Genre : affection Arthur/Perceval, entre drame et humour. Pentalogie (5 scènes) située entre 4.98 Le Sauvetage et 4.99 Le Désordre et la Nuit.

Résumé : y'en a pas ! Enfin, disons que comme 99,99 pour cent des fans de Kaamelott je m'interroge sur la raison du baptême de Perceval. Voici donc ma contribution à ce moment solennel qui annonce le ton du livre V.

Cave At Lector : mon fandom de prédilection se situe une bonne quinzaine de siècles après celui dépeint par Kaamelott, autant vous dire que le monde médiéval, c'est pas trop mon truc. Je partage avec notre ami Perceval, l'amour de l'espace !


Scène 1 - A bene placito (1)

Arthur savourait son petit déjeuner. « Savourer » était le mot juste : il avait en effet le plus incroyable des ingrédients à sa table ce matin.

Le silence.

A part le bruit de ses mandibules déchirant le pain et le crépitement du feu derrière lui, pas un son ne troublait son repas.

Pas de gueulements de porc qu'on égorge (ça, c'était son charmant beau-père), pas de truie qui s'égosille (va pour belle-maman) et pas de questions débiles et incessantes sur tout et rien et surtout sur n'importe nawaq (et hop, vl'a pour Guenièvre non, il ne la comparerait pas à un porcelet, quoiqu'elle partage avec ces derniers un air con et paumé incomparable. Pourquoi l'avait-il récupérée au fait ? Inconscience passagère sans doute …).

Non, rien de tout ça.

Ce matin, un miracle plus époustouflant que l'invention du Graal (2) s'était produit : ce matin, toute la petite ménagerie qui lui servait de « famille » était absente et –

- Non de Dieu de merde mais qu'est-ce qu'ils sont cons ces deux là !

Arthur baissa le front sur sa poitrine. Il soupira. Bien sûr, ç'avait été trop beau pour être vrai …

Léodagan fit irruption dans la salle hurlant comme à l'accoutumée.

- … nom mais quelle belle bande de crétins, c'est pas vrai !

Et avec cette dernière invective, le Roi de Carmélides se laissa lourdement tomber sur l'un des deux bancs installés autour de la table du roi. Il tomba aussi, au sens plus figuré cette fois, sur la cochonnaille, le pain et la motte de beurre frais qui se trouvaient sur ladite table.

Ouais, un porc vrai de vrai.

Arthur décida de l'ignorer.

- Bah quoi ? Vous dites rien ? S'étonna Léodagan qui croquait à pleines dents dans sa tartine.

Arthur resta silencieux, concentré sur son œuf dur.

- A bah vraiment, ça fait plaisir, non vraiment, sympa. J'descends ici pour que vous vous sentiez un peu moins seul et vous faites la gueule. Rendez donc service, va … grommela Léodagan qui continuait de s'empiffrer.

Arthur ferma les yeux et se mit à compter jusqu'à dix en latin. Après, il essayerait le Burgonde. Vu ses connaissances en langue germanique, il lui faudrait jusqu'à l'an prochain pour terminer, ce qui était préférable s'il voulait éviter un incident diplomatique. S'il avait sauvé la fille hier, ce n'était pas pour trucider le père au petit déj'.

Et donc, unus, una, unum, duo, duae, duo …

- Vous dites toujours rien, hein. Vous savez quoi ? Vous, vous z'êtes un introverti, vous gardez tout en d'dans, c'est pour ça que vous vous sentez jamais bien. Léodagan se pencha vers son gendre, large sourire aux lèvres et morceaux de saucisson coincés entre les dents. Les émotions, c'est comme les gaz, murmura t-il, faut que ça sorte ou sinon, bonjour les dégâts quand ça explose !

Tres, tres, tria …

- Ouais, vous dites toujours rien soupira bruyamment Léodagan. Ok, ok, puisque c'est comme ça, c'est moi qui vais faire la conversation ce matin. Je dois vous parler de vos deux caïds là, les deux connards qui redécorent régulièrement la salle d'armes de gousses d'aïl et de morceaux de barbaques - ça pue pendant des jours là dedans plus moyen de s'entraîner - et bien, vous savez ce qu'ils ont l'audace de brailler un peu partout dans le château depuis ce matin ?

Quattuor, quinque …

- Ils osent – non mais franchement, mieux vaut entendre ça que d'être sourd – ils osent dire qu'ils ont délivré Guenièvre des mains de Lancelot. Et ils veulent qu'on les rebaptise Karadoc le valeureux et Perceval le preux, ils disent que ça rime … j'leur en foutrais moi des rimes ! Deux coups de pompes dans le cul oui ! Tiens s'ils veulent des rimes, je pencherais davantage pour Karadoc le crasseux et Perceval le péteux, ou alors, les frères foireux, c'est pas mal ça non plus ?

Sex, septem … Uh, quoi ?

Arthur leva des yeux ronds comme des soucoupes vers son beau-père.

- Mais, c'est vrai. Ils ont délivré votre fille du camp de Lancelot.

- QUOI ! Hurla Léodagan qui envoya balader fromage et écuelle d'un revers rageur de la main. Vous donnez raison à ces deux peigne-culs !

- Mais putain, j'ai pas à leur donner raison ou pas, rétorqua Arthur que toute sérénité avait désormais définitivement abandonné, puisqu'ils étaient là ! Dois-je vous rappeler qui voulait qu'on se la joue discret avec juste une petite équipe d'hommes de confiance ?

- Justement, rétorqua Léodagan sur un ton sarcastique, y'a une petite chose qui m'turlupine à ce propos, parce que en fait d'hommes, je voyais plutôt des mecs qui savent jouer de la lame pour taillader dans l'gras pas le genre qui utilise des louches pour le faire bouillir, je pensais plutôt à des costauds que des cuistots, si vous voulez de la rime.

- Mais je veux rien moi à la fin, cria Arthur, exaspéré. Vous vouliez tous que j'aille chercher Guenièvre, j'y suis allé alors me faites plus chier avec ça. Et bordel, vous pourriez être un peu plus reconnaissant envers Perceval et Karadoc, ils ont risqué leur vie pour votre fille.

- Je voyais quand même un truc plus reluisant que des plaques de dissimulation et des coups de louches et de marmites dans la tronche ! Ce sauvetage est une catastrophe que la légende que vous aimez tant, a tout intérêt à passer sous silence. J'imagine la prose du père Blaise sur ce coup là : « Et armés de leurs nobles ustensiles de cuisine, les valeureux chevaliers s'en allèrent pourfendre les traitres au royaume de Logre ». Non, vraiment, ça a de la gueule. J'vois d'ici les enluminures qui vont accompagner le texte …

Arthur se leva, excédé.

- Merde, ça vous va ça merde, merde et re merde !

- Aaaaaaaaaaaaaaah, bravo, pour un type qui a fait ses études à Rome et a lu tout Socrate et Platon, voilà un bel exemple de rhétorique.

Arthur ferma les yeux. Il en était où au fait de son petit décompte ? Ah oui, octo, novem …

- Alors ? Qu'est-ce que vous allez faire pour les deux autres cons là ? Vous savez qu'il n'y a que vous qu'ils écoutent. Preuve supplémentaire que ce sont des abrutis d'ailleurs, ajouta Léodagan en marmonnant dans sa barbe.

Arthur rouvrit les yeux.

- Comment ça, ce que je vais faire, mais rien, pour une fois que ces deux cons comme vous dites font acte de bravoure, je ne vais certainement pas les –

- Acte de bravoure, ça rime pas avec pitrerie ça, et c'est pourtant exactement ce qu'ils nous ont donnés comme spectacle hier. Ah, elle est belle la chevalerie bretonne ! Grogna Leodagan qui avait apparemment retrouvé, si ce n'est sa belle humeur à tout le moins l'appétit, puisqu'il engloutissait des parts de tarte aux pommes comme s'il était en état de manque.

- J'ai une envie de bouffer du boudin moi … grommela Arthur en levant les yeux au ciel.

(Et il imaginait sans problème de quel « porc » provenait le sang nécessaire à la réalisation de ce met délicat.)

- Du boudin ? A ct'heure ? Vous êtes pas bien vous, crachouilla Léodagan qui manqua de s'étouffer avec sa tarte.

Arthur soupira.

- Ouais, on peut toujours rêver hein (Léodagan le regardait comme s'il était un grand malade … c'est-à-dire pas franchement différemment de d'habitude en fait). Bon, pour Perceval et Karadoc, j'ai une idée pour qu'il ferme leur clapet, annonça t-il brusquement, un petit sourire aux lèvres.

Léodagan plissa les yeux et fixa sur Arthur un regard lourd de suspicion.

- Vous, j'aime pas quand vous souriez comme ça, ça présage toujours une belle connerie !

- Vous allez honorer la chevalerie bretonne et deux de ses représentants émérites en leur faisant … un cadeau, précisa Arthur qui mains dans le dos, s'amusait à se hausser sur la pointe des pieds.

- Un cadeau … répéta bêtement Léodagan. J'suis pas bien sûr de vous suivre là.

Decem, undecim, duodecim, tredecim, quattordécim, quindecim. Calme, il était caaaaaaaaaaaalmeuh.

- Oui, ils ont manifestement besoin de reconnaissance et si vous voulez qu'ils arrêtent de raconter un peu partout comment ils ont mis en déroute le clan du grand Lancelot du Lac en faisant appel à leur toute nouvelle technique de combat (3) reposant sur la mise en en valeur – et ça m'fait mal de l'avouer, efficace – des objets redondants qui leur sont tombés sous la main et passer pour un con, je vous -

- Hey, tout doux là ! S'énerva Léodagan qui se leva du banc d'un bond.

- Bah ouais, moi je passe déjà pour un con un peu partout en Bretagne, vous me le rappelez assez souvent comme ça, hein ? Alors que vous en Carmélides, c'est quoi déjà, le sanguinaire, non ? Donc, si vous ne voulez pas que le sanguinaire de Carmélides devienne la cuisinière de Carmélides, utilisant l'arme ultime pour combattre le mal, la spatule en bois, vous allez faire ce que je vous dis et fissa !

Arthur se réinstalla dans son fauteuil.

- C'est … c'est de l'extorsion ! Parvint à bredouiller le roi de Carmélides, qui tremblant de rage s'était rassis.

- Ouais, peut-être … tiens, j'irais même jusqu'à parler d'abus de pouvoir ! Vous devriez être content, j'emploie une tactique chère au cœur de tout roi qui se respecte dans le coin. Il se pencha vers son beau-père qui avait du mal à se contenir. Donc, on récapitule, dit-il, vous me trouvez pour chacun d'eux un cadeau digne de ce nom et je leur demande de fermer leur mouille. Capice ?

Léodagan hocha la tête.

- Vous êtes une belle petite merd-

- Ttttttut, n'oubliez pas à qui vous parlez beau-père, le coupa Arthur sur un ton faussement amical tout en épluchant une pomme. Celui qui va vous éviter la terrible humiliation de la légende à la Louche.

Arthur se mit à manger ses quartiers de pomme. Il attendait. Il connaissait bien Léodagan : son amour des biens précieux (et l'horreur d'avoir à s'en défaire) n'avait d'autre égal que sa fierté de mâle breton.

Léodagan se leva et quitta la salle à manger sans le saluer.

Arthur termina tranquillement sa pomme. Il joua un moment avec une seconde, bien jaune et ferme, et sourit.

Il fallait qu'il passe voir le cuisinier. Ce soir, il y aurait du boudin aux pommes au dîner familial.

A suivre ...


(1) Locution latine qui pourrait se traduire par notre laconique « A votre bon cœur » m'sieur dame !

(2) En matière religieuse, le mot « invention » signifie découverte de reliques et, par extension, désigne aussi la fête que l'église célèbre en mémoire de cette découverte. Le nom commun latin Inventio signifie découverte (et non création comme le langage commun pourrait porter à nous le faire croire). Ainsi, nous avons raté (de peu, c'est la faute des vieux tout ça !) l'invention des clous de la Sainte Croix par Perceval.

(3) Episode Unagi IV, 4. 48.