Disclaimer : Evidemment, malgré tous mes efforts, les personnages et l'intrigue appartiennent à Suzanne Collins.


- Tu vois la petite fille-là bas ?

Je tourne la tête dans tous les sens mais, malheureusement pour moi, je n'arrive pas à apercevoir l'élève dont me parle mon père. Je l'observe lui à la place. Son visage est empreint d'une grande tristesse. J'ai l'impression qu'il va pleurer. Et pourtant, il sourit.

- Tu es triste, papa ?

Ma petite voix ne le tire pas de ses pensées. Immobile dans la cour de l'école, il dévore du regard ceux qui se trouvent derrière une armée de parents et d'enfants. Je suis trop petit, je n'arrive pas à comprendre pourquoi il est dans cet état. Il paraissait pourtant heureux de m'amener à mon premier jour d'école. Maman a préféré rester à la maison et c'est mieux ainsi. Mon père est plus gentil quand elle n'est pas là.

- Tu vois cette jeune fille ? Je voulais épouser sa mère, mais elle a préféré partir avec un mineur.

- Un mineur ? Pourquoi elle serait partie avec un mineur alors qu'elle pouvait t'épouser, toi ?

Je suis sidéré. Je ne comprend pas. Mon père est merveilleux ! Comment une femme a-t-elle pu ne pas vouloir de lui ? Je ne comprend pas. Je détaille ses cheveux blonds qui sont de la même couleur que les miens, quoiqu'un peu plus délavés désormais, ses yeux bleus et francs, d'ordinaire rieurs, sa peau pâle. Il a un bon métier. C'est un bel homme. Beau, bon et gentil. Alors pourquoi ?

- Parce que quand il chante... même les oiseaux se taisent pour l'écouter.

La réponse de mon père ne m'éclaire pas. Je ne comprend toujours pas. Du haut de mes cinq ans, je préférerais épouser une boulangère qu'une dame qui chante bien. J'adore le pain et entrer dans la cuisine pour sentir les bonnes odeurs des brioches toutes chaudes, même si c'est interdit, même si ma mère me frappe lorsqu'elle me surprend, me procure toujours un grand sentiment de joie. J'aime le pain. Comment un homme, aussi merveilleux lorsqu'il chante soit-il, peut-il rivaliser avec ça ?

Brusquement, un mouvement agite la foule. Les adultes se pressent vers l'école, embrassent leurs enfants, un trou se dessine en face de moi. C'est là que je la vois.

Elle doit avoir le même âge que moi. Ses cheveux bruns sont noués en deux nattes, elle porte une robe rouge à carreaux. Elle est adorable. Je me sens sourire. Mon père sourit aussi à mes côtés tout en observant la femme qui caresse les cheveux de la petite fille. Elle sont belles toutes les deux. Même l'homme à leurs côtés est beau. Il y a de l'amour dans ses yeux, de l'affection dans chacun de ses gestes, de la douceur dans son sourire. Je suis à la fois très triste et très heureux.

Peut-être pourrais-je être ami avec cette petite fille ?

- Viens Peeta, allons dans ta classe.

Je laisse mon père m'entraîner. Je me sens troublé. J'observe les enfants autour de moi et je souris. Certains ont l'air gentils. Je reconnais Jason, le fils du boucher, et Madge, la fille du maire. Je les connais un peu, de vue, lorsque nos parents se croisent dans une des boutiques de la ville. Mon père me laisse à l'entrée de la classe avec un dernier baiser sur le front. Je rougis et marmonne un peu mais je ne proteste pas fort. J'aime trop ces moments où mon père est gentil.

La journée passe très rapidement. Je découvre de nouvelles personnes. Je suis bientôt entouré d'une foule de petits camarades tous plus bavards et rieurs les uns que les autres. La petite fille aux deux nattes n'en fait pas partie. J'ai bien essayé d'aller la voir mais je n'ai pas osé, elle m'impressionne. Lorsque le dernier cours arrive, un cours de musique, je tente ma chance en m'asseyant derrière elle. Je note au passage que quelques oiseaux s'agitent derrière les fenêtres, je les entend, l'une d'elles est brisée. Leurs chants me distraient un moment, je perd le fil de ce que dit le professeur.

- Quelqu'un connait-il la chanson de la vallée ?

La chanson de la vallée ? Je la connais. Je lève la main, pas assez vite toutefois. La petite fille devant moi a été trop rapide, elle est déjà sur l'estrade aux côtés du professeur lorsque ma main s'agite en l'air. Je baisse le bras aussitôt et j'attend.

Mon coeur s'emporte et s'envole. Les oiseaux qui chantaient jusque-là se taisent. Il n'y a plus un son dans la salle. Juste sa voix. Douce. Magique. Magnifique. Je voudrais fermer les yeux et me laisser bercer, je ne peux la quitter du regard. Elle se balance légèrement, sûre d'elle, chantant avec grâce. Elle parait heureuse. Lorsqu'elle cesse de chanter, je voudrais en demander plus. Chante encore, chante s'il te plait !

J'affiche un grand sourire. Je croise son regard lorsqu'elle regagne sa place et c'est là que je réalise ce qui est en train de se produire en moi.

Soudainement, je préférerais épouser une dame qui chante qu'une boulangère. Je préférerais l'épouser elle, Katniss, la fille à la voix si belle que les oiseaux se taisent pour l'écouter chanter. Je voudrais l'épouser. Je souris, doucement, en repensant à ce qu'a dit mon père. Il faut absolument que je parle à Katniss.

Il faut absolument que je lui dise que... Je suis tombé amoureux d'elle.