Surprise ! Koba54 m'a fait la surprise de corriger ce chapitre en un temps record. Je l'en remercie vivement. Voici donc le dernier épisode de cette fanfiction. Je ne vous fais plus attendre, et vous laisse au plaisir (je l'espère) de sa lecture.


Chapitre 45

Épilogue

Les racines des trois mondes
Le pilier soutiendra.
Ébranlé, il subsistera
Lumière et ténèbres, il mêlera.

Prophéties de l'Autre Monde, verset 15

Un lac de lumière s'évasait dans les hauteurs infinies d'un ciel si noir qu'il ne pouvait être qu'irréel. De loin en loin, la pointe déformée d'une protubérance, apparue sous sa surface, s'alourdissait, s'étirait, au point de se séparer de sa base.
La goutte sombre chutait sur un sol transparent, s'écrasant en éclaboussant de traînées obscures la pureté cristalline du miroir.
Inlassablement, l'opération se répétait, et lentement, le poli du verre se couvrait de sinistres taches arachnéennes.

Un homme surveillait le phénomène. Était-ce un homme ? Il avait figure humaine, mais son corps était composé d'énergies mouvantes, bleutées et dorées, pailletées de points sombres. Autrefois, ses couleurs avaient été pures.
Des filaments lumineux émergèrent de son tronc et voyagèrent jusqu'au lieu des souillures. En un instant, tout fut lavé, et mille éclats brillants comme des étoiles traversèrent le miroir pour s'animer sur Terre.
L'habit de lumières colorées se macula d'un énième corpuscule noir.

Le réservoir lacustre était le berceau des âmes et l'homme en était le gardien. Son existence n'avait que ce but : permettre leur naissance, les préparer pour une incarnation dans une pureté absolue.
Il se rappelait d'un temps où le lac étendait ses rives au firmament obscur sans que les ténèbres ne le souillent. Il se rappelait d'un temps où il pouvait admirer les flammes vives des êtres futurs folâtrer dans ses profondeurs limpides. Ce temps était révolu. Lumière et ténèbres se confondaient dans l'Autre Monde. Mais il persévérait dans sa mission, sacrifiant tout pour que les esprits à naître fussent de belles âmes, bien qu'il regrettât de devoir pour cela entacher les plus fidèles de ses sujets.


Soul Society, présent

Ce n'était pas tant la présence d'une pression spirituelle à la mystérieuse origine ténébreuse qui préoccupait Kenpachi que l'impossibilité temporaire qui en résultait d'utiliser son bandeau, dévoreur de reiatsu. Pour tout dire, il ne sentait pas une grande différence en lui. Premièrement, il n'avait jamais pu - ni désiré d'ailleurs - entrer en contact avec son zanpakutô. Deuxièmement, il avait toujours su que la forme de son âme était biscornue et qu'un coin d'obscurité y logeait.

L'innocence du rire de Yachiru lui suffisait pour faire briller son soleil, le saké était bon, et ses coups de sabre n'en étaient pas moins tranchants. Alors, pourquoi s'en faire plus longtemps ?
Dès qu'il aurait récupéré le cache-oeil que Mayuri lui avait promis, adapté à la nouvelle signature de son énergie, il suivrait le plan de Grimmjow pour respecter la promesse qu'il lui avait faite, ou en d'autres mots, il mettrait, entre lui et le vieux général, la plus grande distance possible.

Car pour le moment, on pouvait entendre assez souvent dans les rues du Seireitei une explosion de pierrailles jaillissantes délogées par les courants spirituels de son reiatsu mal contrôlé, qui déclenchait chez le responsable des armées des sermons interminables sur le temps perdu à reconstruire, le budget qui s'épuisait et la nécessité pour le fautif de prendre des leçons de relâchement maîtrisé auprès du capitaine Shunsui Kyôraku !

Le comportement optimiste de Kenpachi, qui pouvait paraître insouciant, mais qui n'était possible que parce qu'il avait connu et confronté l'éventail des mauvais penchants et de la corruption humaine, faisait défaut à Kan.

Muté dans les équipes d'entretien en attendant qu'il retrouvât l'usage de ses pouvoirs, le jeune homme se retrouvait perdu, sans plus rien de ce qui le particularisait jusqu'alors. Il passait de longues heures à fixer l'unique preuve de la présence de Wataridori à ses côtés, sans ressentir d'émotion particulière. De journée en journée vides de sens, il s'enfonçait de plus en plus dans la dépression.

Yachiru venait parfois le voir à la quatrième division. Si triste. Au début, elle avait tenté de le distraire, mais son manque de réaction était venu à bout de son humeur joyeuse. Alors, elle restait avec lui et partageait un bref instant son silence et son immobilité.

Un jour, le capitaine de la treizième division décida d'agir.

« Viens », le pressa-t-il.

Dans son domaine aux îlots discrets, qui abritaient des kiosques enchanteurs et des clairières fleuries, il pria Kan de partager un thé avec ses deux autres invités, Renji et Byakuya. Puis, il le convia à chanter, comme lors de leurs rendez-vous passés.
« Je ne peux plus », refusa Kan avec mauvaise humeur, blessé que son hôte ait eu l'indélicatesse de lui demander de réaliser une performance qui ne serait plus jamais à la hauteur de ses talents perdus. À sa grande surprise, Renji déclara alors : « Je n'ai jamais été très doué, mais je veux bien essayer de vous distraire, Ukitake taichô ».

Renji entonna un air populaire. Il chantait faux, sans complexe et avec entrain. Kan sourit malgré lui. Ayant allègrement accompli son massacre musical, le vice-capitaine adressa un clin d'œil au caporal, puis il invita leur capitaine à suivre son exemple : « À votre tour, taichô ». Kan ouvrit de grands yeux.

C'était un poème classique que Byakuya déclama sur une harmonie complexe. Sa voix buta sur les notes les plus hautes. Le rose monta aux joues de l'aristocrate. Le sourire de Kan s'épanouit, pour se faner aussitôt lorsque Jûshirô implora : « Épargneras-tu le souffle d'un vieil homme malade ? ».

Kan hocha la tête, terrifié. Car, comment rester insensible à ces chansons truffées d'erreurs, indignes du moins talentueux des Utakata ? Comment ne pas comprendre leur véritable message ? Si le morceau de bravoure du lieutenant Abarai avait été amusant, la performance du seigneur Kuchiki avait été louable. L'air qu'il avait choisi était volontairement difficile, beaucoup trop pour un simple amateur. En affichant leurs faiblesses musicales, ses aînés lui disaient de ne pas être effrayé, que ses propres lacunes seraient acceptées.
Par habitude, Kan se leva. Mais, sous le regard des trois personnes formant son auditoire, il ne put s'extraire de son angoisse. D'une voix incertaine et tremblante, il commença à chanter les vers que Byakuya venait de réciter, sans autre guide que sa mémoire.
Et là, il sut. Il ne pouvait pas manquer l'horrible solitude des sons qui s'échappaient de ses lèvres. Il s'écoutait sans se reconnaître, il s'égarait dans les variations, cherchant sans jamais le trouver le vent sonore qui depuis toujours accompagnait son inspiration. Cette parodie de musique serait-elle le mieux qu'il pourrait faire, dorénavant ? Rien de mieux qu'un chevrotement timide aux pauvres accords, issu d'une gorge serrée par l'anxiété et la peur ? La honte l'inonda. Il s'arrêta de chanter.

Sous la table, Byakuya, étreint de tristesse, avait cherché la main de Renji. L'œil de Jûshirô avait glissé sur eux, puis le capitaine de la treizième division avait reporté son attention tout entière sur Kan.

Après un silence si long que les trois auditeurs, mal à l'aise, crurent qu'il avait renoncé, Kan prit une ample respiration, et continua, le buste redressé, soutenu par les conseils de son vieux maître : « Un chant est une œuvre. Tu peux le suspendre autant de fois qu'il faudra. Mais jusqu'à son achèvement, jamais tu ne renonceras. »

Tous entendirent la différence. Les notes étaient justes et la voix bien placée, pourtant, la magie évocatrice des sons avait disparu. C'était un chant magnifique, mais juste un beau chant. Sur les joues de Kan, les larmes commencèrent à couler.
Il alla jusqu'au bout cependant, honorant l'enseignement qu'il avait reçu et la volonté des cœurs qui s'étaient réunis autour de lui. Lorsqu'il eut fini et qu'il regarda tour à tour ses compagnons, ce qu'il vit sur leurs visages n'était ni de la déception, ni du malaise, mais du soulagement et de l'espoir.

Chacun y alla de son compliment. Renji le félicita : « Quoi que tu puisses en penser, Kan, lorsque tu chantes, c'est sans équivalent », et Byakuya d'enchérir, en lui assurant : « Oui, Kan, c'était un chant courageux et fidèle ». Le maître de la maison avoua : « Un moment, j'ai crains de t'avoir forcé sans que tu ne sois prêt. »

Les larmes séchèrent sur ses joues, Kan attendait et appréhendait la suite évidente de cette entrée en matière.

« Kan, il est temps. Cesse de regretter, fais face au présent, regarde vers l'avenir, conseilla Jûshirô.

— Parle avec Wataridori. Écoute ce qu'il a à te dire, continua Renji, de but en blanc.

— Il n'est plus lui-même, opposa Kan, sur la défensive.

— Il a accompli son devoir, il mérite autre chose que l'indifférence, lui fit remarquer Byakuya.

— Et votre zanpakutô, Kuchiki taichô ? demanda alors Kan.

— Nous... discutons », répondit Byakuya, avec circonspection.

Un jour peut-être, Kan pourrait se tenir auprès de l'oiseau au plumage d'un violet si sombre qu'il en paraissait noir, et dont les fines stries blanches qui subsistaient n'étaient plus qu'un rappel douloureux de celui qu'il avait été. Un jour peut-être, il aurait le courage de laisser derrière lui la plume à la blancheur immaculée. Aujourd'hui, Kan avait fait le premier pas. Aujourd'hui, il avait affronté la mémoire de sa voix et exprimé sa tristesse.

Kan était reparti. Comme Byakuya et Renji allaient faire de même, Jûshirô retint son ancien subordonné. « Byakuya, reviens quand tu veux en compagnie d'Abarai-kun, lui dit-il. Mes jardins sont l'endroit idéal pour se détendre et s'isoler sans craindre la foule. »
L'imperceptible hochement du menton de Byakuya fut suffisant pour faire comprendre à son aîné que l'allusion derrière son message avait été claire. En se réjouissant, Jûshirô regarda Byakuya rejoindre Renji, et lui saisir la main.

Il vit Renji la lui refuser. L'énergique lieutenant gesticulait et le désigna même du doigt, image vivante de l'indiscrétion. Amusé, Jûshirô s'apercevait de leur connivence. Byakuya se pencha à l'oreille de Renji pour lui souffler quelques mots. L'effet fut remarquable. Les yeux de Renji allèrent du visage de Byakuya au sien, puis un sourire lui mangea la figure, tandis qu'un air malicieux s'afficha sur ses traits.
Jûshirô les suivit en train de s'éloigner main dans la main, jusqu'à ce qu'ils atteignissent la périphérie de ses jardins aquatiques. Alors, ils se séparèrent, et Renji marcha à trois pas derrière son capitaine, comme il sied à un vice-capitaine.

L'univers avait trouvé un nouvel équilibre. Mais beaucoup, au Seireitei, jonglaient avec le bouleversement qu'avait engendré l'ébranlement des frontières entre les Mondes.

Entre autres, le clan Kuchiki et le clan Utakata s'agitaient. Ne pouvant plus cacher les conséquences désastreuses de l'apparition du Hôgyokû sur les pouvoirs spirituels, Genryûsai Shigekuni Yamamoto avait dû se résoudre à informer les représentants des familles nobles auprès du Gotei, parmi celles reconnues pour le haut degré ou la qualité de leur reiatsu.

D'autre part, le sôtaichô était confronté à l'ampleur du changement et devait prendre une décision difficile

La convocation des instances royales était arrivée en pleine réunion des capitaines. Seuls quelques uns avaient été témoins d'un événement si rare. Il s'était excusé sans explication, comptant sur les plus vieux pour renseigner les autres.

Des années d'expérience lui permirent de combattre le vertige qui s'empara de lui, lorsqu'il franchit le seuil de la chambre inter-dimensionnelle, et de n'en rien laisser paraître, même si la plongée dans un autre espace-temps prenait son tribut sur l'âme et le corps. Une fois n'est pas coutume, les ombres sans visages l'avaient précédé, étrangement silencieuses.
Lorsqu'il voulut saluer, il fut sommé de garder le silence sans qu'aucune voix n'eût parlé.
Ils attendirent. L'atmosphère devint si respectueuse que Genryûsai ne se souvint pas d'avoir jamais été si impressionné. Puis il fut là sans que rien ne l'annonçât, comme si sa présence venait simplement de se dévoiler.
Au contraire des élus, son visage était clairement dessiné. Quant aux ombres changeantes habillant son corps, elles possédaient des nuances d'or et de bleu. Un court instant, si bref que Genryûsai crut l'avoir imaginé, une tache plus sombre, d'une circonférence minuscule, affleura et s'étala à la surface, avant de rétrécir et de s'enfoncer de nouveau sous la couverture du manteau d'ombres.

Le Roi.

Sans mot dire, Genryûsai s'inclina profondément. Il pouvait compter sur les doigts d'une seule main le nombre de fois où il s'était tenu ainsi devant Lui.

« Relève-toi, Genryûsai Shigekuni Yamamoto ».

Les sonorités graves de la voix impériale s'élevèrent dans la salle et leur écho se répercuta sur les murs et le plafond, résonnant aux oreilles du représentant des treize armées. Le roi s'adressait directement à son serviteur. Sa puissance était incommensurable.

« Nous demandons que tu désignes deux autres de nos capitaines pour nous servir ».

Si les traits de Genryûsai restèrent impassibles, il serra si fort le pommeau de sa canne que ses jointures en blanchirent.

« Le centre spirituel a regagné sa stabilité mais ses lois en ont été changées. Nous sommes contraint d'utiliser Byakuya Kuchiki et Zaraki Kenpachi, les deux fidèles âmes qui ont participé à sa reconstruction. Cependant, malgré leur toute-puissance, nous ne pouvons leur en imposer plus sans mettre en danger leurs esprits. Car nous abriterons désormais en notre sein les corps impurs, puis nous nous soulagerons sur nos serviteurs de telle façon qu'ils s'apurent dans la manifestation de leur reiatsu, dans un cycle permanent. »

Genryûsai leva un sourcil étonné. « Ainsi, leur condition n'est pas temporaire », déduisit-il. Il se remémora l'obscurité qui était apparue à l'instant sur le corps du roi.

« D'autre part, nous ne pouvons point faire appel aux pouvoirs spirituels de la nouvelle génération de nos égarés, lorsqu'ils s'écartent de nous. »

« Nos égarés... Le roi fait-il référence aux Hollows ? », se demanda Genryûsai. « Alors, il vient de mentionner les Arrancars », déduisit-il. « Sa Majesté n'a eu de relation directe avec eux que lorsque les brèches étaient ouvertes. Est-ce pour cela qu'ils ont récupéré intégralement ? ». Une question lui brûla la langue.

« Vous est-il possible de retirer la charge imposée au caporal Kan Utakata ? »

Le trouble qui s'imprima dans la mouvance des ombres colorées traversa fugitivement le champ de vision de Genryûsai.

« Les nœuds du temps ne peuvent se défaire. Nous avons jugé qu'il était de notre devoir d'honorer le vœu de Kan Utakata et nous l'avons assisté dans la protection de la plus jeune de nos soldats. Seul le regret de son action pourrait le libérer de sa conséquence. Cependant, cette si jeune âme se retrouverait alors exposée comme si elle n'avait point été protégée ».

« En d'autres termes, il existe désormais un lien entre tous ceux qui ont assisté à la fermeture des brèches. Un lien temporel, marqué par la cause et son effet, né du pouvoir royal, qui ne pourra jamais être brisé », interpréta Genryûsai.

Les ramifications de la perte des frontières entre les mondes se perdaient dans des suppositions sans fin. Dans un univers ayant retrouvé un équilibre modifié, Genryûsai contemplait son ignorance.

Enfin, se rappelant la raison de sa présence en ces lieux, il passa en revue les capitaines qui lui restaient.

Soi Fon : elle était très puissante. Être choisie l'honorerait. Cependant, elle était d'une loyauté aveugle, insensible à la pitié. Si ces qualités faisaient d'elle un chef des services d'espionnage et de la police militaire sans défaut, elles la disposaient déjà à une obscurité trop proche.

Retsu Unohana : sa gentillesse cachait un immense pouvoir. Elle possédait une grande maîtrise de celui-ci, avait une volonté féroce, et elle se sacrifierait volontiers pour le bien du plus grand nombre.

Sajin Komamura : sensible, mais son expérience et sa sagesse n'étaient pas à prendre à la légère. Il était fidèle et d'une loyauté extrême. Ses ordres seraient la seule motivation dont il aurait besoin, le seul appui qu'il lui faudrait.

Shunsui Kyôraku...

Genryûsai fronça les sourcils. Celui-là préférerait s'épargner cette peine, mais s'il le lui demandait, il se porterait volontaire sans hésiter. L'ennui, c'est que Jûshirô Ukitake ferait tout pour l'en dissuader et n'aurait de cesse de prendre sa place.
Il exhala un soupir exaspéré, ayant oublié l'endroit où il se tenait.
Ces deux inséparables amis étaient source de beaucoup de souci. Il ne pourrait faire l'affront à Jûshirô de l'écarter sous le prétexte de sa maladie. Pourtant, il était inenvisageable de s'en remettre à lui.
Il reprit la liste de ses capitaines.

Tôshirô Hitsugaya était le suivant : jeune mais brillant. Cependant, il s'emportait facilement. Il manquait encore trop de maturité.

Mayuri Kurotsuchi...

Genryûsai eut un blanc.

Ainsi donc, son choix était déjà fait. Affermissant sa décision, il déclara :

« Le capitaine Retsu Unohana, le capitaine Sajin Komamura ».

Un murmure parcourut les rangées. Autour de Genryûsai, les ombres s'agitaient, tandis que leurs voix se mélangeaient en un concert incompréhensible. Le roi écoutait.
Enfin, sa voix aux tonalités impériales s'éleva à nouveau :

« Nous ne désirons pas ternir l'éclat de la femme médecin. L'homme-loup contribuera seul à notre service. »

Genryûsai inclina la tête. Lorsqu'il la releva, le roi s'était retiré. L'assemblée s'éclipsa à sa suite, le laissant à ses pensées, frustré par ces quelques informations éparses desquelles il devait déduire toute la signification de ce qui y était vraiment arrivé.

Le Shinigami connaissait l'existence du pouvoir spirituel, garant de l'équilibre des mondes, dont le roi faisait partie. La création et l'utilisation du Hôgyokû ayant brisé lois et frontières, la balance des pressions spirituelles dans ce centre était irrémédiablement modifiée : ténèbres et lumière s'y étaient inextricablement mêlées. Refermer les failles qui, selon les dires de Mayuri Kurotsuchi, y donnaient accès, n'avait pas pu se faire sans exposer le roi à l'intensité dangereuse d'une énergie constituée du reiatsu mixte d'un Shinigami et d'un Arrancar.
Les conséquences de cette exposition étaient inconnues de Genryûsai. Il ne pouvait pas admettre qu'il soit impossible au roi d'endurer une émanation d'énergie maléfique issue des Arrancars, quelle que soit son intensité et sa violence. Cependant, Genryûsai avait compris que ce n'était pas la personne du roi elle-même qui avait été en danger. Le roi avait protégé quelque chose en accumulant en lui des souillures, celles qui infectaient à présent le reiatsu des capitaines et du caporal. Et il venait d'apprendre que la fermeture des brèches n'avait pas fait cesser la nécessité de cette purification.

Conclusion, un concentré d'émotions agressives et malveillantes était à présent intégré à l'existence royale.

Pourquoi le roi devait-il faire appel aux capitaines du Gotei pour se décharger de ces impuretés en les incluant dans leurs reiatsus, conduisant à la formation d'une énergie spirituelle ténébreuse ? Cela restait pour lui un mystère. Il ne pouvait qu'imaginer que, peut-être, la capacité corporelle du roi avait une limite. Ce qui expliquerait que, lors de l'opération Dominos, l'arrivée massive, soudaine, et prolongée du reiatsu mixte avait amplifié une charge au-delà du supportable pour l'Être Physique du roi, ce qui l'avait conduit à se soulager avec violence sur ses sujets. Ou bien, était-ce le nouvel ordre des choses, tel que l'avait souligné Retsu Unohana ? Lumière et ténèbres devaient se manifester dans les trois mondes en un nouvel équilibre.

Perplexe, mais réaliste, Genryûsai considérait trois points. Le premier, qu'il était impossible, pour ceux qui avaient participé à la fermeture des brèches, de rejeter la présence de leur reiatsu corrompu. Les Arrancars l'avaient assimilé. Les Shinigamis devaient s'y adapter. Le refuser signifierait mettre la mission du roi en péril. Le second, que trois des capitaines du Gotei allaient désormais être utilisés par le roi pour apurer les maléfices accumulés par Sa Personne. Le troisième, que le jeune caporal était épargné de cette obligation et qu'il était possible que son reiatsu se restaure en totalité, à la condition qu'il retrouvât l'usage de son shikai, en vue de ce mystérieux apurement dont le roi avait parlé.
Vraiment, il existait encore beaucoup de choses qu'on ignorait autour du Roi spirituel, du reiatsu et des zanpakutôs, se disait Genryûsai, et ce qui le perturbait également, c'était le terme dont s'était servi le roi pour nommer les Hollows : "nos égarés". L'énergie spirituelle, quelle que soit la façon dont elle se manifestait, semblait reliée.

Une perplexité différente régna, par la suite, parmi les quelques anciens du clan Kuchiki qui avaient été informés des dangers qu'avait couru leur monde, et des conséquences auxquelles leur leader était maintenant confronté pour avoir participé à sa sauvegarde.

La convocation royale fit grand bruit, éclaircissant une situation qui d'incertaine devint compliquée. Car il n'était désormais plus question de vouloir purifier le reiatsu de leur seigneur.
Les reiatsus mêlant lumière et ténèbres étaient nés lors d'une réaction royale à la fermeture des brèches. Cette réaction, dont la raison était inconnue d'eux, ne pouvait être remise en question. Une seule conduite honorable était envisageable : l'acceptation de la pression spirituelle mixte de leur seigneur.
Leur statut exigeait d'eux qu'ils se conforment à la volonté impériale, qu'ils apportent leur aide quand elle était requise. Leur rang les plaçait parmi les premiers à honorer ce devoir. Mais leur fierté ne pouvait se satisfaire d'un leader impur.
Pourtant, cette impureté avait été placée là par le roi lui-même. Qui étaient-ils pour juger Byakuya impropre à sa fonction ?

Un conseil restreint de membres triés sur le volet s'était réuni tardivement pour statuer. Au milieu d'une confusion de voix et d'avis différents, l'ancien chef de leur clan se leva pour prendre la parole.

« Il est trop tôt pour que nous puissions parvenir à des conclusions. Nous ignorons encore trop de choses. Comme nous l'a fait remarquer Byakuya, ce n'est que par la maîtrise de son pouvoir que nous saurons l'impact véritable de la présence des ténèbres sur celui-ci. Il n'est point encore parvenu à ce stade. Cependant, il est, et reste, un serviteur de Sa Majesté, un membre dévoué du Gotei et de notre Famille. N'est-ce point tout ce qu'i savoir ? »

Byakuya restait silencieux, ayant dit tout ce qu'il avait à dire. Il se sentait aussi troublé que le conseil, fier de l'investiture royale, frustré par sa peine à en accepter tous les aboutissants.

Ses pensées s'égarèrent et voyagèrent vers une place défaite, envahie de terre et de pierrailles, où se tenait un démon aux crocs menaçants. Dans l'obscurité de la nuit, ses orbites vides de regard perçaient les ombres enveloppantes et venaient une nouvelle fois à sa rencontre.
Il se voyait déverser sur le possesseur de cette mâchoire béante une pluie drue de lames roses et violettes, envoyant par vents furieux de reiatsu des giclées acides jusqu'au dresseur de la bête, planqué dans l'ombre des gradins.

L'attaque était stoppée, et il s'enorgueillissait, jouissait de la déconfiture de l'ennemi qui gisait en pièces sur le sol. Un rictus sardonique déformait ses traits, étrange, vainqueur, puissant, jusqu'à ce qu'une main sur son épaule le surprenne et l'arrête.

« Byakuya ? »

Il se retrouvait face à Renji, couvert d'entailles ; il avait devant lui les restes épars de Zabimaru ; et dans sa main, sa lame reflétait la soif de sang qui l'avait habité un instant.

Telles étaient ses sessions d'entraînement. Parfois, il se laissait emporter par un sentiment si sauvage qu'il ne pouvait se protéger de la malignité qui le submergeait. Renji était celui qui le sauvait chaque fois.

« Tout va bien, Renji, disait-il alors, nous continuerons demain.

— Haï, taichô, lui confirmait Renji avec enthousiasme, comme s'il ne l'avait pas vu glisser vers son jumeau infernal, vous avez tenu plus longtemps cette fois-ci.

— Oui, je le pense ».

Il avait conscience que souvent sa voix était lasse, malgré les mots optimistes qu'il s'efforçait de prononcer. Ces batailles quotidiennes, dans lesquelles il laissait son zanpakutô puiser dans un reiatsu empoisonné, menaçaient de rompre une alliance qu'il maintenait péniblement. Il ne se détachait pas du dégoût que lui inspiraient les noirceurs de Senbonzakura. Lorsqu'il libérait son shikai, une bile âcre suintait aux pieds des arbres en fleurs, bouillonnait sur ses terres, et faisait pencher la balance vers l'obscurité de son pouvoir.
Sans Renji pour s'offrir aux errements de ses coups, sans sa force pour résister aux odeurs pestilentielles émanant de ses bouquets corrompus, sans son extraordinaire tolérance à celui qu'il était devenu, Byakuya, seul et isolé, aveugle à toute miséricorde, aurait lutté sans fin sans jamais retrouver la lumière.

« Demain matin, nous nous limiterons aux bases », lui déclarait immanquablement Renji.

« Les bases : la méditation, l'écoute et la connaissance de nos pouvoirs », songeait Byakuya, alors qu'autour de lui les représentants du conseil continuaient de débattre dans un calme relatif.

Renji pouvait sans crainte subir les morsures vénéneuses de Senbonzakura, parce que, lui avait-il expliqué, l'intention meurtrière était absente durant leurs premières passes d'arme : sombres ou claires, les lames obéissaient à la volonté de leur maître. Mais lorsque leurs échanges se prolongeaient, la joute amicale se changeait en combat véritable, où la violence du zanpakutô éclatait au grand jour.

« C'est parce que tu ne lui pardonnes pas ce qu'il est à présent, lui avait dit Renji. Il n'y a de malignité en Senbonzakura que celle que tu veux y apporter. »

La première fois qu'il avait prononcé cette phrase, Byakuya n'avait pas compris. Mais Renji revenait sans cesse dessus, disant que, quelle qu'ait été leur origine, les émotions ténébreuses qui l'habitaient lui appartenaient à présent, et donc, qu'elles s'éclaireraient un jour. Ce serait presque aussi simple que de le vouloir. Il suffisait juste qu'il change sa manière de les considérer.

Byakuya n'était pas sans connaître la violence et la cruauté du monde, mais il l'avait toujours regardée avec hauteur. Car il symbolisait la justice, sa parole était calme, ses actions étaient droites, et ses sentiments étaient purs.
Renji avait une connaissance différente des misères humaines. Il vivait dans l'ambiguïté du monde. Il avait connu le respect douloureusement entaché de haine. Il avait trempé son esprit dans des combats fratricides où son cœur s'était déchiré et pour lesquels il s'était détesté. Il avait subi l'injustice d'une naissance sans pouvoir. Il avait vécu le ventre creux pendant que d'autres se gorgeaient de douceurs. Il connaissait les pensées les plus noires de ceux à qui tout avait été refusé.
Et pourtant, Renji n'avait jamais baissé les bras. Il gardait un regard dépourvu de malice. Renji souriait, riait avec éclat. Il pleurait d'émotion à l'ombre discrète des arbres, et sa chaleur se répandait avec largesse sur les douleurs de ceux et celles qui en manquaient.

Alors, Byakuya réfléchissait à ses paroles. L'animosité qu'il sentait en lui venait-elle de la fange recouvrant partiellement son monde intérieur ou était-elle la sienne ? Peut-être nourrissait-il lui-même les miasmes de cette obscurité ? Pour reconquérir Senbonzakura, il devrait d'abord le vouloir, sans aucune réticence.

L'assemblée, tenue à huit-clos, se termina sur un consensus d'attente.

« Que de temps perdu en vaines paroles ! », maugréa Byakuya, en pressant le pas pour rejoindre Renji qui devait l'attendre dans ses appartements, depuis un moment déjà.

Ginrei suivit des yeux son petit-fils avant qu'il ne disparaisse à l'angle du couloir. Les fluctuations de son reiatsu étaient imperceptibles, mais il savait qu'elles étaient présentes.
Repérer le lieu où le couple disparaissait chaque matin n'avait pas été difficile : le lieutenant Abarai échouait toujours autant à lui cacher sa présence.

Les yeux du vieil homme se refermèrent sur ses souvenirs, certains récents, d'autres passés. Quand il avait vu les deux amants pratiquer côte à côte, il avait été ramené en ce matin pas si lointain où Senbonzakura avait manifesté sa présence autour de Byakuya, son énergie maîtrisée et canalisée, son existence révélée dans le lien qu'ils partageaient.
Or, ce jour où il les avait suivis et où il avait observé leurs exercices de base, au lieu de l'appréciation familière, ce fut la désolation qui avait envahi son cœur. Car les spirales effeuillées qui étaient nées du sabre de son petit-fils avaient été empreintes de confusion et de doutes. Elles l'avaient encerclé d'un anneau aux mille fragments couleur de deuil, comme si son union avec le zanpakutô s'était consumée dans les reproches et les regrets.

« Waouh ! C'est la première fois que je te vois faire ça. Senbonzakura, il est vraiment extraordinaire, hein ? » avait alors déclaré Renji Abarai, partenaire, pour le meilleur ou pour le pire, de son petit-fils.

« Pourquoi cet imbécile vient-il de rompre un moment si solennel ? Ne voit-il point combien il est crucial de rester silencieux ? », avait désapprouvé Ginrei, de l'endroit où il s'était posté. Mais à sa grande surprise, Byakuya, ni incommodé ni offusqué par l'interruption de l'étourdi, avait répondu :

« Je ne l'ai pas encore pleinement accepté mais je m'y efforce. Et je tire quelque fierté du niveau d'entente à laquelle nous sommes parvenus.

— Je me demande si on pourrait faire ça, Zabimaru et moi. »

Instantanément, la concentration de reiatsu de son petit-fils s'était dissipée. Byakuya avait tourné la tête vers son amant, son bras s'était figé net dans son mouvement.

« Eh voilà ce que je disais ! Byakuya laisse à cet hurluberlu bien trop de liberté », s'était lamenté Ginrei. « Je vais devoir trouver pour l'assister une personne plus appropriée que cet homme dissipé. Il a beau manifester toute la bonne volonté du monde, il ne convient décidément point. »
Quelques secondes tendues avaient passé, au bout desquelles Byakuya avait repris le souffle qui avait semblé lui faire défaut.

« Fais-moi la grâce de ne jamais tenter une telle expérience.

— Mais, pourquoi ? »

Byakuya s'était enfermé dans une profonde réflexion. Ginrei avait deviné qu'il hésitait à répondre. « Byakuya ne s'est jamais montré aussi peu désireux de vexer quelqu'un », en avait-il conclu. D'ailleurs, le regard totalement perplexe du vice-capitaine indiquait que ce dernier n'avait pas la moindre idée du niveau d'habileté et de contrôle qui était requis pour maîtriser ce type de manifestation. Or, surprenant son grand-père, Byakuya avait déclaré, en reprenant ses exercices comme si de rien n'était :

« Il est des choses en ce monde qu'il vaut mieux ne point connaître ».

Cela avait été au tour de Renji de regarder son capitaine avec des yeux ahuris, puis, s'apercevant qu'il ne pourrait rien en tirer de plus que cette phrase sibylline, il avait haussé les épaules, et avait, lui aussi, relevé son sabre.

À partir de ce moment, l'inquiétude de Ginrei s'était apaisée. L'énergie spirituelle qui s'écoulait autour de Byakuya était plus stable et plus imposante qu'elle ne l'avait été au début de leur entraînement, le remplissant d'espoir pour le futur.

Il venait d'être témoin de l'influence de Renji Abarai sur l'humeur et le moral de Byakuya. Il ne se douta jamais que ce jour-là, nulle inspiration profonde telle que l'amour ou la communion des âmes n'avait guidé le progrès amorcé chez son petit-fils. C'était beaucoup plus terre à terre, commun et simple, mais tout aussi magnifique : c'était un amusement affectueux qui naissait de leur vie quotidienne.
En effet, Byakuya n'avait pas pu se retirer de la tête les futurs et hypothétiques essais de Renji sur la découverte de l'essence de son zanpakutô. La combinaison de la force brute de Zabimaru et de l'inévitable maladresse de son maître avaient fait survenir de drôles d'idées : « Un feu d'artifice aux bouquets rouges incontrôlés explosant les tuiles qui couvrent nos dojos ? Une grêle d'osselets à pointes embrochant tous mes hommes à la ronde ? Un troupeau de singes à queue de serpent se balançant aux branches des marronniers séculaires de la cour d'honneur ? Des mini Renji à fourrure, s'égaillant par monts et par vaux(1) ...»
L'esprit distrait de son maître, pour la première fois soulagé des pensées infortunes qui ternissaient habituellement sa communication avec lui, avait permis à Senbonzakura d'émerger sans contrainte, et sa spirale bicolore s'était envolée, puissante et glorieuse, vers le ciel bleuissant du jour se levant.

Révélée dans son unité, il ne manquait que le désir de Byakuya pour que sa nouvelle force lui soit entièrement acquise et que les deux sources de son pouvoir s'entremêlent en un équilibre harmonieux et stable.

Quelques jours plus tard, douzième division

En ce qui concernait le capitaine de la douzième division, la seule harmonie qu'il recherchait actuellement se résumait à l'arrangement de bocaux sur une étagère de l'un de ses laboratoires.
D'une main à la maigreur marquée par ses phalanges apparentes, il fit pirouetter l'un d'entre eux, jusqu'à ce que l'étiquette qui en indiquait le contenu s'aligne avec celles des autres.

« Je suis entouré d'incompétents », déclara-t-il, d'un ton précieux.

Dans la vaste salle spécialement arrangée pour l'une de ses nombreuses recherches, cinq réservoirs cylindriques, de taille humaine, étaient alignés contre un mur. À leurs bases, des tuyaux d'une circonférence plus grande que la moyenne lovaient leurs anneaux dans un enchevêtrement impossible à décrire. À hauteur de regard, une inscription placardée sur leurs parois translucides devait informer un observateur éventuel de leur contenu, mais il faisait trop sombre dans ce coin de la pièce pour pouvoir la lire.

On pouvait entendre le bruit de grosses bulles, remontant à l'air libre, éclater à la surface d'un liquide. La lueur rouge radiant de l'intérieur des cuves laissait apercevoir l'agrégat qui y était immergé. Parfois, une pulsation de l'amas, comme une crispation de douleur, faisait naître une onde qui se heurtait aux cloisons transparentes, provoquant des remous donnant l'impression que ce qui baignait là cherchait à s'échapper.

Au centre de la salle, une paillasse était éclairée par une lumière crue provenant du plafond. La surface de travail, carrelée, était encombrée d'instruments et d'ustensiles divers. Posée en bout de table, une machine bourdonnait légèrement. Elle était reliée par de nombreux fils à un échantillon de culture, de forme indistincte, à la texture gélatineuse, qui s'étalait dans une bassine métallique aux parois évasées. La substance rappelait celle cultivée dans les cuves, si ce n'était le volume, plus petit. Quelques grésillements provenaient des aiguilles grattant un papier à mesures qui oscillaient si rapidement que la feuille se couvrait d'encre noire, illisible au regard d'un autre que le remarquable scientifique.

« Fort bien », dit celui-ci après y avoir jeté un regard approfondi.
Mayuri arrêta la machine et retira les fils fichés dans la masse autrefois incorporelle.

Il posa récipient et contenu au-dessus d'une flamme verte, et recouvrit la cuvette d'un couvercle pointu, percé d'un trou en son sommet. Il raccorda l'ouverture à un tube de verre, le premier parmi une série qui reliait entre eux des réservoirs sphériques, des tubulures de cuivre en serpentin, et d'autres récipients posés sur d'autres flammes de diverses températures. Placés à l'extrémité de cet alambic très spécial, un pot, en tout point semblable à ceux de l'étagère, attendait de recevoir le produit de la distillation.

Depuis quelque temps, on ne lui réclamait plus à tout bout de champ de compte-rendu sur cette recherche particulière. « Qu'il fait bon vivre ignoré de tous », se disait-il parfois. Il ne se souciait guère de la contradiction qui l'habitait, alors qu'il avait réclamé à cor et à cris le respect et l'intérêt de ses collègues. Non, à présent, plongé dans cette nouvelle expérience, rien d'autre n'existait plus à ses yeux que les promesses de celle-ci. À tel point qu'il en avait oublié sa raison première et s'écartait du but officiel.

Un vacarme épouvantable parvint à ses oreilles. Un tremblement parcourut tous les murs de la division. Le bâtiment parut s'ébranler sur ses fondations. À l'intérieur du laboratoire, les pots sur l'étagère s'entrechoquèrent. Mayuri se rua vers la bassine posée sur le brûleur et la stabilisa avant qu'elle ne bascule sur le sol, emportant avec elle le fragile montage de matériel délicat.

Le calme revenu, il hurla d'une voix outrée et rageuse :

« NEMU ! »

Des bruits de pas saccadés résonnèrent dans le couloir. Quelqu'un courait. Puis, un pauvre hère apparut dans l'embrasure de la porte, les cheveux en bataille, les sourcils calcinés, les joues charbonnées et les vêtements guère mieux que des guenilles.

« Kurotsuchi taichô, vvvveuillez excuser ma pr-présence.

— Qui es-tu ? demanda l'exécrable capitaine, sans reconnaître l'un de ses subordonnés.

— Ka-kazuo Koike, affecté à la ggggarde de la porte d'entrée, ttttaichô. »

D'un geste aérien, dont on ne savait pas s'il était marqué par le mépris ou l'indifférence, Mayuri Kurotsuchi enjoignit le tremblant Shinigami de relater son histoire.

« Cccc'est Zaraki Taichô, monsieur, il est à notre porte et demande à vous voir. Si-sinon, il ne se contentera pas ddd'exploser les ventaux, a-t-il dit, ta-taichô.

— Ah, je l'avais oublié celui-là. »

Mayuri ouvrit quelques tiroirs, farfouilla à droite et à gauche, pour finalement sortir d'un immense placard une grande boîte noire.

« Tiens. Va donner à cet escogriffe ce pourquoi il est venu et qu'il ne me dérange plus : j'ai fait assez de bandeaux pour les dix ans à venir, dut-il les perdre autant de fois qu'en ces trois mois. »

Sans demander son reste, l'humble planton s'enfuit de l'antre terrifiant.

Revenu à ses amours, le scientifique admira la couleur du gaz se propageant dans les tubes, la lente naissance d'une goutte de liquide coloré, achevant sa descente jusqu'au récipient destiné à la recevoir. Bientôt, ce dernier fut rempli.

Il alla rejoindre les autres sur l'étagère, l'étiquette dûment visible. "Aeneas, rancune : solution à 10 %", était-il écrit.

« Nul n'est plus ingénieux que moi, s'enorgueillit le redoutable scientifique de sa voix railleuse aux accents inspirés. Qui d'autre aurait pensé que les constituants d'une énergie maléfique pouvaient prendre une forme si élémentaire ? Aeneas est vraiment un sujet de choix. Quel dommage qu'il ait fallu le laisser partir. »

Sur d'autres pots, on pouvait lire : "Aeneas, regret : solution pure", "Aeneas, haine : solution à 90 %"...

Hueco Mundo

Au Hueco Mundo, inconscient et ignorant des suites qu'avaient pris l'exploration de sa psyché, après que le scientifique des Shinigamis ait effectué tous les prélèvements possibles et imaginables sur lui et son reiatsu, Aeneas s'aventurait dans une liberté qu'il n'avait jamais connue lors de sa vie sur Terre.
Le monde où il avait choisi de vivre dorénavant était grandiose. Aucune forme d'hypocrisie n'y régnait. La loi était simple : tuer ou être tué, et l'humain en lui savourait la puissance sauvage qui lui permettait de faire partie des vainqueurs.

Dans le passé, Aeneas n'avait pas connu la domination corrompue d'Aizen comme les autres Arrancars. Eux avaient abandonné leurs instincts dans une lutte de rivalité et de pouvoir. Tuer par avidité, sur l'impulsion de l'instant, tuer pour acquérir de la force, tuer pour se nourrir, tuer pour se défendre n'avaient plus été leurs uniques motivations. À leurs actions s'étaient mêlés la pitié, la foi, le désir de plaire, la curiosité, la ruse, la traîtrise, l'ambition, la brutalité réfléchie et volontaire... Pendant cette période où ils s'étaient réunis sous la bannière d'un seul, bien d'autres émotions avaient semé leurs graines dans le vide qui autrefois avait été leurs cœurs.

Cependant, Aeneas était spécial. S'il n'avait pas été créé par Aizen, à proprement parler, il devait son existence à la cruauté du monde réel et aux aberrations engendrées par le Shinigami criminel. En lui existait le Hollow à la mémoire humaine. Et son âme s'était fragmentée, forgée dans une mort haineuse du monde, où la vengeance et la rancune se mêlaient à la soumission, le besoin de reconnaissance et de soutien.

Alors qu'aujourd'hui, chacun, du scolopendre rampant sur les sables à l'Arrancar faisant souffler le vent des batailles, aurait pu arpenter les dunes et hurler à la lune son cri primal, rien n'était aussi simple.

L'idée que l'univers formait un tout, l'idée que seule l'union de leurs forces avait pu sauver leur monde, avaient modifié à jamais l'existence des Arrancars. Car en défendant le Hueco Mundo, ils étaient devenus responsables de son avenir. Peut-être n'en étaient-ils pas conscients. Mais leurs actions futures seraient inévitablement dépendantes des événements passés.

Grimmjow, nonchalamment assis en tailleur au sommet d'une tour brisée, jetait à la ronde un regard vide d'ennui autour de lui. Les preuves évidentes des festins macabres ayant eu lieu ces jours derniers noircissaient le sable blanc. Les Hollows s'étaient massacrés dans Las Noches et le palais ouvrait ses portes sur un désert béant.

Bientôt, d'autres viendraient repeupler ces lieux, restes de pauvres âmes, submergées par leur peine et leur ressentiment, qui ne se rappelleraient pas ce qui les avait amenés là. Bientôt, les dunes plongées dans l'obscurité résonneraient de nouveau sous le fracas des luttes engendrées par la poursuite d'un désir effréné.

Maintenant, ils étaient peu nombreux ceux qui parcouraient encore ces terres.

Les yeux turquoise s'aiguisèrent. Grimmjow releva la tête et ferma les paupières. Une aura meurtrière apparaissait non loin.

« Il recommence », murmura-t-il, grinçant des dents.

Il disparut dans un sonido éclair, éjectant l'infime couche de poussière qui recouvrait les débris de pierre sur lesquels il s'était tenu.

Nell courait à perdre haleine, laissant derrière elle une piste salée de larmes fraîches et de morve qui lui coulait du nez.

« Grimvjow ! », hurla-t-elle à pleins poumons, dès qu'elle le vit apparaître en face d'elle.

Elle se rua sur l'Arrancar aux cheveux bleus comme si sa vie en dépendait. Grimmjow la reçut contre lui, la maintenant vigoureusement contre son torse de son bras droit. Et du gauche, il accueillit, d'un coup de poing sous le menton, l'agresseur qui s'était jeté aveuglément sur elle.
Percuté violemment, Aeneas effectua un vol plané monumental. Il finit sa course la face fracassée contre un mur dont le faîte s'écroula dans un crac sinistre. Plus ou moins enseveli dans les décombres, il ne se releva pas.

Tremblante, Nell dardait un œil craintif vers le jeune adolescent gisant inconscient.

« Il va le sentir passer, celui-là », commenta Grimmjow, narquois.

Sauve, Nell se calma et se pelotonna contre lui. Il la laissa faire, et s'assit. Le jeu s'était terminé dans la peur.

Un mouvement dans l'air annonça l'arrivée imminente d'un puissant Hollow derrière lui.

« C'est maintenant qu't'arrive ? demanda Grimmjow, sans même se retourner.

— T'étais là, non ? répondit une voix grave et ennuyée.

— C'était moins une. Il aurait pu la tuer.

— Il a recommencé ?

— Yep. Ça empire, et le Shinigami qui va arriver. »

Grimmjow regarda Aeneas et feula d'exaspération.

Sur ces entrefaites, Lilinette se montra, complètement essoufflée. Les poings sur les hanches, elle avisa d'un air fâché l'individu arrivé en premier.

« T'aurais pu m'attendre, lui reprocha-t-elle.

— Cours plus vite », répondit Stark.

Vexée, Lilinette se laissa retomber lourdement sur le sable, et bouda, le coude sur un genou, le poing sous le menton, copiant parfaitement l'attitude que prenait parfois Grimmjow.

Un silence tendu régna un moment dans le groupe. Le comportement d'Aeneas minait le moral de la troupe. À bout, Stark finit par hausser les épaules et se détourna d'eux, feignant l'indifférence. Pourtant :

« Je garde Nell avec moi pendant quelques jours, tu pourras régler le problème d'Aeneas d'ici là ? », proposa-t-il.

Une grimace qui se voulait sourire barra le visage de Grimmjow.

« Je veux ! »

« Et zut, je me suis encore fait avoir », pensa Stark. Alors que seul un ordre direct d'Aizen pouvait amener l'ancien primera espada à agir, Stark était sans cesse tenté d'apporter son soutien à Grimmjow, comme s'il lui était inféodé.

Stark reporta son attention sur Lilinette, installée à côté de Grimmjow. Elle arborait maintenant un air satisfait et joyeux. Il regarda Nell, épuisée par ses pleurs, toujours nichée au creux des bras de son sauveur. Ce dernier avait son regard fixé sur Aeneas. L'expression un brin soucieuse mais surtout embêtée de son visage, avait été rapidement remplacée par un masque de volonté féroce. Aucune des deux fillettes ne tressaillit quand il sentit émaner de l'Arrancar une aura de fureur.

Fidèle à ce qu'il représentait, Stark savait que Grimmjow allait combattre et anéantir ce qui nuisait à Aeneas, quel que fût ce qui était à l'origine de ces débordements aveugles, où leur étrange compagnon ne faisait plus la différence entre alliés ou ennemis.

L'illusion de camaraderie du temps de l'espada s'était enfuie. Stark ne la regrettait plus. L'amitié était inaccessible aux Arrancars, car, instinctivement, ils se soumettaient au plus fort. Mais cette domination avait changé de nature. Dans la horde qu'ils formaient, ne régnaient ni peur, ni extorsion, ni menace, mais un sentiment de sécurité et d'espoir qui les avait rassemblés.
Stark n'avait nul besoin d'être protégé, du moins, pas en ce qui concernait la puissance spirituelle. Mais il avait touché du doigt sa faiblesse, alors qu'il errait sans but dans un monde en destruction. Grimmjow, lui, n'avait jamais abandonné. Plus encore, il avait accepté Nell et à présent, il se chargeait d'Aeneas et de sa cohorte de problèmes. Cette forte volonté, cette motivation inépuisable, étaient devenues l'ancre qui l'empêchait de sombrer.

Au Hueco Mundo, un nouvel ordre s'instaurait.

Soul Society, manoir Kuchiki

C'était mouillé. Enfin, non : c'était humide.

« Et agréable. Oui, c'est très agréable, presque savoureux. Définitivement sucré, pour tout dire. »

Et cela continuait, cela l'enveloppait de douceur, à tel point qu'il en frémissait.

« Mmm..., gémit-il.

— Il est l'heure », entendit-il, en même temps qu'il perdait cette impression voluptueuse qui l'avait submergé.

Renji ouvrit les yeux. Penché sur lui, un visage fin aux traits nobles et délicats le regardait, avec un air illisible.
Le léger baiser de Byakuya venait de le réveiller de façon très intime.
Renji tendit les bras en se relevant. Il embrassa goulûment son amant, obtenant qu'il écarte les lèvres par un jeu de langue insistant. Les mains sur sa nuque, les doigts enfouis parmi la masse ébène de ses cheveux, comme assoiffé, il ouvrait ses sens à peine éveillés aux sensations qui lui parvenaient.

La texture soyeuse contre la peau rêche de sa paume, le frôlement de leurs nez, odeurs et sons précurseurs d'intensité amoureuse, la plongée dans l'antre où leurs salives se mêlaient, sa langue frôlant la sienne qui voulait s'échapper, jouant, lentement, profondément, revenant vers ses lèvres douces et se replongeant vers sa gorge chaude. Il avait besoin de lui, de son contact, de sa présence. Toute sa personne le criait, ses os, ses chairs, ses muscles et ses nerfs. Son sang s'agitait, et il le retourna d'un seul mouvement de son torse pour le plaquer sous lui.

Un désir éperdu animait Renji, Byakuya pouvait le sentir. Il se laissa gagner par cette fièvre matinale, son corps répondait aux suggestions érotiques de celui qui recouvrait le sien. C'était lui à présent qui entourait le cou de son amant dans la fermeté de ses deux bras, et leur baiser s'approfondit, alors qu'à son tour l'excitation le gagnait.

Une dernière lueur de raison atteignit le noble seigneur : les minutes qui s'égrainaient, la session d'entraînement qu'il faudrait annuler ; et puis plus rien n'eut d'importance, autre que l'incendie qui se propageait sans frein et qu'il lui fallait éteindre.

Empli, accueillant, complet, lui-même. Deux et un, en même temps. Dedans, autour, aimant, aimé. Leurs bouches s'étaient éloignées, leurs yeux ne se quittaient pas. Seul le bruit de leurs respirations lourdes se faisait entendre. Ils glissaient l'un contre l'autre, si parfaitement unis. Les frottements de leurs hanches se faisaient caresses exigeantes et pleines. Ils y cédèrent. Qui prenait l'autre ? Qui devenait sien ? Le besoin physique se fit paroles d'amour. Leurs yeux ne se quittaient pas. Leurs respirations rythmées se firent chant d'allégresse, puis, ils reposèrent, récupérant leurs souffles, retrouvant leurs forces enfuies dans la vigueur de leur orgasme.

« C'est innovant comme exercice d'entraînement, ce matin, conclut Byakuya.

— Ah ! Désolé, fit Renji, légèrement contrit.

— Je ne le suis point, déclara Byakuya.

— Oye ! À me dire ça comme ça, je vais me sentir d'attaque pour un deuxième round en un rien de temps.

— N'abuse point de ta chance. Il est définitivement l'heure de se lever. Nous nous retrouverons après la session de ce soir.

— C'est que...

— Oui ?

— J'ai quelque chose de prévu, ce soir.

— Voyez-vous cela...

— Tu sais, je t'en ai parlé : ce fameux pari avec Madarame-san, sur qui d'entre vous, du capitaine Zaraki ou de toi, se réveillerait en premier.

— Stupidité et non sens, soupira Byakuya.

— Désolé.

— Et qui a gagné ? s'enquit le noble, l'air fermé.

— Euh... Madarame-san.

— Je vois, commenta Byakuya, énigmatiquement.

— De quelques minutes seulement, presque rien, précisa Renji, sur le qui-vive.

— Je n'ai aucune raison de me vexer pour pareille insignifiance », déclara Byakuya en se levant.

Il gagna la salle de bain, laissant Renji sourire à son aise de la susceptibilité aristocratique.

La journée passa. Renji quitta la sixième division comme à son habitude. Byakuya prolongea son travail et dîna sur place. Il était déjà tard lorsque le capitaine de la sixième division, se dirigeant vers l'arène où il s'entraînerait seul ce soir-là, décida de prendre un chemin bordé de tavernes.

Au même moment, dans un restaurant de cette même rue, trois Shinigamis s'étaient réunis autour d'un repas copieusement arrosé.

« Qu'est-ce qui lui a pris, au capitaine ? Partir comme ça, sans prévenir, ronchonna Ikkaku.

— Sûr, je n'arrive pas à croire qu'il se soit porté volontaire pour une mission diplomatique au Hueco Mundo ! Il y a anguille sous roche, appuya Yumichika.

— Une mission au Hueco Mundo ? se renseigna Renji.

— Oui, c'est ce Grimmjow Jaggerjack qui a réclamé l'envoi d'un messager lorsque nous aurions l'assurance que tout est rentré dans l'ordre.

— On a été alliés après tout », commenta Renji, sans grand intérêt pour l'affaire.

Il haussa les épaules et resservit les tasses vides.

« Portons un toast à la santé de nos capitaines », proposa-t-il.

Ils joignirent leurs coupes.

« Force et puissance, vociféra Ikkaku, déjà éméché.

— Volonté et courage, brailla Renji en écho.

— Grâce et beauté », chantonna Yumichika.

Les deux premiers regardèrent le troisième, interloqués, et éclatèrent d'un rire tonitruant.

« Za-zaraki taichô, gracieux ? s'étouffa Ikkaku, les larmes aux yeux.

— Vous n'y connaissez rien, affirma Yumichika, vexé.

— Je ne saurais être associé en ces termes à votre capitaine. »

Un étranger à leur joyeux trio venait d'interrompre leurs libations.

« Taichô ! Que faites-vous ici ? », s'écria Renji.

Le capitaine Kuchiki s'était approché de leur tablée sans qu'ils s'en aperçoivent. Bien que son air sérieux puisse en refroidir plus d'un, il n'émanait de lui ni agressivité ni ennui. Il fixait son regard sur Renji, ignorant proprement ses deux compagnons de beuverie.

« Je vous ai entendus de la rue, et j'en ai profité pour voir si ta réunion se finissait bientôt, Renji. Je doute de l'efficacité d'un entraînement sans partenaire. J'ai décidé de l'annuler si tu ne peux point me rejoindre.

— Les amis... pria Renji, en sollicitant leur permission.

— C'est bon, Renji. De toute façon, il aurait fallu qu'on rentre bientôt, avec le capitaine absent.

— Merci.

— Pas de quoi. Bon entraînement ! »

Renji se leva, déposa de l'argent sur la table, puis emboîta le pas de son capitaine vers la sortie.

« Hum ! Bizarre, fit Ikkaku.

— Tu ne crois pas qu'entre eux... », commença Yumichika.

Ils regardèrent les deux hauts-gradés de la sixième division franchir le pas de la porte, pensivement.

« Noooon », se reprirent-ils vivement, en se retournant l'un vers l'autre, tout en hochant négativement la tête avec véhémence, comme pour en chasser une idée absolument loufoque.

Dehors, Byakuya et Renji cheminaient dans les rues escarpées du Seireitei, en direction du stade abandonné. À cette heure-ci, ils croisaient encore quelques rares passants. Aux yeux de tous, ils n'étaient que ce qu'ils paraissaient : un capitaine et son vice-capitaine.

Byakuya marchait devant, silencieux et imperturbable, offrant à Renji la vue unique du blason de la sixième division, flottant sur ses épaules. Renji souriait, comblé et serein, détenteur d'un trésor dont eux seuls connaissaient la valeur.

Obéir et protéger, un lieutenant servant son capitaine. Nulle part, il n'était question d'aimer.

F I N


(1)Pardon, j'ai craqué : c'est l'épilogue et je me suis laissée emporter ! Mais j'ai laissé, et si cela vous semble OOC, considérez ceci : Byakuya est soumis à beaucoup de stress. Il faut bien qu'il relâche la pression, au moins dans le secret de ses pensées. Et vous conviendrez avec moi, que par bien des côtés, il trouve Renji adorable...


Disclaimer : Bleach est un manga de Tite Kubo, à qui j'ai emprunté les personnages et l'univers, en espérant qu'il veuille bien me pardonner l'abus que j'en ai fait, pour notre amusement le plus sincère.


Voilà, c'est fini. Mon cœur bat la chamade, je suis presque triste...
Merci pour vos encouragements, votre fidélité. Sincèrement merci ! Au plaisir de vous retrouver pour une prochaine histoire.

... Décidément, cela me fait tout drôle de les quitter ! Allez, un dernier clin d'œil et une historiette en cadeau :


Un amour éternel

Dans le bureau de la sixième division, le silence n'est dérangé que par le bruissement des feuilles dont on tourne la page, que par le grattement d'une plume sur le papier. Parfois, un soupir provient de l'endroit où Renji se trouve, assis à sa table, en face de celle du capitaine. Mais soudain :
— Renji.
La voix angoissée de Byakuya fait relever la tête de Renji de son travail. Il a rarement entendu une telle nuance alarmée dans son ton, à telle point qu'elle en paraît déplacée, dans ce lieu où honneur et devoir ont toute la place.
— Capitaine ?
Le taichô est pâle. On croirait qu'il a vu un fantôme !
— Qu'est-ce que ceci ?
Renji s'approche, et prend connaissance, avec horreur, des feuillets que lui tend Byakuya.
— Comment... ? J'ai dû confondre. Ah ! Excusez-moi, hein ? Je vais... Je vais...
Renji, la main sur la nuque, embarrassé, ne sait pas comment corriger son erreur : dans sa précipitation, il a déposé sur la pile de dossiers à traiter l'édition du dernier chapitre des foudres de Renji au lieu du rapport provenant de la treizième division ! Si Byakuya ne le tue pas tout de suite, c'est Rukia qui le fera !
Cependant, Byakuya n'est pas d'humeur assassine, remarque enfin Renji. Une sorte de fragilité émane de son aspect.
— Capitaine, allez-vous bien ?
Byakuya lève les yeux vers lui et désigne d'un doigt tremblant un mot au bas d'une page : "F I N".
— Renji, qu'est-ce que cela signifie ? La fiction est terminée...
— Ah, ben, oui. Rukia m'en a parlé. La pauvre, elle était tout émue. Faut dire, avec tout ce qui vous est arrivé, votre reiatsu et tout...
— Je me contrefiche de cette aberration sur mon reiatsu !
— Capitaine ?
Renji est perdu. Qu'est-ce qui perturbe autant Byakuya ? Depuis le temps, il aurait dû prendre l'habitude de voir surgir inopinément la preuve de leurs existences issues de l'imagination d'un écrivain.
— Si... Si cette histoire est terminée, que va-t-il advenir de nous ?
— Euh...
Renji est confus. Il n'y a pas vraiment réfléchi. Il n'y a bien que son capitaine pour penser à des choses pareilles. Byakuya continue :
— Je ne veux pas disparaître, Renji.
Voilà ! Son fier amant vient de lui confier sa peur. Tout s'éclaire dans la tête de Renji. Il n'a plus qu'une envie : serrer très fort l'innocent aristocrate et l'assurer de son amour éternel. Ce qu'il fait. En trois pas, il est derrière son fauteuil. Penché sur lui, il l'entoure de ses deux bras, croisés sur la poitrine.
— Nous n'allons pas disparaître, Byakuya. Bientôt, quelqu'un d'autre écrira une nouvelle histoire.
Mais Byakuya secoue la tête, obstiné :
— Je ne veux pas d'une autre histoire. Je veux la nôtre. Je te veux toi, tel que tu es maintenant.
Renji rougit sous le plaisir d'entendre Byakuya s'exprimer si directement, avec tant de possession qu'il en paraît désespéré. Comme tant de fois durant l'écriture de cette fiction, il cherche les mots qui sauront le rassurer.
— Byakuya, nous n'allons pas disparaître. "Les foudres de Renji"... Cette histoire existe à présent. Nous allons vivre chaque fois qu'un lecteur lira nos aventures. Imagine ces milliers de personnes* qui jour après jour liront notre histoire. Jour après jour, ils nous feront revivre. Jour après jour, nous continueront de vivre dans leurs souvenirs. Et de cette façon, tu seras à jamais dans mon cœur.
Le silence suit l'émouvante tirade de Renji. Byakuya semble plongé dans ses pensées, envisageant l'idée. Puis, il se retourne.
— Je ne vais point détester me faire courtiser de nouveau par toi, et je vais adorer te reconquérir, déclare-t-il, plus léger.
Ces mots dits, Byakuya s'étire. Ses bras entourent la nuque de Renji, et tous les deux s'embrassent, sans plus jamais se préoccuper du fait qu'on pourrait les surprendre.
Après tout, tout ceci n'est rien d'autre que le beau rêve qu'une inconnue a décidé d'écrire, noir sur blanc.

F I N

* NdA : * hum ! Renji exagère là *


Fictions associées aux foudres de Renji :

Rikichi et son zanpakutô (entre chapitre 36 et 37)

Une vie sur du papier (regroupe toutes les historiettes bonus éditées avec certains chapitres des foudres de Renji)