Oui, je suis bien en vie. En vie et de retour, que personne ne prétende le contraire!

Chers lecteurs, bonsoir :D

Me revoilà donc après deux ans d'absence avec ce cinquième chapitre contant l'histoire de ce cher Carthaën. Je rappelle que ce personnage appartient à EA; la Terre du Milieu et ses lieux ainsi que les évènements historiques rapportés sont la propriété seule de Tolkien Inc. Quant aux divers OCs créés pour les besoins de la fic, ils sont à moi :D

Je vous souhaite une agréable lecture!


Chapitre 5 : Prémices

Dix ans… Dix ans se sont écoulés, et rien n'a changé.

Carthaën se tenait sur cette même butte où il avait tenu tête aux fourches du Rhudaur. Des dizaines de petits tertres, restes des soldats d'Arnor tombés ce jour funeste, encerclaient désormais la colline comme un collier en redessinant les contours. L'herbe avait repoussé là où le feu avait fait rage, là où les lourdes bottes l'avaient piétinée; la grande hache de Hwaldar avait encore sa lame plantée dans le sol au sommet, près d'une stèle marquée de runes commémorant la bataille. Son nom ne devait être oublié afin que personne n'ait l'idée de réitérer de pareils actes de trahison. Le regard du rôdeur s'attarda sur le manche moisi de l'arme avant de balayer l'horizon, repérant tour à tour les discrets monticules de pierres vertes, placées à l'entrée de quelques tombes factices, qui indiquaient la présence d'une cache. Un œil non averti n'aurait sûrement rien vu. Personne ne voyait jamais rien.

Le lendemain même de leur « promotion », le groupe de Gardiens et de Chevaliers s'était vu guidé par Glorfindel en personne vers les Hauts encore fumants de cadavres. Leur première tâche avait été de déblayer le terrain, qui s'était vu bouclé par des soldats encore « officiels » dépêchés par le roi, afin que nul ne suspecte ce qui se préparait. Les pièges avaient été retirés, les premiers groupes avaient été formés, chacun sous les ordres d'un capitaine. Glorfindel était ensuite revenu, accompagné de quelques Elfes, apportant avec lui vivres, armes et vêtements. Au grand étonnement de tous, le Chevalier d'Or prit lui-même le rôle de mentor pour apprendre à la nouvelle unité humaine à se débrouiller en pleine nature.

La décision fut très vite prise d'oublier les armures mirobolantes et les étendards clinquant pour se concentrer sur l'efficacité et la discrétion. Les anciens aspirants Chevaliers furent chargés du système de communication : cavaliers messagers, signaux de fumée, flèches colorées et hululements d'animaux furent choisis pour remplacer les traditionnels feux d'alarme et cors de guerre. Ils prirent comme modèle les courts arcs elfiques pour en fabriquer qui conviendraient à leur maniement à cheval. Le fils d'un forgeron fabriqua des premiers harnais de cuir pour la cavalerie, légers et protégeant les principaux points faibles à défaut d'offrir une armure parfaite. Les cavaliers en eux-mêmes renoncèrent à toute protection en-dessous de la ceinture pour une meilleure mobilité en selle. Ils ne ressemblèrent rapidement plus du tout à un corps d'armée, mais en quelques semaines, leur système se révéla fonctionnel, rapide et pratique tout ce dont les rôdeurs pouvaient souhaiter.

Dans le même temps, l'infanterie se décida d'un commun accord à oublier toute spécialisation en archerie ou corps-à-corps, pour former chaque homme à pouvoir faire face sur tous les fronts. Les arcs traditionnels d'Arnor furent rallongés et affinés pour augmenter leur portée sans faire de leur poids un trop grand inconvénient. Bois d'if et corde de crin en firent des modèles de précision et de puissance. Les épées furent, elles, raccourcies, les rapprochant des dagues elfiques ou des glaives du Rohan. Fourreaux et carquois furent accrochés à la ceinture pour laisser toute sa liberté à la cape grise qui constituait le camouflage idéal de par sa capacité à prendre les nuances de ses environs.

Leur allure générale avaient beau être l'opposé de celle des soldats d'Arnor, les nouveaux rôdeurs n'en furent pas moins fiers d'eux quand les dernières retouches furent adoptées. L'entrainement militaire qu'ils avaient tous reçu leur donnait une rigueur dont des brigands ne pouvaient se vanter, et leur situation ainsi que leur passé les liait bien plus qu'un corps d'armée standard. Entrainés par les Elfes, protégeant les Hommes, ils étaient plus forts, plus discrets, plus rapides que leurs semblables. Et pourtant, les premiers moments d'euphorie passés…

Nous sommes toujours les mêmes renégats.

Quand Glorfindel repartit à Fondcombe, que le rideau de neige de l'hiver se mit à tomber, il fallut se rendre à l'évidence. Ils n'existaient plus, ne faisaient plus partie d'Arnor sinon au fond de leur cœur; surveillant une frontière dont peut-être jamais la menace ne reviendrait, ayant établi leur quartier général dans les ruines encore fumantes d'Eleusis où l'on croisait encore des cadavres à chaque coin de rue, ils ne valaient aux yeux du reste du monde pas mieux que des criminels, et telle était l'image qu'ils étaient condamnés à donner.

Quand quelqu'un empruntait la route des Hauts, ils se cachaient dans les tertres, mais à travers tout l'Arthedain se répandit la rumeur d'ombres fantomatiques et silencieuse vacillant entre les tombes. Certains dirent qu'il s'agissait de sauvages du Rhudaur qui venaient profaner ces lieux sacrés, d'autres que les spectres de la grande bataille hantaient les collines de leur mort. Le roi mit néanmoins rapidement un terme aux racontars, faisant croire qu'il avait envoyé un contingent d'éclaireurs qui avaient rapporté qu'il s'agissait de brigands, et que ceux-ci ne s'attaquaient pas aux tombes par superstition; il déconseilla le voyage par les Hauts, même lorsqu'il s'agissait de simplement rejoindre Bree un peu au sud, et décréta que ces voleurs s'en iraient par eux-mêmes par manque de cibles. La décision provoqua un grondement de mécontentement rapidement maté par l'armée. Et pendant ce temps, seuls dans le froid, les rôdeurs regardaient leur réputation naitre peu à peu.

La route désormais souvent déserte, ils prirent la liberté de chasser dans les bois alentours, amenant de nouveau la viande à leur menu qui se constituait jusque-là de légumes et de champignons qui poussaient dans l'ombre des tertres. Ils posèrent des collets et partirent à la chasse au cerf, mais sur ordre de Carthaën, ne creusèrent ni fosses ni pièges à loup. On les entendait pourtant hurler certains soirs, plus ou moins proches et menaçants, mais Nabarl et Ragnell ayant relayé l'ordre, personne ne se risqua à désobéir. Etrangement d'ailleurs, aucune attaque ne fut finalement recensée, même lorsqu'un messager rapporta être tombé nez-à-nez avec un loup de la taille d'un cheval.

Les rôdeurs organisèrent rapidement des tours de garde près des Hauts, notamment l'hiver où y rester trop longtemps pesait sur le moral autant que le physique. De multiples camps secondaires furent montés dans des tombes encore vierges, ou même creusés dans des collines qui n'en possédaient pas encore, formant de multiples abris qui couvraient toute la région. Mais la base principale fut montée dans les ruines de la citadelle d'Eleusis, la ville restant, pour plus de discrétion, vide de toute vie. L'accès se faisait par le réseau d'égouts qui serpentait à plusieurs mètres sous terre et remontait jusque sous la butte du château. Les rôdeurs en entraient et sortaient de nuit, couvrant les sabots de leurs chevaux de paquets de tissu pour étouffer le moindre bruit pouvant éveiller les soupçons. Tous étaient d'accord pour dire que l'excès de précautions n'existait pas.

Il fallut ensuite décider d'un moyen de garder contact avec la capitale, plus discret que des messagers lambda sortis de nulle part et dont la garde aurait eu vite fait de s'interroger. On acheta une carriole à Bree, avec laquelle quelques premiers voyages se firent vers Fornost, jusqu'à ce qu'un groupe chanceux puisse attirer l'attention du roi lors d'un de ses discours publics et obtenir une audition privée; après quoi, une taverne s'ouvrit près de la porte sud, et la charrette en devint la propriété officielle. Lorsqu'un rôdeur tombait malade ou se faisait blesser, on l'y envoyait aider les tenanciers ceux-ci, vétérans dont la loyauté n'était plus à prouver, étaient bien évidemment au courant de toute l'affaire. La bière n'y était pas spécialement bonne, mais la viande venait de fait directement de la forêt, et était donc bien souvent servie fraiche. L'établissement se tailla ainsi une solide réputation en l'espace de quelques mois, et fit bien vite partie du décor du quartier sud.

Nous sommes toujours aussi inutiles…

En deux ans, le rythme de vie des rôdeurs s'était suffisamment bien rodé pour qu'ils puissent l'appeler routine. A Eleusis ou à l'auberge, ils étaient libres de toute action en-dehors de leurs tours de gardes ou d'une quelconque mission spéciale. Dans les Hauts, ils se levaient avant les premiers rayons du soleil, sortaient à l'air libre et se terraient dans l'ombre des dolmens jusqu'à l'aube; là, ils reculaient à l'abri des regards indiscrets et veillaient sur les tertres, la route et l'horizon. Néanmoins, pas une seule fois, pas une seule une menace ne se représenta.

Des fausses alertes, il y en eut; des rumeurs d'un retour des révoltes en Rhudaur aux soi-disant Orques aperçus à la frontière nord, des dizaines de fois les rôdeurs durent se réveiller en pleine nuit arme à la main pour veiller en position de combat à divers endroits de leur territoire. Chaque fois, ils retournaient à bout de nerfs à leurs occupations après des heures et parfois des jours de veille. La liste de leurs informateurs se raccourcit au fil du temps pour épurer un peu celle des risques qui leur arrivait, et ainsi la dernière alerte remontait maintenant à plus d'un an. L'ennui en devenait pesant, l'humeur de chacun se détériorait, fragilisant les amitiés et éprouvant la santé mentale de beaucoup. Carthaën, Ragnell et Nabarl par exemple ne s'étaient pas vus ensemble depuis six mois, eux qui étaient anciennement les plus inséparables des compagnons.

Il parait bon à ce point du récit d'évoquer un point important de la vie des rôdeurs : la vie sentimentale et familiale. Il apparut très vite que, les troupes étant essentiellement composées d'hommes, l'unité ne pouvait se contenter d'elle-même aussi bien pour le renouvellement de ses membres que pour le bien-être de ceux-ci. Comment dès lors, concilier leur existence de paria et une vie comportant femme et enfants ? Après à peine quelques mois, les femmes jusqu'ici bien intégrées commencèrent à se plaindre du harcèlement de certains hommes autrefois tout à fait corrects sur ce point. La mixité des anciens Gardiens devenait un problème, notamment chez les Chevaliers peu habitués à ce fait. Après des heures de réflexion, Carthaën se décida à consentir aux relations conjugales, sous réserve d'une vie tout aussi isolée pour la femme qui serait assez amoureuse pour suivre son homme dans cette aventure. Ainsi la citadelle d'Eleusis et les bâtiments accolés commencèrent-ils à se repeupler.

Mais au sein des rôdeurs mêmes également, l'amour se vit fleurir. On fêta à la sixième année de service le mariage de Nabarl et Ragnell, qui se déroula pour le mieux; en apparence du moins, car le cœur obscurcit par ce qu'il prenait comme une trahison de l'amitié qu'ils s'étaient promis, Carthaën ne les applaudit que dans l'ombre et s'éloigna d'eux, ne les revoyant que dans les occasions les plus impératives. Ainsi le jeune et fougueux capitaine, privé de ses soutiens les plus proches, fit-il la réelle découverte de la solitude.

Quand les premiers enfants vinrent au monde, une autre interrogation existentielle se posa : pouvait-on leur infliger cela, et les condamner sans autre forme de procès à vivre la même vie que leurs parents ? Ce furent ceux-ci, en l'occurrence Caïn et une jeune paysanne nommée Norah qui étaient les premiers parents, qui y répondirent. Après une longue concertation entre eux et un ultime adieu, ils laissèrent leur enfant à l'auberge de la communauté; une famille d'accueil lui fut trouvée avant qu'il ne soit placé dans les rangs des Gardiens une fois l'âge requis atteint. De cet évènement Caïn garda à jamais une blessure au plus profond de lui, mais l'exemple avait été donné, et de ce jour chaque nouveau-né fut envoyé à Fornost ou bien élevé dans le secret, selon le souhait des parents. Ce fut à jamais la seule décision où les officiers n'intervinrent pas.

Durant ces dix années d'inactivité, les rangs des rôdeurs grossirent de quelques dizaines de recrues. Des condamnés à mort ou à perpétuité de tout le royaume d'Arthedain se voyaient proposé, s'ils étaient jugés assez loyaux à la couronne pour en avoir le droit, de rejoindre la communauté en lieu et place de leur peine. Bien entendu, la plupart acceptait sans une seule hésitation, et beaucoup devinrent même d'excellents compagnons. Ils étaient souvent ici par accident: meurtre passionnel regretté après coup, rixes d'ivrognes à répétition ou encore trafic d'herbe à pipe de la Comté, aucun n'était réellement un psychopathe en puissance. Si certains eurent du mal à se faire à leur nouvelle vie, les capitaines les renvoyaient affronter leur sort à la capitale; après quelques exemples de ce type, les nouveaux venus faisaient profil bas et profitaient de leur liberté nouvelle. Une seule fois Carthaën dut en abattre un de sa main, un ancien détenu pour une tentative de vol dans le palais royal, qui essaya une nuit de violer la femme d'un des rôdeurs parti sur le terrain. Réveillé par les cris, il fit goûter à son épée un sang qui n'aurait pas dû être versé.

Et l'horizon est toujours aussi calme.

Ces dix ans, Carthaën les avait passés à parfaire sa maitrise de l'épée et de l'arc. Il faisait désormais partie des meilleurs bretteurs, même si son style paraissait encore brut à côté de celui de Nabarl qui était devenu d'une telle finesse que ses mouvements en étaient parfois flous. Ses flèches n'étaient pas les plus précises, mais il savait tirer d'une bonne distance et sa vue était encore excellente. Tous les jours où il n'était pas de service, il se rendait dans la forêt, au milieu d'une clairière qu'il avait découverte au gré de ses explorations. Là, il s'asseyait sur une souche desséchée et méditait une heure entière après quoi il dégainait sa lame et se battait contre des ennemis imaginaires et de toutes sortes.

Parfois, il emmenait avec lui un livre de la bibliothèque miraculeusement intacte d'Eleusis. Il connaissait les traités de guerre et de stratégie par cœur, et pouvait se rejouer d'antiques batailles entières dans les méandres de son esprit. Il dévorait aussi les romans et les recueils de poésie, dont il était devenu un fervent amateur. Souhaitant au départ simplement passer le temps, il se mit à apprécier l'écriture, jusqu'à apporter et cacher dans sa souche des rouleaux de parchemin, un encrier et une plume, le tout dans un coffre trouvé dans la citadelle, gravé de têtes de loups. Il écrivait alors ses propres poèmes, qu'il trouvait foncièrement mauvais mais qui lui permettaient de sortir de la mélancolie engendrée par sa solitude.

Ce fut un soir où il écrivait ainsi que des hurlements de loups retentirent non loin; bien loin de s'inquiéter, car à chaque son de la sorte il revoyait la louve grande et bienveillante qu'il avait rencontrée des années auparavant, il mêla la majesté de ce cri au bouillonnement de son imagination, et ainsi sa première Ode à la Louve fut écrite. Il devait en rédiger trente-deux avant la fin de sa vie, mais ne le fit jamais partager à aucun de ses compagnons.

Il faisait également partie du peu d'hommes qui ne cherchaient pas à prendre femme. Non pas que le sujet lui était indifférent; souvent il se rendait à Bree rechercher la compagnie de quelque courtisane à la vertu de peu d'ampleur. Mais trop renfermé dans sa souffrante solitude, il ne voulait au fond de lui, pas en sortir. Il restait loyal à sa cause et bon envers ses amis, mais il jalousait en secret leur bonheur, et se marier signifiait alors rendre cette jalousie sans fondement. Il aurait été logique que ce fût là ce qu'il souhaitât, mais l'esprit des hommes est parfois plus tortueux que le destin lui-même, et son malheur était en fait devenu un compagnon si proche qu'il ne voulait plus le perdre.

Jusqu'à ce jour…

Calme. Beaucoup trop calme.

D'une traite et sans un bruit, Carthaën décrocha son arc de son dos et y encocha une flèche, reculant pour se placer à l'ombre de son dolmen, ses yeux scrutant les alentours sans relâche. Les oiseaux s'étaient tus, le vent soufflait à peine. Les souvenirs de sa première nuit ici lui revinrent en mémoire; sans même le voir, il savait que ses compagnons les plus proches s'étaient mis sur le même état d'alerte.

Rapidement ses sens le firent se tourner vers la forêt et le couvert des arbres. Le vent s'arrêta tout à fait, mais un frisson lui parcourra l'échine. Même lors des alertes précédentes son instinct ne l'avait pas mis dans un tel état. La situation était-elle tendue à ce point ? La réalisation de tous ses efforts allait-elle trouver son sens maintenant ?

La corde de son arc se tendit en craquant légèrement quand il se mit en position de tir. Le sommet d'un chêne venait de trembler dans le lointain. Puis un autre. Et encore. Quoi que ce fût, ça s'approchait rapidement. Un hululement retentit dans son dos, auquel il répondit par un sifflement sec et bref. Un bruit à peine audible lui indiqua qu'un des rôdeurs était parti au pas de course chercher des renforts dans les caches plus lointaines. Le danger se rapprochait toujours, arbre par arbre, comme s'il ne cherchait même pas à camoufler sa présence. Comme s'il l'ennemi n'était pas lui mais…

… Mais ce qu'elle tenait dans la gueule.

L'immense louve d'Eleusis, la lumière du crépuscule magnifiant son pelage auburn, émergea fièrement d'entre les troncs. Ensanglanté entre ses crocs profondément plantés dans la chair, le cadavre encore frais d'un Orque au sang noir et épais. Elle baissa la tête pour le laisser tomber et souiller la terre de sa puanteur et, comme si la cachette de Carthaën n'avait aucun sens, elle sembla le regarder droit dans les yeux, de son regard d'améthyste rayonnant d'intelligence. Cette bête les mettait en garde. L'ennemi rôdait tout près. Alors que le capitaine avalait à peine le message et détendait son bras, la louve fit volte-face et disparut de nouveau.

- Attendez !

Le cri lui avait échappé sans même qu'il y réfléchisse. Rengainant sa flèche il se précipita au-dehors, oubliant du même coup les règles qu'il avait lui-même instaurées. La louve s'arrêta dans son geste, tournant légèrement la tête pour le regarder du coin de l'œil, avant de se détourner et reprendre sa route. Jurant entre ses dents, Carthaën se força à s'arrêter pour se retourner vers les hommes qui suivant son exemple étaient sortis à découvert.

- Ashnard ! cria-t-il en direction d'un vieux condamné à la barbe grise. Que deux unités ratissent le bois sud à la recherche d'autres Orques ! Je veux un compte-rendu précis de la situation à mon retour. Abel, que la garde des Hauts soit triplée ! Que rien ne se produise, que pas un oiseau ne prenne son envol sans que nos guetteurs n'en soient alertés !

- Où vas-tu ? Tu ne devrais pas partir seul ! rétorqua le jumeau.

Rajustant sa ceinture, le capitaine partit au pas de course sans laisser place à d'autres conseils.

- Je dois découvrir ce qu'il en est ! lâcha-t-il par-dessus son épaule.

Il devait surtout savoir pourquoi et comment la louve avait été au courant de la présence d'ennemis avant eux dont la vigilance ne s'était pas relâchée un seul instant en dix ans. Il ne tarda pas à rejoindre les énormes empreintes laissées par l'animal et qui s'enfonçaient dans les sous-bois; suivant la piste sans trop de difficulté, il s'enfonça interminablement entre les arbres, enchaînant tours et détours, ses grandes enjambées ne faiblissant pas malgré l'inégalité du terrain tant sa volonté de la retrouver était puissante.

Puis tout s'arrêta. D'un coup, sans la moindre prémisse, la piste disparue purement et simplement plus aucune empreinte au sol, même d'un loup plus petit. Grinçant des dents, il revint sur ses pas, pour n'obtenir rien d'autre que la preuve que les traces allaient bien jusqu'à quelques mètres avant. Une bête de cette taille ne pouvait pas disparaitre ainsi ! Il effleura les arbres les plus proches de la paume de sa main, sans trouver la moindre entaille qui aurait miraculeusement permis à l'animal de grimper. Quelques touffes de poil tout au plus, symbole de son passage.

En désespoir de cause, il revint sur le sentier. Et là, dans la terre humide du bois, son œil fut soudainement attiré par de petites traces de pas. Des traces humaines, bien trop petites pour appartenir à un homme adulte, et qui pouvaient à la rigueur convenir à une femme pas très grande. Elles commençaient là où celles de la louve s'arrêtaient. Dans un sursaut du passé, les vieilles légendes lui revinrent en mémoire; celles où les loups pouvaient prendre forme humaine pour se mêler au commun des mortels quand ils le souhaitaient et attirer leur proies dans leur repaire. Il était impensable qu'une telle étrangeté fut réelle, et pourtant… Et pourtant la louve parlait, non ? Et c'était là de toute manière sa seule piste. Se courbant au-dessus du sol pour ne pas perdre son nouveau filon, il se mit à poursuivre ces nouvelles traces à un rythme ralenti par la difficulté.

Il lui fut rapidement évident que la créature ne se déplaçait pas au hasard, et il ne tarda pas à reconnaitre des sentiers qu'il avait lui -même battu. Bientôt étreint par le sentiment qu'il n'avait plus besoin de suivre les empreintes, il se redressa et se dirigea de lui-même vers sa clairière secrète. Il s'y aventura la main sur la garde de son épée : que l'attendait-il là-bas ? Amis ou ennemis ? La louve qui voulait discuter, ou un campement d'Orques fraichement arrivé ? La réponse arriva quand les arbres s'ouvrirent sur le ciel libre et l'herbe doucement balayée par un léger vent frais.

La souche était toujours là, bien entendu; mais elle était occupée par une silhouette debout, bien campée sur ses deux pieds. Celle d'une femme magnifique aux formes généreuses qui lui tournait le dos; ses cheveux auburn virevoltaient dans son dos au gré de la brise bienvenue, les mèches les plus longues tombant au creux de ses reins où naissait une étrange queue de la même couleur, cachant pudiquement le bas de son dos. Deux étranges oreilles animales jaillissaient de la masse de ses cheveux, les pointes blanches tressautant quand un souffle d'air venait les chatouiller. Elle dut le sentir arriver, car sa main se leva pour replacer une mèche qui fouettait sa joue, et sa tête se tourna vers lui. Son visage angélique était d'une magnificence absolue, et il sut que jamais il n'avait croisé aussi belle femme, tout démon qu'elle soit. L'améthyste de son regard acheva de lui confirmer son identité tandis qu'elle souriait en dévoilant une canine particulièrement aiguisée.

- Bienvenue, Carthaën fils de Gawain, dit-elle. Le temps est à présent venu pour nous de parler.


C'est ici que nous nous séparons, chers lecteurs :]

Ce chapitre est plus une mise en place de la suite des évènements qu'un véritable récit, mais il est indispensable aux écrits futurs... Qui ne tarderont pas à arriver. Car je suis fier de vous annoncer que, libéré de pas mal de travaux annexes, je peux désormais me concentrer sur trois choses: mes études bien évidemment, qui continueront de me prendre du temps; un livre qui se dessine petit à petit et dont j'espère voir d'ici quinze ans la publication; et la fanfiction que non, je ne laisserai pas tomber, même si certains l'ont cru. Mon rythme devrait donc s'améliorer légèrement... Enfin au moins plus d'une publication par an ;)

Je vous remercie dans tous les cas de m'avoir lu. Si ça vous a plu, je vous invite à, pourquoi pas, laisser une petite review juste en-dessous. Ce sont les encouragements de son public qui aident un auteur :D

Sur ce, je vous dit au revoir! /)

Strider.