Bonjouuur !

Mon dieu il est presque 3 heures du matin ici, mais je tenais vraiment à poster ce chapitre avant le NaNo. Il s'y passe pas mal de choses, et au programme : de nouveaux persos, des réponses... Et de nouvelles questions. Comme les chapitres de cette fic sont d'une taille plutôt conséquente, j'ai ajouté un bref résumé du chapitre précédent afin que vous ne soyez pas trop perdus :)

Merci pour vos gentils commentaires, vous êtes les meilleurs !


Genre : Romance/Adventure

Rating : T

Pairings : Gruvia, Gerza en arrière-plan.

Disclaimer : Les personnages de Fairy Tail appartiennent à Hiro Mashima. L'univers est de moi. Bonne lecture !


Résumé du dernier chapitre : Sur l'île, Grey et Juvia découvrent qu'ils ne sont pas les seuls rescapés. Au cœur de la capitale, l'heure est aux retrouvailles : Gérard retrouve Ultear avec qui il a passé la majeure partie de son enfance, Natsu une Lisanna qui a bien changé, et Erza va demander de l'aide à Mirajane afin de rassembler des informations pour comprendre ce qu'il s'est passé sur le bateau avec Grey. De son côté, Cana fait une bien étrange rencontre ; sous ses airs de petites fille innocente, Mavis lui montre une vision de Grey, bel et bien vivant, accompagné de la créature qu'il avait sauvé ce jour-là : Juvia...


Chapitre V

LIES —


Le soleil s'était presque couché sur la capitale, figeant momentanément le temps pour allonger les ombres et baigner la ville dans une lueur rougeoyante. Natsu regardait les murs sans vraiment les reconnaître, redécouvrant les ruelles et maisonnées sous le nouveau visage que leur accordait le crépuscule ; à vrai dire, il était parti tellement tendu le matin même qu'il avait à peine pris le temps d'observer ce qu'il y avait autour de lui…

« Tout va bien ? », demanda alors Lisanna d'une voix douce, ayant bien compris qu'il était plongé dans ses pensées.

Elle marchait devant lui, flânant dans le silence de cette fin d'après-midi après qu'ils aient raccompagné Cana à l'auberge, celle-ci désirant se remettre de ses émotions avant la réunion qui devait avoir lieu le soir même et où chacun fera un rapport de ce qu'il avait découvert. Avec un sourire, Natsu acquiesça d'un hochement de tête, la détaillant sans rien dire ; la dernière fois qu'il l'avait quittée, c'était une petite fille aux jolies robes et au sourire innocent. Et maintenant…

Ça avait beau être la même, quelque part, elle avait autant changé que lui – autant changé qu'eux. Ses vêtements amples lui laissaient tout la liberté dont elle avait besoin pour se déplacer avec agilité, qu'il s'agisse de courir, de se dissimuler ou de grimper. Même lui qui avait passé une bonne partie de sa vie sur un nid-de-pie, il devait admettre qu'il y avait de quoi être impressionné ; Grey l'aurait sûrement été, lui.

Sûrement, hein.

Avec un discret soupir, Natsu se reprit et fit mine de s'étirer avant de la rattraper pour se tenir à sa hauteur. Ils marchaient sur le flanc poussiéreux d'une légère pente depuis quelques minutes, vers une destination inconnue du pirate ; mais marcher lui vidait la tête et lui faisait du bien, et puisqu'il faisait confiance à la jeune fille, il n'avait rien demandé.

« Qu'est-ce que ça te fait, de revoir Elfman après tout ce temps ? Ça fait un moment, hein… fit le garçon avec un sourire avenant, conscient que les sœurs d'Elfman lui manquaient énormément et inversement.

— C'est… J'ai un peu du mal à y croire, en fait, admit-elle avec une moue gênée. Je me souviens de toutes les lettres qu'il nous a envoyé, mais à peine de ce à quoi il ressemblait. Enfin, ça ne m'a pas empêchée de te reconnaître, ajouta-t-elle avec un sourire complice, mais… Est-ce qu'il est si différent ? Est-ce qu'il a oublié à quoi je ressemblais, moi aussi ? »

Natsu l'observa avec curiosité et médita sur ses questions avant de répondre :

« A mon avis, il risque d'être un peu surpris… Mais t'as pas tellement changée. Mira non plus, d'ailleurs, ajouta-t-il en se remémorant l'adolescente au sourire aussi dangereux que ses capacités à se battre qu'il avait connue il y avait déjà quelques années.

— Ah… Tu trouves ? »

Lisanna s'arrêta soudain en avisant un petit local en bord de chemin ; avec une aisance naturelle, la jeune fille grimpa sur une caisse et se hissa sur le toit sans menacer de tomber à un seul instant, avant de tendre une main à Natsu pour faire de même, un sourire qui semblait l'inviter au défi peint sur ses lèvres. Le pirate ne lui cacha pas son étonnement en acceptant son aide, préférant mettre sa fierté de côté ; ça faisait trop longtemps qu'ils ne s'étaient pas vus pour qu'il s'autorise à la vexer. De plus, la course-poursuite qui s'était déroulée quelques heures plus tôt avait suffi à ce qu'il puisse voir chez Lisanna un potentiel adversaire ; le pirate choisi de la ménager un peu avant de la remettre au défi.

« J'aime bien venir ici, déclara la benjamine des Strauss en laissant son regard épouser les courbes du paysage. Ça me vide un peu la tête… »

La lueur du crépuscule recouvrait les contours de la ville d'un voile à la teinte oscillant entre le orange et le doré ; d'ici, ils pouvaient voir la campagne d'un côté et la ville de l'autre, rejoignant le littoral qui bordait la mer. Les ombres des bateaux rentrant au port s'allongeaient sur les vagues qui faisaient scintiller les flots, et Natsu se sentit un peu moins perdu à la vue de l'océan. Ça restait son seul repère stable, parmi ce tourbillon d'événements dans lequel ils avaient tous été pris bien trop vite…

La première fois qu'il était venu ici, c'était après que Grey lui soit tombé dessus par hasard, alerté par des éclats de voix. À deux — et Natsu n'avait d'ailleurs jamais compris pourquoi l'autre exhibitionniste avait immédiatement prit son parti à lui et pas celui des autres — ils avaient réussi à amocher un de ces mecs venus l'emmerder, à coups de poings, de pieds, de tête et de tout ce qui pouvait servir à frapper ; ils s'étaient davantage démené pour leur faire autant de mal qu'ils leur en avaient fait qu'autre chose, à vrai dire. Et en vérité, peu de gens le savaient, mais c'est Erza et son mentor qui les avaient sortis d'affaire tous les deux, bien mieux armés et familiers à l'art du combat.

Ils avaient vécu quelques semaines à la capitale, après ça, et ça avait probablement été le vrai début de leur nouvelle vie ; le retour à la réalité fut brutal à l'annonce de la mort de Panther Lily, et après quelques temps, l'appel de l'Océan s'était fait le plus fort. Dans un monde où il avait dût se battre d'aussi loin qu'il puisse s'en souvenir, ça avait été la seule véritable liberté qu'on pouvait lui offrir ; et après trois ans à naviguer en tant que corsaire sous les ordres d'un capitaine qu'il avait toujours détesté, sa liberté et celle de ses amis était devenu son seul crédo.

Ils étaient revenus une seule fois à la capitale ; et lorsqu'ils la quittèrent pour de bon, le nom de Titania était accroché à toutes les lèvres.

Lisanna le scrutait en silence lorsqu'il se tourna vers elle pour faire de même, curieux ; c'était quand même quelque chose, de la quitter petite fille et de la retrouver comme ça, si indépendante et sûre d'elle. Pourtant, en la regardant bien, il y avait quelque chose de plus dans son regard ; quelque chose qu'il reconnu sans problème parce qu'il ressentait constamment la même chose, lui aussi.

Ce besoin avide de liberté, mêlé à celui de découvrir de nouveaux horizons.

« Alors, ça fait combien de temps que tu fais ça ? »

Elle rougit un peu et arrangea machinalement ses cheveux courts pour dégager son visage ; et ça, par contre, c'était quelque chose qui n'avait pas changé chez elle.

« Mira-nee a quitté le couvent l'année d'après votre départ. Elle était furieuse, tu sais, se remémora l'adolescente en grimaçant. On a eu des problèmes avec le Conseil, à cause de ses relations avec Erza. Ça l'a pas mal fait réfléchir, et elle s'est mise à voir les choses autrement. À se poser des questions, aussi… Alors je devais juste donner des rendez-vous, au départ.

— En secret ?

— En secret, acquiesça Lisanna en souriant face à sa mine impressionnée. Je suis rapide et je sais être discrète. J'ai entendu beaucoup de choses, et finalement, Mira-nee a fini par accepter de me laisser me renseigner sans que je n'ai besoin de son accord. Elle est un peu… Surprotectrice, depuis qu'Elfman est devenu pirate. », précisa-t-elle ensuite.

Natsu eut un petit rire, ce qui réchauffa le cœur de son amie ; Mirajane avait toujours eu ce côté un peu parano qui faisait qu'elle se disputait toujours avec Erza lorsqu'elles étaient plus jeunes, celle-ci étant bien souvent trop téméraire. C'est ce qui faisait d'elle un capitaine d'exception, cela-dit ; et même si elle ne l'admettra jamais, la sagesse calme et tranquille de Gérard à ses côtés suffisait à calmer ses ardeurs les plus folles.

« Dis, Natsu... »

Le pirate se tourna vers elle, interpellé par le ton hésitant qu'elle venait soudain de prendre. Le regard un peu vague, elle fixait l'horizon avec une certaine envie, et Natsu comprit soudain à quel point la capitale devait paraître morne et petite, lorsqu'on y avait passé toute sa vie comme Lisanna l'avait fait.

« C'est comment, derrière l'océan ? À quoi ressemblent tous les endroits où tu es allé ? »

Sa voix portait toute l'envie et les rêves qu'elle devait probablement dissimuler ; et – soulagé qu'elle ne lui ait pas parlé de Grey comme il l'avait redouté – Natsu se surprit de se retrouver à travers elle avant de répondre :

« C'est... Grand, fit-il tout d'abord, désignant l'horizon d'un arc de cercle qu'il fit avec sa main. C'est différent, aussi. J'ai vu des villes qui ressemblaient à la Capitale, d'autres... Pas du tout. »

Elle avait ramené ses genoux contre sa poitrine et l'écoutait attentivement, un sourire rêveur aux lèvres. Natsu le lui rendit avant de continuer :

« Mais tu sais, faut pas croire que c'est tout le temps joli, ajouta-t-il en la regardant dans les yeux, soudainement un peu plus sérieux. Y'a vraiment des endroits super bizarres aussi. Une fois, on a fait une escale sur une île pour se réapprovisionner en eau, et là, se mît-il à raconter avec passion, je marchais, et puis je suis tombé dans un énoooooorme trou. Et tu sais pourquoi ? Parce que y'avait des enfoirés qui piégeaient tous ceux qui venaient sur cette île pour les bouffer. », acheva-t-il en reniflant avec dédain, ce souvenir encore ancré dans sa mémoire.

Elle avait les yeux qui brillaient, et le pirate se sentit sourire de constater qu'elle était loin d'être intimidée. S'amusant de la voir attendre, le garçon eut un petit rire lorsqu'elle lui mît un coup de coude, l'invitant à poursuivre.

« Et alors ? Comment tu t'en es sorti ?

— Ah, ça... Grey m'a retrouvé, et il m'a sorti de ce trou avant que les mecs de l'île soient venus me ramasser, raconta-t-il avec le sourire, un pincement au cœur de faisant sentir en faisant allusion à son ami de toujours. Ils nous sont tombés dessus après, et je crois qu'on a jamais autant été heureux de voir Erza débarquer.

— C'est vrai qu'Erza est très forte, souffla alors la jeune fille, et il fut surpris d'y déceler une pointe d'admiration. Et ensuite ?

— Gérard était là aussi. Tu sais, le mec au tatouage qui la suivait tout le temps partout... Ils ont accepté de nous laisser partir si on leur laissait une part du butin qu'on venait d'amasser.

— Vous avez eu de la chance... »

Natsu se gratta machinalement l'arrière du crâne avec un sourire mutin.

« Disons qu'on a levé l'ancre très vite quand ils ont compris que ce qu'ils prenaient pour de l'or n'étaient que des épices... »

Lisanna sourit avec amusement et riva de nouveau son regard vers l'horizon, un soupir envieux passant la barrière de ses lèvres. Après un moment d'hésitation où Natsu échangea un regard avec un groupe d'enfants qui passaient, le pirate finit par se racler la gorge avant de déclarer :

« Pourquoi tu viendrais pas avec nous, la prochaine fois qu'on lèvera l'ancre ? Je suis sûr que ça ferait plaisir à Erza, et puis on a de la place, alors-

— Oh, Natsu, c'est... Je ne sais pas, fit la benjamine des Strauss avec un sourire crispé. Il y aussi Mira-nee, et Elfman est déjà parti, alors...

— Elle pourrait venir aussi, ajouta le jeune homme avec conviction. J'ai jamais compris ce qu'elle foutait dans un couvent, tu sais... »

Le soleil était presque couché. Avec un soupir, Lisanna se leva et il fit alors de même, prenant garde à garder équilibre sur les tuiles qu'il jugeait pourtant solidement fixées ; elle avait l'air d'avoir bien plus d'expérience que lui concernant ce domaine là...

« Je... Je lui en parlerai. C'est gentil, ajouta-t-elle avec un petit sourire. J'aimerais beaucoup voir ce qu'il y a, là-bas, avec toi, Elf-nii-chan, Erza... »

Son sourire se fit un peu plus tendre, sincère.

« Et j'aimerais beaucoup revoir Grey, aussi. »

Natsu sentit son cœur se serrer ; pourtant, ce fut bien moins désagréable que ce à quoi il s'était attendu, et constater qu'il n'était plus le seul à avoir de l'espoir lui fit du bien. Beaucoup de bien.

« Ça lui ferait plaisir aussi. J'en suis sûr, affirma le pirate avec un sourire chaleureux.

— Dans ce cas, on ferait mieux de se dépêcher de le retrouver. Tu serais capable de te diriger jusqu'à l'auberge tout seul ?

— Euh... Je pense que oui, répondit le garçon en fronçant des sourcils, se remémorant les passages qu'ils avaient emprunté.

— Une petite course, ça te dit ? »

Elle souriait de toutes ses dents, rabattant son capuchon sur sa tête. Ne pouvant résister à l'irrésistible tentation de la battre à son propre jeu, Natsu se sentit envahi par son habituel goût du défi et se tint sur le départ, un sourire plus que ravi aux lèvres.

« Si je gagne, tu viens avec nous, fit-il alors soudain. Sans rien dire à personne.

— Et si tu perds ?

— Disons que tu viendras aussi... Après que Mira ait essayé de me tuer. Ça marche ? »

Lisanna éclata de rire, et ils s'élancèrent quasiment en même temps, dévalant l'allée poussiéreuse sous le regard intrigué des fermiers et admiratif des enfants. La fatigue et l'abattement de la veille s'envolaient un peu plus à chacun des pas contrôlés du pirate, dont le coeur battant se remit à brûler. Poussés par une euphorie naissante, ils slalomèrent entre les derniers passants, sautèrent au dessus des gosses riant aux éclats, glissèrent sous les charrettes — sans jamais s'arrêter, l'esprit rivé sur leur objectif.

Et sur Grey.

Au même moment, dans un abri de fortune bien plus confortable qu'ils auraient pût l'espérer, un homme et le vieillard qui l'accompagnait s'occupèrent de raviver les braises, qui donnèrent vie à de grandes et belles flammes dans un crépitement plein de vie. L'orchestres des criquets avait quelque chose de serein et étrange à la fois ; il y avait une forte odeur de bois par-dessus celle de la terre humide, puis vint la douceur d'une brise tiède sur sa peau rêche par endroits.

Et Grey ouvrit enfin les yeux.


x


La première chose que Grey perçut en reprenant connaissance fut la présence, peu à peu familière de Juvia à ses côtés ; avec le temps, il avait fini par lui trouver une odeur particulière, et sa peau était constamment fraiche contre la sienne, comme si elle était encore humide. Le grognement qu'il émit en essayant de se redresser fut ce qui alerta la créature sur la défensive, alors penchée au dessus de lui comme le ferait un animal pour dissimuler ses petits ; la vision encore floue, il croisa son regard inquiet et distingua les contours de son visage, éclairés par ce qui semblait être des flammes.

Ce fut le moment que choisi le terrible mal de tête qui lui vrilla le crâne pour se manifester, et Grey se rallongea alors dans un gémissement plaintif.

« T'es réveillé, gamin ? »

Il ne répondit pas, les dents serrées ; déjà parce qu'il s'en sentait incapable, mais aussi parce qu'il avait du mal à replacer les événements pour se situer. L'abordage, Juvia, leur naufrage… La façon dont il avait réussi à apprivoiser la créature, l'exploration de l'île, la chaleur. Et ensuite ?

Un visage inconnu fit irruption au-dessus de lui, qu'il distingua avec peine ; juste à côté, Juvia s'était remise à siffler avec agressivité, ce qui n'arrangeait pas vraiment son cas. L'homme était dans la force de l'âge, le regard vif et amusé, des cheveux mi-longs à la teinte brune tirant vers le roux, et une barbe de plusieurs jours lui grignotait le menton ; et même si le sourire qu'il lui adressa lui semblait tout à fait sympathique, le pirate ne pût s'empêcher de rouler sur le côté pour s'éloigner, Juvia toujours prêt de lui.

L'inconnu éclata de rire et jeta un objet à ses pieds, qu'il reconnu bientôt comme son couteau ; derrière lui, Grey repéra les flammes qui grimpaient vers le ciel, et juste à côté, un vieillard qui semblait méditer, son bâton posé sur ses maigres genoux. Attrapant fébrilement le poignard, le pirate prit conscience avec stupéfaction de la présence d'un toit au dessus de sa tête, composé de planches surmontées de ce qu'il identifia comme un tapis de feuilles de palmier désormais sèches. Le sol était assemblé de la même façon, et si des objets plus ou moins utiles traînaient dans un côté de la « pièce », d'autres outils et ustensiles étaient également à disposition, assemblés à partir de divers matériaux récupérés ; quant au brasier, il brûlait dans un âtre de pierres, et une odeur de nourriture fit gronder l'estomac du pirate.

L'autre rit encore ; sans se préoccuper du fait que Grey soit armé, il retourna s'asseoir près du vieillard et l'invita à faire de même.

« C'est bon, mon gars. On comptait pas te bouffer ou quoi, t'en fais pas. T'as faim, pas vrai ? »

Le brun ne répondit pas, l'esprit déjà un peu plus clair. Son regard croisa celui de Juvia, qui, sans comprendre, attendait probablement qu'il ne fasse quelque chose ; avec un soupir, il se résigna alors à se lever pour s'approcher, toujours armé.

Le vieillard ouvrit paresseusement un œil et lui présenta un vague sourire avant de se replonger dans sa méditation. L'autre jugea son poignard en silence en lui cédant une place, avant de déclarer d'un ton moins enjoué sans pour autant être menaçant :

« Je te l'ai rendu parce qu'il est à toi, mais je te conseille de pas jouer à l'imbécile avec ça. Moi aussi, je pourrais m'en prendre à ta vie si je le voulais, fit-il calmement et d'une voix profonde. J'aurais pût te tuer y'a longtemps d'ailleurs, et la donzelle aussi.

— Et pourquoi vous l'avez pas fait ? »

Sa voix était plus rauque qu'il ne l'aurait imaginé ; maintenant qu'il y pensait, il avait terriblement soif. Comme s'il avait entendu ses pensées, le gaillard attrapa ce que Grey identifia comme une noix de coco, s'empara d'une machette et l'ouvrit habilement en deux, avant de lui tendre les deux moitiés.

« J'vois pas l'intérêt. Allez, viens te réchauffer. Et dis à la fille de se calmer, tu veux. »

Avec un discret soupir de résignation, le pirate rangea son arme et s'approcha prudemment, faisant mine à Juvia de faire de même. Silencieuse, cette dernière cessa de siffler lorsque Grey posa brièvement une main sur la sienne en lui intimant de se calmer d'un regard appuyé ; elle finit par s'asseoir près de lui, docile, et but l'eau de coco après l'avoir vu faire. Le vieillard eut un ricanement amusé en les voyant faire, les jeunes rescapés acceptant la nourriture qu'on leur proposa sans broncher.

« Arrête de t'marrer comme ça, le vieux. Tu vas leur faire peur, grogna le brun, quoique sans se priver de sourire avec complicité. Je m'appelle Guildarts, fit-il alors en se tournant vers Grey, avant de désigner le vieil homme du menton. Lui, là, c'est Makarov, mais tu peux l'appeler le vieux si ça te chante. Et toi ? »

Grey but lentement et avec précaution le contenu de la noix de coco avant de répondre, ce sans le quitter des yeux :

« Grey. Elle, c'est Juvia. Elle… Elle parle pas beaucoup, fit-il en jetant un coup d'œil dans sa direction, la créature visiblement bien plus absorbée par les flammes crépitantes que par leur conversation.

— T'en fais pas, on a bien compris. C'est pas la première que je vois, précisa Guildarts tout en l'observant avec curiosité. Tu l'as trouvée où ? »

Juvia releva les yeux en comprenant qu'on parlait d'elle et se rapprocha instinctivement de Grey. Vaguement gêné, ce dernier lui fit signe que tout allait bien avant de répondre en se massant l'arrière du crâne :

« C'est… Euh, c'est compliqué. Un peu par hasard, à vrai dire. Vous êtes là depuis longtemps ? »

C'est Makarov qui répondit, d'une voix profonde qui témoignait de sa sagesse de vieillard :

« Ca fait longtemps qu'on compte plus les jours, gamin. Ca doit bien faire un an… Ou plus, qui sait, ajouta-t-il soudainement en fixant les flammes d'un air pensif, l'air concentré.

— Ta mémoire est plus ce qu'elle était, vieillard, commenta alors Guildarts. Ça va faire deux ans, répondit-il alors. On a fait naufrage ici, et on a été les seuls survivants. Impossible de quitter cette île depuis…

— En deux ans, vous n'avez jamais essayé ? Personne n'est jamais passé par ici, jamais ? »

Les deux naufragés gardèrent le silence, l'air sombre, tandis que Grey sentait une vague panique mêlée à un élan de colère s'emparer de lui. La fraicheur de la peau de Juvia contre la sienne l'apaisa un peu ; machinalement, le pirate s'empara de son couteau pour détacher la chair de la noix de coco, préférant s'occuper plutôt que de laisser sa nervosité prendre le dessus. La créature mangeait avec appétit à côté de lui.

« C'est compliqué, comme tu dis, finit enfin par souffler le plus jeune des deux. Je te montrerai demain, quand il fera jour. Mieux vaut pas s'aventurer dans la jungle la nuit, tu me suis ?

— Je vous suis… répondit le pirate, vaguement nerveux mais comprenant ce qu'il voulait dire : même armé, il ne s'oserait pas à se diriger à l'aveuglette dans une forêt qu'il ne connaissait pas et qui était probablement plus dangereuse qu'il ne l'imaginait.

— J'ai vu que t'avais une sacrée cicatrice dans le dos, reprit-il alors avant de lui faire signe de se retourner. Fais voir ?

— Euh… C'est une brûlure, fit-il, gêné, avant de s'exécuter et de relever sa chemise. Ça date de quelques jours, je comprends pas que ça ait guéri aussi vite...

— Hm, je vois, marmonna Guildarts avec un soupir amusé. Y'a rien à comprendre, déclara-t-il alors en désignant Juvia d'un mouvement de tête. Elle t'a probablement sauvé la vie. »

Le brun arqua un sourcil interrogateur ; toujours silencieuse, Juvia sembla comprendre et eut un sourire, tout à fait naturel et spontané, avant de continuer à manger ce que Grey lui découpait – le pirate mangeait quant à lui de façon plus lente, attentif à ce qu'il se disait.

« Qu'est-ce que vous voulez dire par, « sauvé la vie » ? »

Guildarts haussa des sourcils et échangea un regard surpris avec le vieillard. Les yeux à présent grands ouverts, ce dernier tendit machinalement de quoi manger — Grey vit qu'il s'agissait de fruits coupés en morceaux et le laissa faire — à la créature avant de demander, incrédule :

« Tu ne sais pas ce qu'elle est ? Vraiment ?

— Je… Je sais qu'elle est différente, mais… »

Guildarts lui fit mine de laisser tomber et le jeune homme se tut, constatant qu'ils avaient visiblement l'air d'en savoir bien plus que lui au sujet de Juvia. Lui aussi avait beaucoup voyagé et vu nombre de choses invraisemblables ; pourtant, jamais on ne lui avait parlé de ce genre de créature. Ni de quelconque créature humanoïde, d'ailleurs.

« C'est bon le vieux, laisse-le… Va te reposer, Grey. J'aurais quelque chose à te montrer demain. T'as qu'à rester dormir là où tu t'es réveillé tout à l'heure pour le moment, fit-il en lui désignant la couche improvisée, faite de feuilles de palmier tressées surmontées de ce qui avait dût être une voile. Si ça te convient pas, tu te fabriqueras de quoi dormir toi-même.

— Ca me va, assura Grey, encore décontenancé. Je… Merci. »

Guildarts rit encore, tout en sortant une pipe et une boîte en métal pour se préparer de quoi fumer ; Makarov eut un sourire chaleureux dans la direction des jeunes rescapés, et le brun se détendit en voyant Juvia le lui rendre, quoiqu'encore de façon timide.

Soudainement, il y avait un espoir auquel se raccrocher ; et trouver à plusieurs une solution lui semblait davantage possible.

« T'as l'air d'être un bon gars. Elle t'aime bien, on dirait, fit Makarov en désignant Juvia.

— Sois pas gêné, gamin, s'amusa l'autre en le voyant rosir. Si elle te détestait, tu serais mort depuis bien longtemps, crois-moi.

— J'vous crois… »

Grey se rappela de leur première interaction, lorsqu'il avait été obligé de la ceinturer au sol et de l'attacher jusqu'à ce qu'elle soit à peu près calme ; au moins, elle n'avait pas l'air de lui en vouloir, c'était déjà ça. La blessure de son dos le fit grimacer lorsqu'il se redressa, mais au moins, son mal de tête était passé. Manger — même un peu — lui avait fait du bien ; et l'idée de dormir en sécurité était trop tentante pour qu'il puisse penser à autre chose que dormir sur ses deux oreilles.

« Reposez-vous. Et sois tranquille, Grey ; t'auras toutes les réponses dont t'as besoin demain, déclara Guildarts en expirant une longue bouffée de fumée.

— … Merci. »

Il s'efforça de sourire avant de retourner se coucher, Juvia sur ses talons. Celle-ci tenta de leur marmonner un remerciement aussi, prenant exemple sur le pirate ; amusé, ce dernier lui fit mine de le suivre et lui céda une place sur la couchette, se voyant mal la laisser dormir par terre. Ça n'avait pas l'air de la gêner et lui avait l'habitude de dormir avec d'autres gens, qu'il s'agisse de Natsu, Cana, Loki ou même Erza. Et puis, c'était déjà mieux que le sable ; il se voyait mal s'en plaindre.

Dos à dos, le pirate se laissait bercer par la respiration tranquille de la créature lorsque le timbre de sa voix, étrange tout en étant devenu familier à la fois se fit entendre, hésitant ; il sentait rien qu'à la façon dont elle parlait qu'elle avait pris soin de choisir ses mots et son intonation, avec un réel désir de se faire comprendre.

« Grey ?

— Hm ? »

Silencieusement, Juvia s'assit de sorte à pouvoir se pencher et rencontrer son regard ; Grey y plongea avec une étonnante facilité, l'interrogea et le rassura momentanément, sans un mot.

« Juvia aussi voulait... Juvia voulait dire : « merci ». »

Son intonation étrangère lui donnait comme une sorte d'accent ; pourtant, il reconnu à la façon dont le mot se détacha entre des lèvres qu'elle essayait de le dire comme lui le faisait.

Elle attendait qu'il ne la corrige ou qu'il acquiesce ; finalement, après quelques secondes de flottement, épuisé, Grey leva une main qu'il posa brièvement sur ses cheveux à la profonde teinte bleue, sans vraiment la caresser, sans que ça ne soit seulement pour la toucher ; juste parce qu'à lui, ça lui avait toujours fait du bien et que ça suffisait à l'apaiser. Juvia parut tout d'abord déconcertée puis sembla prendre ce geste comme un encouragement de sa part ; il acquiesça alors d'un mouvement de tête avant de se rallonger sur le côté.

« C'est bien, Juvia. Essaie de dormir maintenant, d'accord ? »

Elle marmonna quelque chose qu'il ne comprit pas et se rallongea à son tour, cette fois-ci silencieuse. Sa respiration berça le pirate de nouveau, qui ne tarda pas à plonger dans un sommeil profond.

Et Juvia, curieuse qu'elle était, elle se laissait bercer par les battements puissants de son cœur, tout près de son oreille ; et ça suffit à lui faire oublier.

À la faire sombrer dans les sombres volutes d'un sommeil paisible, elle aussi.


x


Loki pesta lorsqu'une fine bruine s'abattit sans prévenir sur les pavés gris de la ville ; abritant sa vue d'un bras contre lequel se colla bientôt sa chemise, le jeune homme ne tarda pas à s'approcher de l'abri que lui offrait les maigres toitures du quartier où il se trouvait, peinant à voir ce qui se trouvait devant lui à cause de la pénombre environnante.

La ville était grande, et en suivant une patrouille de soldat dont il avait capté des bribes de conversations possiblement intéressantes, Loki s'était enfoncé dans la basse-ville, bien plus médiocre et loin d'être aussi digne de la partie centrale de la capitale. Les ruelles sentaient la misère dans tous les sens du terme, et même la lumière semblait hésiter à éclairer cette partie de la cité ; les murs étaient sombres et suintaient pour beaucoup de mousse et de moisissure, le sol était recouvert d'une boue glissante, et l'ambiance aux alentours était plus sombre que jamais, la plupart des maisons ayant leurs fenêtres placardées. Loki perçut quelques rares faisceaux de lumière ; et juste derrière, un regard menaçant qui en disait long sur la personne prête à tout pour se défendre, juste derrière la porte. Inutile de demander une quelconque aide, en somme...

Le pirate suivait un groupe de soldats depuis un moment déjà, leurs pas lourds faisant claquer les pavés dans un écho métallique interminable. Ceux-là portaient un blason spécial et étaient mieux armés que les soldats patrouilleurs ; il avait donc tout intérêt à les suivre, ne serait-ce que pour savoir ce que le gouvernement pouvait bien leur cacher d'autre. Cette historie avec Arcadios avait eu de quoi les rendre méfiants.

L'eau de pluie s'affairait à nettoyer les rues, transportant des déchets à toute vitesse jusque dans les égouts ; au loin, un corbeau se fit bruyamment entendre avant de prendre son envol, et Loki se dit que finalement, il avait de quoi préférer les mouettes. Couplé à l'ambiance des environs, le cri de l'oiseau sombre avait quelque chose de macabre et peu rassurant.

Les soldats s'étaient peu à peu tut, ne laissant place qu'à l'écho de leurs pas et à la pluie ; au bout de la ruelle, la lueur happée par les fenêtres faisait briller les pavés détrempés. Surpris, Loki reconnu à l'enseigne qu'il s'agissait d'une taverne, aussi modeste que les bâtiments environnants. Et ouverte.

Et vers laquelle ces hommes semblaient résolument déterminés à se diriger.

Avec un soupir, Loki s'abrita un peu plus sous la bordure d'un toit et attendit quelques minutes après qu'ils y soient entrés ; il suffira ensuite de se glisser dans l'ouverture et d'attendre dans un coin de la pièce que les informations qu'il cherchait soient peu à peu révélées. Dehors, la pluie se calmait petit à petit, avec des vagues ponctuées de bourrasques glacées ; ce fut avec un soulagement non dissimulé que le pirate s'engouffra à l'intérieur de la taverne, dont à peine trois tables étaient occupées.

Un rapide coup d'œil lui suffit : des habitants, à l'aspect aussi miteux que la pièce et qui faisaient leurs comptes de la journée autour d'un repas chaud ; et puis le groupe de soldat qu'il avait pris en filature, installés sur deux tables collées l'une à l'autre et dont les commandes — que Loki reconnut comme de la bière — arrivaient petit à petit, transportées par une serveuse dont il peina à voir le visage.

Prenant place sur un tabouret face au comptoir, le pirate posa une première pièce sur la surface à la propreté douteuse et attendit ; adossé à une étagère, un vieillard dont l'aspect semblait trempé dans le même environnement où ils se trouvaient — soit crasseux, méfiant et plus que négligé — sembla soudain intéressé puisqu'il s'approcha rapidement à la vue de la monnaie.

« J'vous sers quequ'chose ?

— La même chose que ces messieurs, là-bas, fit Loki en désignant les hommes armés, s'assurant mentalement qu'il était toujours équipé de son propre matériel.

— C'comme si c'était fait ! »

Loki grimaça à la vue de la bière, soupira, puis posa presque à contre cœur une partie de sa bourse sur le comptoir. Recroquevillés sur leurs sièges, les habitants levèrent peu à peu des yeux curieux au tintement qui retentit doucement.

« Resservez-les aussi. C'est ma tournée ! », ajouta-t-il alors en jetant un coup d'œil circulaire à la pièce.

Une clameur lui vint de la part des soldats ; de l'autre côté, les habitants levèrent à peine leur nez de la nourriture avant d'aussitôt recommencer à manger. Loki reposa sa bière à l'instant où ses lèvres s'y trempèrent et s'efforça de rendre son sourire au tavernier, dont la dent en or luisait d'un éclat aussi triste que méfiant. Après tous les voyages qu'il avait effectué, Loki avait connu des bières de bien meilleure qualité ; mais si ça pouvait suffire à délier les langues de ces hommes, ça lui allait amplement.

D'un commun et silencieux accord, les habitants ramassèrent leurs affaires et partirent sans un mot à partir d'une certaine heure ; le tavernier les laissa faire sans les quitter des yeux, astiquant un verre à la propreté douteuse avec un torchon déchiré par endroits. Les soldats parlaient de plus en plus fort, riant de bon cœur ; les quelques mots qui attirèrent l'oreille du pirate ne donnèrent rien de concluant ou qu'il ne savait pas déjà. La princesse malade et les polémiques autour de la famille royale, les nouveaux arrivages d'épices et de soie d'un autre continent — qu'il avait déjà eu l'occasion de visiter, par ailleurs —, les taxes à venir…

La serveuse qui se tenait au fond de la salle gardait la tête baissée, triturant sans cesse le foulard qui dissimulait sa chevelure. Loki l'examinait avec intérêt lorsqu'elle leva un regard chocolat dans sa direction, visiblement nerveuse ; le pirate n'eut pas le temps de lui sourire qu'elle avait de nouveau baissé le regard. Avec un soupir déçu, le jeune homme passa une main dans ses cheveux et tendit l'oreille une dizaine de minutes supplémentaires avant de décider qu'il n'apprendra probablement rien de plus ce soir-là. Le tavernier ne lui donna aucune réponse lorsqu'il posa quelques questions au sujet d'Arcadios, tout en veillant à ce que les hommes du Roi ne puissent l'entendre ; finalement, le pirate laissa une pièce sur le comptoir et s'apprêta à partir.

« Eh, toi là ! »

Loki sentit son sang se glacer dans ses veines et se retourna lentement vers le soldat qui venait de prendre la parole. Un silence tendu s'était installé dans la pièce ; seul les crépitements du feu dans l'âtre ponctuaient le vide installé.

Heureusement, le visage du soldat se fendit d'un large sourire, et ses semblables levèrent chacun leurs choppes plus ou moins vides vers le jeune homme avec reconnaissance. Avec un sourire rassuré, Loki s'apprêta à les remercier lorsque le regard de l'un des hommes se posa sur la serveuse.

« Rien d'autre à nous servir, la donzelle ? »

Le pirate comprit tout de suite ; et vu comme la jeune-fille se figea lorsqu'on demanda soudainement ses services, elle aussi. Elle se leva lentement et s'approcha en serrant son plateau contre elle ; une série de ricanements se firent entendre. Loki soupira, hésita à se diriger vers la porte, puis décida d'observer histoire d'être sûr que rien n'allait se passer. Après tout, il ne lui devait rien, mais…

L'un des hommes avait approché une main audacieuse vers la jeune fille. Le pirate s'apprêtait à intervenir lorsque les contours furieux d'un visage se firent apercevoir, le foulard de la serveuse glissant au sol comme un masque qu'elle aurait laissé tomber. Loki cru qu'elle allait paniquer et se précipita vers la serveuse.

Et contre toute attente, celle-ci s'empara avec fermeté de son plateau pour cogner violemment la figure du soldat imprudent.

Ses cheveux d'or retombèrent gracieusement sur ses épaules lorsqu'elle recula vivement, l'air de réaliser ce qu'elle venait de faire ; sonné, le soldat n'eut pas le temps de réagir que déjà, les autres se levaient pour faire payer à la blonde son affront.

« Attrapez-la ! »

Ils ne réagirent pas immédiatement ; ce fut probablement ce qui la sauva, ce soir-là, et Loki attrapa sa main sans attendre pour la tirer vers l'extérieur.

Il s'était mis à pleuvoir davantage ; les pavés glissaient et ils faillirent tomber à plusieurs reprises, s'enfonçant dans les ruelles sombres sans jamais ralentir. La fille ne tenta pas de l'arrêter, trop préoccupée par les jupons encombrants qu'elle tenait d'une main, l'autre enfermée dans celle du pirate. Ce dernier avisa une ruelle étroite à l'entrée dissimulée par un chariot et y bifurqua brusquement, conscient qu'ils étaient toujours poursuivis par les hommes du Roi.

Ils passèrent à toute allure à côté d'eux sans les apercevoir, s'enfonçant toujours plus dans la ville. Après un soupir de soulagement, Loki jeta enfin un coup d'œil vers la blonde, qui n'avait rien dit depuis tout à l'heure. Le visage rougi par l'effort et trempée jusqu'aux os, celle-ci sembla enfin se rendre compte de leur proximité — la ruelle était vraiment étroite — et se contenta de détourner le regard en s'éloignant de quelques pas, affichant une moue vaguement gênée.

Loki l'observa longuement ; elle fit de même avant qu'il ne prenne la parole.

« Ca t'arrive souvent ?

— De quoi ? De frapper un de ces idiots de soldats ou me retrouver seule dans une ruelle avec un pirate ? »

Loki faillit s'étouffer en déglutissant et ne put s'empêcher d'écarquiller des yeux. Pour toute réponse, la blonde arqua un sourcil et reprit :

« Tu es armé et tu ne portes aucune insigne. Ta peau a foncé à cause du soleil, les pièces que tu as donné au tavernier ne venaient pas toutes du même endroit, et…

— Mais-

— Et tu avais beaucoup trop d'argent pour n'être qu'un simple marin, hors, je n'ai jamais entendu parler de toi ici. Et les marins n'ont pas le genre de tatouage que tu portes en bas du dos. », acheva-t-elle en relevant fièrement le menton.

Comprenant qu'il était désormais inutile de nier son appartenance à un équipage de pirates, Loki la détailla longuement et en silence avant de répliquer avec amusement :

« Et tu l'as repéré après m'avoir lorgné combien de temps, ce tatouage ? »

Elle rougit et s'apprêta à répondre, furieuse, avant qu'il ne plaque sa main sur sa bouche avant de continuer :

« Je te conseille de pas crier si tu veux pas te retrouver avec tes copains les soldats. Au fait, tu l'as volé où, ce collier ? », ajouta-t-il en désignant le pendentif en forme de cœur qui reposait tranquillement au creux de son décolleté.

La blonde se figea à l'entente de bruits de pas qui s'approchaient ; prudent, Loki l'entraîna à l'ombre de la lumière et se retrouva de nouveau à une distance plus que nécessaire de la jeune fille. Elle le fusillait du regard et il souriait de toutes ses dents lorsqu'il détacha sa main de sa bouche pour la laisser répondre.

« Je ne l'ai pas volé, articula-t-elle en réajustant ses vêtements pour dissimuler le bijou. Il était à ma mère.

— Donc tu es une noble, devina le pirate. Le prétendant qu'avait choisi ton père était si terrible que ça ? »

Elle le fixa droit dans les yeux en guise de réponse mais resta silencieuse. Finalement, le pirate soupira de nouveau et jeta un coup d'œil aux alentours. Les bruits de pas se faisaient encore entendre, plus ou moins lointains ; ils allaient devoir bouger s'ils ne voulaient pas se faire repérer.

« Je m'appelle Loki, déclara-t-il alors, sans se montrer trop avenant de peur de la brusquer.

— … Lucy, finit-elle par répondre après l'avoir observé quelques secondes pour déterminer s'il était sincère ou non. Juste Lucy.

— On va devoir bouger. Mon équipage est dans une auberge, près du centre-ville. T'as quelque part où aller ? »

Ses grands yeux chocolat brillaient dans le noir lorsqu'elle secoua négativement la tête ; le sourire du pirate s'agrandit alors qu'il lui tendait la main.

« Et si tu me suivais encore un peu pour ce soir, juste Lucy ? »

Lucy lui rendit son sourire, et ils s'enfoncèrent bientôt dans le noir, guidés par le seul instinct du pirate.

Le cœur avide de liberté.


x


« Va te faire foutre, Mirajane. Compte pas sur moi pour aider ces foutus pirates, s'exclama Laxus avec colère, accompagnant ses paroles d'un regard sapin furieux.

— Les foutus pirates en question t'emmerdent, espèce de-

— Ça suffit ! »

Le lourd pistolet d'Erza s'abattit sur la table, et le silence retomba aussitôt ; appuyée contre une poutre en bois, Cana – qui avait pris la parole – dardait Laxus d'un regard insolent, satisfaite de l'avoir presque fait sortir de ses gonds. Elfman quant à lui ne semblait pas loin d'en faire de même, une veine battant furieusement à sa tempe et crispant ses traits de colère ; silencieuse mais tout aussi mécontente, sa sœur aînée l'avait retenu par le bras. Titania se réjouit que la benjamine des Strauss ait hérité d'un tempérament plus doux que celui de ses aînés ; c'était déjà assez compliqué à gérer comme ça…

La soirée était déjà bien avancée ; ils se trouvaient dans une pièce au sous-sol de l'auberge, sans risque d'être dérangés ou épiés par des hommes du Roi. Au rez-de-chaussée, Natsu et Lisanna avaient été chargés de monter la garde, sans avoir leur mot à dire – même si Cana soupçonnait Erza d'avoir choisi Natsu pour éviter d'avoir un autre pirate hors de lui à gérer face à la provocation évidente et plus qu'agaçante de Laxus.

La tension prit plus de temps avant de retomber ; chacun fut contraint de ravaler sa fierté, et Erza étala alors le croquis de Natsu et les cartes prises à bord du navire d'Arcadios sur la table. Laxus parut davantage concerné à la vue des cartes ; à côté de lui, assise sur un tonneau, Mavis arbora un large sourire en posant un regard énigmatique sur le dessin.

Titania leva un regard inquisiteur vers le blond, tout en indiquant le croquis.

« Mira m'a dit que ça te dirait quelque chose, fit-elle alors. Tu sais quelque chose ?

— C'est... Mon grand-père était obsédé par un truc du genre avant de disparaître, souffla le blond avec dédain, quoiqu'en détournant son regard. C'est rien qu'un tas de vieilles légendes. »

Mavis eut un petit rire ; mal à l'aise, Cana ne cessait de la fixer depuis qu'elles étaient toutes les deux dans la même pièce, encore sous le choc de sa précédente vision. Mirajane ne paraissait pas à l'aise non plus ; néanmoins, elle s'autorisa un sourire narquois avant d'ajouter :

« C'est pourtant à la poursuite de ces légendes que ton grand-père est parti, Laxus, précisa l'aînée des Strauss avec un semblant d'ironie dans la voix.

— T'as vu où ça l'a mené ? Je veux rien savoir à propos de quoi que ce soit de lié à ce truc. », cracha le blond en guise de réponse, quoiqu'avec un ton moins venimeux.

Toujours silencieuse, Cana détourna son regard de celui de Mavis pour observer le jeune homme ; l'espace d'un instant, elle cru déceler une pointe de douleur au fond de ses yeux, avant qu'il ne les recouvre d'un voile de colère éteinte. À côté de lui, la fillette souriait toujours ; les autres l'observèrent curieusement glisser quelques mots à l'oreille du blond, celui-ci grimaçant progressivement au fil des secondes.

Mirajane souriait largement, victorieuse, lorsque Laxus se redressa avec un soupir avant de se diriger vers les cartes sans un mot. Cana aperçut la lueur satisfaite dans les yeux verts et profonds de Mavis, puis la curiosité d'Erza qui observa le blond s'approcher avec prudence.

Une main machinalement posée sur la poignée d'un sabre imposant et presque aussi large que la paume de Cana, Laxus s'approcha de la table, sa cicatrice se découpant nettement sous la lueur de la lampe. Après une brève étude, il sortit un parchemin de sa manche ainsi qu'un morceau de bois à la pointe noircie et traça différents repères sur un plan de la ville, puis sur la carte d'Erza. L'air soudainement bien plus bienveillante qu'auparavant, Titania le couvait désormais d'un regard reconnaissant, l'air soulagée. Après quelques minutes, le blond se recula et échangea un long regard avec la capitaine.

« En tant que mercenaire, sois assuré que tu seras récompensé, déclara-t-elle avec gravité. Merci, Laxus.

— Je fais pas ça pour vous aider, répliqua le blond en fronçant des sourcils. C'est Mavis qui tient à ce qu'on vienne, c'est tout.

— Nous devons récupérer ce qui a été perdu. »

La capitaine leva un regard surpris vers la fillette ; intenable, Cana la fixa à son tour avant de quitter la pièce, l'air confuse. Le blond la regarda faire en silence, laissa le silence flotter quelques instants puis salua vaguement les autres avant de s'en aller à son tour, après un regard lourd de sens échangé avec Mirajane.

Erza parut détendue lorsqu'ils furent partis. Satisfaite, Mirajane s'approcha de la table en croisant les bras, jetant un rapide coup d'œil aux indications laissées par le mercenaire. Natsu et Lisanna venaient de faire irruption pour s'assurer que tout allait bien lorsque Titania se tourna vers son amie d'enfance :

« Tu penses vraiment qu'il viendra ? »

Mirajane hocha vivement la tête, convaincue. Son frère la couvait d'un regard plein d'admiration et ne se pria pas pour prendre une nouvelle fois sa cadette dans ses bras, cette dernière s'y lovant avec plaisir ; Natsu eut un sourire pensif en les regardant faire.

« Il viendra, même si c'est seulement parce que Mavis l'a demandé. Il t'expliquera mieux que moi ce qu'elle est, ajouta-t-elle avant que la rousse ne pose la question. Et même s'il ne le dira jamais, il veut quand même savoir ce qui est arrivé à son grand-père. Ça fait des années qu'il n'a plus aucune nouvelle… Mavis est la seule chose qui lui reste de lui, soupira-t-elle alors.

— Je vois… »

Elles gardèrent le silence après ça ; Lisanna et Natsu remontèrent garder l'entrée, suivis par Elfman qui monta dans sa chambre après une dernière étreinte à son aînée. Les autres n'avaient plus qu'à se reposer ; Erza avait décidé d'attendre Gérard, et c'est avec un sourire en coin que Mirajane accepta de lui tenir compagnie.

La lueur de la lampe à huile posée sur la table ne dissimulait en rien la malice dans les yeux des deux anciennes rivales ; c'est avec un plaisir familier qu'elles se jaugèrent en silence, prêtes à attaquer, lorsque Titania lança l'offensive la première.

« Ce Laxus, tu le connais comment ? »

Mirajane ne parut pas surprise et eut un petit rire en s'installant sur la table, de sorte à lui faire face. Si sa discrète mais élégante robe noire lui donnait un aspect plus sage, l'étincelle qui faisait pétiller ses grands yeux bleus et le sourire qu'elle arborait ne trompaient personne; surtout pas Erza.

« Une vieille connaissance. Il avait besoin de moi pour des informations, j'avais besoin de lui lorsque d'autres informateurs devenaient trop curieux. Il a beau affirmer qu'il déteste les pirates, il est pratiquement aussi violent et vicieux quand il a une arme dans les mains. Sans offense, ajouta-t-elle avec un clin d'œil.

— Pourquoi une telle haine envers les pirates ? Est-ce qu'il s'est passé quelque chose ? »

L'aînée des Strauss parut réfléchir, jouant machinalement avec une mèche de ses cheveux, puis haussa des épaules.

« Il est persuadé que son grand-père est parti avec des pirates, voire même qu'il en est devenu un. C'est juste une façon pour lui de ne pas se sentir responsable, j'imagine. Cela-dit, je pense qu'il préférera se ranger de votre côté plutôt que de celui du Roi. Il a… Un peu de mal avec l'autorité. »

Erza eut un soupir mi-amer, mi-amusé ; Mirajane compris à son regard qu'elle voulait en savoir plus, aussi soupira-t-elle à son tour avant d'ajouter à voix-basse :

« Et si tu veux tout savoir, non, ça n'a pas marché entre nous. »

Titania sourit, comprenant que c'était désormais à son tour de prendre la parole ; au moins, la nuit passera vite…


x


Juvia dormait encore lorsque Grey quitta l'abri pour rejoindre Guildarts, qui l'attendait un peu plus bas. Le pirate comprit alors qu'ils se trouvaient sur une structure installée en hauteur grâce à des piloris de plus de six mètres de hauteur ; à son air surpris, Guildarts eut un rire amer et l'éclaira :

« C'est pour éviter de se faire dévorer par les fauves pendant ton sommeil. »

Grey se contenta de s'assurer qu'il avait toujours son poignard sur lui.

Ils descendirent de l'abri grâce à un système de levier qui les firent descendre rapidement ; le soleil perçait doucement la cime des arbres et l'air frais revigora le pirate encore ensommeillé. Le sentier qu'ils suivaient était grossièrement aménagé grâce à des pierres que Grey avait repérées la veille, délimité par des buissons de fleurs sauvages et colorées dont les branches épineuses dissuadaient quiconque de s'en approcher de trop ; le jeune homme ne put réprimer un sourire lorsque deux oiseaux aux couleurs éclatantes passèrent à toute vitesse devant ses yeux pour disparaître dans la nature. Sans un mot, Guildarts se retournait de temps en temps pour scruter son visage et ses réactions, tout en restant à l'écoute de ce qui l'entourait ; Grey ne savait pas s'il devait se sentir rassuré ou pas, hésitant encore à faire confiance à l'homme qui l'avait assommé d'un seul et unique coup de poing la veille.

Le trajet s'était déroulé dans le silence jusqu'à ce que le jeune homme ne se décide à le briser :

« Comment vous êtes arrivés ici, au juste ? demanda-t-il alors, autant par curiosité que par méfiance.

— Ah, ça… Le vieux et moi, on cherchait quelque chose. Quelqu'un, se corrigea-t-il sans le regarder, concentré sur le chemin qu'ils entamèrent. On était une bonne vingtaine à bord d'un petit bateau… Il doit être avec les autres épaves, maintenant.

— Et l'équipage ? »

Guildarts lui adressa un regard sombre ; Grey comprit.

« La personne que vous cherchiez… C'était-

— Quelqu'un qui… Qui traquait les semblables de Juvia, répondit le rescapé toujours sans le regarder, se frayant prudemment un chemin à travers la jungle. On l'a trouvé au large de cette île, une tempête a éclaté, et on s'est retrouvés ici. », finit-il avec un demi-sourire emprunt d'amertume.

Ça ressemblait assez à ce qui était arrivé à Grey ; silencieux, ce dernier se contenta d'hocher la tête et dut se protéger de la lumière lorsqu'il débouchèrent sur le rebord d'une falaise complètement dégagé. La première chose qui frappa Grey fut la vue imprenable que ce point offrait ; il pouvait voir tout le littoral est de l'île bordée par un océan dont le bleu virait vers le turquoise, délimité par de hautes falaises où venaient se nicher des centaines d'oiseaux au plumage coloré. Certains étaient bleus, d'autres verts ou encore rouges, violets, sombres avec des reflets chatoyants…

Grey eut un sourire pensif à l'idée que chacun de ses amis pourrait être représenté dans cette palette de couleurs. Un grondement sourd lui parvint bientôt ; tout en sortant une longue-vue de sa poche pour scruter l'horizon, Guildarts le laissa admirer la cascade qui se déversait dans une rivière en direction de la mer, des éclats cristallins voletant fougueusement pour refléter la lumière dans une myriade de couleurs. Pour lui qui vivait ici depuis deux longues années, la beauté sauvage et mystérieuse de la nature n'avait plus le même visage depuis longtemps…

« C'est par ici, Grey. Comment va ta brûlure ? »

Le pirate haussa un sourcil surpris avant de répondre comme s'il venait de réaliser :

« Bien… Je n'ai rien senti depuis que je me suis levé. »

Un sourire énigmatique éclaira le visage hâlé du rescapé. Le plus jeune se dit qu'il avait l'air bien plus avenant en plein jour ; sa large mâchoire était grignotée par une barbe de plusieurs jours, et son front paraissait s'élargir un peu plus au fil du temps grâce à un début de calvitie. Il avait un regard vif mais posé, et le brun voyait une forme de sagesse dans la prudence dont il faisait preuve.

« C'est grâce à elle, affirma-t-il tout en entamant une descente plus ou moins périlleuse à travers un autre sentier étroit qui longeait la falaise. J'imagine que c'est aussi une tempête qui t'a amené ici, continua-t-il sans attendre de réponse. C'est encore elle.

— Vous pensez que Juvia m'a guéri ? »

Abasourdi, le pirate attendit une réponse, s'accrochant aux prises qu'il trouvait tout en veillant à ne pas tomber. Guildarts marchait avec assurance, aussi le brun suivit ses pas avec prudence.

« Elle t'a guéri, gamin. Peu de gens savent qu'elles sont capables de le faire, mais ceux qui le savent… »

Grey tendit l'oreille ; la fin de la phrase du rescapé s'était terminée dans un écho inattendu. Avec étonnement, le pirate compris que l'autre le menait à une grotte dont l'entrée était creusée dans la falaise, dissimulée par des plantes grimpantes au feuillage d'un vert vif et épais. Son guide s'en défit d'un coup de sabre et lui fit signe d'approcher prudemment ; la caverne s'étendait ensuite à des dizaines de mètres en contrebas, dans ce qui semblait être un cours d'eau né de la cascade qu'il avait aperçu quelques minutes plus tôt.

Guildarts essaya de repérer quelque chose dans la pénombre, puis fit signe à Grey d'y diriger son regard. La lumière dans l'eau se reflétait aux parois de la grotte en une lueur mouvante et tranquille, accompagnant le clapotis régulier de l'eau et le chant lointain de la cascade.

« Ceux qui le savent n'hésitent pas à s'en servir… Quitte à ce que ce soit contre leur grès. »

Alors seulement, comme si le rideau venait de s'écrouler pour lui laisser voir la vérité, Grey aperçu les cages rouillées à moitié dissimulées par des plantes et de la moisissure ; les chaines qui les reliaient, les entraves qui captaient la lumière du soleil au sol… Le brun se revit quelques jours plus tôt, entrain de contempler Juvia prisonnière de ces mêmes chaînes. Il la revit fiévreuse et entrain de lutter à cause de la douleur, il la revit souffrir sans personne, et-

Guildarts se retira sans un mot ; au sol, ce que Grey prenait pour des pierres polies par l'eau se révéla être un ensemble d'écailles encore brillantes, à la surface semblable à l'espèce de membrane qu'il avait vu sur la peau de Juvia. Le pirate sentit une vague de dégoût lui nouer la gorge à l'idée que quelqu'un ait pût les arracher à des créatures qu'il savait maintenant sensibles et douées d'intelligence ; à quel point ceux qui avaient fait ça pouvaient-ils être cruels ? Jusqu'où étaient-ils allés pour obtenir ce qu'ils voulaient ? Pourquoi est-ce que Juvia…

Et tandis qu'il comprenait, une vague de rage et d'incompréhension l'envahit petit à petit, telle qu'il n'en avait pas connu depuis bien longtemps. Les yeux brûlants de colère, Grey se mit à regretter ; à regretter de ne pas avoir tué davantage de ces hommes qui avaient vécu en sachant qu'ils avaient une prisonnière à bord ; à regretter de ne pas avoir davantage blessé Arcadios et son air suffisant, de ne pas avoir eu le temps de le voir mourir alors qu'Erza avait décidé de l'épargner.

Parce que des gens comme lui infligeaient ça aux semblables de Juvia, au détriment de leur simple liberté ; et parce que Juvia l'avait enduré aussi.


x


Son visage las posé dans la paume de sa main, Ultear soupirait en comptant la pile de livres déjà parcourus qui s'amoncelait sous ses yeux lorsque Gérard se redressa soudainement, comme dans un sursaut.

« Là ! s'écria le jeune homme en poussant les parchemins étalés pour faire de la place. Regarde, c'est juste ici.

— C'est un livre de contes, Gérard, souleva Ultear après avoir jeté un coup d'œil à la couverture en cuir.

— Les contes s'inspirent toujours de la réalité, tu sais. »

Il avait délaissé son air fatigué et concentré pour arborer un sourire confiant. Ultear lui sourit à son tour ; on en oublierait presque les cernes tracées par la nuit blanche qu'ils venaient de passer.

Passant machinalement une main dans ses longs cheveux d'ébène, la jeune femme jeta un coup d'œil pensif vers la voûte en verre de la bibliothèque ; le ciel commençait à s'éclaircir, et déjà, quelques étoiles disparaissaient pour laisser place au soleil. Il semblait n'y avoir personne d'autre qu'eux dans la bibliothèque ; et de toute manière, il n'avait suffit que d'un sourire d'Ultear pour que le gardien les laisse étudier toute la nuit…

Soudainement bien plus vivant, Gérard examina la page et lut rapidement les inscriptions, avant de grimacer et de souffler un juron tel qu'Ultear haussa un sourcil. Intriguée, cette dernière quitta le fauteuil où elle s'était installée pour s'approcher et lire par-dessus son épaule.

« Plaît-il ?

— Je ne sais pas le lire, fit le quartier-maître du Fairy Tail, terriblement frustré. C'est écrit dans une autre langue.

— Fais voir. »

Sans ménagement, la brune lui prit le livre des mains et l'amena à la lumière pour lire, sous le regard sceptique du pirate. Ce dernier étouffa un bâillement et se laissa choir sur le dossier du fauteuil qu'elle avait délaissé ; après y avoir passé toute la journée et une bonne partie de la nuit — Ultear l'avait laissé dormir et il avait fait de même par la suite —, l'idée de devoir rentrer sans avoir trouvé quoi que ce soit lui paraissait inconcevable. Il avait l'impression qu'Erza et les autres étaient allés trop loin pour simplement baisser les bras ; et plus que tout au monde, il ne supportait pas l'idée de devoir décevoir son bien-aimé Capitaine, elle qui avait tant besoin qu'il continue à croire en elle et en l'espoir que Grey soit toujours en vie, quelque part.

Il soupira encore ; après quelques secondes silencieuses, Ultear leva les yeux vers lui, un sourire énigmatique aux lèvres. Épuisé, Gérard ne chercha pas à savoir ce qu'il pouvait bien vouloir dire ; il étouffa un bâillement avant de comprendre qu'elle attendait qu'il ne lui demande pourquoi elle souriait comme ça.

« Qu'est-ce qu'il y a ? fit-il alors en arquant un sourcil, confortablement calé dans le fauteuil.

— Ce livre a été écrit par des peuples du nord.

— Oui Ultear, je sais, c'est précisément pour ça que j'arrive pas à le- »

Gérard marqua un instant de pause, le regard dans le vide. Ultear eut un petit rire alors qu'il commençait à comprendre.

« Mais toi, tu peux le lire. Parce que ta mère venait…

— Exact, le coupa-t-elle en approchant le livre de sorte à ce qu'il puisse voir les symboles qui chevauchaient les illustrations finement inscrites. Là, tu vois ? »

Elle posa son doigt sur le papier et le laissa filer le long d'une série de symboles, jusqu'à une illustration représentant un homme entrain de se lever.

« Ca parle de guérison. »

Abasourdi, le quartier-maître fronça des sourcils.

« En quoi Arcadios avait besoin de ça ? C'est…

— Et là, continua la brune en désignant une ligne qui précédait un cadre où se distinguaient des vagues, ça parle de… J'ai du mal à comprendre. L'Océan, la tempête… Ah, voilà, se reprit la brune avec concentration. Elle contrôle la mer et provoque des tempêtes.

— C'est ce qui s'est passé sur le navire… Continue, je t'en prie, la pressa Gérard.

— Ici… Fille, Mer… Oh. »

Elle parut surprise, haussa des épaules et se tourna vers le jeune homme, ce dernier la fixant avec de grands yeux dans l'attente de ce qu'elle allait lui dire.

« Quoi ? Qu'est-ce que ça dit ?

— Ils appellent ça une « fille des mers », ou une « fille de la mer »… La suite raconte l'histoire d'un marin qui est tombé amoureux de l'une de ces filles, mais… »

Le jeune homme fronça des sourcils ; Ultear venait de se figer et se redressa vivement, à l'écoute. Probablement trop fatigué pour se concentrer, Gérard n'y avait pas fait attention, mais un semblant d'agitation semblait prendre forme dans un coin de l'immense bibliothèque. Après avoir jeté un bref coup d'œil dans les gigantesques couloirs délimités par d'immenses étagères pleines à craquer de livres, la jeune femme était revenue avec hâte, prenant soin à ne pas faire de bruit avec le talon de ses chaussures.

« Ce sont des soldats de la garde royale, chuchota Ultear en refermant silencieusement le livre, avant de le fourrer dans les mains du pirate. Prends ça avec toi et va retrouver les autres, fit-elle avec sérieux en plantant ses grands yeux noirs dans les siens. Je vais te faire gagner du temps.

— Ultear, tu n'es pas… »

La jeune femme se tourna vers lui, prête à partir. Après un instant d'hésitation, elle s'approcha finalement de lui et donna une brève mais forte étreinte à l'homme avec qui elle avait grandi et qui avait été pour elle comme un frère ; ses prunelles d'encre brillaient d'une émotion sincère lorsqu'elle se recula pour le regarder dans les yeux.

« J'ai été heureuse de te revoir, Gérard, chuchota-t-elle avec un petit sourire. Embrasse Erza de ma part, tu veux ? »

Perdu et la gorge nouée par l'émotion, le pirate hocha la tête avec gravité ; après un dernier et long regard, la jeune femme lui offrit un dernier sourire et s'en alla. Les gardes l'interpelèrent aussitôt, et le jeune homme ne put retenir un sourire à l'entente de la voix suave et manipulatrice avec laquelle elle s'adressa aux hommes en armures.

Le quartier-maître du Fairy Tail fut accueilli par une brise fraîche et marine, qui lui souffla au visage des souvenirs oubliés et la sensation familière de la mer qui se trouvait à proximité. Le soleil se levait avec une parure d'espoir, une lueur douce et dorée venant éclairer cette gigantesque place que Gérard avait parcouru tant et tant de fois durant son enfance. Ce dernier ne perdit pas de temps et se fondit dans les ombres pour rejoindre l'auberge, le précieux ouvrage sous le bras.

Et la satisfaction d'avoir une femme aussi merveilleuse qu'Ultear pour sœur.


x


Le sourire radieux d'Erza perdit de sa superbe lorsqu'elle perçut la nervosité qui transparaissait dans les traits de son second. Passablement essoufflé, le quartier-maître s'était glissé dans l'auberge en passant par la porte de la cuisine, et il était à présent plus occupé par d'éventuels poursuivants qui pourraient débarquer d'une minute à l'autre que par l'accueil de la rousse. Le propriétaire n'avait rien dit, mais même s'il était de nature discrète — ils avaient choisi cette auberge pour ça —, les pirates se doutaient qu'ils feraient mieux d'écourter leur séjour le plus tôt possible.

« Tu as été suivi ? s'enquit la capitaine en s'approchant de lui, sous le regard attentif des autres qui avaient suspendu leurs activités pour écouter ce qu'il se disait.

— Je ne sais pas, répondit enfin le jeune homme, les sourcils froncés. Ultear m'a fait gagner du temps, mais il va falloir qu'on parte. Rapidement, insista-t-il en ancrant son regard dans celui de la rousse.

— Je vais chercher les autres. », fit alors Natsu en grimpant les marches de l'escalier.

Gérard acquiesça et le regarda monter. Il remarqua alors la présence de Mirajane et de sa sœur cadette et leur adressa un sourire aussi surpris que ravi.

« C'est bon de te revoir, Mirajane. Toi aussi, Lisanna, ajouta-t-il à l'intention de la plus jeune, qui lui rendit son sourire avec une pointe de fierté.

— Qu'est-ce que tu as trouvé ? »

Les yeux bruns de la capitaine brillaient avec espoir ; avec un regard qu'il voulut rassurant, Gérard lui désigna le livre qu'il gardait avec lui, au fond d'un sac en toile de jute qu'il avait attrapé sur la route.

« Notre mystérieuse créature se fait appeler « fille des mers ». Ultear m'en a traduit une partie avant que les gardes n'arrivent. J'espère juste qu'ils n'arriveront pas trop vite…

— Comment est-ce qu'on va prévenir Macao ? »

Cana venait de descendre, l'air moins épuisée et découragée que la veille, suivie par Natsu qui n'avait de toute façon pas grand-chose à récupérer si ce n'est ses armes. À l'étage, Elfman s'affairait pour rassembler le peu qu'ils avaient emmené.

« Natsu s'en occupera, trancha Erza. Est-ce que tu saurais où est-ce qu'ils entreposent de la poudre ? ajouta la capitaine en se tournant vers Mirajane, celle-ci arquant un sourcil avant que sa cadette ne réponde :

— Je peux lui montrer le chemin, fit précipitamment la plus jeune. On sera prudents Mira-nee, les gardes ne fouilleront pas les toits, et le port est bien trop vaste pour qu'ils aient le temps de nous trouver ! », insista Lisanna avec une voix suppliante en se tournant vers son aînée.

Les autres attendirent que l'aînée des Strauss ne réponde ; visiblement contrariée à l'idée de laisser sa petite sœur participer à ce qui risquait de finir en une belle explosion, cette dernière se contenta de soupirer.

« Fais attention, d'accord ? »

L'adolescente hocha vivement la tête et s'approcha pour la prendre dans ses bras ; Mirajane la regarda partir avec Natsu presque à contrecœur. Après un instant d'hésitation, Erza vint lui presser l'épaule dans une tentative de réconfort.

« Natsu ne laissera rien lui arriver, lui assura-t-elle doucement. Tu peux lui faire confiance pour ça.

— Je sais, soupira simplement la jeune femme. J'ai juste peur qu'elle prenne goût à l'aventure, elle aussi… »

Elfman descendit à ce moment-là et se dirigea vers sa sœur pour l'enlacer. Cana les regardait sans rien dire, jouant avec la lame de son poignard tout en se tenant appuyée à la rambarde de l'escalier ; elle ne connaissait Mirajane que de nom — elle était dans un espèce de couvent dont elle refusait de sortir, contrairement à Lisanna qui aimait bien trop sa liberté — mais elle avait cru comprendre qu'Elfman avait quitté la ville de son plein grès, ce sans consulter son aînée. Elle n'avait jamais dit qu'elle en voulait à Elfman pour ça, mais Cana voyait bien que le jeune homme supportait mal de savoir que sa décision avait causé du tord à sa grande-sœur ; perdre Lisanna sera difficile pour elle, à coup sûr.

Ce fut Gérard qui prit la parole le premier.

« Mais… Où est Loki ? »

Seul le silence lui répondit.


x


Non loin de là se trouvait Loki, talonné par Lucy dont les beaux cheveux blonds étaient de nouveaux dissimulés par un châle sombre. Le flux des passants commençait à s'intensifier, aussi se détendirent-ils quant aux soldats censés les avoir traqués une bonne partie de la nuit ; ils s'étaient cachés quelques heures dans une grange, et après avoir fait remarquer à la blonde à quel point la situation pourrait paraître romantique vu de loin, le pirate l'avait laissée dormir quelques heures avant de faire de même, installé de la façon la plus confortablement possible sur une épaisse couche de paille.

Il était déjà réveillé lorsque les yeux noisettes de la jeune noble s'ouvrirent au petit jour. Et si Lucy avait tout d'abord eu un mouvement de recul en le voyant ainsi, adossé à une poutre de bois en faisant machinalement tourner la lame d'un poignard entre ses doigts, la blonde avait fini par se calmer et attendre qu'il dise quelque chose. Loki comprenait sa méfiance ; elle était supposément riche et lui n'était qu'un pirate. Qu'elle lui ait fait confiance sans poser de questions aurait parût davantage suspect que le contraire.

« Qu'est-ce que vous êtes venus faire en ville, ton équipage et toi ? »

Elle avait demandé ça naturellement, dans un chuchotement aux allures tendres. Le pirate avait réfléchit un instant avant de se dire que la voix de la jeune fille avait quelque chose de tranquillisant.

« On cherche… »

Il avait longuement soupiré, passant une main sur son visage ; il savait toujours pas s'il devait considérer Grey comme étant vivant ou mort, malgré l'espoir évident de Natsu ou d'Erza. D'un côté, il avait l'impression de trahir son ami en baissant les bras aussi vite ; de l'autre, repousser l'échéance lui paraissait stupide. Plus vite ils auront fait leur deuil, mieux ce sera…

Lucy cherchait sa réponse dans son regard, attentive et compréhensive.

« Des réponses. Juste des réponses à des questions qui n'en ont pas. »

Loki soupira de nouveau et se leva promptement, époussetant ses vêtements. Sa réponse devait avoir été satisfaisante, puisque l'autre bailla avant de faire de même.

« Et toi ?

— C'était pas un mariage, répondit la blonde avec un rire amer. Enfin, pas juste un mariage. Je voulais… Je voulais vivre comme je voulais.

— Et c'était le seul moyen ? »

La blonde parut réfléchir, les yeux dans le lointain. Loki la laissa plongée dans ses pensées en jetant un coup d'œil par l'entrebâillement de la porte. Puisqu'elle semblait ne pas souhaiter en dire plus, le pirate prit les devants :

« La voix est libre, c'est bon. »

La blonde acquiesça en silence. Après avoir dissimulé ses cheveux et une partie de son visage, elle s'apprêtait à sortir lorsqu'il l'attrapa par le bras, l'air sérieux.

« Attends, l'interpella-t-il en se massant la nuque. Si mon équipage s'en va, je vais être obligé de le suivre et de partir. Si t'as vraiment nulle part où aller, je peux éventuellement… »

Le pirate s'arrêta en comprenant qu'elle ne l'écoutait plus ; figée, la blonde fixait un point précis à l'extérieur, ses prunelles noisettes envahies par une terreur sourde. Loki vit qu'elle s'était presque arrêtée de respirer et passa devant elle en fronçant des sourcils ; qu'est-ce qu'elle pouvait avoir vu de si terrifiant ?

Le pirate étouffa un juron en voyant une patrouille de soldats passer ; plutôt une escorte, au vu de leur formation. Ils n'étaient plus très loin du port, aussi Loki se mit à prier à quiconque voudrait exaucer ses souhaits que ça ne soit pas pour un de ses amis ; Natsu était certes une vraie tête brûlée, il était bien trop rapide pour se faire prendre aussi aisément. Cana était prudente, il ne doutait pas de la force d'Erza ou de la détermination de Gérard, n'importe qui aurait hésité face aux presque deux mètres de muscles d'Elfman, et-

Le pirate sentit son sang se glacer dans ses veines en le voyant. Son regard dur et déterminé, sa carrure forte, sa démarche assurée. Il ne portait plus l'armure dans laquelle il avait sombré sous les flots, et là où aurait dût se trouver un trou béant…

Lucy se tourna vers le jeune homme, ce dernier ayant l'air de trembler de rage. Au prix d'un effort incommensurable, il parvint toutefois à se maîtriser et poussa une série de jurons dans une langue qu'elle ne connaissait pas avant de prendre sa tête entre ses mains.

« Mon père a juré qu'il demandera à cet homme de me retrouver. Il a failli réussir, quand il a soudain quitté le port pour une quête dont personne ne savait rien, expliqua-t-elle doucement. Tu le connais ? »

Loki ne répondit pas tout de suite ; ça n'était pas possible. Même si la balle ne l'avait pas tué, il n'aurait pas pût nager avec son armure, et encore moins rejoindre le rivage. Ils n'avaient croisés personne sur le chemin vers la capitale, alors comment ?

Comment Arcadios pouvait-il se tenir sous ses yeux, en vie et l'air en pleine forme ?

« Je le connais, ouais, répondit sombrement le pirate aux mèches cuivrées. Mon équipage et moi, on a quelques comptes à régler avec lui… »

Il ne savait pas si Lucy avait comprit quoi que ce soit ou pas ; il y avait plus urgent à faire. Il se leva d'un bond et l'entraîna à l'extérieur après s'être assuré qu'ils étaient hors de danger.

« Je dois prévenir mes amis, gronda Loki.

— Je te suis. J'ai aucune envie de me retrouver face à lui. », ajouta la blonde avant qu'il n'ait le temps d'ajouter quoi que ce soit.

Le pirate acquiesça en silence, et ils se remirent à avancer dans les ruelles bientôt bondées de monde, progressant avec prudence. Les cris des marchands se faisaient entendre par-dessus le brouhaha ambiant, tandis qu'un flux continu de passants prenait forme.

Dissimulé derrière l'étal d'un marchand d'épices, un homme encapuchonné eut un sourire carnassier, tout en caressant pensivement le bois lisse et vernis d'un de ses pistolets. Les retrouver n'avait rien eu de difficile ; ces pirates en faisaient toujours bien trop, même en essayant de se montrer discrets.

La présence inattendue d'une petite chose dans ses pattes fit sourciller l'inconnu ; avant qu'il n'ait eu le temps de comprendre quoi que ce soit, une fillette minuscule le fixait avec ses grands yeux.

« Tch, dégage, grogna-t-il à voix basse, remuant la jambe à laquelle elle semblait s'être accrochée. T'as perdu ta mère ou quoi ? »

Elle ne répondit pas. Vaguement mal à l'aise, l'autre tenta de jouer le tout pour le tout ; après un coup d'œil aux alentours, il se pencha à sa hauteur, laissant la gosse apercevoir les pièces de métal directement incrustées dans son visage, entouré d'une masse hirsute de cheveux noirs.

La gamine se contenta de sourire ; l'autre soupira. Y'avait rien de pire que les gosses quand il occupé.

« Bon, on va faire comme ça. », concéda-t-il en la hissant à bout de bras.

Quelques minutes plus tard, mère et fille se retrouvèrent avec soulagement ; et avant qu'elle n'ait eu le temps de le remercier, l'homme à la capuche s'était déjà éloigné, ses armes cliquetant à chacun de ses pas.

Au loin, la première détonation fit vibrer l'espace, tandis qu'une épaisse fumée noire s'élevait dans le ciel.

Ça avait commencé.


x


Indécise, Lisanna observait Natsu en silence ; un sourire immense peint sur les lèvres, ce dernier observait les flammes monter vers le ciel avec de grands yeux brillants, avant de tirer sur un autre canon de poudre.

Boum.

La végétation victime des flammes faisait monter une épaisse fumée, probablement visible à des kilomètres. L'adolescente jeta un coup d'œil peu assuré en contrebas de la falaise où ils se trouvaient ; l'explosion devait s'entendre depuis l'église qui surplombait la ville, des gardes allaient sûrement débarquer d'une minute à l'autre… Natsu ne semblait pas inquiet, en revanche. Lisanna s'était brusquement souvenue de l'intérêt particulier que le garçon portait à tout ce qui pouvait s'enflammer — surtout quand ça explosait.

« Natsu, on ferait mieux d'y aller, le pressa la jeune fille, déjà prête à courir aussi loin que ses jambes pourraient la porter.

— Ouais, ouais… Ah, ça y est ! Tu entends ? »

Lisanna tendit l'oreille pour tenter de percevoir ce qui arracha un sourire de triomphe au garçon ; après quelques secondes, derrière le grondement furieux des flammes, elle perçut l'écho d'une détonation.

« Les canons. Ça veut dire qu'ils arrivent pour nous récupérer. », expliqua Natsu en haussant des épaules.

Il se figea soudain et l'adolescente vit ses yeux s'arrondir tandis qu'il regardait derrière elle.

« Halte ! »

Natsu attrapa sa main avant qu'elle n'ait eu le temps de se retourner et l'entraîna à toute vitesse dans le bosquet qu'ils avaient traversé avec les barils de poudre pour arriver jusqu'ici. Un peu bousculée, la benjamine des Strauss ne tarda pas toutefois à retrouver son équilibre et le suivit avec aisance, ses pas évitant habilement racines et parcelles boueuses qui pourraient la ralentir.

Lisanna sentit les battements de son cœur s'accélérer à l'entente des foulées rapides et puissantes de chevaux à leur poursuite. Le pirate ne laissait voir aucun signe de nervosité, quant à lui ; concentré sur sa course, il garda le silence jusqu'à ce qu'un coup de feu ne lui arrache un juron.

« Et merde ! Lis', baisse-toi ! »

Avec une dextérité impressionnante, le jeune homme jeta un coup d'œil en arrière et tira son pistolet de la sangle fixée à sa poitrine pour riposter ; il n'y eu qu'un cri lointain. La blanche courrait sans but lorsque la poigne de son ami la stoppa d'un coup pour la jeter sur le côté dans un massif de fougères.

Le deuxième assaillant passa devant eux à toute allure, sans savoir qu'il ne poursuivait plus que des fantômes.

Lisanna ne s'autorisa à respirer que lorsqu'elle vit Natsu se détendre, son pistolet dans les mains et adossé au tronc d'un arbre. Ils mirent de longues minutes à reprendre leur souffle, et la jeune fille fixait un point invisible devant elle lorsque son ami éclata de rire.

Natsu riait. Il riait aux éclats, buvait de grandes goulées d'air qui s'échappaient dans son hilarité, ses dents blanches luisant doucement à la lueur des rayons du soleil qui perçaient la cime des arbres. Il riait pour aucune raison particulière et sans raison particulière non plus, Lisanna se mit à rire aussi. Longtemps.

Ils se relevèrent avec le sourire et s'avancèrent prudemment à l'orée du bosquet, l'oreille tendue. Finalement, les empruntes au sol laissant clairement entendre que leur poursuivant s'en était allé, ils s'approchèrent du rebord de la falaise pour admirer l'immense étendue bleue de l'océan qui embrassait l'horizon. Une brise marine souffla sur leurs visages encore rougis par l'effort, avec un parfum de liberté et d'espoir que le pirate redécouvrit avec un bonheur non dissimulé.

« Au fait… »

Lisanna leva deux grands yeux bleus curieux vers son ami ; encore passablement essoufflé, ce dernier sourit de toutes ses dents.

« T'es prête à partir ?

— Natsu, je… »

Le pirate ne la laissa pas finir, toujours avec ce sourire victorieux et terriblement confiant ; attendrie, Lisanna soupira et le laissa continuer.

« J'ai gagné, fanfaronna-t-il pour la énième fois depuis la défaite de la blanche. Ça veut dire que tu dois venir !

— Ben… Si on pouvait essayer de rester en vie jusque là, j'aimerais bien, répondit-t-elle avec un sourire crispé.

— Ah, ça ! T'en fais pas, ça va aller. »

Il riva de nouveau son regard sur l'océan, feignant être stoïque. Le regard insistant de Lisanna le fit de nouveau éclater de rire.

« Mira-nee va te tuer… », soupira simplement la blanche avant qu'ils ne se remettent en route.

Aussi majestueux et fier que dans ses souvenirs, le Fairy Tail venait d'apparaître dans la baie.


x


Laxus s'ennuyait presque lorsque la bande qu'il avait abandonné la veille au soir fit son apparition sur le port. Bien vite, un détachement de la garde du roi fit son apparition ; de l'autre côté de la place, un autre pirate arriva avec une jeune fille qu'il prit soin de garder à l'écart avant de sortir ses propres armes.

Les épées sifflèrent leur hâte d'en découdre d'un même geste engagé par Erza ; dans une formation en cercle et dos à dos, les pirates faisaient face à leurs adversaires, silencieux. Il n'y eu aucun geste ; la foule s'était rapidement dispersée et une vingtaine d'hommes évaluaient les pirates du regards, tout en les menaçant de leurs lances et épées. Seule une poignée d'homme étaient équipés de mousquets, ce qui n'avait rien de surprenant compte tenu des combattants de renom qui composaient la garde royale.

Le silence plana quelques secondes, ponctué par le cri des mouettes et le chant lointain des vagues qui venaient s'échouer dans un soupir contre les pierres du port. Laxus se leva doucement, son lourd canon à l'épaule. Derrière lui, Mavis quitta son perchoir pour se mettre à l'abri d'un petit muret de pierres, après un dernier rire dont l'écho résonna dans le vide.

« Ben c'est pas trop tôt… », eut le temps de grogner le blond avec un sourire presque carnassier, le soleil éclairant ses épis blonds et en bataille dans une aura de confiance presque arrogante.

Il y eut des bruits précipités de pas ; avec un « Ghihi » plus que ravi, l'homme à l'impressionnante chevelure sombre fit basculer son pistolet en avant, le manteau dont il s'était débarrassé laissant apercevoir un impressionnant port de lames et d'armes à feu en tout genre. Erza fit un premier pas, épée vers l'avant.

Et le silence fut brisé par une détonation de mort.


FIN DU CHAPITRE


Voilà ! :)

J'espère que ça vous a plu ! Concernant la suite, je ne peux vraiment pas vous donner de date précise : Le mois de novembre va être complètement bloqué par le NaNo, j'ai un stage du 1er au 19 décembre, et je pars à l'étranger du 24 avril... A début juillet. En Chine, pour le moment. Du coup, je préfère ne rien vous promettre x)

Merci beaucoup pour votre lecture et votre fidélité, j'attends vos avis avec impatience ! A bientôt :)

Bymeha