Titre : A'r Blaidd Gwyn (1)

Genre : amitié Arthur/Perceval mais d'autres joyeux (ou pas …) compagnons devraient se joindre à eux.

Spoilers : juste avant La Dispute, I, 3.98, livre 3. Cette fic suit, peu ou prou, la même structure que la BD « Perceval et le dragon d'Airain » que j'ai vraiment beaucoup appréciée. Elle s'inspire aussi du très pertinent portrait de Perceval publié sur le site de l'auberge des deux renards.

Résumé : Des loups menacent les habitants d'un paisible petit village gallois. Quel noble et fier chevalier viendra à leur rescousse ? GEN.

Disclaimer : merci à Alexandre Astier d'avoir donné vie à cet univers fascinant et merci à Franck Pitiot d'avoir donné vie à Perceval.


Prologue

Dans un petit village du pays de Galles

Le hurlement réveilla tout le village. Les enfants se mirent à pleurer, les femmes à gémir et les chiens à grogner. Les hommes eux, ne dirent rien. Ils ne dormaient plus depuis des jours et étaient tous réunis dans la salle commune autour du large foyer.

- Cela ne peut plus durer, grogna Bryn le boisselier en tapant du poing sur la table devant lui. Il faut que nous fassions quelque chose ! Nous ne pouvons mêmes plus accéder à la forêt par peur de nous faire étriper.

- Ça c'est vrai répondit Dylan le fustier. On peut plus travailler nous, alors comment on va faire pour nourrir nos gosses ct'hiver ? Elles nous ont volé not' forêt ces sales bêtes !

- Et faire quoi gros malins ? Répondit sèchement Cynydd. Nous avons posé des pièges, organisé des battues, rien. Dix générations que ma famille chasse par ici, dix ! Mais là … Aucune trace tangible que c'te foutue bête existe vraiment … alors la traquer. C'est comme courir après un courant d'air ou un rêve.

- Plutôt un cauchemar, fit remarquer Afon le jeune frère de Bryn.

Et la peur qui emplissait leur cœur coula soudainement si fort que comme le torrent sorti de son lit elle fit éclater tous les barrages : chacun se mit à parler, à crier, voir à menacer l'autre du poing.

- SILENCE ! Hurla Rhian.

Les hommes se tournèrent vers le vieil homme qui était leur chef spirituel et leur guérisseur. D'aucuns racontaient qu'en son temps, Rhian avait été un druide renommé, d'autres, des fous sans aucun doute, soutenaient qu'il avait plus de mille ans …

- Silence, répéta Rhian.

Appuyé sur son bâton, le vieil homme assis devant le foyer ferma un long moment les yeux.

- Ce n'est pas un loup ordinaire que nous devons combattre, finit-il par dire, yeux clos. Non, c'est l'Esprit des loups. Et pour le vaincre, il faut un talent exceptionnel, un don que nul ici ne possède. Il nous faut un bledri (2).

Il ne rouvrit pas les yeux ni la bouche et comme le silence pesa rapidement sur l'assemblée, très vite les murmures reprirent puis les voix prirent de l'assurance et une nouvelle fois, le ton monta.

- Nous devrions aller demander de l'aide à Kaamelott ! Lança quelqu'un.

Difficile de dire à qui appartenait cette voix mais l'idée déchaîna immédiatement un flot de vives et contradictoires réactions:

- Ces foutus nobles et toutes leurs belles paroles !? Ces types sont tellement habitués à vivre derrière des murailles que leurs épées doivent être toutes rongées par la rouille ! Y risquent pas de pouvoir tuer un loup comme ça !

- Ouais, ct'e bête, elle vient des entrailles mêmes de la terre, c'est Cythraul (3) qui nous l'envoie !

- Mais le roi là, Arthur, c'est un élu des Dieux, il a une épée magique, non ? Il va vous le pourfendre votre loup !

- Ouais et ses chevaliers ? Ils sont magiciens eux aussi, non ? Ils pourraient nous débarrasser de ce monstre. Avec tous les impôts qu'on leur verse, c'est un peu la moindre des choses.

- Rhian, dit Bryn en se tournant vers le vieux sage, pensez-vous que les hommes de Kaamelott accepteraient de nous aider ?

Rhian dont le regard était fixé sur le feu ne répondit pas immédiatement.

- Aide-moi donc à me lever, finit-il par dire au boisselier.

Bryn obtempéra. Il accompagna le vieil homme dehors.

L'air glacial des montagnes commençait à descendre, l'hiver était à leurs portes. Mais le froid ne semblait pas avoir d'effet sur Rhian qui continuait à avancer. Derrière eux, désormais silencieux, suivaient les autres hommes du village.

- Voilà, dit soudain Rhian. Il est là, regardez.

Bryn leva les yeux vers la colline que Rhian pointait du doigt.

La silhouette massive d'un loup se découpait clairement dans la lumière de la pleine lune.

- Bryn, Afon, Cynydd, annonça Rhian, vous partirez demain matin. Il vous faudra 25 jours de marche pour arriver à Kaamelott et autant pour le voyage du retour. La lune sera de nouveau pleine quand vous reviendrez. Il sera alors temps de livrer bataille … tout ceci n'a que trop duré.

Sur la colline, comme s'il répondait au vieil homme, le loup hurla.


Scène 1 – La poudre blanche

Toc ! Toc ! Toc !

Arthur, le nez enfoui dans les couvertures, grogna.

Toc ! Toc ! Toc ! Toc !

Cette fois définitivement réveillé, Arthur ouvrit un œil et, le cou toujours sous les couvertures, soupira.

Toc ! Toc !

A ses côtés Guenièvre, habituée après 10 ans de mariage aux coups frappés à pas d'heure à la porte de leur chambre, ronflait comme une bienheureuse.

Arthur sortit, bien à contrecoeur (il faisait un froid de gueux dans la chambre !), un bras de sous les couvertures et se mit à la secouer sans grand ménagement.

- Oui … Quoi … Quoi … balbutia Guenièvre tout en clignant des yeux.

- Y'à quelqu'un qui frappe à la porte. Allez voir qui c'est, lui répondit Arthur d'une voix étouffée par les draps.

- Non mais je rêve ! Vous croyez vraiment que je vais me lever pour vérifier quel crétin de votre foutue table frappe à la porte cette nuit ? Pas question. Surtout que de toute manière, vous devrez bien vous lever pour répondre à ce qui sera certainement une urgence mettant en péril le royaume, ironisa t-elle.

- Bah, pour une fois que je vous propose justement de participer à une affaire du gouvernement … tenta Arthur.

- Non mais vous m'prenez vraiment pour une conne ? Lui répondit juste Guenièvre, interloquée par l'audace de son époux.

Arthur allait lui répondre avec sa gentillesse habituelle lorsque les coups retentirent à nouveau.

Guenièvre lui avait déjà tourné le dos et seule une petite mèche de ses cheveux bruns dépassait des couvertures. Arthur grogna, récupéra une épaisse peau en cuir tanné posée sur un fauteuil, s'enroula dedans et après un énième soupir, se dirigea vers la porte.

Lorsqu'il l'ouvrit se fut sur la mine réjouie de Perceval.

Un Perceval engoncé dans une veste en peau de mouton, emmitouflé dans plusieurs écharpes et dont les joues, le nez et les oreilles étaient d'un beau rouge carmin.

- Venez Sire ! C'est … c'est super beau. Vous allez adorer !

Arthur cligna des yeux. Une fois, trois fois. Et ben non, l'autre con était toujours en face de lui, il ne rêvait donc pas.

- Perceval, là franchement, je crois que la seule chose qui me retient d'vous en coller une c'est qu'pour le faire, il faudrait que je sorte la main de sous c'te putain de peau.

- Non ! Sire croyez-moi, faut qu'vous veniez. S'il vous plait ?

Arthur leva les yeux au ciel. Pourquoi lui ? Qu'avait-il bien pu faire pour mériter ça …

Profitant de l'hésitation d'Arthur, et l'interprétant comme un « oui », Perceval lui tendit un paquet.

- Tenez sire. Mettez ça et suivez-moi. Et surtout, pas de bruit !

- Ah bah ouais, grogna Arthur, ce serait dommage que je sois le seul réveillé, hein ?

- J'vous laisse vous fringuer, lui répondit Perceval qui referma doucement la porte de la chambre du roi. J'vous attends là hein !

Arthur se retrouva donc derrière la porte, serrant contre lui … et qu'est-ce que c'était d'ailleurs ? Il ouvrit le paquet : Gné ? Une écharpe, des moufles et une paire de bottes.

- Mais putain, qu'est-ce qu'il me fait encore ce con ? Soupira arthur.

Intrigué par l'étrange manège de son chevalier, Arthur s'habilla. Il trouva Perceval toujours derrière sa porte.

- Bon alors c'est quoi ct'e tisane ? Grogna t-il.

- Chuuuuuuuut, fit Perceval, un doigt sur les lèvres. Venez Sire.

Arthur suivit le gallois jusqu'à la porte donnant dans l'arrière cour du château. Il allait sortir lorsque Perceval se tourna vers lui.

- Fermez les yeux lui ordonna t-il.

- QUOI ?! Mais vous êtes malade !

- Allez Sire, c'est juste pour quelques secondes.

- Mais il n'est pas question que je ferme les yeux et merde à la fin, à quoi ça rime vos débilités encore !

- Sire, c'est bon là, faut juste qu'on sorte mais vous devez fermer les yeux d'abord.

Arthur grommela mais obtempéra, sa curiosité piquée au vif l'emportant sur son agacement.

Il entendit la porte de la cour s'ouvrir et une main se posa sur son coude pour le guider dehors. Le froid l'agressa immédiatement. Putain, ces pov noix devaient s'être recroquevillées tellement loin dans leur coquille qu'il ne serait pas étonné s'il parlait sur un ton de falsetto !

Lorsqu'il eut fait quelques pas dehors, Perceval lui chuchota :

- Vous pouvez ouvrir les yeux maintenant Sire …

Et Arthur ouvrit les yeux … sur un monde blanc.

La neige avait profité de cette nuit de pleine lune pour infiltrer la campagne. De légers flocons virevoltaient encore tombant mollement comme une pluie de coton. On devinait sous un lourd capuchon blanc, les hautes tours du château et aux branches des arbres vêtus de givres pendaient de petites stalactites étincelantes.

- Ça fait comme des bijoux, dit Perceval, vous trouvez pas ?

Arthur hocha juste la tête.

La lune, pleine et basse, rendait encore plus éclatante la blancheur autour d'eux.

Arthur sourit.

- Des fois, j'me dis que la neige, c'est des morceaux de lune tombés par terre, tout blancs et argentés, dit Perceval qui fixait l'astre lunaire.

Le moment était étrange, décalé. Presque solennel. Arthur ferma les yeux. Tout était si paisible. Le tapis de neige étouffait tous les bruits, il n'y avait plus de monde autour de lui, plus de Kaamelott, plus de soucis, plus de -

La première salve l'atteignit juste derrière l'oreille droite et il laissa échapper un petit couinement de surprise. La seconde le frappa derrière la nuque.

Arthur se tourna vers le responsable.

Perceval, large sourire aux lèvres, mains derrière le dos, fixait toujours les arbres comme si de rien n'était. Bah voyons ! Ce pauvre type était un bien piètre acteur.

- Ah, c'est la guerre que vous voulez ! Lui déclara arthur. Et bien vous allez l'avoir ! TAÏAUT !

Et la bataille s'engagea.

Si Arthur avait l'avantage de la rapidité et de la précision, Perceval, le bougre, avait pour lui l'art de l'esquive et un incroyable tour de main pour fabriquer des boules de neige parfaites (« C'est une question de friction Sire, faut qu'elles soient bien lisses, comme ça, elles résistent moins à l'air et donc, elles vont plus vite. C'est psoriasique ». « Euh, vous voulez dire physique ?» « Ben, non, physique c'est pas c'qu'est en lien avec Socrate et les autres là ?» « Non, ça, c'est ce qui est philosophique … »).

Finalement, la physique avait perdu face à l'art guerrier. Les deux combattants se retrouvèrent allongés par terre, lessivés mais le cœur plus léger que jamais.

Arthur souriait d'un air niais. Il était bien, détendu … lorsque soudain un long cri se fit entendre le faisant tressaillir.

Des loups.

C'était toujours la même chose. A la même époque, le froid faisait sortir ces sales bestioles de la forêt. Arthur était prêt à parier qu'il allait encore avoir la visite de ce grand con de Kelliwic'h lui demandant un sacrifice humain … bon, pt'être pas vu qu'il était maintenant un des enchanteurs officiels de la cour de Kaamelott. Dommage, il aurait peut-être accepté sa demande cette année. Guenièvre lui tapait sur les nerfs en ce moment.

Un nouveau hurlement s'éleva de derrière les murailles.

Arthur ne put s'empêcher de frissonner et se tourna vers Perceval qui n'avait pas bronché.

- Ça vous fait rien vous ces cris ? Lui demanda le Roi un peu surpris.

- Bah non, les loups, c'est pas dangereux.

Arthur haussa les sourcils.

- Ah ouais, les loups c'est pas dangereux ? Première nouvelle.

- Les loups, ça m'a jamais fait peur, c'est même le contraire, répondit le chevalier sur un ton cryptique. Les chiens en revanche, j'aime pas ça. Ca pue et ça mord.

Un nouveau hurlement retentit.

Arthur se demandait si Guenièvre s'était réveillée. Elle et sa peur phobique des loups. En même temps, comme en ce moment, y faisait pas mal froid dans leur pageot, le coup du réconfort ça pourrait s'avérer utile. Juste pour faire bouillotte. Il retourna à sa contemplation du ciel. Derrière les nuages obscurs et lourds annonçant l'arrivée de nouvelles chutes de neige, le jour imperceptiblement grandissait.

Demain serait bientôt là et avec lui le retour des emmerdes pour le Roi de Bretagne.

Arthur soupira. Il s'assit puis se leva, époussetant son manteau couvert de neige. Il tendit la main à Perceval pour l'aider à se lever.

- Demain y a doléances, annonça t-il. Comme Lancelot fait un peu grise mine en ce moment pour tout ce qui touche aux affaires du royaume, je me suis dis que vous voudriez peut-être m'y assister ?

Perceval lui sourit.

- Bah ouais, si vous pensez que je dirais pas trop de conneries.

- Vous inquiétez pas. Ça peut pas être pire que tous ce que ces pignoufs viennent nous raconter, soupira Arthur.

- Ben, alors oui, j'viendrais.

Ce petit moment de détente avait été plus qu'agréable mais Arthur apprécia néanmoins de retrouver la chaleur du château. Arrivé dans le couloir menant à sa chambre, il souhaita – pour ce qu'il en restait – bonne nuit à Perceval.

- Bonne nuit Sire ! Lui lança Perceval de loin.

Une boule de neige l'atteignit en pleine nuque juste au moment où il ouvrait sa porte.

- NONDEDIEUDEMERDE ! Perceval !

Sa seule réponse fut un petit rire étouffé et des bruits de cavalcade dans le couloir.

Arthur soupira. Et sourit.

Sa conscience avait raison, Perceval était vraiment un gosse.

A suivre …


(1) Le loup blanc en gallois. En breton, cela donnerait Ar Bleiz Gwenn. Il s'agit de deux langues dites britonniques et donc très proches. En gaélique, cela donnerait A Faol Finn.

(2) Liste des prénoms gallois : Bryn (colline), Afon (rivière), Cynydd (chasseur) et Rhian (petit roi). Bledri signifie « roi des loups ». Pour info, mais vous le saviez certainement, Angharad siginifie « aimée » en gallois !

(3) Cythraul est un mot de l'ancien gallois qui signifie le Mal (oui, oui, avec un grand M). Ce mot est probablement dérivé du latin contrarius (l'ennemi, l'opposant) et a pénétré le vocabulaire gallois dans les premiers temps de la christianisation de l'île.