Notes :

Cette fiction est la traduction de Then Comes a Mist and a Weeping Rain que je traduis bien sûr avec la permission de son auteur, Faithwood.

Le titre original est une citation de George McDonald. Plutôt que de le traduire littéralement, j'ai préféré utiliser ce vers de Verlaine qui me semblait très approprié.

Mille mercis à ma fidèle beta, Via.


Il pleure dans mon coeur comme il pleut sur la ville

Sa cape se retrouva trempée en quelques minutes. Trois Impervius, plusieurs sortilèges séchant et un parapluie plus tard, même son pantalon était mouillé.

Drago tira sur sa capuche pour la baisser le plus possible afin qu'au moins son visage soit épargné par la pluie impitoyable. Il s'attendait à moitié à ce que le nuage ne descende, se glisse sous la capuche et lui balance de la pluie dans les yeux. Arrivé là, ça ne l'aurait pas surpris. Quand Drago avait fait apparaître le parapluie sur le chemin de l'infirmerie, le nuage avait enveloppé sa tête, remplissant son nez et sa bouche d'un brouillard glacial comme un fantôme, et Drago avait paniqué si violemment qu'il avait fait disparaître le parapluie d'une simple pensée.

« Au moins, il n'y a pas d'orage, s'enthousiasma Goyle. »

Il était perché sur l'un des lits vides, à une distance sûre de Drago et de son nuage cracheur de pluie.

Drago grogna. Il aurait préféré que Goyle ne dise pas cela. Ça avait davantage l'air prophétique que réconfortant. Sans ajouter que le nuage avait l'air de comprendre ce que l'on disait. Si Drago avait eu le courage de lever les yeux, il l'aurait sûrement vu frémir au mot orage. La dernière chose dont il avait besoin était de se prendre un éclair.

« Oh mon pauvre, dit Mme Pomfresh quand il fit irruption dans l'infirmerie. Pauvre petit. Tu vas avoir besoin de marmites de Pimentine, tu peux me croire. »

Elle se précipita à ses côtés, la baguette à la main.

« Tu as toujours été un peu délicat.

— Délicat ! s'étouffa Drago, indigné.

— Meteorribilis Recanto ! s'écria Mme Pomfresh. »

Et puis, comme rien ne se passait, elle s'éclaircit la gorge et réessaya :

« Meteorribilis Recanto ! »

Drago inspira brusquement, inquiet.

« Le professeur Flitwick a déjà essayé ça, cracha-t-il. Vous étiez censée avoir une meilleure idée. »

Les doigts de Pomfresh se crispèrent sur sa baguette, et Drago se hâta d'ajouter :

« Madame. »

Elle lança ses trois sortilèges suivants silencieusement, mais Drago reconnut facilement un Finite Incantatem, Evanesco et, à sa plus grande horreur, un Impervius, ce qui voulait dire que Pomfresh avait déjà abandonné l'idée d'annuler le sort et à la place essayait d'en minimiser les effets. Quand elle fit apparaître une potion Pimentine, Drago perdit patience. Il sauta du lit, éclaboussant partout autour de lui. Pomfresh recula hâtivement.

« Je n'ai pas de rhume et je n'ai pas besoin de Pimentine ! J'ai un mini nuage au-dessus de moi et si vous pouviez l'enlever, j'apprécierais. »

Le nuage en question émit un grondement menaçant. Il sembla à Drago apercevoir un éclair rapide à la périphérie de sa vision, mais il n'osa pas lever la tête. Pomfresh hocha la tête avec flegme.

« Oui, c'est bien ce que je pensais, dit-elle. »

Elle fit apparaître un Philtre Calmant.

« Une cuillérée de Pimentine chaque matin, et une de Philtre Calmant toutes les six heures, ordonna-t-elle. »

Drago avait très envie de taper du pied.

« C'est un sortilège qui a foiré, dit-il en serrant les dents, pas une maladie.

— Est-ce que c'est votre opinion en tant que médecin, M. Malefoy ?

— C'est du simple bon sens, putain ! hurla Drago. »

Cette fois, il fut impossible de rater l'éclair. Ses cheveux se dressèrent dans sa nuque, et il était certain d'avoir senti le choc de l'électricité le parcourir. Ou alors c'était simplement la panique.

Les sourcils de Pomfresh se soulevèrent tant qu'on aurait pu croire qu'ils allaient atteindre ses cheveux.

« Je conseillerais d'utiliser une très grande cuillère. »

Elle renifla et tendit les potions à Drago. Il n'avait pas vraiment d'autre choix que de les prendre. C'était le seul remède qui lui était offert.

« Vous êtes dispensé de cours pour aujourd'hui, ajouta-t-elle. »

Goyle poussa un cri de joie en sautant du lit.

« Quant à vous, M. Goyle, dit Pomfresh d'une voix forte, vous en avez terminé avec votre rôle d'accompagnateur et pouvez retourner en cours. »

Goyle eut l'air si abattu que Drago eut pitié.

« Ma nature délicate nécessite un support moral, proclama-t-il solennellement. »

Drago eut fortement l'impression que Pomfresh se retenait de lever les yeux au ciel.

« Très bien, dans ce cas, soupira-t-elle. Allez-y. »

Goyle avait toujours l'air malheureux, et Drago ruissela vers lui : ses chaussures étaient remplies d'eau, lui faisant regretter de s'être assis sur le lit ; la cape aurait protégé ses pieds s'il était resté debout.

« Ca veut dire que tu ne vas pas en cours, en fin de compte. C'est toi mon support moral, dit Drago avec impatience. »

Il se répéta dans sa tête ce qu'il venait de dire. Ce fut comme un coup dans l'estomac quand il se rendit compte à quel point c'était vrai. Goyle était vraiment son support moral. Il était le seul ami qu'il lui restait dans ce foutu château. Et si ça, c'était pas déprimant…

Goyle semblait trop perdu pour retrouver sa bonne humeur précédente.

« Ça fait quoi, un support moral ? demanda-t-il, les sourcils froncés. »

Drago réfléchit à la question. Goyle demandait toujours des trucs franchement bizarres.

« Ça mange du chocolat et ça fait la conversation, dit-il finalement. »

Goyle sourit largement, l'air très soulagé.

« Je peux faire ça.

— Viens, dit Drago en jetant un dernier un regard agacé en direction de Madame Pomfresh. »

Il y avait quelque chose de dérangeant dans ses yeux quand elle dit, bien trop gentiment :

« Viens demain matin dès que tu te lèves, mon chéri, et on verra si le sortilège se montre plus coopératif. »

Drago hocha la tête tout en faisant la moue. Il se demandait si elle avait lu ses pensées et avait pitié de lui. J'ai beaucoup d'amis à l'extérieur de cette école, et ils sont tous riches et puissants, pensa-t-il pour elle, juste au cas où elle était Legilimens en secret. Ensuite il se força à fermer son esprit avant de tirer Goyle hors de la pièce.

Il y avait de l'orage dehors. Le vent essayait avec insistance de faire rentrer la pluie dans le château par ses grandes fenêtres, mais elles avaient été enchantées pour la repousser. Drago aurait voulu que celui qui l'avait fait soit là pour l'aider. C'était peut-être Dumbledore.

« Est-ce qu'être ton support moral veut dire que je dois être mouillé aussi ? demanda Goyle, la respiration haletante. »

Ils avaient quitté l'Infirmerie et venaient de tourner à un angle dans le couloir. Drago le lâcha aussitôt, réalisant qu'il avait été tellement pressé de partir qu'il avait traîné ce pauvre Goyle à une allure qu'il était incapable de suivre. Mais ce qui était pire, il semblait que s'il touchait quelqu'un ou quelque chose, le nuage s'étendait joyeusement pour l'envelopper de son lourd rideau de pluie.

« Désolé, dit-il. »

Il sortit sa baguette avec ses mains gelées et trempées. Il jeta un Sortilège Séchant avant que Goyle n'ait l'idée de le faire lui-même, car il risquait de mettre le feu à ses vêtements. L'image de Goyle baigné de flammes fut soudain claire dans son esprit. Il détourna le regard et rangea sa baguette avec des doigts tremblants.

« Et voilà, t'es tout sec, dit Drago après un moment quand il releva enfin la tête.

— Merci. »

Goyle passa la main sur sa robe, l'air impressionné par le fait que ses vêtements soient secs, comme s'il n'avait jamais vu une telle chose de sa vie. Un sourire infime se dessina sur les lèvres de Drago. C'était facile d'impressionner Goyle.

« Allons-y. J'ai besoin d'une douche. D'une douche chaude. »

Il tourna, prenant le chemin de leur salle commune sans attendre que Goyle le suive.

La salle commune était située dans l'une des plus hautes tours de l'aile est, qui était aussi malheureusement l'une des plus étroites. Seule la salle commune était spacieuse ; les dortoirs étaient petits et trop chargés, chacun contenant trois lits et une petite armoire. Le dortoir de Drago semblait encore plus petit qu'il ne l'était du fait qu'il le partageait avec Goyle et Ernie Macmillan qui ronflaient tous les deux très fort, et entre la taille de Goyle et l'ego d'Ernie, c'était un miracle qu'ils arrivent à rentrer.

Si on ne se noie pas ce soir, ça sera un autre miracle, pensa Drago.

Ernie serait énervé quand il comprendrait que Pomfresh n'avait pas réussi à faire disparaître le nuage de Drago. A la base Ernie n'était pas enchanté de partager son dortoir avec des Serpentard, et c'était un euphémisme. Chaque soir avant d'aller se coucher, Ernie lançait une douzaine de sortilèges protecteurs autour de son lit, apparemment persuadé que Drago et Goyle essaieraient de l'assassiner dans son sommeil. Drago avait juré que ça n'arriverait pas.

« Si jamais je voulais te tuer, Ernie, lui avait-il dit un soir, sois certain que je ne le ferais pas dans un endroit qu'on peut facilement relier à moi. »

Depuis, Ernie faisait bien attention à ne jamais se déplacer seul.

Drago n'était toujours pas sûr que ça avait été une bonne idée de revenir à Poudlard. Il n'avait pas eu beaucoup le choix. Etant donné que les élèves n'avaient pas reçu un enseignement approprié l'année précédente, Poudlard avait ouvert ses portes à tous ceux qui avaient raté, ou avaient choisi de ne pas passer leurs ASPICs. Drago pensait qu'il aurait dû avoir ses ASPICs, mais les examinateurs n'étaient pas du même avis. Le professeur Tofty qui secouait sa tête tristement quand Drago n'avait pas réussi à produire un Patronus corporel était un souvenir particulièrement amer.

« Je me rappelle de vos BUSEs, M. Malefoy, avait-il dit en griffonnant un Piètre sur le parchemin jauni. Vous pouvez faire mieux que cela. »

Après ça, Drago avait eu trois choix : Durmstrang, l'enseignement à distance, ou Poudlard. Il trouvait Durmstrang froid et pas attirant, l'enseignement à distance incertain et ennuyeux. Poudlard semblait rimer avec torture. Mais c'était aussi sa meilleure chance. Il aurait été stupide de ne pas la saisir.

Il s'arrêta brusquement quand un centaure en pierre à la mine sombre tendit la main devant lui, doigts écartés et hurla :

« Stop !

— Tu es très autoritaire pour un cheval, » marmonna Drago. »

Le centaure l'ignora et dit :

« La liste complète des devoirs pour demain ou l'entrée vous sera interdite. »

Goyle souffla.

« On est samedi demain.

— Lundi, alors, insista le centaure.

— Un essai sur la Potion d'Oubli du Docteur Ubbly et un essai sur les principales exceptions à la Loi de Gamp sur la Métamorphose Elémentaire, récita Drago. »

Le centaure avait toujours l'air d'attendre quelque chose. Drago grinça des dents.

« Si j'attends jusque demain, je pourrais autant ne pas avoir de mains, grogna-t-il. »

Un éclair ponctua ses mots. Le centaure se plaça de côté.

« Vous pouvez passer ! »

Drago se précipita dans la salle commune, qui était vide.

« Je déteste Granger. Qui a eu la brillante idée de lui donner la responsabilité des mots de passe de la tour ?

— McGonagall ! s'exclama Goyle. »

Il avait l'air fier de connaître la réponse. Il perdit rapidement son assurance.

« C'était un de ces trucs rhétorique, hein ?

— Bien vu, répondit Drago en fixant d'un air morose la flaque qui s'étendait à ses pieds. »

Il frissonna et se rappela qu'il avait prévu de prendre une douche. Pas qu'il ait besoin de davantage d'eau, mais il ne voyait pas comment se réchauffer autrement.

Une demi-heure plus tard, il se sentait un peu mieux. La douche l'avait quelque peu réchauffé, il avait ôté ses vêtements mouillés et mis ses bottes en peau de dragon et une cape au tissu très épais. Il avait bu de la Pimentine, ce qui l'avait se sentir instantanément mieux, et puis une bonne de dose de Philtre Calmant, ce qui n'avait pas semblé faire quoi que ce soit, à part lui donner envie de dormir. Dès qu'il s'était senti mieux, le nuage avait diminué de taille, était devenu gris clair, et s'était mis à voler plus haut au-dessus de sa tête. La pluie tombait paresseusement, les gouttes devenant plus fines et tièdes.

Drago s'installa dans la salle commune, dans l'un des fauteuils bruns et moelleux à côté du feu, et passa les deux heures suivantes à détruire méthodiquement sa réserve de sucreries avec l'aide de Goyle. Il en profita pour apprendre à son ami à jouer aux échecs. Drago avait plusieurs fois appris à Goyle à jouer aux échecs par le passé, mais les règles semblaient ne pas rester longtemps dans sa tête.

A l'heure où leurs camarades de classe revinrent en troupeau dans la salle commune, l'eau avait commencé à traverser la cape de Drago et le nuage au-dessus de sa tête semblait avoir gonflé, répandant de l'eau partout sur Drago et son fauteuil.

« Bon sang ! s'écria Ernie. »

Tout le monde contournait prudemment Drago pour éviter l'inondation qui menaçait de gagner toute la pièce.

« Pomfresh n'a pas arrangé ça ?

— Elle lui a donné de la Pimentine et du Philtre Calmant, se hâta de répondre Goyle. »

Drago grimaçant, souhaitant, et ce n'était pas la première fois, que Goyle comprenne que ce n'était pas parce qu'il connaissait la réponse qu'il devait répondre à la question. Cette nouvelle habitude était entièrement de la faute de Drago. Il avait donné des cours à Goyle tout l'été, et l'une des choses qu'il lui avait constamment répétée était : « Quand tu connais la réponse, n'hésite pas à la dire. » C'était supposé l'encourager et lui donner confiance en lui, mais Goyle avait pris le conseil de façon littérale. Drago n'avait pas voulu dire que Goyle devait dire la vérité sans arrêt, mais c'était trop tard maintenant. Goyle s'attendait à ce que Drago soit content de lui chaque fois qu'il répondait vite et bien à une question. Il s'attendait aussi à ce que Drago soit content qu'il ne frappe pas, ne blesse ni n'ensorcelle les élèves qui le bousculaient accidentellement dans les couloirs. Drago lui avait dit qu'il ne fallait jamais le faire, à moins que Drago lui-même ne le lui demande. Goyle suivait scrupuleusement ses moindres ordres, et Drago ne voulait pas perdre sa confiance. Que ferait Goyle sans lui ?

Drago fit un sourire à Goyle et hocha la tête.

« Un Philtre Calmant ? répéta Granger en fronçant les sourcils. »

Elle sortit sa baguette et se mit à faire disparaître l'eau et sécher les tapis avec le zèle d'un Elfe de maison.

« Tu as été de mauvais poil devant Pomfresh, hein ? remarqua Weasley en souriant largement. »

Il se laissa tomber dans un fauteuil vide, pile entre Drago et Goyle. Les flaques d'eau sous ses baskets ne semblaient pas le déranger.

« Je pense qu'elle lui a donné ça parce que le nuage devient noir dès que Drago se met en colère, dit Goyle. »

Drago aurait été impressionné par cette déduction s'il n'avait pas été occupé à imaginer des moyens de le faire taire.

« Intéressant. »

Granger rangea sa baguette et se glissa à côté de Weasley. Il fit semblant de ne pas vouloir la laisser s'asseoir à côté de lui et ils se battirent en gigotant et en se poussant jusqu'à ce que Weasley passe son bras autour des épaules de Granger et l'embrasse.

Drago détourna le regard. Il se rappelait maintenant pourquoi les autres étudiants avaient tendance à éviter les fauteuils près de la cheminée et les laissaient au trio Gryffondor. Si vous n'étiez pas assez pour occuper les trois, il était plus sage de laisser tomber et de s'asseoir ailleurs, ou alors vous deviez supporter Weasley et Granger partageant un fauteuil, en train de rire et se chamailler, s'embrasser et se battre, et faire tout ça à voix très haute. Cependant, Drago voulait bien se sacrifier la plupart du temps, parce que ça voulait dire qu'il avait volé le fauteuil préféré de Potter et qu'il était alors forcé de se trouver une place sur une des chaises rustiques près des fenêtres. Potter ne s'en plaignait jamais ouvertement, mais Drago savourait ses mines renfrognées et ses petites moues.

« Alors. »

Ernie Macmillan se matérialisa derrière Granger et Weasley. Il fixait Drago avec appréhension.

« Tu prévois de dormir ici, du coup ? demanda-t-il avec une fausse nonchalance.

— Oh, Ernie, chéri ! »

La voix de Millicent résonna derrière Drago, le faisant sursauter.

« Tu peux dormir dans mon lit si tu as peur de te noyer cette nuit, ronronna-t-elle. »

Ernie eut l'air inquiet.

« Ne fais pas attention à lui, Drago, fit gentiment Millie. Il a été frappé deux fois par la foudre pendant le cours. Je pense qu'il a développé un genre de phobie. »

Drago regarda Ernie et remarqua qu'il louchait un peu et que ses cheveux étaient bizarrement dressés sur sa tête. Ça lui allait bien. Il ressemblait un peu à Potter.

« Mes Sortilèges Atmosphériques ont été parfaitement réalisés, dit Ernie avec dignité. J'ai juste visé un peu de côté, c'est tout.

— Ah, soupira Millie, l'air déçue. Tu as l'air de quelqu'un qui ne sait pas viser. Bon, alors, je reviens sur ma proposition. Tu ne dormiras pas dans mon lit ce soir. Tu n'as pas l'air très utile. J'aime les garçons qui ont le compas dans… l'œil. »

Ernie devint rouge comme une tomate et marmonna quelque chose d'incompréhensible. Weasley ricana.

« Allez, Ernie, tu penses que l'eau va grimper dans ton lit pour te noyer ?

— Mais regarde ce nuage ! dit Ernie en pointant du doigt la tête de Drago. Il grandit.

— Bientôt il recouvrira tout le château et nous périrons tous noyés, dit Millie avec sérieux. »

Granger renifla.

« C'est juste de la pluie, Ernie. Je pense que tu survivras.

— Ça fait une bonne épitaphe, grogna Ernie. »

Il avait cependant l'air quelque peu rassuré que Granger lui ait promis qu'il ne mourrait pas ce soir-là. Il s'éloigna, son regard soupçonneux passant de Drago à l'orage qui s'annonçait dehors, comme s'il pensait que le mauvais temps à l'extérieur était également la faute de Drago.

« Oh, mon pauvre Drago, roucoula Millie. Tu es complètement trempé. Tu veux une cape sèche ? »

Drago n'arrivait pas à savoir si elle était gentille ou si elle se moquait de lui. Sa voix était bien trop douce et elle minaudait trop pour que ce soit sérieux.

« Il te faut un vêtement de pluie, déclara Granger. Je suis sûre que quelqu'un en a un. »

Elle regarda autour d'elle, comme si elle essayait de deviner qui avait le plus de chances d'en avoir un.

« Je porte un vêtement de pluie, dit Drago, agacé. C'est enchanté pour repousser l'eau. Ça coûte une paire de Gallions en plus qu'une cape normale. Ça n'aide pas des masses, si ?

— Je parlais d'un imperméable moldu. Tu as seulement essayé de te protéger avec de la magie. Tu devrais…

— Non, je ne devrais pas ! s'écria Drago. Je n'ai pas besoin de ton stupide imperméable moldu. »

Drago avait vu des premières années nés de Moldus avec des manteaux rigides aux couleurs vives. Ça amuserait probablement Granger de voir Drago dans une de ces choses hideuses et inconfortables. Il y avait une raison pour laquelle les gens se débarrassaient de leurs imperméables moldus après avoir réalisé qu'ils pouvaient se protéger de façon plus élégante avec la magie. D'accord, la magie ne marchait pas vraiment pour Drago en ce moment, mais il ne voyait pas de raison de penser qu'un manteau moldu marcherait. Les vêtements qu'il avait enlevés étaient complètement foutus. Ce n'était pas de la pluie normale – c'était une torture minutieusement exécutée, insensible à toute forme de protection. Le nuage était absolument maléfique, Drago en était sûr.

Granger haussa les épaules :

« Très bien. »

Weasley s'éclaircit la gorge et désigna le plateau d'échecs posé sur la petite table devant eux.

« Tu es en train de perdre, informa-t-il Goyle.

— Il sait ça ! cracha Drago. »

Weasley le fixa attentivement.

« Hum, tu as pris de ce Philtre Calmant que t'a donné Pomfresh ? C'est le moment pour une deuxième ration, tu crois pas ? »

Drago fit une grimace et détourna le regard. Une douzaine d'insultes lui montèrent aux lèvres, mais il les retint. Quel intérêt ? Il n'y avait personne ici qui se moquerait de Weasley avec lui. Personne ne ricanerait devant Granger, ou ne lancerait de regard noir à Potter, une fois que celui-ci leur ferait l'honneur de sa présence. Goyle n'était pas d'une grande aide. Millie et Nott n'avaient jamais été ses amis. Il ne connaissait même pas Daphné ; c'était une petite souris timide qui ne se mêlait pas aux autres. Blaise avait passé ses ASPICs, l'un des rares qui avaient réussi à le faire. Il avait passé toute l'année précédente à bosser pendant la nuit, tandis que les autres étaient trop occupés à craindre pour leur vie. Blaise avait toujours été très dur à émouvoir. Même les Carrow n'y avaient pas réussi.

Pansy était revenue à Poudlard avec Drago mais était partie dès qu'elle avait compris qu'ils partageraient une tour avec les autres Maisons. Potter devait avoir été son plus gros souci. Il ne lui avait pas adressé la parole, mais beaucoup d'autres lui avaient jeté des regards mauvais. Drago avait entendu Finnigan murmurer :

« Le culot qu'elle a ! Venir ici après ce qu'elle a fait ! »

Pansy avait entendu aussi. Et Finnigan n'était pas le seul. Le jour suivant, Pansy avait fait sa valise, et dit :

« J'ai pas besoin de ces conneries. »

Et elle était partie.

Drago se trouvait partagé entre l'énervement et la culpabilité. Enervement parce que Pansy avait laissé tomber bien trop facilement. Elle ne pouvait pas s'attendre à être accueillie à bras ouverts. Si seulement elle avait tenu bon, gardé la tête haute en grinçant des dents, le culot que les Gryffondor l'accusaient de posséder avait de bonnes chances de lui gagner leur respect. Au moins de la part de quelques-uns d'entre eux, sinon de tous.

Et la culpabilité, parce qu'il savait qu'elle lui dirait :

« Facile à dire, pour toi. »

Et c'était vrai, même si Drago ne s'était pas attendu à ce que ce soit le cas quand il était arrivé à Poudlard, il y avait un peu plus d'un mois de cela. Tout le monde savait que Pansy s'était levée dans la Grande Salle, ce jour-là, et avait voulu qu'on livre Potter au Seigneur des Ténèbres ; personne ne savait que Drago avait essayé de faire de même dans la Salle sur Demande. Personne sauf Potter, Granger et Weasley, bien sûr, mais pour une raison incompréhensible, ils n'avaient pas rendu cette information publique.

Hannah Abott avait tapoté son bras un jour, et lui avait dit qu'elle avait entendu dire qu'il avait hésité à identifier Potter quand Greyback l'avait ramené au Manoir Malefoy. Dean Thomas lui avait dit qu'on lui avait dit que sa mère avait menti à Voldemort et avait sauvé la vie de Potter comme ça, et il avait voulu que Drago lui dise si c'était vrai ou non. C'étaient les seules choses que le trio semblait avoir dites aux autres. L'image qu'ils renvoyaient était bien plus flatteuse que la réalité.

Ses camarades ne l'aimaient quand même pas, Drago s'en rendait bien compte et il s'en moquait – il ne les aimait pas non plus – mais il n'avait jamais été victime de la franche hostilité dont Pansy avait été la cible.

Drago lança un regard furtif à Granger et Weasley qui riaient et s'embrassaient sur le fauteuil à côté de lui. Avec seulement quelques mots, ils auraient pu faire de sa vie à Poudlard un enfer, mais ils avaient choisi de ne pas le faire. Est-ce qu'ils pensaient qu'il était déjà assez pitoyable comme ça ? Est-ce qu'ils attendaient simplement leur heure ? Espéraient pouvoir le faire chanter bientôt ? Ou le détruire au moment où il s'y attendrait le moins ? Est-ce que leur silence était la décision de Granger ? Est-ce qu'elle avait pitié de lui comme elle avait pitié des pauvres elfes de maison ? Ou bien est-ce que c'était Potter qui leur avait demandé de ne rien dire, juste pour montrer à Drago tout le pouvoir qu'il avait sur lui ?

« Tu me dois tout, » semblaient lui dire les yeux de Potter chaque fois qu'il avait le courage de les regarder.

« Sérieusement, Malefoy. »

Drago cligna des yeux. Weasley le fixait avec de grands yeux.

« Il te faut plus de Philtre Calmant. Tout de suite. »

C'est seulement alors que Drago remarqua que le bruit de la pluie s'était fait assourdissant. De grosses gouttes serrées tombaient en rideau. Drago jeta un œil rapide au-dessus de lui et vit que le nuage avait doublé de taille et s'était assombri ; il était quasiment noir, illuminé seulement par des éclairs occasionnels.

La chemise de Drago commençait à coller à sa peau. Il fallait vraiment qu'il change de cape. Il n'avait pas grand espoir dans le Philtre Calmant, par contre.

La porte de la salle commune s'ouvrit d'un coup et deux silhouettes encapuchonnées entrèrent, chacune faisant léviter deux caisses en bois à côté d'elles. Un grand cri de joie parcourut la pièce, couvrant pour un moment le bruit de la pluie. Granger bondit sur ses pieds et inspecta les visages joyeux avec suspicion :

« Qu'est-ce il y a exactement dans ces caisses, Harry ? »

Drago tendit le cou pour voir Potter et Londubat retirer leurs capuches. Ils arboraient tous deux un large sourire. Les yeux de Potter croisèrent ceux de Drago et il cessa de sourire aussitôt. Il cligna des yeux, ouvrit la bouche, et puis se dépêcha de reporter son attention sur Granger.

« De la bouffe, des boissons et… des trucs, dit-il. Pour la fête, demain. »

Granger n'était pas satisfaite.

« Quel genre de boissons ? »

Potter déposa les caisses au sol et ouvrit la plus grande d'un geste théâtral de sa baguette. Drago ne voyait pas ce qu'il y avait à l'intérieur, mais Potter fournit rapidement la réponse à cette interrogation.

« De la Bièraubeure, dit-il. »

Et puis il ajouta « évidemment », comme s'il s'était sentit insulté qu'on insinue que ce puisse être quelque chose d'autre.

« Tu plaisantes ! »

Millie se précipita vers la caisse. Elle fit la grimace en en découvrant le contenu et puis jeta un regard haineux à Potter.

« Il est totalement sérieux, dit Londubat avec un clin d'œil pas discret en direction de Granger.

— Oh, pour l'amour de Dieu, dit Granger en croisant les bras sur sa poitrine. Ce n'est pas comme si je ne pouvais pas trouver ce qu'il y a vraiment dans ces bouteilles.

— Pas si elles sont enchantées pour se transformer en Bièraubeure dès que tu les touches, répondit Potter.

— Vraiment ? »

Granger avait l'air impressionnée.

« Non, reconnut Potter. Je n'ai pas réussi à trouver comment faire. Mais j'ai vraiment fait des efforts et j'ai lu un gros livre pour ça. »

Drago ne pouvait pas voir le visage de Granger, mais il soupçonnait qu'elle souriait.

« Harry, dit-elle, mais avec moins de colère. On a à peine réussi à convaincre McGonagall de nous laisser organiser cette fête. On ne peut pas se bourrer la gueule. Elle serait si déçue. Elle ne nous ferait plus jamais confiance.

— Hermione, dit Harry en imitant son ton sérieux. Tu es en train de contempler le chemin de l'unité Inter-Maisons. »

Il désigna la caisse du doigt.

« Ne le détruis pas. »

Plusieurs personnes se mirent à rire. Drago détourna le regard et cessa d'écouter.

La fête était l'idée de Potter. Lui et Granger avaient demandé la permission à McGonagall, disant que c'était ce dont ils avaient besoin pour se sentir comme une vraie Maison et pas comme quatre Maisons collées ensemble à cause des circonstances. Le problème avec ce plan était qu'ils étaient quatre Maisons collées ensemble à cause des circonstances. Ils n'appartenaient pas à la même Maison, et peu importait la quantité d'alcool, ils ne l'oublieraient pas. La seule chose qu'ils avaient en commun, c'était qu'ils ne se faisaient pas confiance et qu'ils faisaient montre d'un sale caractère. Les gens avaient choisi leurs amis, formé leurs alliances et désigné leur ennemis sept ans auparavant ; ça ne changerait pas aujourd'hui.

Granger avait probablement raison d'être inquiète. Sobres, les gens pouvaient se contrôler ; ivres, les vieilles animosités feraient à nouveau surface et la fête se finirait dans les larmes et les maléfices. D'un autre côté, si ça arrivait, le courroux de McGonagall serait dirigé vers Potter et Granger, et c'était quelque chose que Drago anticipait avec jubilation.

« Joli nuage. »

Drago se raidit. Potter se tenait juste à côté de lui. Drago leva la tête et renifla :

« Il te plait ? Sers-toi. »

Drago leva la main et attrapa l'avant-bras de Potter. Le nuage réagit immédiatement : il s'étira au-dessus de Potter et fit dégouliner de généreuses quantités de pluie sur lui. Potter s'étouffa en recrachant de l'eau mais, au désarroi de Drago, ça le fit rire.

« Tu es pire que l'orage dehors, » dit Potter en libérant son bras et en reculant.

Il lécha les goutes de pluie sur ses lèvres et son sourire disparut.

Drago réalisa aussitôt son erreur. Il n'aurait pas dû laisser Potter goûter la pluie. Maintenant il savait : les gouttes de pluie étaient salées. Pas vraiment comme de la pluie, plus comme des larmes. Drago ne savait pas ce que ça voulait dire, mais il n'aimait pas l'expression que prit le visage de Potter. Les yeux verts se remplirent de pitié.

Ce n'est pas mes larmes, voulait dire Drago. C'est le nuage. Mais c'était son nuage, alors ça devait être ses larmes ; il n'avait pas voulu se retrouver avec ça au-dessus de la tête, mais c'était lui qui l'avait fait apparaître.

Potter enleva sa cape. Il jeta plusieurs sorts dessus et la plia sur son bras, comme un servant la tiendrait pour son seigneur. Il regardait Drago avec l'air d'attendre quelque chose.

« Il te faut vraiment une cape sèche. »

Non. Et j'en ai une dans mon dortoir, pensa Drago en se levant pour enlever sa cape trempée. Il laissa Potter passer sa cape au tissu chaud et épais autour de ses épaules, complètement dégoûté par sa propre attitude. Il aurait dû au moins faire semblant de refuser, ne pas se laisser convaincre si facilement. Mais il y avait quelque chose de fascinant dans le fait de laisser Potter l'envelopper de sa cape. L'espace d'une infime seconde, on aurait pu croire à une étreinte. Cela perturba Drago et l'empêcha de réagir quand Potter passa devant lui pour fermer l'agrafe, ses doigts effleurant la gorge de Drago.

Des gouttes de pluie restaient accrochées dans les cheveux de Potter, et d'autres s'abattaient sur son visage et ses mains. Drago se balança avec gêne et détourna le regard. Il se sentait nu. C'était presque comme s'il avait été en train de pleurer sur Potter, de le couvrir de ses larmes.

« De rien, dit Potter. »

Drago ne se rappelait pas lui avoir dit merci.

« Pourquoi diable aurait-on besoin de Bombabouses ? se plaignit Granger à l'autre bout de la salle. »

Drago se retourna pour voir qu'elle examinait le contenu d'une des caisses avec les autres élèves. Personne ne payait la moindre attention à Potter et lui.

Potter se hâta de rejoindre Granger. Drago avait à moitié envie de lui jeter un Sortilège Séchant vu que Potter semblait avoir oublié de le faire lui-même.

« Viens t'asseoir ici, dit Goyle et Drago accepta avec reconnaissance son fauteuil. »

Celui qu'il avait occupé précédemment ressemblait plus à une piscine qu'à un siège. Drago essaya de le sécher sans conviction mais ça ne marcha pas. L'eau s'accrochait au fauteuil et résistait aux sorts avec acharnement.

Drago releva sa capuche et s'enroula davantage dans la cape de Potter. Elle sentait l'automne et l'herbe et les pommes vertes et Drago inspira à fond.

« Il ne pleut presque plus maintenant, dit Goyle depuis le fauteuil que Weasley et Granger avaient abandonné. »

C'était vrai, le nuage avait rétréci à nouveau et il avait l'air plus clair.

« Et puis… commença Goyle en souriant. »

Il pointa le plateau d'échecs entre eux. Ses pièces étaient maintenant du côté de Drago.

« Tu es en train de perdre. »

Drago renifla et puis surprit Potter en train de le regarder depuis l'autre bout de la pièce.

« Pas pour longtemps, dit-il avant d'ordonner à son cavalier tout tremblant de se sacrifier. »