Chapitre 21 : Un dîner mouvementé

_ Tu n'as pas faim ? me demanda Caspian, ses yeux charbonneux se posant sur mon assiette encore pleine.

_ Non, lui répondis-je doucement, j'ai mal à l'estomac et le bébé ne cesse de me donner des coups, ça n'arrange rien, grognai-je.

Je posai machinalement ma main sur mon ventre dont la taille m'impressionnait de jour en jour. J'avais entamé mon huitième mois de grossesse et j'avais réellement hâte que notre enfant naisse, même si ma grossesse avait été jusqu'à présente assez calme, je n'en pouvais plus et étais constamment fatiguée. Caspian avait été au petit soin depuis qu'il avait appris que j'étais enceinte et malgré ses devoirs royaux, il trouvait toujours du temps pour que nous soyons ensemble.

_ Tu ne veux pas encore manger un peu, me demanda-t-il. Pour moi ?

Je lui souris tendrement et hochai la tête.

Autour de nous, nos convives discutaient avec entrain tout en mangeant. Nous recevions le Seigneur Ryal de Calormen, sa femme et leur fille unique. Leur visite à la base était pour marier leur fille à mon cher époux : la nouvelle de notre mariage paraissait ne pas être connu sur leur Terre bien qu'ils furent invités pour mon couronnement… Bien évidemment, je ne croyais pas une seule seconde à leur excuse surtout après avoir remarqué les regards persistants de cette jeune demoiselle envers mon mari ils pensaient surement que Caspian me quitterait pour leur fille.

Un coup violent de mon enfant me fit grogner, pressant ma main à l'endroit douloureux. Une douleur plus intense suivie le coup, me faisant grimacer et pousser un léger gémissement.

_ Ça va Laureen ? s'inquiéta Caspian.

_ Non…, soufflai-je en me forçant à sourire devant nos invités.

_ Tu veux aller te reposer ?

_ Non, ça ira, je devrais pouvoir supporter ce repas encore un peu.

_ Tu es sure ? Car moi je n'en peux plus, soupira-t-il.

Mon regard croisa celui de la fille de Ryal qui me regardait avec dédain.

_ Oui ça ira, souris-je doucement.

_ Je vais finir par lui arracher les yeux avec ma fourchette si elle continue à te regarder ainsi, cracha Caspian dans un murmure.

_ Une fourchette ? Tu serais bien trop gentil, j'aurais utilisé la cuillère pour ma part.

_ Je ne te savais pas si belliqueuse, mon amante, me sourit Caspian, amusé.

_ N'oublie pas que j'ai vécu un an avec Eustache, ris-je. Son insolence pouvait donner des idées !

_ Je vois ça, en effet !

Repenser à mon cousin me provoqua un pincement au cœur Eustache me manquait, ainsi que mes frères et sœurs. Caspian remarqua mon trouble et posa sa main sur ma cuisse.

_ Ils me manquent aussi, m'avoua-t-il.

Je lui souris tendrement et posai ma main sur la sienne. Une énième douleur irradia mon bas-ventre, me faisant cette fois-ci fermer les yeux violement, seulement un liquide chaud et collant, coula le long de mes cuisses, m'obligeant à rouvrir mes azurs en grand. Ma main serra fortement celle de Caspian qui me regardait les sourcils froncés.

_ Caspian…, lâchai-je calmement.

_ Que t'arrive-t-il ma Reine ? s'inquiéta-t-il.

_ Je crois que notre enfant veut naître.

_ Quoi ? lâcha-t-il, une légère panique dans la voix.

Au cri de Caspian, nos invités ainsi que Cornelius et Trompillon se tournèrent dans notre direction.

_ Ne panique pas Caspian, s'il te plait… J'ai encore besoin de toi.

_ Oui… Oui…, dit-il assez vivement en se relevant, faisant tomber sa chaise au sol.

_ Qu'avez-vous à crier ainsi ? lança sèchement la femme du Seigneur, n'appréciant guère qu'on la dérange durant son repas.

_ Caspian, fais appeler Elias, ordonnai-je à mon mari tandis qu'une contraction se fit de nouveau ressentir, me faisant grimacer sous la douleur. Et aide-moi à aller jusque dans notre chambre.

Caspian acquiesça vivement et se retourna vivement vers Trompillon.

_ Trompillon, Elias ! Tout de suite !

Je souris, amusée par le comportement paniqué de mon époux : autant il pouvait gérer le Royaume d'une main de maître, autant quand il s'agissait de moi ou de son enfant, il était paniqué.

Le nain me lança un regard inquiet et compris rapidement la situation. Il hocha la tête et courut chercher le médecin royal.

_ Ne pourrions-nous pas manger en paix ! s'énerva la Dame de Calormen.

_ Continuez à parler ainsi à mon mari et c'est dans les geôles que vous allez manger ! m'exclamai-je, las de leurs comportements depuis leur arrivée au château.

_ Comment osez-vous, espèce de…, commença le Seigneur Ryal.

_ N'oubliez pas à qui vous parler, Ryal ! le coupa sèchement Caspian. Laureen est la Reine de Narnia. Et je pense que nous avons jusqu'ici été suffisamment conciliants faces à votre comportement à son égard ! Encore un écart de la sorte et vous serez bannis du Royaume !

Le Seigneur baissa les yeux tandis que sa femme grommelait dans sa barbe. Leur fille me regardait sadiquement, son couteau dans les mains.

_ Cela va aussi pour vous, Charlotte ! continua Caspian.

Cornelius se leva, un sourire sur le visage, tandis qu'une énième contraction me faisait grimacer de douleur.

_ Je vais faire préparer vos affaires, Seigneur Ryal, je pense que les négociations commerciales sont finies.

_ Faudrait-il encore qu'elles aient commencées, murmurai-je.

_ Mais, Père ! lança Charlotte en tapant des pieds. Tu m'avais promis qu'il m'épouserait !

_ Charlotte, non…, commença son Père, paniqué.

_ Vous êtes à moi ! cria la jeune fille à mon mari. Père m'a promis qu'à la mort de celle-là, cracha-t-elle en me lançant un regard appuyé, vous m'épouseriez et que je serai Reine !

Elle se leva, le couteau à la main Caspian se positionna immédiatement devant moi. Les gardes postés aux portes, dégainèrent leurs épées et attendirent l'ordre de leur Roi.

_ Votre Père vous a dit cela ? demanda Caspian, ses muscles tendus à l'extrême tandis que Cornelius se levait de sa chaise, son visage reflétant l'inquiétude et la colère.

_ Il a dit qu'elle n'était rien à Narnia, qu'elle n'était qu'une moins que rien ! Et que ce serait facile de les tuer, elle et son marmot, au détour d'un couloir. Hop, un coup de couteau dans le ventre ! fit-elle par la gestuelle avec son couteau en me regardant.

Je posai mes mains sur mon ventre, des frissons de peur remontant le long de ma colonne vertébrale, tandis que Ryal se rapprocha de sa fille, mal à l'aise.

_ Ne l'écoutez pas Mon Roi ! Le soleil a dû lui taper sur la tête !

_ Ah non ! Je ne vais jamais au soleil, Père, c'est mauvais pour ma peau ! Sans parler que vous avez dit cela ce matin même ! Je m'en souviens très bien, vous aviez même dit que si il fallait, vous lui arracheriez l'enfant du ventre pour être sur qu'il soit bien mort !

_ Mon Roi, jamais, je n'ai proféré de telles menaces sur notre Reine et l'enfant Royal ! Je vous le jure !

Caspian s'approcha dangereusement de Ryal qui, pris de panique, voulut s'enfuir de la pièce. Deux des gardes se positionnèrent devant lui, bloquant l'unique accès au couloir. Ryal se retourna vivement et mon mari en profita pour l'attraper à la gorge. Je le vis serrer ses mains autour de son cou, faisant blanchir les jointures de ses doigts Ryal commençait à devenir rouge et à manquer d'air.

_ Arrête, mon fils ! lui souffla Cornelius en posant sa main sur son épaule. Cet homme n'en vaut pas la peine.

Caspian mit plusieurs secondes à relâcher Ryal qui s'effondra au sol, mais je voyais bien qu'il voulait le tuer, son regard était empli de colère et de haine. Une contraction plus douloureuse que les autres me fit lâcher un cri, faisant se retourner vivement mon mari qui accourut à mes côtés Caspian s'agenouilla devant moi, posant sa main sur ma joue, inquiet.

_ Ça va ?

Je secouai ma tête de droite à gauche, mes yeux s'imbibant de larmes. Caspian essuya délicatement les premières larmes qui coulèrent le long de mes joues, puis avec une certaine délicatesse, il prit mon visage entre ses mains et déposa chastement ses lèvres sur les miennes.

_ Il ne vous arrivera jamais rien, je t'en fais la promesse, me souffla-t-il doucement. Je t'aime mon amante.

_ Je t'aime aussi.

Le jeune Roi me sourit tendrement, plus une once de colère ne se reflétait dans son regard. Il se releva calmement et se tourna vers nos « hôtes ».

_Gardes, arrêtez-les !

_ Quoi ? Mais nous n'avons rien fait ! hurla la Dame alors qu'un garde la faisait se relever de sa chaise.

_ Tentative de meurtre sur votre Reine, MA femme ! s'exclama Caspian de façon autoritaire. Et sur MON enfant ! Pour vous, cela n'est rien ?

_ Mais…, commença la Dame.

_ Cela suffit, nous vous avons assez entendu ! s'énerva mon mari. Emmenez-les loin de nous !

_ Majesté, non, écoutez-nous ! cria le Seigneur Ryal alors qu'un garde le faisait sortir de la pièce. Ma fille est une menteuse !

_ Quoi ? C'est toi qui m'as mentit !

_ Mon fils, emmène ta femme dans votre chambre, je m'occupe de ces trois-là ! souffla Cornelius en venant vers nous. Ma Reine, je vous souhaite bon courage.

_ Merci Cornelius.

Caspian m'aida à me relever puis après un doux baiser, il passa un bras sous mes jambes et me porta jusque dans notre chambre, faisant quelques arrêts dans les couloirs du château lorsque des contractions se faisaient ressentir. Dans la chambre, il me coucha sur le lit je me mis immédiatement en position fœtale, ma main sur mon bas ventre. Le jeune roi s'agenouilla devant moi et caressa tendrement mes cheveux.

_ Je les pensais idiots mais pas régicides, souffla-t-il. Si j'avais su…

_ Tout va bien Caspian, il ne s'est rien passé, lui dis-je en posant ma main sur sa joue.

Mon bas-ventre se mit de nouveau à se contracter, je me retins de crier mais malheureusement la douleur étant trop vive, un râle sortit de mes lèvres.

_ Laureen, ça va ? s'inquiéta mon mari, impuissant.

Je fermai les yeux et respirai avec difficulté, attendant que les douleurs passent.

_ Putain, que c'est douloureux ! m'exprimai-je après de longues secondes.

Caspian me regarda, amusé.

_ Quoi ? lui lançai-je vivement.

_ C'est la première fois que je t'entends blasphémer !

_ J'ai très mal et toi tu te moques de moi ?!

_ Je ne me moque pas, se reprit-il voyant mon énervement. C'est juste que…

Elias entra dans la pièce au même instant, essoufflé et en nage, coupant mon mari dans sa phrase.

_ Elias ! Pouvez-vous faire quelque chose ? Lui donner un médicament ? Laureen souffre…

_ Hélas, non, Majesté… Les douleurs s'en iront lorsque votre enfant sera né. Pas avant malheureusement… De combien sont espacés les contractions ? me demanda le médecin en venant à mes côtés et prenant mon pouls.

_ Trois minutes, je pense, lui répondis-je alors que des sages-femmes entraient dans la chambre avec des linges propres et de l'eau.

De nouveau, une contraction. De nouveau, une douleur horrible et intenable. Un cri s'échappa de ma bouche, me pliant encore plus dans le lit. Elias compta les secondes qui s'écoulèrent durant ma « crise ». A la fin de celle-ci, il posa sa main sur mon front, un sourire sur les lèvres. Il hocha doucement la tête et se tourna vers Caspian.

_ Majesté, je vais vous demander de sortir de la chambre.

_ Je reste avec ma femme !

_ Majesté, vous ne devez être présent pendant la naissance de votre enfant.

_ Je suis le Roi de ce Pays et j'en ai décidé ainsi, dit-il en me regardant. Nous avons fait notre enfant ensemble et c'est ensemble qu'il viendra au monde.

Je regardai Caspian, un sourire étirant mes lèvres. Il était inquiet, je le voyais dans son regard charbonneux, mais il n'en montrait rien et gardait la majesté dont je lui connaissais.

_ Je t'aime, soufflai-je doucement.

_ Je t'aime moi aussi, mon amante.

_ Même si je blasphème ? souris-je.

_ Oui, rit-il. Tu peux même le faire autant que tu veux aujourd'hui.

Elias sourit devant nos enfantillages puis donna plusieurs ordres aux sages-femmes.

_ Bien, Majesté, vous pouvez rester, mais je vous demanderais de ne pas interférer dans mes ordres et de ne pas gêner l'accouchement, lui dit Elias.

Caspian hocha la tête et prit ma main dans la sienne.

_ Ça va bien se passer, souffla-t-il autant pour lui que pour moi.

_ Oui ne t'inquiète pas, lui dis-je. Je t'ai à mes côtés, c'est tout ce dont j'ai besoin.

Les sages-femmes m'aidèrent à m'installer de manière à accoucher dans la meilleure position. Les contractions, les douleurs, les cris et les larmes se suivirent durant plusieurs heures jusqu'à ce qu'enfin, le cri de mon enfant remplaça le mien. A cet instant, plus rien n'existait à mes yeux que cette petite chose ensanglantée qui me faisait face et qui gesticulait ses membres dans tous les sens.

Tout avait disparu : la douleur, la fatigue, les personnes qui nous entouraient. Il n'y avait que Caspian, cet enfant et moi.

Le jeune Roi contemplait également le fruit de notre amour, gardant sa main dans la mienne. Les sages-femmes l'essuyèrent rapidement et le confièrent au médecin qui l'examina attentivement. Un sourire étira doucement ses lèvres puis il vint à nos côtés.

_ Majestés, je vous présente votre fils, le futur Roi de Narnia, dit-il en le posant sur ma poitrine, sous le regard paternel de mon mari.

Les cris de mon enfant s'estompèrent immédiatement, son regard s'ancrant au mien.

Mon fils…

Notre fils…

Je pris sa petite main dans la mienne et il l'enroula autour de mon index. Je le contemplai, admirant son regard aussi sombre que celui de son papa Caspian passa doucement sa main sur le dessus de sa tête, caressant les petits cheveux châtain clair qui trônaient fièrement sur son crâne. Mon jeune Roi me sourit tendrement, des larmes perlant au coin de ses yeux.

_ Notre fils, murmura-t-il doucement.

Je ne pouvais ôter mes yeux de ceux de mon enfant il était notre Monde dorénavant, il était pour Caspian et moi, la plus belle chose à Narnia. Il représentait notre famille une famille que par le passé nous avions tous les deux perdue… J'aurais tellement aimé que mes frères et sœurs le connaissent et le voient grandir que Peter lui apprenne le maniement de l'épée, qu'Edmund lui raconte des histoires drôles venues d'un autre Monde, que Susan lui explique la meilleure manière de courtiser une Dame et que Lucie, ma très chère Lucie, lui inculque l'empathie et la douceur.

Caspian me sortit de mes pensées, en déposant un baiser sur le haut de ma tête.

_ Merci mon amante, souffla-t-il doucement. Merci pour tout ce que tu m'apportes.

Je lui souris doucement.

_ Tu m'as apporté l'amour, le bonheur et une famille, c'est à moi de te remercier.

Nous reportâmes notre regard sur notre enfant qui nous regardait attentivement.

_ Il est magnifique, me dit Caspian.

_ Oui, dis-je doucement, nous avons bien travaillé.

Caspian me sourit, amusé par ma remarque.

_ J'ai hâte de travailler encore alors, me murmura-t-il à l'oreille, me faisant rougir de plaisir.

Un raclement de gorge nous sortit de notre bulle.

Nous portâmes notre attention sur Elias, remarquant au passage que les sages-femmes n'étaient plus dans la chambre. Le médecin royal se prosterna devant nous.

_ Je vous présente mes hommages à vous mon Roi, à ma Reine bien-aimée et au futur Roi, votre fils.

Caspian sourit et hocha doucement la tête.

_ Merci Elias, lui dit-il en lui faisant un geste de la main pour qu'il s'approche du lit. Nous vous présentons Kelian, Prince et futur Roi de Narnia.

_ Merci beaucoup Elias, souris-je.

_ Merci à vous de m'avoir présenté votre fils, dit-il ému.

Le médecin sortit de la chambre afin de nous laisser seuls. Caspian reporta son attention sur notre fils, caressant délicatement sa joue.

_ Il a tes yeux, soufflai-je doucement, un sourire étirant mes lèvres. De magnifiques yeux noirs.

_ Le même regard que ma mère, sourit Caspian.

Mon mari posa son regard sur moi, un regard empli d'amour.

_ Je t'aime, m'avoua-t-il en déposant un baiser sur mes lèvres. Mon amie, ma femme, ma reine, la mère de mon fils.

_ Je t'aime aussi mon Roi.

Nous reportâmes notre attention sur notre fils qui nous regardait avec curiosité.

Kelian.

Ma vie, mon amour, mon fils.