreux dégâts.

Puis venait le petit ange qu'il avait sur les genoux. Un petit ange particulièrement démoniaque. Du haut de ses quatre années d'expérience, Angéline savait tout mieux que tout le monde et était capable de convaincre n'importe qui de n'importe quoi. Drago n'aurait jamais hésité à admettre qu'il la gâtait plus que les autres, tout simplement parce qu'elle était une si parfaite petite Malefoy qu'il ne pouvait qu'être admiratif…

Ne restait plus que Gwen, la petite dernière de la famille –pour le moment du moins- qui, malgré ses trois ans, avait déjà tout d'une Serdaigle. Elle disait le mot « Pourquoi » environ deux fois à la minute et même Kylian était à deux doigts de lui lancer un sortilège de mutisme.

Drago faillit éclater de rire lorsque la fillette demanda innocemment à sa maman pourquoi elle avait arraché sa baguette magique à son papa et tenta de suivre les discussions qui se poursuivaient autour de la table. Comme toujours, il ne comprenait absolument rien aux conversations de ses adolescents de petits-enfants, lesquels comméraient ouvertement sur leurs condisciples et professeurs, l'air de rien.

Jaimie tentait d'expliquer à Echo pourquoi Poufsouffle était une bonne maison, la fillette secouant gravement la tête en signant le nom Gryffondor, maison à laquelle elle souhaitait appartenir, comme sa maman, ce qui faisait bougonner son père.

Merlin, il croisait les doigts pour qu'elle dise vrai : il ne pourrait supporter qu'un seul Poufsouffle parmi ses petits-enfants, il deviendrait fou s'il y en avait plus. Puis, une petite main tira sur son lobe d'oreille et il comprit qu'Angie requérait toute son attention.

« Papi ! C'est quand qu'on ouvre les cadeaux de papa, dis ?! »


Après avoir déballé de nombreux paquets, Adrian se retrouva avec une pile de livres, de parchemins et de plumes suffisamment haute pour qu'il ait de quoi écrire toute une vie. Il éclata de rire en découvrant les cadeaux fabriqués par ses neveux et nièces, et –comme toujours- leva les yeux vers ses parents, en l'attente de leur cadeau, avec une impatience de gosse.

Drago et Hermione échangèrent ce petit regard, celui avec lequel ils communiquaient depuis la nuit des temps, et il sortit une petite pile de parchemins pliés de la poche intérieure de sa veste. Leur fils fronça les sourcils : d'ordinaire, il avait droit à un paquet. Ou deux. Ou même dix. Mais lorsqu'ils s'assirent en face de lui, une étrange expression d'angoisse qu'il n'aurait jamais cru éprouver ce jour là transparut sur ses traits.

Il jeta un regard perdu à son frère, qui n'avait pourtant pas cessé de sourire bêtement depuis son arrivé ; puis à Anaïa qui se rapprocha instinctivement de son époux et à Minerva qui arborait un air prudent, adossée au torse de Cooper. Et Drago s'efforça de les rassurer en esquissant un sourire avant de lui tendre l'un des parchemins.

« Je sais que c'est ton anniversaire, mais ta mère et moi avons quelque chose à vous annoncer à tous et on préférait le faire pour une occasion spéciale… Ca ne t'embête pas de partager cette journée juste quelques minutes ? »

Adrian secoua la tête, apparemment plus curieux que déçu et Drago l'en remercia mentalement. Il faillit rire en imaginant la tête de Min s'ils lui avaient fait ce coup là le jour de son anniversaire : pas de doute, elle aurait été bien moins calme qu'Adrian. Elle haussa d'ailleurs un sourcil interrogateur lorsqu'il lui lança son propre parchemin, avant de faire de même avec Anaïa et Kylian.

« Vous pouvez les ouvrir… »

Ils déplièrent leur parchemin en un temps record, parcoururent les mots qui y étaient tracés en plissant davantage le front à chaque seconde, puis redressèrent la tête en un même mouvement, l'incompréhension se lisant dans leurs yeux. Kylian fut le premier à prendre la parole, alors qu'à côté de lui, Eidan tentait de lire par-dessus son épaule :

« Vous nous offrez un bâtiment ? s'enquit-il en pesant ses mots.

- Pas vraiment », sourit Hermione en prenant la main de Drago.

Drago ébaucha un sourire d'encouragement à l'adresse de son épouse et Hermione inspira profondément avant de se tourner vers Anaïa et Kylian pour en appeler à leurs souvenirs.

« Vous ne vous en rappelez peut-être pas, mais avant la naissance d'Adrian et Min, votre père et moi avions eu cette idée un peu folle… Avant qu'il ne trouve un travail et qu'on décide d'être des adultes sérieux.

- Le restaurant, souffla Anaïa après un court silence expectatif. Tu te rappelles, Ky ? »

Kylian hocha la tête avant de lâcher un petit rire surpris. Il jeta un coup d'œil au parchemin, et sourit plus encore avant de les regarder tour à tour.

« Vous avez acheté un restaurant ? Et ce sont des parts, c'est ça ?

- Dix pour cent chacun, approuva Drago. Vous hériterez du reste quand votre mère et moi ne serons plus là. Mais c'était supposé être une grande aventure familiale, alors on a préféré vous en offrir un peu dès le départ… »

Adrian et Minerva partagèrent un coup d'œil avant de demander plus d'explications, et Drago leur raconta comment leur était venu ce projet, bien des années auparavant, et pourquoi ils avaient préférés le mettre de côté. Min s'empourpra légèrement avant de ramener sa fille contre elle lorsqu'Hermione admit qu'ils avaient décidé de se lancer après qu'ils aient tous quittés la maison. Puisqu'elle venait à peine de déménager, elle se sentit quelque peu coupable de les avoir forcé à attendre davantage.

« Mais finalement, c'était mieux d'attendre, la rassura tendrement sa mère. Je peux prendre ma retraite sans soucis et votre père aussi…

- Ces papiers datent d'il y a six mois, remarqua Adrian en fronçant les sourcils. Pourquoi avoir mis tant de temps à nous en parler ?

- On voulait juste que le restaurant ait déjà pris forme avant de vous le montrer, expliqua Drago avant d'ajouter avec un brin d'arrogance : Enfin, votre mère voulait attendre. Elle craignait que vous ne nous trouviez totalement fous en découvrant le bâtiment tel quel…

- Alors vous avez tout fait tout seuls ? Et la grande aventure familiale, alors ? »

Le grommèlement d'Anaïa tira un ricanement à Drago, lequel s'était attendu à cette réflexion. Ainsi, sa réponse fusa :

« Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, la famille s'est agrandie ces dernières années. Nous avons eu de l'aide, même si ce n'était pas de votre part ! »

Il désigna ensuite Cameron, Jill, Clare et Cooper qui éprouvèrent apparemment le besoin de se faire tout petit alors que leurs époux respectifs se tournaient vers eux, avec le même air trahi. Jill haussa finalement les épaules, l'air de se moquer du regard curieux de Kylian et lui dit sans sourciller :

« Tu ne pensais quand même pas que j'allais m'installer ici sans avoir un travail, pas vrai ?

- Attends, t'installer ici ?! intervint Ana en écarquillant les yeux. J'ai loupé un épisode, là ?

- On allait vous en parler plus tard…

- Et quand exactement ? Merlin, depuis quand on se fait tant de secrets dans cette famille ?

- Depuis des siècles, si tu veux mon avis, s'esclaffa Minerva avant d'être arrêtée par le regard meurtrier de sa sœur.

- Tu vas travailler pour mes parents ? lança Kylian à Jill.

- Avec eux, pas pour deux. J'ai bien signifié que tout ordre de la part de ton père me conduirait à l'ébouillanter.

- Je n'ai pas pris cette menace au sérieux, intervint Drago avant de surprendre la lueur taquine dans le regard de sa belle-fille.

- Vous auriez dû !

- Mais qu'est-ce que tu as à voir là-dedans, toi ?! gronda Ana à l'adresse de son mari qui recula instinctivement. Tu ne sais même pas cuisiner !

- Clare non plus, grimaça Adrian en se souvenant apparemment d'une tentative culinaire de la concernée qui lui tira bêtement la langue, faisant naître un sourire étrangement libidineux sur ses lèvres. Mais elle a d'autres qualités…

- On devrait se boucher les oreilles, maintenant, grimaça Hazel en direction des plus jeunes.

- Vous devriez tous vous taire ! » conclut froidement Drago.

Les conversations se turent d'un seul coup, et Hermione se mordit la lèvre pour ne pas rire : Drago faisait preuve d'une étonnante autorité lorsqu'il le fallait. Et Merlin savait que ce genre de conversations ne menait jamais à du positif et qu'il valait mieux l'interrompre avant qu'elle ne dégénère. Le calme revint aisément et leurs enfants reprirent leur souffle, même si Anaïa ne parvenait pas à s'empêcher de fusiller son mari du regard, détestant qu'il lui fasse des cachoteries –Hermione était d'ailleurs surprise qu'il ait tenu si longtemps… Comme les autres.

« Jill travaillera avec nous, déclara-t-elle simplement. Et oui, Ana : Kylian et Jill vont désormais vivre en Angleterre. A Oxford pour être plus précise, puisque c'est là-bas que se trouve le restaurant.

- Mais… Pourquoi ? demanda directement Ana en se tournant vers Jill. Je croyais que tu ne voulais pas vivre « là où il pleut tout le temps » et que tu adorais ton travail ? »

Jill acquiesça –c'était toujours vrai, après tout elle avait juste revu l'ordre de ses priorités. Le regard de sa belle-sœur l'interrogea davantage et elle expliqua :

« J'avais besoin de changer d'air, de vivre quelque chose de nouveau. Mon travail commençait un peu à m'ennuyer, pour tout dire. Alors quand Drago est venu me demander comment j'avais démarré avec la pâtisserie, j'ai vu là l'occasion que j'attendais. Ça n'aurait pas pu mieux tomber. Et évidemment, puisque le travail est en Angleterre... Ainsi que mes enfants. Et Ky. Et ma famille en quelque sorte. »

Elle les engloba tous du regard, leur faisant ainsi comprendre de quelle famille elle parlait, et personne n'y trouva rien à redire. Jill faisait partie des Malefoy depuis son arrivée dans la maison, quinze ans plus tôt au même titre que Cameron, Clare et Cooper. Ces trois derniers, d'ailleurs, débattirent du regard pour être le prochain à s'expliquer et Clare l'emporta avec sa mine maladive du jour –qui devait tout à son éreintante nuit avec Adrian, et rien à sa maladie.

« Il y'a des conventions à respecter, au niveau de l'hygiène, et elles sont étrangement proches de celles demandées à Sainte-Mangouste. J'avais étudié le sujet pendant mes études, donc j'ai pu aider à faire passer l'inspection.

- Je me suis occupée de l'ambiance, intervint Cooper avec un petit sourire railleur à l'adresse de Cameron. Et je serais là pour la grande ouverture, avec le groupe, ce qui devrait ramener pas mal de monde…

- Et, moi, j'ai aidé à la décoration, ajouta Cameron avec un sourire penaud à l'adresse d'Anaïa. Et crois-moi, Ana, tes parents avaient vraiment besoin de soutien à ce sujet… Ah ! Et j'ai dessiné le menu aussi. Vous allez voir, jamais restaurant n'aura eu un menu aussi incroyable ! Sans me vanter ! »

Drago fit mine de lever les yeux au ciel, mais fut interrompu par le sourire amusé d'Hermione : ok, peut-être que Cameron pouvait se vanter d'avoir fait d'une simple planche une œuvre d'art mais il restait un Potter et en tant que Malefoy, Drago se devait de le taquiner un peu.

« On voulait vous faire une surprise, conclut Hermione. Et ils ont été d'une grande aide, alors ne leur en voulez pas trop… »

Anaïa décrocha un bref sourire à Cameron, et ses épaules s'affaissèrent de soulagement, alors que Clare passait tendrement ses doigts dans les cheveux d'Adrian qui se laissa faire sans rouspéter. Quant à Kylian, il flottait sur un petit nuage depuis la veille –découvrir le laboratoire que Jill lui avait conçu au sous-sol n'avait rien arrangé- et rien ne pouvait plus l'en faire descendre. Cooper, lui, savait pertinemment que Minerva ne lui en voudrait pas plus de dix minutes.

« Et c'est quand qu'on va le voir le restaurant ? s'enquit soudain Angie en s'asseyant sur les genoux de son père, sa petite mine emprunte d'une solennité très Malefoyenne. Je veux voir, moi !

- Moi, je l'ai vu ! intervint Echo en souriant fièrement à sa mère. Papi m'a montré comment faire marcher la caisse !

- Je veux faire ça, moi aussi ! » commenta Angie, qui n'avait pourtant pas compris ce qu'Echo avait fait exactement, mais souhaitait juste imiter sa cousine.

Prévoyant une dispute, Drago intervint en promettant qu'il leur trouverait à tous quelque chose à faire. Les trois plus grands n'eurent pas l'air d'entendre une bonne nouvelle : ils avaient des amis à voir pendant leurs vacances, travailler ne faisait clairement pas partie de leurs projets.

« On va y aller, maintenant. Si ça vous tente… »

Il n'eut pas besoin de le dire deux fois. Les conversations s'emballèrent de nouveau alors que tous se levaient pour quitter les lieux, sans même vraiment savoir où ils allaient. Il ne put s'empêcher de sourire en remarquant leur enthousiasme, lequel égalait presque le sien.

Il glissa sa main dans celle d'Hermione avant qu'elle ne franchisse le seuil et la tira en arrière pour l'embrasser doucement sur les lèvres. Elle sourit contre sa bouche et passa ses bras autour de son cou lorsqu'il interrompit leur baiser pour chuchoter :

« Tu vois, j'avais raison, comme toujours ! Ils n'ont fait aucune remarque négative !

- Pour l'instant, rétorqua Hermione avec son indémodable rictus de Miss-Je-Sais-Tout. Mais, qui sait ? Peut-être que la décoration ne leur plaira pas !

- Cameron a rendu ça impossible.

- Ou qu'ils n'aimeront pas la nourriture !

- Mes repas ont-ils déjà essuyé la moindre critique ?! s'offensa Drago.

- Non. Jamais. »

Il haussa les sourcils, l'air de dire « Tu vois, je te l'avais bien dit ! » et elle l'embrassa de nouveau pour effacer cet air suffisant de son visage. Il renforça leur étreinte, sans prêter attention aux conversations à seulement quelques mètres d'eux, puis s'obligea à la lâcher.

« On fêtera ça plus tard », jura-il simplement en s'éloignant à reculons.

Elle se contenta d'un sourire plein de promesses, mais –refusant de lui laisser le dernier mot- insista :

« Et le nom, Drago ? Et s'ils n'aimaient pas le nom ? »

Drago se figea et fronça les sourcils, comme si cette idée ne lui était jamais venue à l'esprit. Le nom, l'unique chose qu'ils étaient encore les seuls à connaître, qu'ils n'avaient pas eu à débattre tant il s'était imposé à eux. Il jeta un coup d'œil à sa famille, à ses enfants devenus adultes et à ses petits-enfants qui quitteraient bien trop vite l'enfance à leur tour.

Il remarqua une fois de plus leurs similitudes : ces cheveux clairs pour la plupart, ces traits aquilins, ces sourires en coin bercés d'une arrogance qu'il savait feinte… Ils se ressemblaient tous, malgré toutes leurs différences, malgré leurs nombreux différents. Et il eut la certitude que le nom leur plairait. Il était parfait.

Alors il se tourna vers sa femme qui attendait sa réponse, et rétorqua :

« Un Air de Famille ? Qu'est-ce qu'ils pourraient bien y trouver à redire ? »


Note _ Il y a trois ans jour pour jour (et non, cette date de post n'a pas été choisie par hasard...), j'ouvrai un document word pour écrire les quelques pages du journal intime d'une fillette de huit ans furieuse contre son père. Anaïa –qui ne s'appelait même pas Anaïa en fait (Mais Angie, maintenant que j'y pense xD)… Une semaine plus tard, j'avais déjà une dizaine de chapitres, et ce personnage ainsi que son futur frère, étaient installés dans ma tête pour ce que je pensais être une courte fiction entre deux projets plus compliqués.

Nous voilà donc, trois ans plus tard. Et pire 45 chapitres/OS/autres plus tard, sans compter les petits plus postés sur le blog. Et… Whaou. Plus de 2000 reviews plus tard. Et ça fait bizarre, tellement tellement tellement bizarre d'être arrivé à la fin. Ils sont toujours là dans ma tête, ont été rejoints par deux enfants, puis par leurs conjoints et leurs marmailles respectifs… Bref, tout un univers que j'ai bien du mal à abandonner. Mais puisque toutes les bonnes choses ont une fin…

Je ne vous poserai pas de questions pour cette fois. Eclatez-vous ! Vous avez le droit de blablater sur ce que vous imaginez pour le futur de tout ce beau monde, de demander si Bébé-Rocker va bel & bien s'appeler Jazz, de vous interroger sur la réussite –ou non- du projet-restaurant… Vous pouvez poser toutes les questions qui vous passent par la tête & je suis presque sûre d'avoir la réponse quelque part dans la mienne ! (Au moins sur la prochaine génération xD)

A ceux qui n'ont jamais laissé trace de leur passage, si vous ne voulez pas brûler sur l'autel des manchots, c'est le moment ! :-P Et à tous les autres, un énorme MERCI d'avoir fait vivre cette histoire avec moi.

Quant à la suite… Je suis malheureusement –et depuis quelques mois déjà- en phase de Doute-Page-Blanche-Suprême. Mais j'espère guérir rapidement & pouvoir venir vous proposer d'autres aventures, avec d'autres héros que ceux là, et qui –avec un peu de chance- seront encore plus appréciés !

En attendant, je risque de poster quelques mini-petits-trucs –ou longs, tels que je me connais- sur cette famille élargie quand ça m'en prendra, parce que c'est plus facile de se pencher sur de petites romances & histoires familiales que sur l'un des projets qui envahit mon ordinateur ! :) Mais cette fin est la vraie fin & tout ce qui viendra ensuite n'est que du plus créé par mon esprit tordu, et vous n'êtes clairement pas forcé de le lire… Si l'envie vous en prend, vous retrouverez tout ça sur le blog, donc pour les gens intéressés, allez y faire un tour de temps à autre ou suivez moi sur Twitter –lien de l'un ou l'autre sur mon profil- où je préviens toujours quand je poste quelque chose. Ou quand j'écris.

Quoi qu'il en soit… Merci, merci & merci encore à tous pour l'énorme soutien que vous m'avez apporté lors de cette aventure imprévue & merci merci merci encore à Bêtachoupinette-Loufoca d'avoir pris le temps de me corriger (et d'insulter souvent mes personnages xD) !

Et à bientôt j'espère :)

Bisous Bisous, Reviews Reviews.

Bewitch _ Tales