Chapitre 17 :

Regarde toi, ma pauvre Kate, sans personne. Voilà ce que je ressent. Constamment. Alors que tout le monde l'ignore. Cette réjection qui s'acharne sur un être sans que celui ci ne comprenne pourquoi. Ignorant chaque raisons de cet acharnement. Se croyant innocente et pour s'apercevoir qu'elle même ne se comprends plus. Kate, ma chère Kate, tu ne le vois sûrement pas, ne réalise pas...mais nous nous ressemblons.


Rejetée, humiliée. Pourquoi s'acharnent t-ils autant, tous, sur moi ? Pourquoi est ce que je me sens si différente ? Parce que, même en l'étant, je reste avant tout un être humain. Même si tout ce que je cache n'en donne plus vraiment l'air, et même si mes secrets restent pour toujours interdit à la normalité. Je suis un être humain. Une chose éprouvant des sentiments, respirant pour vivre et ne cessant de croire que le monde entier pousse à la compassion. Jusque là, je pensais que la normalité n'était qu'un signe de faiblesse, pour s'adapter à la société. Mais le fait est que, à cause de ma maladie, je ne peux être normale. Je ne peux être donc faible. Mais je le suis pourtant, je ne suis que cela. Faiblesse constante en manque d'amour. Je ne sais plus vraiment ce que je suis. Et je ne peux m'adapter au jugement de personne, puisque personne ne me connais réellement. Parce que tous ceux qui auraient put me connaître, n'ont pas survécu a ma déficience mentale.

Pour une des première fois, je me rend compte à quel point mon mental et ma maladie a affecté ma vie entière sous forme d'un malaise en discontinu. Je vis, depuis toujours, dans un nuage blanc. N'essayant de distinguer que les bons sentiments et d'éliminer les mauvais. Ceux qui le semblent. Mais, la véritable question, serait elle plutôt. Est-ce vraiment ce que je suis ? Je recherche l'affection, les sentiments, mais au fur à mesure de cette quête, avouons la, pittoresque j'ai seulement l'impression de m'éloigner de mon but premier. Les meurtres peuvent t-ils faire oublier des vies ? J'ai déjà eu la preuve que non. Mais à quoi d'autre suis-je destinée alors ? En quoi, mon semblant de bonheur, est-il finalement supposé être une réjouissance ?

Ma vie n'a jamais été simple, et je commence à peine à comprendre qu'elle ne le sera jamais. Que je serais toujours obligée de me cacher, de me déguiser. Pour que les gens ne doutent pas une seconde de mon innocence d'enfant. Que suis-je ? Un enfant ? Une adulte ? Une meurtrière ? Une folle ? Que d'adjectifs qui me conviennent...la plupart mauvais...

J'envoie valser les objets déposés sur le bureau. Ils ne m'appartiennent pas, ni ceux contenus dans cette chambre. J'éparpille mes affaires, piétine ce qui m'appartient. Détruit, seule chose que je sais faire convenablement. Cette pièce n'a jamais été la mienne. Elle était celle d'un enfant normal, qui aurait du vivre une vie paisible en compagnie de sa famille. Une vie différente de ma mienne. Une vie qui en me conviendrait jamais...

Mais une chose reste sure. Ma vie restant telle qu'elle est, je veux cependant finir ce que j'ai commencé. Je suis une faible, une personne qui n'aura jamais le cran de pousser sa folie jusqu'au point le plus inimaginable. Du moins, pas sur son propre corps.


Peux tu nourrir mon amour ? Est-ce que l'amour peut être donné comme nourriture, une chose essentielle à la vie, par quelqu'un comme toi ? Je ne le pense pas...Pourquoi devrais-je me confier, maintenant, alors que tu ne confie pas toi-même ? Avec personne, ici.

Tu pense que tu m'aime, tu pense me voir comme je suis, la véritable Esther. Mais tu ne sais rien de la véritable femme qui se cache dans mon corps. Tu ne connais pas ma véritable nature dans ce monde.

Sullivan pensait que j'étais une princesse. La seule chose que je voudrais dire, penser ou exprimer, c'est que c'est un fait. Oui, je suis une princesse. Mais une princesse morte. Morte depuis les profondeurs de ma chair. Peau d'enfant, folle et pure et en même temps malade.

Je te vois, souffrir sur le sol. Qui pense tu que je suis pour faire ça ? Une folle ? Une tarée, sans-cœur, sans pitié ? En réalité, j'ai déjà eu trop de pitié, je ne méritais pas d'être là, tout autant que toi,tu ne méritais pas de mourir. Mais je viens juste de réaliser...comment la vie peut être difficile. Sans amour.

Tu ne veux pas réellement mon cœur, mon amour, tu me veux seulement pour combler le vide. Je ne veux pas être un substitut. Je ne veux pas être une chose que l'on, et rapidement, remplace. Je peux être le mal, mais je peux être aussi le paradis. Ton paradis.

Tu as fais, malgré cela, le mauvais choix...malheureusement. Tu était le seul qui pouvais en découdre, mais tu as préféré ignorer tout ça. Reste en retrait et attendre le jour où te rejoindrais ta tombe. Sang sur le sol, le bois du parquet semble mort avec toi. Je regarde ton corps mort comme si j'étais satisfaite. Je ne le suis pourtant pas. Même si vous pouvez le penser.

Un dernier coup de couteau, couvert de liquide rouge, chaud, venant de ton cœur. Insensible, imperceptible. Je me demande maintenant...est ce que tu m'aime? J'entends ton cri, sent ta faiblesse. Tu es déjà une honte pour moi, qui m'appartiendra jusqu'à la fin.


Je garde le couteau par réflexe, par peur. Je pense que le peu de confiance que je lui avais insufflée à disparue depuis longtemps. A vrai dire, et sans faux semblant, je doute presque qu'elle ait existé. Je suffoque, recrache de l'eau glacée, mélangée au sang chaud qui coule sur mon visage. J'ai froid. Et l'espace d'un instant, je me perds à rêver. Ce n'est pas la première fois que je suis aussi frigorifiée.

-Pitié...me laisse pas mourir maman...

Je l'implore. Je ne peux plus jouer. A aucun jeu du monde. J'affiche l'expression que je connais le mieux. La souffrance mêlée aux larmes qu'elle ne verra jamais. Le peur de l'hôpital, le manque d'amour, le manque d'épanouissement. Le sentiment de n'être qu'une simple petit pion dans l'échiquier de la vie. Et en regardant son visage, incrusté de la colère horriblement féroce, je comprends finalement. Elle est la reine. Le pion qui gagne, à chaque fois.

-Je ne suis pas ta putain de maman !

Son pied valse, j'entends un craquement. J'essaye en vain de m'accrocher à la glace, mais ma main semble fantôme, invisible. Une douleur dans mon cou se fait presque pressante. Je sais qu'elle ne provient pas de ma cicatrice. Je sens qu'il m'est impossible de bouger ma tête. Tout autant que mes membres. Mes vertèbres sont touchés, je le sens et au plus profond de moi-même, je me maudis.

Un nuage de fines bulles se forment, sortant de mes lèvres tailladées par le verre. Je revois le visage de ma mère, une dernière fois. C'est elle que je maudis. Pour avoir crée une âme innocente et ne lui ayant rien donné, rien apporté.

Cette sensation de gel revient, peu à peu, jusqu'à m'absorber , me consumer entièrement. Avez-vous déjà ressentit comme une brûlure lorsque le froid se fait trop intense ? Comme lors de ma fuite de l'hôpital. La glace est plus forte que la neige cependant. Mes oreilles sifflent, mon corps se comprime. Une dernière pensée s'élève de mon esprit vers le ciel obscur., le ciel que je ne perçoit plus tant le noir m'entoure, peu à peu. Vers Sullivan, à nouveau, à jamais. Mais il ne viendra pas me sauver cette fois...

Je m'appelle Esther Coleman, ou bien Leena Klammer. Qui suis-je vraiment de ces deux personnes ? Même si mon identité a changé, je reste atteinte de cette maladie. L'hypopituitarisme. La maladie qui ne fait pas vieillir. Je suis malade, et pour toujours, orpheline, à la recherche de cet amour, mais pas seulement. A la recherche d'un bonheur qui semble aussi lointain que mon esprit du paradis, plus que je me l'imaginais. Je me croyais normale. Je n'avais, en fait, pas conscience du mot « folie ». Je ne me sentais ni folle, ni dangereuse, mais seulement possédée par la haine et la souffrance qui ont rythmé ma courte existence.

L'amour dont j'avais voulu toujours dépendre, toujours donner et avoir en contrepartie ne provenait que du manque et de l'intention. Née morte. « Reste forte contre les imbéciles, soit courageuse lorsque tout t'effraie, et aime lorsque personne ne le fait. Ton monde deviendra bonheur »

Je me demande ce que tu essayais de dire par là, ce que tu essayer de me prouver. Une certaine confiance, sans nul doute rongée et fissuré par mon âme. Incontrôlable, in-transformable. C'était comme stagner dans une eau trouble, tout en sachant que l'un de nous se ferait emporter jusqu'au fond, tôt ou tard.

Mais Sullivan, lorsque, en ce moment, je sens ma respiration peu à peu s'effacer. Lorsque les bulles d'air s'éloignent vers cette lumière blanche. Lorsque l'eau glacée resserre son étaux autour de mon corps d'enfant, je me sens plus apaisée que je ne l'avais jamais été. Prête à mourir, parce que je comprend ainsi que mon mal ainsi que le leur, disparaîtront, finalement.