Titre : La Légende d'Yr Afal Goch

Personnages : Amitié Arthur/Perceval (comme c'est original me direz-vous !). Notre ami Merlin devrait être lui aussi très présent dans cette fic ainsi que quelques autres personnages clés de la série bien entendu.

Livre : fic' située entre le hiatus de la saison 4 (qui se termine sur le baptême de Perceval par ce qui ressemble à une belle journée de printemps) et le premier épisode de la saison 5 (qui commence peu de temps après le solstice d'hiver si je me souviens bien).

Catégorie : le ton est plutôt celui du Livre 5. GEN. Y'a des méchants et y'a des gentils et tout le joli dégradé de gris au milieu. Amitié/Aventure/Fantasy.

« Disclaimer » : merci à Alexandre Astier d'avoir créé cet univers fascinant et merci à Franck Pitiot d'avoir donné vie à Perceval !

Bonne année à toutes et à tous !


Prologue

61 après Jésus Christ, Ynys Môn (1)

Les cris, le feu, les pleurs … tout cessa en un instant. Juste ça. Le passage d'une seconde à une autre. Du chaos au silence. Comme un animal reprenant son souffle, le monstre responsable de toute cette horreur faisait une pause.

Il tomba à genoux. Il pleuvait. Sur le sol, l'eau était rouge.

« Vite, par ici ! Myrddin, bon sang, c'est pas le moment de rêvasser, grommela une voix près de lui. DEBOUT !

Myrddin cligna des yeux, toujours sous le choc de l'horreur de cette journée mais il obéit. Enfin, pas vraiment. Se mettre debout, c'était prendre le risque de réveiller le monstre.

Ils rampèrent donc dans la boue. Une boue de sang. Leur robe n'était plus blanche depuis longtemps. Leurs mains non plus …

-Par ici. Il est encore en vie mais plus pour très longtemps. Il veut nous parler, reprit la voix. Enfin, je crois surtout qu'il veut te parler à toi.

Myrddin ne releva pas la jalousie qu'il pouvait sentir dans la voix de son compagnon. Il n'avait jamais vraiment compris que l'on puisse jalouser ce qu'il était. Qui il était.

Au milieu du carnage, ils avançaient, réduits à l'état d'animaux cherchant à éviter les prédateurs.

Et les prédateurs étaient partout. Derrière chaque soupir d'agonie, chaque cri de détresse. Ils étaient même responsables du lourd silence qui régnait désormais dans la baie de Biwmares (1).

- Allez, on y est presque …

Myrddin hocha la tête. Oui, ils y étaient « presque » n'est-ce pas ? Presque morts, presque éteints.

Décimés.

Demain, les druides de Britannia ne serait plus qu'un souvenir (2). Un mauvais souvenir ... n'avaient-il pas apporté la désolation sur l'île ? Et leurs pitoyables incantations n'avaient elles pas été incapables de sauver ceux qu'ils étaient sensés protéger ?

D'une certaine manière, Myrddin pensait qu'ils méritaient ce qui leur arrivait. C'était leur punition. Une punition divine. Pour avoir été présomptueux, pour avoir été faibles.

- Là ! Il est là !

Il y avait de l'admiration dans la voix de son compagnon. De la tristesse aussi.

Diviciacos (3) était là en effet, allongé sous un des bosquets sacrés. Le chêne sous lequel il reposait était millénaire. Même lui, Myrddin, fils d'un faetog, n'était pas si vieux. 500 ans, à peine.

- Myrddin … murmura Diviciacos.

Il tendit une main tremblante vers lui. Myrddin se pencha sur le vieil homme et prit cette main tendue.

Et il la sentit immédiatement. La mort. Ses pouvoirs ne pouvaient rien contre le Mal qui rongeait, tel un acide puissant, les dernières traces d'énergie de celui qui fut un druide craint et respecté. Le Vengeur ne serait bientôt plus qu'un souvenir lui aussi …

- Diviciacos, finit par répondre Myrddin, sa voix enrouée par l'émotion qui lui étreignait le cœur.

Un faible sourire se dessina sur le visage de Diviciacos puis ses yeux se levèrent vers les branches du chêne.

- Ils vont le détruire lui aussi, murmura t-il.

Myrddin hocha la tête. Ils connaissaient tous la tactique de la « terre brûlée » de l'armée romaine. Après le départ de Paullinus, plus rien sur Ynis Môn ne rappellerait au monde que les druides avaient installé ici une de leur place sacrée.

- Nos vies ne leur suffisent pas, il leur faut aussi notre âme soupira Diviciacos. Mais ils ne peuvent pas tout effacer, ils ne peuvent pas tout prendre.

Sa main se referma sur celle de Myrddin.

- Ces romains, leur civilisation toute entière est tournée vers un seul objectif : la domination. Il leur faut le monde. Et ils l'auront, un temps. C'est écrit. Ils nous craignent car ils sentent que notre magie est un obstacle à leur soif de conquête. Et comme ils ne peuvent pas s'emparer de notre pouvoir, ils nous réduisent au silence … définitivement. Mais toi, toi Myrddin, tu seras la voix qui s'élèvera lorsque toutes les autres se seront tues.

Myrddin secoua la tête.

- Non, Diviciacos, ne me demande pas de –

- Toi seul peux le faire Myrddin ! Tiens, voilà la clé. La clé de toute notre connaissance, druides de Cymru (4), depuis des générations.

Le vieux druide glissa un papier dans la paume de Myrddin. Puis il ferma les yeux et poussa un long soupir.

- Là, maintenant, je peux partir en paix. Partir avec lui.

Une rafale de vente souffla brusquement dans les branches du vieux chêne.

- Oui, mon vieil ami, oui, je viens. Hwyl nawr mes amis, Hwyl nawr. Am byth (5)

Diviciacos expira son dernier soupir au même moment où le vent retomba. Autour de lui, les derniers druides d'Ynys Môn baissèrent la tête en signe de respect.

Myrddin froissa le morceau de papier jusqu'à ce que dernier soit réduit à une petite boule de papier au creux de sa paume. Que lui importait la puissance ou le pouvoir ! Il ne voyait que le rouge du sang, ne sentait que l'odeur de la chair qui brûle et n'entendait que les cris de douleur et d'agonie.

Non, la magie, c'était fini pour lui. Terminé de jouer au grand enchanteur. Il jura ce jour là de se consacrer à une seule et unique quête : trouver celui ou celle qui mettrait fin à la tyrannie romaine dans l'île de Brittania.

Il ne serait plus Myrddin, grand enchanteur de Cymru. Il se mêlerait à ses ennemis et prendrait leur nom pour mieux les écraser.

A partir de ce jour, il serait Merlin (6).

A suivre …


(1) Ynys Môn (Île Noire) est le nom gallois de l'île d'Anglesey au pays de Galles. Les troupes romaines menées par le Général Caius Suetonus Paullinus ont abordé l'île d'Anglesey en 60 après JC pour y mener une expédition punitive. L'île abritait une très puissante colonie druide mais elle avait aussi la réputation d'accueillir des réfugiés fuyant l'empire romain. Lors de l'attaque de l'île, il est rapporté par Tacite que tous les habitants ayant de près ou de loin des liens avec les druides (femme et enfants compris) furent massacrés. Les romains détruisirent toute trace de la religion druidique sur l'île et notamment les bosquets sacrés.

Biwmares = Nom gallois de la ville de Beaumaris à l'est d'Anglesey. Les historiens pensent que c'est sur cette plage qu'accosta l'armée romaine menée par Paullinus.

(2) Les druides de Britannia Romana (actuels Angleterre, pays de Galles et Sud de L'Ecosse) ont en effet pratiquement tous disparu après la répression de la révolte Boudicanne en 61 après JC (du nom de la reine britto-romaine Boudicca qui mena la dite révolte). Leur culture continua cependant en Irlande, terre que les romains n'ont jamais envahie.

(3) Diviciacos est le seul druide dont l'histoire reconnaît l'existence (attestée entre 58 et 63 avant JC). Son statut de druide est évoqué par Cicéron. Son nom dérivant de la racine « divic » (vaincre) décalque du latin « devincere » lui donnant ainsi le sens de « vengeur ». Il est peu probable qu'il ait été encore en vie en 60 après JC mais sait-on jamais, avec ces satanés druides !

(4) Cymru est le nom gallois du pays de Galles.

(5) "Hwyl nawr. Am byth" = « Adieu. Pour toujours » en gallois.

(6) Myrddin est la forme galloise de Merlin qui est elle, la forme latine (Merlinus, euphonie du nom celte).