Nouvelle vie
Le voyage avait été long. Très long. Voler l'hovercraft n'avait pas été une mince affaire entre le vol des clefs et le manque d'informations pour se guider (en même temps, qui aurait eu l'idée d'indiquer comment voler un hovercraft), malgré le recrutement de la majorité des soldats pour régler les… Hem… problèmes qu'avaient provoqués la fille du feu. Une parfaite diversion pour une fuite, même si ce n'était pas prévu pour. Il y avait eu quelques problèmes pour réussir à le faire démarrer, mais ensuite, personne n'était venu pour l'arrêter. Tout se passait très bien, excepté le fait que c'était un long voyage vers l'inconnu qui se profilait… Mais bon, il n'y avait pas eu de choix possible.
La sortie de Panem avait été obligatoire. Mais hors de cet endroit, c'était l'inconnu, rien ne pouvait y préparer. Pas de carte, pas d'indice. Beaucoup, beaucoup d'eau. Des déserts. Des montagnes. Pas de village, ni aucune âme qui vive. L'espoir avait commencé à faiblir, voire même à disparaître. Le voyage ne s'arrêtait pas et aucun chemin, aucune voie n'apparaissait dans le champ de vision. Il n'y avait aucun signe permettant d'affirmer que c'était le bon chemin, qu'il n'y avait pas d'erreur. Rien pour garder l'espoir de ne pas être condamnée à mourir bêtement, de ne pas avoir gaspillé sa vie bêtement.
Et un jour, l'hovercraft s'était arrêté. Sans préavis, le moteur avait cessé de fonctionner, et tout l'engin s'était écrasé au milieu de nulle part. Mais la mort, elle, n'avait pas daigné venir si bas sur la Terre abîmée… Alors le voyage avait continué, à pieds cette fois. La chaleur devenait insoutenable. Les rations s'amenuisaient, et l'eau se faisait de plus en plus rare et de plus en plus précieuse. L'instinct de survie était de plus en plus fort, remplaçant petit à petit sa raison et ses sentiments. C'était insoutenable, insupportable à imaginer. Plutôt mourir que de ne devenir qu'un monstre sans scrupule, prêt à tout pour survivre.
Cependant, le voyage avait continué encore longtemps. Et un jour, un village était apparu, comme une lueur d'espoir au creux des ténèbres du désespoir. Les pas accélérèrent, et des larmes de joie coulèrent, libératrices. Des maisons, des gens, de la vie et de la nourriture. Que demander de plus ? De quoi se refaire une santé tranquillement.
Mais à l'entrée du village, les pas ralentirent, beaucoup plus lents, plus doux. Timides presque. Après tout, c'était un lieu inconnu, avec des gens inconnus… Et peut-être même une langue inconnue ! Lorsqu'on le connaissait, l'inconnu n'était pas si effrayant, mais en attendant, c'était seulement terrifiant.
Les rues étaient poussiéreuses, remplies de cailloux aisément envoyés ici et là. Les gens ne faisaient pas spécialement attention aux choses qui les entouraient, comme partout ailleurs. Soudain, il y eut un choc et une chute. Une main se tendit pour aider à se relever, la main d'un homme à l'air doux qui souriait. Cela lui fit du bien et elle accepta cette main tendue.
- Vous allez bien mademoiselle… ?
La langue était connue, ce qui rassurait mieux que tout autre chose. Loin de Panem, auprès de gens parlant la même langue, en sécurité. Une nouvelle vie était possible, si l'on prenait la peine d'y croire et d'espérer. Ce fut avec un sourire un peu intimidée qu'arriva la réponse attendue.
- Rose. Je m'appelle Rose.
- Enchanté. Je suis Jules Tranquilius. Bienvenue chez nous.
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Une année entière s'était écoulé depuis son arrivée. Doucement mais sûrement, Rose s'était habituée à cette nouvelle vie, plus frugale mais ô combien plus gratifiante. Et petit à petit, elle avait raconté aux villageois ce qu'elle avait vu et vécu. Les Jeux. Le Capitole. Le contraste entre riches et pauvres. Cinna. Effie. Haymich même. Ce qu'elle savait de Katniss et de Peeta. Le peu qu'elle avait entendu de la rébellion. Pas grand-chose, puisqu'elle était partie avant que celle-ci ne commence réellement… Elle avait raconté tant de choses… Mais une restait secrète. Son coeur n'était pas prêt à l'avouer. Ils lui avaient expliqué à leur tour ce qui s'était passé chez eux, comment ils en étaient arrivés là. Leurs coutumes, leurs loisirs. Ils lui avaient donné une maison et du travail aussi. Une nouvelle vie également.
Soudain, un jour, alors qu'elle travaillait, elle sentit une horrible douleur au niveau du coeur, comme si on le lui avait arraché. Elle se releva d'un coup, et eut un vertige. Tremblante, Rose commença à pleurer. Sans rien dire à personne, elle rentra chez elle et alla se changer pour une robe noire, avant de cueillir une rose qu'elle garda sur elle toute la journée. Ses larmes coulèrent sans discontinuer de toute la journée et de toute la nuit, sans qu'elle n'accepte d'en expliquer la raison à qui que ce soit. Le lendemain, elle reprit sa vie normale comme si rien ne s'était passé.
Mais chaque année, le même jour, le même manège se répétait.
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Il lui avait fallu cinq ans de plus pour écouter les demandes de Jules. Cinq ans pour qu'elle accepte d'écouter à nouveau son coeur. Lui l'avait acceptée avec ses secrets, et ce passé qu'elle ne voulait pas entièrement révéler. Elle avait fini par céder à ses avances, petit à petit, laissant son coeur se laisser atteindre par cet homme doux et discret. Pour construire une nouvelle vie, loin de tous ses ennuis passés. Ils s'étaient mariés, et avaient même eu un enfant. Malgré cela, Rose continuait à rester assez secrète, et Jules l'acceptait ainsi. Et pour cela, Rose ne pouvait que le remercier du fond de son âme.
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- Maman, Maman, tu viens ? Papa t'attend !
Le garçon entra dans la chambre de sa mère sans crier gare, regardant cette femme contempler mélancoliquement le paysage par la fenêtre, atteinte d'une langueur qui revenait chaque année à la même période. Elle ne semblait d'abord pas l'entendre, et il réitéra sa phrase. Alors seulement la femme se retourna et, voyant son enfant, se mit à sourire avec douceur. Ses yeux seuls trahissaient encore la tristesse qu'elle ressentait.
- Oh, Corey. Qu'est-ce qui se passe ?
- Papa t'attend, on doit y aller…
- Oui, j'arrive mon petit.
Elle jeta un nouveau coup d'oeil par la fenêtre, contemplant encore une fois la neige immaculée recouvrant ce paysage qu'elle avait appris à connaître, avant de fermer le rideau et de se relever.
- J'arrive.
Profitant du moment qu'il jugeait opportun, le jeune garçon osa poser la question qui lui brûlait les lèvres depuis longtemps :
- Maman, pourquoi tu es toujours si triste quand vient l'hiver ?
Elle ne répondit rien, perdue dans ses pensées, au point que Corey crut qu'elle avait oublié la question. Aussi en ajouta-t-il une autre, pour ramener sa mère dans la conversation.
- Tu n'aimes pas la neige, c'est ça ?
- Oh si, j'aime beaucoup la neige.
- Mais alors pourquoi ?
Elle sourit à nouveau avec une triste douceur qui était devenu une seconde nature chez elle, à son enfant la regardant avec curiosité. Puis elle lui répondit malicieusement :
- Ca, Corey, c'est un secret.