Voici un chapitre plus long pour me faire pardonner !


Nous n'avons pas le temps de réfléchir. Nous nous enfouissons tous les deux dans la cachette de Blaine. La peur me donne envie de vomir. Je n'en peux plus. Ces jeux provoquent beaucoup plus de stress que ce que je peux endurer. Je sens des larmes mouiller mes joues, mais je n'émets aucun son. Les voix s'approchent de plus en plus. Je serre les dents pour empêcher que quiconque puisse entendre mon souffle saccadé.

-C'est ce que je disais. On l'a perdu, bande d'incompétents! s'exclame une voix féminine, qui ressemble étrangement à celle de la latino dans l'ascenseur.

-Allez, on a pas de temps à perdre ici.

Ils sont partis. Je peux enfin respirer. Je me rends compte que je sanglote encore. Blaine me regarde de ses grands yeux à la fois déchirés, compatissants et terrifiés. Il passe un bras autour de moi, mais je me raidis aussitôt et le repousse.

-Ne pousse pas ta chance, je marmonne en essuyant mes yeux mouillés.

Un long silence inconfortable nous sépare jusqu'à ce que Blaine se lève.

-Je vais chercher du bois, explique-t-il. Tu viens avec moi?

-Ouais... Je vais en profiter pour cueillir quelques petites choses qui iraient bien avec le lièvre que j'ai chassé.

Nous sortons de la caverne bien dissimulée derrière la mousse et les arbres, puis nous nous enfouissons un peu plus dans la forêt dense. Blaine se penche pour ramasser quelques branches sèches, je ne peux m'empêcher de regarder rapidement ses fesses bien moulées dans sa tenue d'arène. Je détourne le regard et me concentre sur les petits fruits cachés un peu partout parmi les feuillages. J'en découvre quelques-uns qui ressemblent à de gros bleuets avec des tâches pourpres. J'en presse un entre mes doigts et le lance au bout de mes bras en découvrant l'acidité contenue dans le fruit.

-Impossible de trouver quelque chose de comestible ici. Même les fruits veulent nous tuer, je lance en grimaçant.

L'ancien carrière lâche un petit rire adorable en guise de réponse.

-Tu vas bien finir par trouver quelque chose, m'encourage-t-il.

Par la suite, je trouve quelques framboises de très petite taille. J'en écrase une entre mes doigts. Aucune acidité. Je prends un bout entre mes dents et le recrache aussitôt. Je décide de me tourner vers des feuilles semblables à de la laitue et y goûte.

-J'ai trouvé quelque chose qui ne nous fera pas mourir.

-Et j'ai trouvé du bois.

Nous en profitons pour passer par un ruisseau pour prendre un peu d'eau pour le repas. Je n'ai pas envie de gaspiller mon eau trop vite. Nous ramenons nos nouvelles acquisitions à la cachette de Blaine, qui est beaucoup plus vaste et plus sûre. Celui-ci commence à prépare le feu, pendant que je pose mon sac-à-dos sur le sol. J'en profite pour enlever la fourrure du lièvre et séparer la viande des os. Le silence est bientôt remplacé par le doux crépitement du feu. Je verse de l'eau dans le bol que Blaine a sûrement trouvé à la corne d'abondance et y dépose des bouts de viande et des morceaux de laitue. J'attends que le tout cuise et prend la première gorgée de la soupe, puis tend le bol à mon allié. Nous mangeons ainsi à tour de rôle, jusqu'à la moitié du bol. J'enveloppe le reste de feuilles pour le conserver et m'étend sur le sol, rassasié et beaucoup moins faible.

-Parle-moi de toi, je murmure.

Il s'étend à mes côtés et tourne la tête vers moi, ses grands yeux scrutant mon visage. Il soupire légèrement et se met à regarder le plafond de sa cachette, l'air pensif.

-Je viens d'une famille aisée du District 5... Mon père dirige une compagnie qui distribue l'électricité dans tous les districts et ma mère est un médecin.

-Pourquoi es-tu devenu un carrière...? je demande, toute mon attention portée sur ce qu'il disait.

-Mon père voulait que je le devienne. Une question d'honneur, de prestige... Et surtout, il voulait que je m'endurcisse et que je cesse de penser aux... garçons.

Il avait prononcé le dernier mot comme s'il avait honte. Ses yeux s'embuent rapidement de larmes, et je me dépêche à prendre sa main dans la mienne pour le rassurer. Sa main est à la fois douce et possède une certaine force propre aux hommes.

-Il pensait vraiment que ces jeux allaient me rendre plus... normal, mais ça n'y change rien du tout...

Blaine regarde soudainement autour de lui, réalisant que nous étions entourés de caméras invisibles en tout temps. Il finit par se calmer et me regarde. Je lui souris doucement, l'encourageant à poursuivre son histoire. Je me sens déjà beaucoup moins sur mes gardes avec lui, puisqu'il a laissé tombé toutes barrières entre nous.

-Je n'ai jamais été très proche de mes parents... La seule chose qui nous rapprochaient, c'était l'espoir que je me rende utile un jour dans ces stupides jeux. J'ai donc fait tout ce qu'ils voulaient... avec l'espoir qu'ils finiraient par m'accepter.

Il lâche un profond soupir, un silence s'installant pendant quelques minutes, le temps que Blaine se remette de ses souvenirs.

-Et toi, ils sont comment, tes parents?

Je sens une boule se former dans ma gorge. Je n'ai pas l'habitude de parler de famille à qui que ce soit, parce que personne ne s'y est tout simplement jamais intéressé. Je caresse timidement sa main de mon pouce, pensif.

-Ma mère est décédé quand j'avais 8 ans. C'était une vraie rebelle. Elle a essayé de s'échapper de Panem en espérant trouver un monde meilleur pour nous tous, mais des Pacificateurs l'ont trouvée et l'ont punie comme il se doit. Mon père s'est occupé de moi du mieux qu'il a pu. Je suis enfant unique, alors ça lui a largement facilité la tâche... J'ai commencé à chanter dans les rues pour l'aider à payer tout ce dont on avait besoin pour vivre, pendant qu'il travaillait dans les mines...et je mon nom se retrouvait chaque année dans le bocal lors de la Moisson, en espérant pouvoir vivre une meilleure vie par la suite. Je sais que ma mère n'aurait pas voulu que je le fasse... Elle voulait toujours ce qu'il y a de mieux pour moi.

Ma voix se brise et je sens quelques gouttes chaudes glisser le long de mes joues. Je les essuie de ma main libre, détournant le regard. Blaine glisse ses doigts sur mon menton et retourne ma tête dans sa direction. Je fixe ses iris d'une couleur aussi douce que le miel, ravalant nerveusement ma salive.

-Je suis désolé.

Il m'attire dans une étreinte qui, à la place de me rendre mal à l'aise, me réconforte. Je me blottis dans ses bras forts, fermant les yeux pour m'abandonner complètement. Je m'endors et je sens à peine le corps de Blaine bouger lorsqu'il s'étend sur le dos, m'entraînant ainsi avec lui. J'écoute son cœur battre d'un rythme apaisant.

Ce rythme est bientôt troublé par les deux brusques coups de canon qui annoncent le nombre de morts, mais je ne me réveille pas pour autant. Je suis bercé par l'image de ma mère qui vient me sauver de cet enfer.