Spolié

Avertissement : Comme son titre l'indique ce chapitre contient de la violence non édulcorée. Ames sensibles s'abstenir.

Chapitre 6 : A feu et à sang !

La douce matinée automnale de Poudlard donna lieu à une scène des plus saugrenues aux yeux des convives installés à la table des Serdaigles, ce qui ne manqua pas de susciter en eux une hilarité qui mit à mal la réserve que leur courtoisie Française leur édictait. Les élèves de Poudlard, plus coutumiers du fait que leurs hôtes ne s'embarrassèrent guère de ces considérations et exprimèrent leur hilarité sans aucune retenue. Une hilarité générale dont Fleur fut la seule à n'en retirer qu'amertume et consternation pour le rôle majeur qu'elle se vit obligée de jouer bien malgré elle dans cette scène.

Luna, la jeune fille auprès de laquelle Bayard avait insisté pour qu'elle s'assît à ses côtés pour le dîner de la veille tout comme pour le petit déjeuner de ce matin, avait confectionné un collier de bouchons de bièraubeurre à l'intention de la jeune Vélane. C'était une espèce de colifichet à la facture aussi simpliste que puérile, et Fleur ne put s'empêcher de le juger grossier. Mais en tout acquis de conscience, elle ne pouvait le refuser, n'est-ce pas ? Cela paraîtrait aussi cruel qu'impoli de sa part. Et le fait que Harry et Luna la regardaient avec la plus sérieuse des expressions, n'était en rien pour la conforter dans son intention de refus.

« Ça aide à chasser les Nargoyles. » élabora Luna d'un ton rêveur tandis qu'elle exhibait son présent aux yeux de tous. Les élèves les plus proches, tous affiliés à Poudlard, se mirent à ricaner et Fleur les foudroya du regard avec irritation. La fille était pour le moins excentrique, pour ne pas dire loufoque, et Fleur soupçonnait que cette singulière personnalité lui avait valu d'être marginalisée et moquée par ces camarades de par le passé.

« Merzi. » dit-elle succinctement, ne sachant qu'ajouter d'autre, et elle accepta le collier avec autant de grâce que faire se pouvait en pareille circonstance. Elle le déposa à côté d'elle sur la table et était sur le point de s'en retourner à son petit déjeuner lorsqu'elle s'aperçut que Bayard et Luna continuaient de la regarder avec insistance.

« Quoi ? »

« Tu es supposée le porter. » déclara Luna d'une voix chantante. « Il ne peut pas te protéger des Nargoyles si tu ne le portes pas. »

Fleur n'avait absolument aucune envie de porter cette chose.

« Vous devriez porter le collier, Miss Delacour. » ajouta Bayard avec un sourire, et Luna à côté de lui hocha la tête d'un air solennel. « Les Nargoyles peuvent s'avérer des plus néfastes pour votre santé, d'après ce que Luna m'a raconté. »

Luna. Son garde du corps avait utilisé le prénom de la fille, quand toutes les autres personnes qu'il rencontrait se voyaient adressées par leurs titres et noms de famille. Et Fleur aussi était logée à la même enseigne, Bayard persistant à la nommer 'Miss Delacour' et à la vouvoyer comme au premier jour. Et cela l'horripilait au plus haut point. Que son garde du corps, le sien, pût ainsi tutoyer et appeler par son prénom une autre fille qu'elle. Fleur était bien consciente de la nature puérile de son ressentiment, mais elle ne pouvait nier son existence.

« Et toi donc ? Je ne te vois pas en porter un. » répliqua-t-elle vertement à son protecteur.

Le garçon haussa un élégant sourcil. Il porta sa main sur le col de sa robe, et le tira pour permettre à Fleur d'avoir un aperçu de son cou dénudé. Et là trônant avec effronterie comme pour mieux la moquer, des bouchons de bièrraubeurre rutilants furent révélés à sa vue.

Fleur maugréa de mauvaise grâce, et Bayard lui offrit un sourire innocent en retour.

Soudain, comme pour l'extirper de la situation délicate dans laquelle elle s'était retrouvée, les portes de la Grande Salle s'ouvrirent avec fracas, et Fleur ainsi que la majorité du corps étudiant, tournèrent la tête pour observer le tumulte causé par les nouveaux arrivants.

Les deux capitaines Aurors Britanniques, James et Sirius, si la jeune sorcière d'ascendance Vélane ne se méprenait pas, se disputaient avec ferveur avec une autre personne, revêtue d'une robe de combat argentée. L'uniforme du Département Français de Justice Magique. Sur leurs talons, se trouvaient deux silhouettes, l'une mince et fluette, l'autre à la large carrure et au pas lourd, tous deux vêtus des mêmes robes argentées. La procession s'arrêta à la table des Serdaigles, et Fleur réalisa avec la plus vive alarme que le sujet de leur dispute n'était autre qu'elle.

« Je vous répète que vous n'avez pas la moindre juridiction sur le sol Anglais ! » s'exclamait James en passant nerveusement une main à travers ses cheveux en bataille, et Sirius émit un grognement en guise d'acquiescement à côté de lui.

« Ze n'est pas de votre juridiction dont nous avons besoin. » répondit sèchement le meneur des Aurors Français avant de se tourner vers Fleur. C'était un séduisant homme aux yeux noirs scintillants et au port altier. « Miss Delacour. Vous devez venir avec nous immédiatement. Quelque chose d'affreux vient de se produire. »

« Quoi ?! » s'écria la jeune sorcière, brusquement prise d'un sentiment écrasant de panique. « Que z'est-il passé ? »

« Votre père. » répondit l'Auror d'un air attristé. « Il y a eu une autre attaque au manoir. Votre famille était présente zette fois zi. Le Ministère craint pour votre sécurité, et nous a expressément dépêchés pour vous ramener auprès des vôtres. »

Elle perçut le léger murmure de mots empreints d'empathie s'élevant autour d'elle, mais dans son état second elle n'y prêta aucune attention.

« Mon père. » déglutit-elle avec la plus grande difficulté. « Est-ce qu'il va bien ? »

« Oui, heureusement. Mais le reste de votre famille…La plus jeune… »

« Non. » s'étouffa Fleur. « Gabrielle… »

« Vous devez venir avec nous tout de suite, Miss Delacour. »

Fleur hocha la tête machinalement, et se leva de son siège alors que l'Auror tendait la main pour prendre son bras.

« Vous savez, » la voix de Bayard brisa le silence consterné qui s'était abattu sur la Grande Salle. « Si vous vouliez la kidnapper, vous auriez pu au moins faire davantage d'efforts sur vos déguisements. »

Tous les regards se tournèrent vers le garçon aux cheveux blonds.

« Kidnapper ? » répéta l'Auror avec la plus perplexe des expressions. « Vous faites erreur, jeune homme. »

« Oui, je dis bien kidnapper. » Bayard fit tournoyer une fourchette entre ses doigts, un léger sourire fleurissant sur son visage. « Vous pensiez réellement que personne n'aller percer à jour cette farce que vous osez qualifier de plan ? »

« J'aurai tout lieu d'être offensé, monzieur, et je me serais fait une joie de prouver que zes allégations sont infondées zi le temps ne nous faisait pas défaut. Nous zommes les employés du Ministère Franzais. Le Département de Justice Magique. »

« Oui, des Aurors en somme. » acquiesça le garçon en hochant la tête. « Et à en croire votre uniforme, vous êtes un capitaine Auror. »

« Où voulez-vous en venir ? »

« En Angleterre, les capitaines commandent des escouades de vingt hommes. En France, ils commandent des escouades de quinze hommes. Pourquoi donc n'avez-vous amené avec vous que deux hommes ? »

Les Aurors Français se raidirent perceptiblement à cela. James et Sirius froncèrent les sourcils, avant que la réalisation ne s'affiche sur leurs visages devenus suspicieux. Leurs baguettes furent dégainées en un éclair, et ils les pointèrent sans sommation vers le chef des Aurors Français.

Fleur fit un pas de recul avec effroi. Le visage de l'Auror, d'une expression professionnelle s'était fait haineux, et avant que qui que ce soit ne puisse esquisser le moindre geste, l'homme s'était jeté vers elle et avait saisi son bras dans une étreinte de fer.

Fleur ressentit le tiraillement familier au niveau du nombril distinctif d'une activation de Portauloin et laissa échapper un petit cri alors que le monde se mettait à tournoyer autour d'elle.


Sergei Vehnikov observa la sorcière Japonaise disparaître dans un flash lumineux. La sorcière avait activé son propre Portauloin aussitôt que le Français avait disparu avec leur cible. Fichue garce coincée. Le Russe manipula la chaîne qui était attachée au pendentif que représentait son propre Portauloin, tout en souriant de toutes ses dents devant les visages médusés qui s'étendaient à sa vue.

Les Aurors Anglais étaient très bien entraînés, très disciplinés même, mais ils faisaient preuve d'un manque flagrant d'imagination. Cela n'avait requis que quelques documents forgés, tous pourvus par les laquais du Ministère, et les Aurors les avaient laissés passer sans faire la moindre difficulté.

Le mercenaire lança un regard à la dérobée vers le garçon qui était supposé être Le Templier, s'attendant à ce que son expression fût aussi effarée que le reste de la Grande Salle. Il en fut pour ses frais. Le sourire du garçon était toujours sur son visage. Le Russe se trémoussa d'inconfort lorsqu'il s'avisa que le sourire lui était destiné.

Les deux Aurors Britanniques furent lents à répondre, mais ils finirent tout de même par réagir, et Sergei se trouva pris pour cible de deux baguettes frémissant légèrement de fureur.

Le Russe se força à ignorer le sentiment de malaise suscité par le garçon, et esquissa un sourire narquois à l'intention des Anglais. Sa main leva la chaîne autour de son cou, et dévoila le pendentif aux yeux de tous.

« Tentez de me lancer le moindrre sorrt et je serrai parrrti en un éclair. » les railla-t-il.

Les deux Aurors se figèrent à cela, et se mirent à gronder avec frustration.

« Les Portauloins, » fit Sergei d'une voix traînante, « de merveilleuses petites choses. » Il se tourna légèrement et lança un regard torve vers le garçon, avant de cracher dans sa direction. « C'est toi Le Templier ? Ta réputation serrra en lambeaux quand ça se saurra. »

Le sourire du garçon s'élargit. Il se leva lentement. La main du Russe alla se placer instantanément au niveau du pendentif.

« Rassieds-toi. C'est moi qui ai le contrrôle ici. »

Le garçon ne se rassit pas et se contenta de pencher sa tête sur le côté.

« Quel est votre nom ? »

Sergei se mit à pousser des sifflets railleurs.

« Je suis Sergei Vehnikov, et je serrai connu comme étant celui qui a finalement pris le meilleur sur Le Templier. »

« Vous fanfaronnez. » Les mots du Templier étaient une simple observation.

« Bien sûrrr. Puisque j'ai gagné. »

S'il lui avait été accordé une chance de reconsidérer ses actes, Sergei eut été le premier à admettre qu'il n'aurait pas dû cligner des yeux à ce moment précis. Cela n'aurait rien changé, mais au moins il aurait pu voir et comprendre ce qui lui était arrivé.

La première chose que ressentit le Mercenaire Russe fut la douleur. Une inextinguible, et horrible douleur perçante. Sergei baissa les yeux, à l'endroit où sa main droite aurait dû se trouver au-dessus du Portauloin. Chacun de ses doigts avait été brisé. Son poignet était tordu dans un angle étrange, cassé. Le reste de son bras pendillait, inerte, chacun des os le constituant réduit en miettes au-delà de toute rémission. Sergei tenta de crier. Mais aucun son ne sortit de sa gorge. Ce fut la seconde chose que réalisa le mercenaire Russe. Sa trachée avait été écrasée. Il se mit à étouffer, essayant désespérément d'appeler l'air à lui en lacérant sa gorge avec sa main valide. La troisième et dernière chose qui attira l'attention du mercenaire fut le garçon. Il s'était trouvé à plus de cinq mètres de lui, une solide et large table en bois les séparant pour faire bonne mesure. A présent, il se trouvait là, devant le mercenaire, ses yeux plongés dans le regard paniqué du Russe.

Sa baguette était dégainée, la pointe touchant le ventre de Sergei.

« Sergei Vehnikov. » déclara le garçon d'une voix lente et moqueuse. « Je me rappellerai ce nom lorsque je le graverai sur ta tombe. »

La baguette s'allongea, formant l'impitoyable lame rigide d'une épée, et le monde de Sergei Vehnikov s'acheva dans un jet de sang.


Ils se trouvaient dans une forêt. Ce fut sa première impression. Fleur aperçut à proximité les restes d'un camp, des tentes sales et déchirées dressées de façon hasardeuse sur l'herbe sombre, ainsi que des bouteilles vides de Whisky Pur Feu éparses sur le sol.

Fleur apparut dans la clairière en chancelant, son esprit éperdu. Immédiatement, des mains rugueuses s'emparèrent d'elle, s'arrêtant au niveau de ses seins, ce qui lui donna la chair de poule. Fleur se débattit violemment, et parvint à mettre son bras à contribution dans une gifle vicieuse. Elle fut récompensée par un feulement de douleur, et son assaillant la relâcha avant de faire quelques pas de recul, tout en frottant sa joue enflammée.

« Tu es coriace comme garce, hein ? » L'homme arborait une barbe broussailleuse, et ses yeux injectés de sang, brillaient d'une lueur de folie pure. « Je te ferai hurler pour ça. »

La jeune fille au quart de sang Vélane tenta de mettre la main sur sa baguette magique, mais d'autres mains la saisirent et Fleur se retrouva bien vite impuissante. La peur s'empara d'elle et Fleur ne put s'empêcher de se sentir honteuse de sa propre faiblesse.

« Dès que Sergei arrivera, » poursuivit le même homme qu'elle venait de gifler, « on commencera, et on s'amusera un peu avec toi. »

« Je ne me suis jamais faite une Vélane. » commenta un autre homme en la lorgnant avec concupiscence, avant de tracer les traits délicats de ses lèvres avec un doigt noirci par la saleté.

« Et ne pense même pas à utiliser ton truc de Vélane sur nous, ou sinon Inase te fera regretter d'être née. »

Fleur lança un regard plein d'espoir en direction de la seule femme du groupe, mais ses espérances furent bien vite réduites à néant lorsque la sorcière Asiatique toujours vêtue de la robe argentée des Aurors Français se refusa à croiser son regard.

« Gentlemen, » déclara la voix traînante et aristocratique de l'Auror imposteur dans le dos de la jeune sorcière d'ascendance Vélane, « notre mission a été accomplie avec succès. Vous recevrez votre prime dès que la fille aura été proprement brisée. »

La peur fit place à la terreur, et Fleur se remit à se débattre de plus belle pour se défaire de l'étreinte de ses ravisseurs. C'était une lutte malheureusement bien futile, et la jeune Vélane sentit la bile monter à sa gorge tandis que des mains malpropres se dirigeaient de nouveau vers sa poitrine.

« Je vous prierai de cesser céans d'adesier cette damoiselle. »

La voix était dure, métallique et âpre. Tout le monde se tourna en direction de la voix, et aperçut une armure de plaques, et des yeux vert émeraude brûlant sous la visière du casque.

« Je vous donne le bon jour. » fit le chevalier de sa voix rugueuse. « Je suis Haine. Et cejourd'hui, me voilà votre bourreau. »


L'Américain avait fait mention du chevalier. Au sens d'Inase, cela signifiait un homme engoncé dans du métal, un guerrier affublé d'une armure scintillante qui était le parangon de la chevalerie, à l'ère des capes et des épées. La créature qui se trouvait devant elle, de par cette définition, ne pouvait aucunement être un chevalier.

La silhouette se dressait à plus de deux mètres de hauteur, encastrée dans une cuirasse plus noire que la plus sombre des nuits sans lune. Une cape dépenaillée, déchirée et usée, était drapée autour des épaulettes lamellaires de la créature, et semblait se mouvoir comme si elle était animée d'une vie qui lui était propre. Des doigts encapsulés dans des gantelets de fer caressaient le pommeau d'une massive épée bâtarde, dont la pointe était enfouie profondément dans le sol. Son visage était dissimulé par un heaume cruel et menaçant d'acier noir, pourvu de part et d'autre d'imposantes cornes courbées pointant vers l'avant. Et les yeux. Les yeux étaient deux orbes luisants d'un sinistre feu vert, scrutant à travers la visière du heaume, emplis de la promesse d'une douleur indicible et d'une malveillance à peine dissimulée à l'endroit des personnes tombant sous son regard.

C'était comme regarder la mort dans les yeux.

L'un des mercenaires, un ruffian des rues engagé à la dernière minute, fut le premier à reprendre ses esprits, et il fit esquisser un geste vertical et acéré à sa baguette. Une lumière écarlate jaillit alors et se dirigea vers la silhouette d'acier, un sort de Stupéfixion à pleine puissance, capable de faire perdre connaissance à sa cible pour une semaine entière. Le sort impacta de plein fouet sa cible, mais le chevalier ne tomba pas.

Inase observa avec un sentiment d'appréhension toujours croissant alors que le sort semblait traverser la créature, pénétrant son corps et en ressortant sans le moindre effet tangible. Le Stupefix s'écrasa au sol et laissa une marque sombre impressionnante à l'endroit touché.

« Allons donc, nul besoin de ces artiliatifs, mon ami. » déclara le chevalier avec affabilité, comme s'il s'adressait à un invité dans sa propre maison. « La mort vous accueillera quand il lui siéra. C'est bifferie que de hâter votre funeste destin. »

Une main gantée de fer décrivit leurs alentours d'un geste, et le chevalier reprit la parole.

« Jouissez de ce décor sublime. Esbaudissez-vous de ces gais arbres, ces fiers rochers, et ces cieux bloets. Ayez soin donc de gouter ces fruitions, car vous pouvez m'en accroire, ce seront là vos ultimes instants. »

C'était l'implacable conviction dans le ton de la voix du chevalier qui fit parcourir un frisson dans l'échine d'Inase.

« Qu'est-ce que vous attendez donc, imbéziles ! » s'écria le jeune Français de la réunion de mercenaires, sa baguette toujours pointée vers la jeune Vélane. « Si un seul sort ne suffit pas, lancez des sorts conjoints ! Tuez zette chose ! »

Une volée de sorts et maléfices mortels jaillit d'une douzaine de baguettes. Inase ajouta son propre sort pour faire bonne mesure. Un Diffindo scinda le tronc épais d'un arbre centenaire. Des Bombarda noyèrent la clairière sous les déflagrations. Des Reducto pulvérisèrent et détruisirent tout sur leur passage.

Sous ce feu nourri, le chevalier demeura imperturbable, et essuya la volée de sorts mortels comme s'ils n'étaient qu'une simple brise du vent capricieux d'automne.

Ils cessèrent de lancer des sorts au bout de trente secondes, haletant tous sous le coup de l'effort considérable qu'ils venaient de fournir. Le chevalier demeurait silencieux, et se contentait de les fixer de son regard enflammé. Patientant. Observant.

« Si nous ne pouvons pas le blesser. » commença un des mercenaires, le visage saisi d'épouvante. « Ca veut sûrement dire qu'il ne peut pas nous blesser, non ? »

Le chevalier se mit à rire d'un air sinistre. Le son de ce rire était dur et rêche et toutes les personnes présentes se mirent à tressaillir malgré elles.

« A votre aise. » déclara la créature d'une voix lugubre. « Que vos cœurs s'emplissent donc de ces folles espérances. Cela n'en rendra les prochains instants que plus agraciables. »

Le son d'un Portauloin arrivant détourna l'attention du contingent de mercenaires. Le Russe apparut, son corps fermement campé sur ses pieds, le dos tourné vers eux.

« Sergei ! » rugit le Français. « Qu'est-ze que tout zezi veut dire ? »

Le Russe ne leur fit grâce d'aucune réponse, et comme le chevalier, se borna à rester immobile, son visage dissimulé à la vue de tous.

« Que ze passe-t-il ? Qu'est-il arrivé au garçon ? »

« Oh, vous pouvez me croire, » la voix qui répondit n'était certainement pas celle de Sergei. « Il se porte le mieux du monde. »

L'homme s'effondra au sol, la bouche ouverte dans un cri silencieux, tel une marionnette dont les fils avaient été subitement coupés, et à sa place, se tenait le garçon aux cheveux blonds ébouriffés, l'épée à la main encore suintant du sang du mercenaire Russe. Fleur se mit à hurler après avoir mordu la main de son ravisseur que ce dernier avait improvisé en bâillon temporaire. Le Français cria de douleur, et tira de nouveau la fille contre lui. Les mercenaires se positionnèrent prestement devant eux pour protéger leur employeur, les baguettes de nouveau brandies vers la nouvelle menace. Le garçon ne prêta aucune attention aux chasseurs de primes et dirigea son regard vers Fleur.

« Est-ce que vous allez bien, Miss Delacour ? »

La fille secoua sa tête vigoureusement en signe de dénégation, mais l'espoir s'était rallumé avec ardeur dans ses yeux azurs. Le Français poussa un grondement dangereux, et raffermit sa prise autour d'elle.

« Si vous tentez quoi que ze soit. » menaça-t-il en pressant sa baguette contre le cou de Fleur. « Je n'hésiterai pas à lui faire du mal. »

Le garçon, Le Templier, esquissa un sourire. C'était un rictus froid, dépourvu de la moindre émotion. Cela le rendait presque inhumain. Il brandit sa baguette et incanta.

« Accio Fleur Delacour. »

Le Français laissa échapper un son railleur de sa gorge tout en raffermissant davantage sa prise.

« Zi vous penzez qu'un zort aussi faible p-» commença-t-il avant de s'arrêter net, lorsqu'il s'aperçut que Fleur Delacour ne se trouvait plus sous son emprise.

« Miss Delacour. » déclara Le Templier sur le ton de la conversation à l'intention de la jeune fille complètement ébranlée, qui se trouvait à présent dans ses bras. « Soyez plus prudente la prochaine fois, voulez-vous ? »

La fille était sur le point de dire quelque chose lorsque le garçon déposa un médaillon scintillant dans la paume de sa main. Le Portauloin du Russe, réalisa Inase. Et la fille disparut, rapidement renvoyée à Poudlard Ecole de Sorcellerie Elémentaire.

« Les Portauloins. » sourit le garçon tandis qu'il balayait du regard les mercenaires stupéfaits. « De merveilleuses petites choses. »

L'épée se mit à fondre, ondoyant tel un fluide aqueux avant de prendre la forme d'une baguette magique. Elle se mit à tournoyer dans la paume du Templier, se mouvant comme s'il s'agissait d'une simple extension du bras du garçon, les défiant de lancer le premier sort. Aucun d'entre eux ne s'y risqua. Inase ne pouvait pas se l'expliquer clairement, mais elle se sentait prise d'une frayeur certaine. Et cette peur la pétrifiait totalement. Le garçon exsudait une irrépressible aura d'épouvante tandis qu'il se tenait parfaitement immobile devant eux, se bornant à leur adresser un sourire courtois, et même les coupe-jarrets les plus aguerris de leur petite cabale ne purent s'empêcher de tressaillir sous son regard.

« Vous avez choisi un endroit des plus intéressants. » Les mots et la voix du Templier étaient des plus affables, mais ces yeux demeuraient aussi durs que la pierre. Inase se rendit compte que sa baguette avait cessé de tournoyer dans sa main. « Hautement protégé. Indétectable. Même pour des sorciers. D'aucuns penseraient que vous étiez sur le point de commettre ici quelque chose…d'impardonnable. »

Tous les hommes du contingent de mercenaires se crispèrent perceptiblement.

« Si fait. » la voix dure et éraillée du chevalier fut perçue derrière son dos, et Inase se retourna pour voir la chose faire les cent pas, telle un animal en cage. « Ils avaient pour dessein de lui faire subir le plus vil des outrages. »

C'était quelque chose de si infime, si imperceptible, qu'Inase manqua le rater. Le sourire du garçon se fit presque sauvage. Et ses yeux, s'étaient mis à scintiller d'une lueur létale qui fit reculer la sorcière Japonaise de terreur.

« Eh bien. Voilà qui change les choses. » Le ton de la voix du Templier s'était fait songeur. « Voyez-vous, en arrivant ici, j'avais seulement l'intention de vous tuer tous. Mais à présent, maintenant que je sais ce que vous aviez tous l'intention de faire subir à ma cliente, je vais devoir reconsidérer la chose. »

« Vous allez nous laisser partir ? » demanda avec espoir l'un des membres les plus naïfs de la clique.

« Oh, je vais bel et bien vous tuer. » Le sourire du garçon ressemblait à présent à celui d'un requin. « Je vais juste devoir veiller à ce que soit bien plus douloureux que prévu. »


Fleur sentit le monde cesser de tourner autour d'elle. Elle ouvrit lentement les yeux pour contempler la Grande Salle de Poudlard et sentit un sentiment béni de soulagement intense parcourir son corps encore tendu d'anxiété quelques instances plus tôt. Avant de pouvoir même esquisser le moindre geste, un boulet de canon aux cheveux châtains la percuta de plein fouet.

« Oh Fleur ! » s'exclama Claire en Français, des larmes coulant sur ses joues avant de se lancer avec frénésie dans une flopée de questions. « Est-ce que tu vas bien ? Es-tu blessée ? J'étais si inquiète ! Tu n'as rien n'est-ce pas ? J'étais en retard pour le petit déjeuner et je n'étais pas en mesure de t'aider ! Je n'étais pas là quand tu avais besoin de moi ! Oh je suis tellement désolée ! »

La jeune fille au quart de sang de Vélane tituba sur ses jambes encore mal assurées et se mit à étreindre sa meilleure amie de toutes ses forces sans pouvoir proférer le moindre mot. Elle put aviser Aymeric s'approcher d'elles, de violentes émotions faisant rage sur son visage.

« Ces espèces de saligauds… Si jamais je retrouve ces scélérats… »

Fleur ne put entendre le reste. Sa Directrice posa une main lourde sur son épaule, et elle leva les yeux pour voir la sollicitude briller dans les yeux de Madame Maxime.

« Est-ce que vous allez bien, Miss Delacour ? »

Elle remarqua alors le reste de la salle qui la fixait du regard avec des yeux écarquillés par l'effroi, elle distingua les escouades d'Aurors Anglais qui avaient été appelées en renfort, elle avisa les professeurs de Poudlard qui l'observaient avec des regards graves et soucieux.

Et soudain l'identité de la personne qui l'avait sauvée lui revint en mémoire, et son engourdissement s'évanouit, remplacée par une flamme vivace.

« Bayard ! » se récria Fleur avec horreur en agrippant de toutes ses forces les pans de la robe de Madame Maxime. « Bayard est toujours là-bas ! »


Le premier sorcier qui mourut fut un homme moustachu à la constitution malingre et au nez bulbeux. Il n'y eut pas d'avertissement. Pas de signe avant-coureur. Aucune indication que le combat était supposé commencer. Le chevalier jaillit en un éclair dans le dos du groupe de mercenaire et fendit l'homme en deux parties hurlantes. Le sang fraîchement versé éclaboussa les mercenaires de grosses flaques écarlates.

Ce fut assez pour tirer violemment les chasseurs de prime de leur torpeur, et ils se dispersèrent pour éviter le monstre en armure qui s'était invité parmi eux à leur insu. L'un d'entre eux ne fut pas assez rapide cependant, et Inase eut tout juste le temps de se rappeler qu'il s'appelait Michael avant que la terrifiante épée ne fasse son retour et n'épingle le malheureux au sol tel un vulgaire insecte.

Inase lança un Diffindo informulé et un Bombarda à pleine puissance en direction du chevalier, en l'estimant être le plus dangereux de la paire de combattants. Tout comme plus tôt, les deux sorts semblèrent traverser l'ombre spectrale à l'apparence de chevalier, le Diffindo creusant un trou profond dans le sol et le Bombarda allant s'écraser contre un bosquet plusieurs mètres plus loin. L'unique femme se trouvant sur les lieux laissa échapper un cri de frustration, et fit volte-face pour s'occuper du garçon…juste à temps pour voir un autre homme s'effondrer, un cratère fumant en lieu et place de sa poitrine.

Le garçon lançait une multitude de sorts, tout en se mouvant avec la plus grande grâce, sans jamais s'arrêter, semblant presque indifférent aux éblouissants jets lumineux de magie qui fusaient et sifflaient tout autour de lui. A aucun moment la lumière scintillante d'un Protego ne recouvra son corps. La seule défense du Templier était le mouvement, une véritable tornade de mouvements aléatoires difficilement perceptibles à l'œil qui le rendait presque impossible à ajuster.

Et à la décharge des mercenaires ce n'était certainement pas faute d'essayer. Leurs innombrables volées de sorts refaçonnaient le paysage forestier entier, mais pas le moindre maléfice n'effleura le garçon.

Le Templier esquiva un sortilège à la limite de la magie noire, et d'un geste vif il fit siffler sa baguette en direction du sol. Une onde de magie frappa la terre, et en réponse, la poussière et le terreau composant le sol se mirent à se mouvoir comme s'ils étaient doués de vie. Deux sorciers, dont l'un d'entre eux était celui qui avait lancé le maléfice à la nature douteuse, se retrouvèrent soudainement aux prises avec des douzaines de mains géantes en terre, pourvus de doigts de pierre et de terre durcie et qui s'avançaient vers eux en s'ouvrant et se refermant dangereusement. L'un des sorciers parvint à battre en retraite et se mettre à l'abri. L'autre ne fut pas aussi fortuné, et se mit à hurler lorsque des doigts inhumains se refermèrent autour de ses membres. Ils l'attirèrent dans le sol, l'emprisonnant sous terre jusqu'à la taille dans la terre meuble, avant qu'une chose massive et informe ne s'élève de sous la terre. Rapidement elle prit la forme d'une main géante, bien plus grande et lourde que celles qui avaient été créées en premier lieu. Inase ne put que contempler cette scène irréelle, totalement pétrifiée, tandis que la main refermait ses doigts d'argiles en un immense poing. Puis elle s'abattit, tel un marteau géant, et pulvérisa le sorcier en un coulis sanguinolent.

Le sorcier qui était parvenu à échapper à ce sort hurla quelque chose d'incohérent, avant de se mettre à attaquer le poing de terre à l'aide de maléfices disruptifs. Il ne vit jamais arriver la silhouette en armure avant que l'épée ne jaillisse de sa poitrine. Le sang coulant de sa bouche le faisant gargouiller, l'homme parvint à tourner sa tête pour croiser le regard sinistre des orbes de feu émeraude avant qu'un poing d'acier ne l'attrape par la jambe et le suspende haut dans les airs. L'épée fut violemment arrachée de sa poitrine, puis elle fit son retour, une fois, deux fois, trois fois, découpant le corps encore convulsant à une vitesse ahurissante.

Le chevalier se mit à rire, un son irréel et lugubre, et jeta le cadavre de l'homme comme on jette un jouet cassé.

Inase lança trois maléfices de son propre répertoire en direction de la silhouette en armure, observant avec impuissance tandis qu'ils traversaient une nouvelle fois le corps de la chose comme s'il se fut agi d'air. Le chevalier l'ignora complètement, et pourfendit un autre mercenaire dans un nouveau geyser sanglant.

Un Protego apparut dans un flash lumineux à sa gauche et la sorcière japonaise tourna sur ses talons pour voir un homme efflanqué se battant en duel avec Le Templier. Le sorcier attaquait férocement à coup de Reducto à pleine puissance et de Bombarda lancés à la hâte. Son adversaire virevolta parmi les explosions, se contorsionna gracieusement vers l'arrière pour éviter un sort visant son torse, et fit décrire un mouvement bref de sa baguette en direction du bouclier magique. Le Charme du Bouclier éclata comme du verre, et tandis que son conjurateur esquissait un mouvement de recul en raison du contrecoup magique, un mince rayon lumineux provenant de la baguette du garçon aller frapper de plein fouet le chasseur de prime tel une lance de lumière.

La peau de l'homme se mit alors à disparaître progressivement. Elle se craquela telle du papier brûlé, se ratatina, avant de tomber en poussière, révélant l'anatomie humaine dans son état de dénuement le plus vif. Inase se fit violence pour ne pas vomir. L'homme s'effondra en hurlant, agrippant sa chaire écorchée qui semblait palpiter et frémir. Sa mort serait lente à venir et son agonie interminable.

Le garçon se retourna soudainement, se baissant vivement pour éviter le rayon vert du Sort de Mort, et incinéra prestement le sorcier responsable du Sort Impardonnable à l'aide d'une gigantesque langue de feu écarlate.

Inase tenta une nouvelle fois de toucher le garçon, en usant de tous les sortilèges et maléfices connus d'elle, y ajoutant même à l'occasion le sort de Désarmement afin de tenter de ralentir le jeune tueur. Aucun d'eux ne l'inquiéta le moins du monde. Il était par bien trop rapide pour que ses sorts pussent l'atteindre et ses mouvements par bien trop aléatoires pour qu'elle pût les anticiper. Et bien plus inquiétant encore, il ne semblait pas se donner le moindre mal à en croire l'absence de la moindre goutte de sueur sur son front.

Le Templier fit un pas de côté pour éviter un sort Disruptif lancé derrière son dos, et retourna deux Sorts de Découpe à l'envoyeur dans l'infime intervalle de temps nécessaire à un humain pour cligner des yeux, détachant ainsi les deux bras du corps de sa cible. Le chasseur de prime mugit de douleur, et chancela, des arcs jumeaux écarlates giclant de ses épaules démembrées. Le Reducto du garçon impacta sa poitrine une seconde plus tard, et un corps ravagé et encore parcouru de spasmes roula jusqu'aux pieds d'Inase.

Ce fut à cet instant précis qu'Inase se rendit compte qu'elle allait mourir. Le chevalier y avait fait allusion. Il l'avait même proclamé comme une vérité inéluctable. Elle avait pensé alors qu'il bluffait. Mais à présent, les paroles du mercenaire Américain ne lui avaient jamais semblé plus véridiques.

La sorcière tourna sur ses talons pour aviser autour d'elle des hommes adoptant des manœuvres de retraite tout en lançant vainement des sorts d'un air éperdu. Certains d'entre eux tentaient même de s'enfuir. Ils ne pouvaient pas transplaner depuis cet endroit au regard des champs de protections qu'ils avaient eux-mêmes installés, aussi ne pouvaient-ils compter que sur leurs propres jambes pour les sauver. Ils n'allèrent pas bien loin. Un geste circulaire de la baguette du garçon fit prendre vie à la forêt elle-même, et Inase détourna les yeux de la vision horrifiante d'hommes réduits en monceaux sanguinolents par des branches d'arbres devenues aussi mortelles que des lames acérées.

La sorcière poussa un soupir résigné et leva les yeux au ciel.

Tout comme l'avait dit le chevalier une éternité plus tôt, lui semblait-elle, le ciel était sublime.


Je place mes mains sur les joues du chasseur de prime, avec douceur, de manière presque réconfortante. C'est un homme des plus communs, aux traits tout aussi communs. Possédant une barbe de trois jours sous son menton et des cheveux châtains. Ses yeux dansent frénétiquement dans leurs orbites à la recherche d'une issue, désespéré qu'il est de s'en sortir. Je me demande distraitement s'il a une femme à entretenir. Ou peut-être des enfants à nourrir.

« M-Monstre… » insulte-t-il faiblement à travers ses lèvres tâchées de sang. « Monstre… »

« Merci. » lui réponds-je, et mes mains s'activent. Le son disgracieux d'os se brisant s'ensuit, et le cadavre s'affale au sol, inerte et sans vie. « Pour le compliment. »

J'écarte le cadavre d'un coup de pied négligent, et la vue des trois dernières personnes restantes s'offre à moi. L'une d'entre elles est le Français, l'Auror imposteur, et sa baguette est pointée vers moi tenue par une main tremblotante. La seconde personne est une femme, à la beauté de porcelaine et aux cheveux noirs lustrés. La dernière est un chasseur de prime. Anglais, peut-être. L'homme est livide de peur.

En face de moi, Haine retire son épée d'un cadavre brutalisé.

« Trois autres à occir. » Sa voix est comparable à l'acier, implacable et dur. « Trois autres à aléguer au Seigneur Hadès. »

Ces mots exhortent l'un d'eux à agir.

« Expelliarmus ! » rugit le mercenaire. J'observe avec perplexité, l'épée de Haine être soustraite à sa poigne. La lame s'envole vers un arbre voisin, et s'enfonce à moitié dans l'écorce épaisse de l'arbre vénérable.

La réponse de Haine prend la forme d'un pouffement amusé. Puis il se met en action, parcourant l'espace qui le sépare du chasseur de prime en de grandes foulées rapides. L'homme dispose d'assez de temps pour esquisser un mouvement de recul. Puis Haine se trouve devant lui, et les mains gantées de métal du chevalier placées de part et d'autre de la tête du mercenaire se rejoignent dans un bruit retentissant. La tête du sorcier anglais explose comme un fruit trop mûr et décore les alentours avec du sang et de la matière grise.

La femme a assez de réflexe pour mettre le plus de distance possible entre elle et Haine. Le Français est bien loin d'être aussi rapide et il se met à vagir tel un animal alors que les gantelets ensanglantés de Haine le suspendent en l'air.

Je m'avance vers lui, en passant à côté d'un sorcier gémissant qui se tient la moitié du visage entre ses mains. Ma main tenant ma baguette esquisse un mouvement, et les gémissements cessent à tout jamais.

Le Français gesticule sous la poigne de Haine, mais c'est un combat perdu d'avance. Je m'arrête devant lui. Il tente de faire montre d'une bravoure de façade. Je peux au moins lui accorder ce crédit-là.

« V-vous n'obtiendrez rien de moi ! » glapit l'homme. La peur qui règne dans son regard est atrocement sublime. « Je ne vous dirai rien du tout ! »

« Voilà qui est bien. » souris-je en retour. « Je ne veux rien savoir. »

Je pointe ma baguette sur son front. Sa bravade s'effondre comme un mur de briques.

« Ne me tuez pas ! Pitié ! Ze n'était pas mon plan ! Z'était zelui de Montague ! Je ne zuis qu'un officiel de bas rang ! Je voulais zeulement une promotion ! Ne me tuez pas ! Je vous en zupplie ! Je ne lui aurai pas fait le moindre mal ! Par le Zerment de Merlin je le jure ! Je vous en prie ! Donnez-moi une chance ! »

« La vie ne vous offre qu'une seule chance de ne pas mourir. » Mon sourire est à présent sincère, et cela le terrifie d'autant plus. « Et vous venez de gâcher cette opportunité. »

Je lève les yeux, ignorant les babillages terrorisés de l'homme, pour croiser le regard de feu émeraude.

« Haine. »

Un ordre.

« Joissantment, Messire. » répond le chevalier.

Des bras recouverts de lamelles de métal soulève le Français plus haut encore. L'homme parvint à pousser un dernier cri. Puis Haine se met à tirer. La chaire se déchire. Les os se brisent. Une fontaine de sang jaillit dans l'air, et à présent Haine tient deux hommes dans ses mains.

Quelques gouttes de sang tombent sur mon visage tels une giboulée d'avril.

Haine se débarrasse sommairement de la viande en morceaux dans ses mains. Il se retourne pour contempler la scène qui s'étend devant nous. Des cadavres jonchent le sol, des visage tordus dans des expressions de terreur ou de douleur. Ou les deux. Je peux ressentir sa satisfaction.

« A feu et à sang. » souffle Haine. « M'en voilà fort aise. »

C'est alors que le chevalier avise la femme, la dernière encore debout, une expression résignée gravée sur son visage.

« Mais icelle demeure. »

« Nous ne tuons pas les femmes. » lui rappelle-je. « Ni les enfants. »

« A mon grand dam, entendez-le bien. » déplore Haine d'une voix lente, avant de faire craquer les jointures de ses mains.

Je me tourne vers la sorcière, en prenant note de son apparence. Cheveux noirs. Ordonnés dans une queue de cheval efficace. Son visage est pâle, bien plus que la moyenne, mais ses lèvres d'un rouge vermeil contrastent avec sa peau d'une façon enchanteresse. Elle est de tout beauté, et eus-je été n'importe quel autre homme, cela m'eut importé.

La main qui tient sa baguette et ferme, et j'admire silencieusement sa bravoure en face de la mort.

« Vous êtes libre de partir. » lui dis-je, notant d'un air approbateur qu'elle n'a pas abandonné sa posture de combat pour autant. « Nous ne tuons pas les femmes. »

« Cela m'est impossible. » Sa réponse me prend au dépourvu. « Je ne peux pas. »

« Vous.. » je marque une pause d'un air contemplateur. « …Ne pouvez pas ? »

« Non. Je ne peux pas. »

Elle laisse choir sa baguette, et la sorcière se dévêt de sa robe endommagée. Une armure se dévoile de sous la robe, un plastron incurvé supporté par des lanières de cuir laqué. Puis c'est au tour de la lame de se révéler au grand jour, glissant de son fourreau avec une lenteur toute méthodique.

Haine se met à sourire à côté de moi.

« Une bretteuse. »

Je l'ignore.

« Samurai ? »

« Non. » répond-t-elle. « Mais vous n'êtes pas loin. »

Mes sourcils se haussent.

« Nous ne voulons pas vous combattre. » tenté-je une nouvelle fois.

La femme se met à rire d'un air lugubre. C'est un son étonnamment plaisant à mes oreilles.

« Ce n'était certainement pas l'envie qui vous a manqué en ce qui les concernait. » déclare-t-elle, sa lame indiquant les cadavres qui nous entourent.

« Ils étaient différents. Allez-vous-en. « Cela n'en vaut pas la peine. Je ne souhaite pas vous combattre. »

« Je n'ai nullement le choix en la matière. » déclare-t-elle tristement. « Pour l'honneur. »

La sorcière positionne la lame au niveau de son épaule dans une prise à deux mains.

« Très bien. » Ces mots sont comme de la cendre dans ma bouche. « Haine. »

L'épée du chevalier se libère de l'arbre et s'envole jusqu'à son propriétaire qui la saisit au vol avant d'imiter la posture de la femme.

« Joissantment, messire. » répond-t-il avant de charger.


Inase Takahashi avait déjà combattu avec des lames de par le passé. C'était une danse élégante. La quintessence de la pureté des formes, et de la pureté des mouvements. Savoir anticiper les gestes de l'adversaire et l'empêcher de pouvoir anticiper les vôtres. L'acier résonant contre l'acier. Un art de la mort basé sur le talent et la ruse, la finesse et la grâce.

Le chevalier ne possédait ni finesse ni grâce.

Il se jetait sur elle, l'épée s'abattant dans un vicieux mouvement descendant. Inase leva son katana afin de parer et tituba lorsque la lame noire entra en contact avec la sienne. Il y avait une force inouïe dans le coup du chevalier, une force puissante et imparable qui ne souffrait aucune opposition. Les membres d'Inase paraissaient avoir pris feu. Et ce n'était que le premier échange.

Inase évita le coup retour, l'épée fendant l'air où s'était trouvée sa tête quelques millisecondes auparavant. Puis elle revint, plus rapide encore que ce qu'elle aurait cru possible, et elle se jeta en arrière de toute la force de son corps pour éviter d'être coupée en deux.

« Fi donc, voilà donc que vous fuyiez ? » la harangua le chevalier de sa voix métallique. « Vous avez certes un singulier entendement de l'honneur. »

Inase grinça des dents. Elle ne pouvait remporter ce combat par les moyens conventionnels. Son adversaire était plus fort, plus rapide, et plus expérimenté qu'elle. Sans compter qu'il ne semblait guère humain. Il lui faudrait passer la garde du chevalier d'une façon ou d'une autre, et frapper lorsqu'il serait au faîte de sa vulnérabilité.

La sorcière recula quelque peu, se positionnant à une distance où l'épée noire pouvait toujours l'atteindre, mais qui lui octroyait un espace assez confortable pour qu'elle puisse manœuvrer. Le chevalier attaqua de nouveau, un coup horizontal qu'elle esquiva gracieusement. Elle para le coup retour, et regretta instantanément sa décision lorsque ses muscles la brulèrent sous le coup de l'effort immense qu'elle les obligeait à fournir.

Ce schéma se répéta à l'envi, le chevalier l'attaquant à coup de hachoir avec une précision digne d'une machine, et Inase parvenant à peine à lui tenir tête. Chacun des coups qu'il lui portait était à un cheveu de mettre fin à sa vie. Chaque échange lui donnait l'impression d'être un puissant marteau qui s'abattait sur elle à chaque fois que sa lame s'élevait pour lui dénier sa vie. Elle avait perdu la notion du temps, mais les échanges ne devaient guère avoir duré plus d'une minute. Et cette réalisation la fit se sentir faible et inutile, de se voir ainsi réduite à l'impuissance quand le combat n'en était encore qu'à son entame.

Le chevalier abattit de nouveau son épée, l'attaquant cette fois de front. Elle se déroba sur le côté pour l'éviter, esquissant instinctivement une grimace en sentant l'épée passer à un centimètre de son épaule. L'épée s'écrasa au sol, et se retrouva plantée là, enfoncée profondément dans le sol meuble de la forêt.

Inase se roidit perceptiblement. Voilà sa chance venue d'en finir. Son katana s'éleva haut dans le ciel et elle l'asséna de toutes ses forces vers le dos découvert de son adversaire.

La réponse du chevalier fut d'éclater de rire.

Un gantelet noir massif bloqua son attaque en plein vol, et les yeux de la sorcière Japonaise s'écarquillèrent tandis que la main du chevalier se resserrait sur son bras tel un étau d'acier. Le second gantelet relâcha l'épée qu'il tenait, toujours engoncée dans le sol, et alla marteler impitoyablement l'estomac de la sorcière asiatique.

Son plastron, forgé par les meilleurs forgerons de son village, et recouvert par de multitudes champs de protections et enchantements pour le rendre pratiquement invulnérable, se bossela.

Inase sentit l'air s'échapper violemment de ses poumons et ses pieds perdre tout contact avec le sol. Sa vision s'assombrit et se fit floue. Elle avait l'impression d'avoir été projetée dans les airs en laissant son corps derrière elle, et elle se fit violence pour reprendre ses esprits, seulement pour se retrouver face à face avec le visage de fer du chevalier lorsque ses sens lui revinrent.

C'était, en vérité, une vision des plus terrifiantes.

Des orbes incandescents la fixaient du regard à travers le heaume à la facture aussi menaçante que cruelle, et la noirceur dissimulée sous ce casque semblait rire de sa douleur.

« Vous sentez-vous toujours l'abeance de périr de malemort ? »

Inase foudroya du regard ce monstre, ce démon, et pour toute réponse elle cracha dans sa visière. Le chevalier éclata de nouveau de rire, et la rejeta loin de lui, en la projetant de son seul bras dans les airs comme si elle ne pesait strictement rien. Elle s'écrasa violemment sur le sol impitoyable, tout juste aux pieds du garçon. La sorcière loua ses ancêtres d'être parvenue à garder une prise ferme sur son katana. Avec un cri combattif, elle prit appui sur un genou pour se lever à moitié, ignorant la douleur qui la lançait dans le moindre recoin de son corps, et elle planta sa lame dans le corps du maître du chevalier.

Elle s'était attendue à ce que le sang coule. Et sans nul doute, le sang coula. Le sien.

Inase baissa les yeux avec stupéfaction vers la lame noire qui dépassait de son épaule droite, suintant de l'ichor écarlate coulant de son corps. Le katana d'Inase était suspendu au-dessus de la poitrine recouverte par la robe bleue du garçon, la pointe dangereusement proche de percer sa peau. Puis la douleur la submergea, l'obligeant à s'effondrer au sol.

« Je ne vous cèderai point l'heur de blesmir, mon Seigneur. » siffla le chevalier au-dessus d'elle. Pour la première fois, le ton de sa voix était empreint de fureur, et Inase se réjouit d'être parvenue à lui faire perdre son calme, aussi infime que fût cette victoire.

Comme s'il pouvait lire dans ses pensées, le chevalier tourna vicieusement son épée dans la plaie, et elle se mit à hurler lorsque la douleur de son épaule se fit insoutenable.

« Tu perds en efficacité, Haine. » commenta Le Templier sur le ton de la conversation, semblant complètement indifférent de s'être retrouvé aussi près de frôler la mort. « Elle a failli me tuer. »

« Toutes mes excuses mon Seigneur. » A la plus grande surprise d'Inase, la voix du chevalier se fit contrite. « Une simple errance de ma main. Je puis vous l'acerter, cet incident ne se trouvera guère de semblable à l'avenir. »

Le garçon ne fit pas mine d'avoir entendu les excuses de son compagnon. Au lieu de cela, il s'accroupit au niveau d'Inase et lui adressa un regard empreint de curiosité. S'il avait été un simple garçon, elle aurait pu qualifier son expression d'innocente. Et même adorable. Sur le visage du Templier, cela ressemblait à un examen glacial de sa personne.

« Pourquoi vous donnez-vous autant de mal ? » s'enquit le garçon, et Inase manqua s'étrangla de rire en entendant cette question improbable. « Je vous ai fait don de votre vie. Il vous suffisait simplement de quitter les lieux. »

L'épée du chevalier l'empalait au sol, l'épinglant comme une sorte d'animal pris au piège. Il lui était seulement possible de lever les yeux vers son interlocuteur, et même cela n'était pas sans lui coûter une vive douleur.

« Le contrat. » cracha-t-elle finalement, nullement surprise de constater que le sang s'était mêlé à ses postillons. « Le contrat magique. »

« Vous avez signé un contrat magique ? » répéta Le Templier en clignant des yeux à son endroit. « En tant que mercenaire ? »

« Oui. » grogna la sorcière avec irritation. « A présent veuillez cesser cette interrogatoire, et tuez-moi. »

Le garçon ignora sa requête, et la fixa du regard.

« Aucun contrat entre un client et un mercenaire n'est lié par la magie. » déclara lentement Le Templier, comme s'il songeait à quelque chose. « Autrement, il ne resterait que très peu d'entre nous à l'heure actuelle. La seule magie qui est impliquée dans l'établissement d'un contrat est celle de l'encre. Et ce n'est le cas que lorsque le client est particulièrement influent. »

Cela la laissa interdite, tout proprement éberluée. La douleur qui s'était apparentée à un millier de lames cruelles se fit plus ténue alors que son esprit en effervescence tentait d'appréhender cette révélation.

« Mais les Français- »

« Auront écrit le contrat sur un parchemin commun. Dépourvu de la moindre magie. Avez-vous fait un serment magique auprès d'eux ? »

« Non mais-»

« Alors vous ne souffrirez d'aucune pénalité en abandonnant le contrat. »

La douleur que lui causait l'épée du chevalier se réduisit à d'insignifiants picotements comparée à au cruel sentiment de trahison qui s'empara de ses sens.

« Le Russe… » fit Inase en grinçant des dents. « Le Russe a dit que je perdrais ma magie si je n'aidais pas. »

« Alors le Russe mentait. » déclara Le Templier en haussant les épaules avec désinvolture. « Je ne suis nullement surpris. Il était expérimenté et ce n'était pas votre cas. Il a profité de vous. »

« Quoi ! » rugit Inase en se débattant brièvement, mais la lame transperçant son épaule lui empêchait d'esquisser le moindre geste, aussi dut-elle se contenter de foudroyer du regard le cadavre du mercenaire Russe qui se trouvait à quelques mètres devant elle.

« Vous êtes nouvelle dans cette profession, n'est-ce pas ? » Le garçon poursuivit quand elle acquiesça. « Il y a quelque chose que vous devez assimiler très vite en ce qui concerne la profession de mercenaire, mademoiselle. N'accordez jamais votre confiance à la personne avec laquelle vous faites équipe. Il ne fait aucun doute que le Russe a compris que vous vous retireriez si les détails les plus…révoltants…du contrat étaient portés à votre connaissance. Alors il a menti pour conserver l'usage de vos talents. »

« Mais je ne lui faisais pas confiance ! » protesta avec véhémence Inase.

« Vous lui avez fait assez confiance pour le croire quand il vous a dit que vous étiez liée par un contrat magique. » répondit le garçon, son expression impavide. « Et assez pour assister sans rien faire au viol d'une jeune femme. »

Inase détourna sa tête, le visage honteux.

« Vous venez d'un endroit reculé ? » La question du Templier la fit se crisper.

« Oui. D'un village au Japon. »

« Et vous n'avez pas songé à vous informer sur les pratiques inhérentes à notre profession ? Vous n'avez pas pensé à essayer de comprendre comment les contrats de mercenaires fonctionnent ? »

« Je-je croyais que tout n'était qu'une question d'honneur. » avoua-t-elle, et le garçon rétrécit ses yeux en deux fentes inquisitrices.

« Une question d'honneur ? »

« Oui. Je le tiens de mon père et son père avant lui. Ils se sont tous deux tournés vers la voie du mercenaire. Mon clan entier a suivi cette voie, à vrai dire. Nous prônons les vertus de l'honneur du guerrier, et nous préférerions mourir que d'échouer une mission contractée. C'est ce que l'on m'a inculqué. »

« Votre nom, mademoiselle ? »

« Inase Takahashi. »

« Eh bien. » Le visage du garçon se fit de marbre. « Inase Takahashi. Vous êtes une idiote. »

Inase exécuta une interprétation extrêmement convaincante d'une carpe hors de l'eau.

« Une très jolie idiote, j'en conviens. » poursuivit le Templier, son visage toujours aussi inexpressif. « Mais une idiote nonobstant. Votre père a très probablement quitté son village, reçu son premier contrat, avant de se laisser tuer quand le sorcier avec lequel il était supposé travailler l'a attaqué dans son dos pour s'accaparer toute la prime. Votre grand-père avant lui a probablement disparu de la face du monde quand il a fait mention de cet honneur à un groupe de mercenaires cupides et félons. Et à présent, vous-même, Inase Takahashi, venez de commettre la même erreur. Aussi donc je persiste et signe. Vous êtes une idiote. »

Inase ne désirait rien tant que dénoncer les propos du garçon, soutenir avec véhémence qu'il mentait. Mais son père avait disparu sans laisser de traces. Les derniers mots qu'il avait prononcés à son intention parlaient de faire honneur aux valeurs de son clan. Il n'était jamais revenu depuis lors. En fait, nombres d'hommes du clan de Lune Orageuse n'étaient jamais revenus de leur travail. Nul colis emplis d'or tant promis lors de leur départ ne leur parvint. Aucuns nouveaux titres ne leur fut octroyé ni aucune grande bataille ne fut remportée au nom du clan. Cela avait toujours constitué un grand mystère pour elle à l'époque. Et sa propre mère, cette figure maternelle si intelligente, si avisée et si parfaite, avait clamé que son père avait rencontré tant de succès et qu'il y avait tant de contrats pour lui, qu'il n'avait pas le temps d'écrire. Elle l'avait crû sans réserve alors. A présent…A présent le voile qui entravait sa vue venait d'être levé.

L'épée fut retirée sans sommation de son épaule, et Inase eut le souffle coupé par la douleur suscitée par cette soudaine action.

« Je maintiens que nous l'acorions. » grommela le chevalier. « Elle a failli vous ôter la vie, mon Seigneur. »

« Nous ne tuons pas les femmes et les enfants. » répéta le garçon d'une voix sévère. « Et par ailleurs, elle ne se serait pas trouvée en position d'attenter à ma vie si tu ne t'étais pas perdu dans ton enthousiasme. »

« Vous n'allez pas me tuer ? » s'enquit Inase, en se levant à l'aide de son bras valide. La douleur était toujours là, mais elle était oubliée. Elle se devait de l'ignorer pour négocier au mieux ce qui allait s'ensuivre. « Pour quelle raison? »

« Je ne le ferai pas. Mon honneur, » déclara le garçon en insistant lourdement sur le mot, et Inase esquissa une grimace, « me l'interdit. »

C'était là tout ce qu'elle avait besoin de savoir. Son front toucha le sol. Son corps, endolori et blessé, se prosterna devant le garçon.

« Enseignez-moi. »

« Pardon ? » Le Templier semblait sincèrement surpris. L'expression ne seyait pas vraiment à son visage.

« Enseignez-moi. »

« Vous enseignez quoi ? »

« Tout ce qu'il me faut savoir. Au sujet de cette profession. A propos de l'honneur. Je vous en supplie. » Elle hésita un instant, avant de proférer les mots qu'elle avait pensé ne jamais avoir à prononcer de toute sa vie. « Mon Seigneur. »

Le chevalier éclata de rire. Un rire empreint d'un humour certain cette fois.

« Il y a quelque chose d'amusant, Haine ? »

« Rien qu'une sinistre drôlerie, mon Seigneur. Une cocasserie dont le comique vous échapperait. »

« Hmm. » Les yeux d'émeraude se détournèrent du chevalier pour la scruter du regard, et Inase eut le sentiment qu'ils sondaient à même son âme. Une éternité passa, du moins était-ce l'impression qu'elle éprouva, au cours de laquelle elle se vit jaugée par le regard intransigeant du garçon.

« Elle pourrait s'avérer besoignable, messire. » intervint le chevalier, ce qui ne manqua pas de la prendre de court. Elle ne s'était certainement pas attendue à ce que la créature plaidât sa cause. « Une lame en sus pour pourvoir à l'avoement de la damoiselle ne saurait se trouver en faillance d'ouvrage. »

« Tu insistais encore pour la tuer il y a quelques instants, Haine. » répondit Le Templier. « Qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ? »

« Elle s'y entend quelque peu en escrime et ses charmognes sont d'une semblable valeur. Ces arguements seuls ne sont-ils pas raison assez démonstrative? »

« Je n'ai nul besoin d'un partenaire pour ce travail. »

« Certes messire. Vous n'auriez que faire d'un pareil compagnon. Mais qu'en est-il d'un serviteur. Un vassal, peut-être ? Un serf dont la féalté nous serait exclusive ? »

« Ce que tu suggères, Haine, porte atteinte à mon honneur. » répondit le garçon, son visage ayant adopté une expression rebutée.

Le chevalier haussa les épaules.

« Souffrez donc qu'elle se fasse fantassin, autant ce vaut. Une combattante, qui au haut mot, serait vouée à notre seule cause. Permettez donc qu'elle estrille nos ennemis en notre nom. »

Le Templier sembla prendre le temps de considérer cette alternative. Au bout d'un moment ses yeux s'illuminèrent, sa décision vraisemblablement prise, et Inase se demanda en son for intérieur quel sort le Destin avait jugé bon de lui réserver. Puis il reprit la parole, d'une voix impérieuse.

« Lève-toi. »


Notes de fin de chapitre : Dans les mots de Haine

Adesier : toucher (dans un sens charnel)

Damoiselle : jeune fille noble (bien qu'elle ne soit pas véritable noble le statut de sa famille et sa position privilégiée de cliente de son maître valent à Fleur d'être qualifiée de telle par Haine)

Cejourd'hui: aujourd'hui

Artiliatif : le produit d'un art, ici le produit de la magie donc un sort. Attention toutefois, je confesse avoir étendu le sens du mot parce que ce mot me plaisait bien comme tel. Si vous souhaitez demeurer dans le sens strict, et éviter de vous faire taper sur les doigts par un expert en ancien français (mieux vaut prévenir que guérir après tout!)le mot que vous recherchez se trouve plus bas dans la liste.(voir charmogne)

Bifferie : chose vaine

C'est bifferie que de hâter votre funeste destin : C'est chose vaine que de précipiter votre mort.

Jouir : profiter

S'esbaudir : se réjouir, s'égayer

Bloet : bleur, azur

Fruition : action de jouir de quelque chose

Accroire : croire

Agraciable : plaisant, agréable

Occir : Tuer

Aleguer : Envoyer

Joissantment : Avec joie, avec plaisir

M'en voilà fort aise : Me voilà satisfait.

Fi donc : Expression de l'indignation face à une action que le locuteur juge méprisable

Entendement : compréhension de quelque chose, ou action de comprendre quelque chose

Vous avez certes un singulier entendement de l'honneur : Vous avez une notion bien étrange de l'honneur

Abeance : volonté, vif désir

Malemort : une mort violente

Vous sentez-vous toujours l'abeance de périr de malemort : Eprouvez-vous encore le désir de périr par l'épée.

Heur : chance

Blesmir : blesser

Je ne vous cèderai point l'heur de blesmir, mon Seigneur : Je ne vous laisserai pas l'opportunité de blesser mon Seigneur.

Errance : erreur

Acerter : certifier, assurer.

Je puis vous l'acerter, cet incident ne se trouvera guère de semblable à l'avenir : Je peux vous assurer que cela ne se reproduira plus à l'avenir.

Acorer : tuer (plus précisément arracher le cœur…)

Besoignable : être utile

Avoement : protection

Faillance : manque

Une lame en sus pour pourvoir à l'avoement de la damoiselle ne saurait se trouver en faillance d'ouvrage :

- Sens littéral : Une épée supplémentaire pour protéger la jeune fille ne se trouverait pas en manque de besogne.

-Comprendre : Une épée supplémentaire ne serait pas de trop pour protéger la jeune fille.

Charmogne : sortilège

Charmement : enchantement

Elle s'y entend quelque peu en escrime et ses charmognes sont d'une semblable valeur : Elle sait se servir d'une épée et est tout aussi qualifiée pour ce qui est de ses sorts.

Arguement : argument

Ces arguements seuls ne sont-ils pas raison assez démonstrative : Ces seuls arguments ne sont-ils pas suffisants ?

Féalté : fidélité, loyauté

Fantassin: soldat à pied

Autant ce vaut : c'est tout comme

Au haut mot : tout au plus

Estriller : tuer (oui Haine dispose d'un champ lexical très étendu du meurtre….)


Bon, je pense qu'à ce stade tout le monde peut s'accorder sur ce point : Harry et Haine ne sont pas des enfants de chœur ! Franchement je dois avouer qu'il y a eu des moments où Harry me faisait moi-même un peu peur tellement il est impitoyable au combat ! Le pauvre mercenaire qui s'est fait écorché vif…*touss*.

Quoi qu'il en soit j'espère que le chapitre plein d'action (pour une fois) vous aura plu.

Comment vous avez pu le constater je me suis décidé à mettre la véritable image de couverture pour cette histoire. Vous pouvez y voir une représentation quasi fidèle de Haine à ceci près que le heaume est différent de celui décrit dans l'histoire. J'ai hésité à la mettre aussi tôt dans l'histoire parce que ça spoil un peu la suite mais au moins cela a le mérite de vous informer sur le fait qu'il va y avoir de l'action par la suite et que ce chapitre n'est qu'un premier aperçu!

Pour conclure j'aurais une question pour vous. Après avoir passé un certain temps sur ce chapitre (je tairais les chiffres pour ne pas heurter votre sensibilité) je me suis demandé combien de temps cela prenait au lecteur de terminer un chapitre de cette longueur. Je sais bien que tout le monde lit à son propre rythme (étant moi-même plutôt glouton quand il s'agit de lire des chapitres tant attendus) mais ça me réconforterait beaucoup de savoir que cela vous prend un certain temps pour lire un chapitre de dix milles mots.

Plizz dites-moi que vous mettez au moins trente minutes pour lire un chapitre pareil !

Sur cette supplique pleine de dignité, je vous dis à bientôt !