Et voilà... Enfin! me dira-t-on. Et bien oui, mon grand One-shot voit enfin le jour.

Petite précision pour mes lecteurs/lectrices qui ont lu ma fiction "l'indomptable": ceci est une histoire qui se passe parallèlement à cette fiction et elle se déroule dans le même univers, sauf sur un autre continent. Il y aura des clins d'œil par rapport à cette fiction. Mais pour ceux ou celles qui ne l'auraient pas lu, ne vous inquiétez pas, vous arriverez tout de même à suivre ce récit en toute tranquillité.

Comme d'habitude, étant bien trop grand - la plus longue histoire que j'ai écrite jusqu'à aujourd'hui - je vais devoir découper cet OS en plusieurs parties. En l'occurrence, vous aurez droit à 4 longs chapitres avec en bonus, un épilogue. Mais ne précipitons pas les choses et commençons donc par la première partie!

Je vous souhaite une bonne lecture!


Le crépuscule de l'innocence
Première partie

Alors que le soleil pointait à peine le bout de ses rayons chauds, un vacarme métallique résonnait d'ores et déjà. De manière irrégulière, le son strident de deux lames s'embrassant tonnait vigoureusement. De temps à autre, il était accompagné de rire ou de râle mécontent. Ces bruits parfois assourdissants de si bon matin ne semblaient pas inhabituels pour les personnes dont les paupières étaient encore fermées. Même la nature ne s'offusquait pas devant tant d'énergie et de chamaillerie. Sans même prêter attention, les créatures matinales s'occupaient de leurs propres besognes.
Ajustant tranquillement les manches de sa tenue légère, Fargas se dirigea vers le bord de son lit où il s'y installa délicatement. Sous la couverture faite de peau d'animaux, une femme somnolait encore. Sa chevelure châtaine s'éparpillait tels les rayons du soleil sur l'oreiller. Avec toute la tendresse du monde, l'homme caressa la joue hâlée de sa bien-aimée avant d'y déposer un délicat baiser. Ne pouvant plus feindre d'être endormie, la dulcinée sourit chaleureusement.

- Je t'ai réveillée, ma douce ? demanda tendrement Fargas, écartant quelques mèches du beau visage devant lui.
- Je dois plutôt cela à nos deux monstres matinaux, grommela la femme qui ne se donna pas la peine d'ouvrir les yeux. Que je sache, aucun des deux n'est coq. Et pourtant, chaque matin, c'est le même schéma.

Malgré la voix sévère qu'avait prise Shella, elle était bien loin d'être en colère. Dans l'intonation de ses paroles, on pouvait sentir toute l'affection qu'elle portait aux deux « coqs ». Cela fit sourire Fargas qui embrassa son épouse avant de se retirer. D'un pas assuré, il s'avança vers la sortie de la tente, laissant sa bien-aimée se reposer encore un peu.
Lorsque l'homme ouvrit l'une des battantes en tissu, la lumière douce du jour vint caresser son visage. Le ciel était dégagé, annonçant la magnifique journée à venir. Sans grande surprise, l'origine du vacarme matinal se trouvait devant ses yeux. Au centre d'un grand terrain plat, entourés de plusieurs tentes, deux jeunes gens s'affrontaient assidûment avec des armes de corps-à-corps.
Un jeune homme au même visage et à la même chevelure que Shella combattait fièrement avec une large épée et une petite dague. Ses iris d'un bleu pur étaient pareils à ceux de sa mère. En face de lui, son adversaire était une séduisante femme à la peau mate et au regard aussi sauvage que la forêt même. Sa chevelure corbeau coulait légèrement plus bas que ses épaules. Maniant sa lance à double pointe avec dextérité, cette dernière affrontait son opposant avec tant de grâce qu'on aurait cru voir une danse.

- Je vous avais donné la permission de vous entraîner après le lever du soleil et non avant, déclara Fargas, incapable de dissimuler l'amusement sur son visage.

Les deux combattants s'interrompirent immédiatement dans leur échange. Se redressant correctement, ils toisèrent l'arrivant. L'homme qui se tenait face à eux était grand et fort. Sa corpulence faite que de muscles était large et puissante. Les cheveux de ce colosse étaient aussi sombres que la nuit sans lune et ses yeux étaient aussi beaux que des émeraudes.
Le jeune garçon rangea sa petite dague dans un socle accroché à son épée. Son opposante, quant à elle, fit replier les pointes de sa lance avant de l'accrocher derrière son dos. Puis, respectueusement, les deux jeunes frappèrent leur poing contre la poitrine. Un salut digne et fier que tout brave guerrier et sujet devait à son souverain.

- Votre mère se demande si, en réalité, vous n'êtes pas des coqs, railla Fargas en s'approchant de ses deux enfants. Un jour, la tribu se vengera de vos entraînements matinaux.
- Père, tu nous as interdit de quitter le camp, rétorqua le garçon en croisant les bras, un sourire narquois sur les lèvres. Ce serait plutôt à toi que la tribu devrait demander des comptes.
- Noel, tu es encore trop jeune pour pouvoir t'aventurer seul dans la nature. Pas avec toutes ces créatures qui y rôdent.

La demoiselle étouffa un rire, sous le regard frustré de son frère. Mais le père n'allait pas laisser sa fille s'en tirer aussi facilement. Faire dans les préférences n'était pas dans ses habitudes, ce fut pourquoi Fargas enchaîna de suite :

- Et toi, Fang, même si tu as atteint l'âge adulte, tu es bien trop impétueuse pour que je te laisse y aller seule.
- Tu es injuste, Père, bouda Fang en posant les mains sur les hanches. Ce n'est pas ma faute si une horde de Béhémoths a cru que je voulais faire du mal à l'un de leurs petits. J'avais lancé cette pierre sans cible précise.

Riant à cœur joie, Fargas posa une main sur chaque épaule de ses progénitures. En se remémorant la scène, le grand Chef était amusé, mais lorsque cela s'était produit, il avait cru mourir par peur de perdre sa fille. Rapidement, il avait dû faire appel à ses plus puissants guerriers afin de sortir Fang de ce guêpier. Celle-ci n'était alors âgée que de dix-sept étés à l'époque, l'âge actuel de son frère, Noel.
Serrant ses poignes, l'homme attira l'attention de ses enfants qui le dévisagèrent. Tous deux étaient de preux combattants et il le savait. Pourtant, il ne pouvait pas se résoudre à laisser le moindre danger s'approcher d'eux.

- Vous êtes la chair de ma chair, débuta fièrement Fargas en regardant tour à tour ses descendants. Vous êtes mes héritiers. Un jour, vous allez devoir me succéder et diriger Gran Pulse vers la prospérité et la sécurité. Vous êtes les enfants du Lion, ne l'oubliez pas !

Le frère et la sœur hochèrent de la tête avant de se scruter du coin de l'œil. C'était le discours classique et l'excuse habituelle de leur père afin de leur imposer la présence de garde du corps. Tous deux connaissaient le poids de leurs responsabilités, de leur héritage. Mais ils étaient jeunes et désiraient découvrir le monde, le goûter, l'apprivoiser. Aucun d'eux ne voulait grandir dans une cage dorée. Au contraire, ils voulaient pouvoir se forger dans la violence même de la vie, tout comme leur géniteur.

.

À l'ombre d'un arbre, Noel s'y adossa gentiment contre, profitant de la fraîcheur du vent. Les bras croisés, il toisa le campement de sa tribu du haut de sa colline. Gran Pulse était un immense pays où la nature régnait en maître. La population était pour la plupart des nomades, se déplaçant de lieu en lieu selon les saisons et les besoins. Oerba ne faisait pas exception à la règle. Lorsque la chaleur de l'été aura cédé sa place aux tempêtes d'automne, le clan se remettra à nouveau en mouvement vers des terres plus accueillantes.

- À quoi penses-tu ?

Levant la tête, le jeune garçon observa son aînée qui se trouvait perchée sur une branche d'arbre. Couchée sur son lit de fortune, Fang balançait distraitement sa jambe gauche. Tout comme son frère, elle profitait du repos rafraîchissant qu'offrait ce petit refuge.

- À notre prochaine destination, répondit Noel qui reposa ses yeux vers la tribu. Père va-t-il nous emmener à un endroit que l'on connaît déjà ou nous trouver une nouvelle place ?
- Pourquoi ne vas-tu pas directement le lui demander ? répliqua Fang en haussant les épaules.
- Cela gâcherait la surprise.

Alors que la noiraude riait en secouant la tête, elle remarqua au loin qu'un petit groupe de trois personnes s'approchaient lentement d'eux. Lâchant un long soupir, elle s'affala encore plus sur sa branche, lasse. Noel sourit en devinant ce qui agaçait sa sœur lorsqu'il croisa le regard de leurs gardes du corps.
Les trois individus s'arrêtèrent à quelques mètres de l'arbre. Chacun savait pertinemment que les héritiers rechignaient face à leur présence. Ce fut pourquoi, afin de rendre la chose plus acceptable pour eux, les soldats tentaient au mieux de leur offrir un espace vital. Il fut même une époque où un seul garde suffisait pour surveiller les deux enfants de Fargas. Mais lorsque ces derniers, vers l'adolescence, inventèrent un nouveau petit jeu qui était de fuir et d'abandonner leur chaperon, la sécurité dut s'adapter en conséquence.
Fang se redressa soudainement sur son perchoir, toisant étrangement les nouveaux arrivants :

- Je reconnais Nolan, le faucon. Vous deux autres, vos visages me sont complètement inconnus.

Le dénommé Nolan hocha respectueusement de la tête. C'était un homme plutôt maigre, de taille moyenne. Dans son dos, un arc attendait impatiemment d'abattre une cible. Il était un tireur remarquable, peu pouvaient se vanter de posséder autant de précision que lui. Rien de bien étonnant, étant donné que ce dernier était un faucon, songea Fang qui tourna son regard vers ses deux compagnons.
La femme aux côtés de Nolan semblait chétive et fragile. Mais la noiraude savait parfaitement qu'il ne fallait jamais s'y fier, surtout lorsque l'on ne connaissait pas l'animal qui s'y cachait derrière. Et le troisième individu était un homme corpulent, fait que de muscles. Il était certes moins impressionnant que Fargas, mais il restait tout de même imposant.

- Je me nomme Kirla, Princesse, se présenta poliment la femme en frappant son poing contre la poitrine. Je suis une louve. Et mon camarade que voici, c'est Chross, un gorille.

L'unique réponse de Chross fut une simplement grognement approbateur. Le visage froid, on pourrait croire que son expression était figée dans le marbre. Les bras croisés, il faisait saillir ses puissants muscles que sa simple tunique en tissus avait peine à dissimuler.
D'un sourire tout à fait charmant, Kirla reprit :

- Veuillez l'excuser, il n'est pas très bavard. Mais je peux vous assurer qu'il est une personne digne de confiance.

Un nouveau grondement de la part de l'homme-gorille, ce qui fit rire sa compère qui ne prenait guère peur face à cet avertissement. Se tournant vers les deux enfants de leur Chef, Kirla connaissait parfaitement la loi. Afin de prouver sa loyauté, elle devait dévoiler sa véritable nature. Témoigner sa véritable forme était une manière de révéler les forces et les faiblesses de ses origines. Par ce fait, très peu connaissaient la bête qui se cachait derrière les héritiers. Afin de protéger ce secret, seuls quelques proches étaient au courant.

Une teinte de magie rayonna autour de Kirla. Puis, dans une vapeur colorée et lumineuse, la femme s'évapora soudainement, littéralement happée par la brume. Et lorsque le brouillard surnaturel se dissipa, une magnifique louve apparut. Tout comme la chevelure de la femme, la bête abordait un pelage argenté d'une beauté incomparable.
Une deuxième explosion magique tonna, révélant la présence d'un imposant gorille. Les deux créatures toisèrent leurs futurs souverains avec respect, attendant leur accord pour pouvoir reprendre forme humaine.
Voilà ce dont étaient capables les nomades de Gran Pulse : la métamorphose. Chaque enfant naissait sous la bénédiction d'une étoile animale. Mais la bête des parents n'influençait en rien celle de leurs progénitures. Certains disaient que cela était le hasard du monde et d'autres, le destin qui prédestinait une créature selon le caractère de l'individu.

Après l'approbation des héritiers, la louve et le gorille reprirent leur forme humaine. Le processus était le même que pour la métamorphose vers l'animal. Les vêtements et tout autre objet étant restés en contact avec le métamorphe réapparaissaient systématiquement. Sauf les êtres vivants, bien évidemment, Fang et Noel avaient déjà expérimenté la chose. La noiraude avait déjà chargé son jeune frère comme une mule. Et après la transformation, tout était encore là, allant d'un immense sac à une petite cuillère. Mais lorsqu'ils retentèrent l'observation en se tenant la main ou avec un animal, ce fut un échec total. L'être vivant ne fusionnait pas avec celui qui changeait de forme.

- Pourquoi êtes-vous ici ? questionna Noel, perplexe. Après tout, nous ne sommes pas très loin du campement et peu de monstres rôdent par ici.
- Pour ceci, Prince, répondit Nolan en pointant du doigt l'horizon.

Plissant légèrement des yeux, le fils de Fargas apercevait au loin un petit attroupement. Ces gens ne faisaient pas partie du clan d'Oerba, il en était certain. Les tribus marquaient leur appartenance en portant des tuniques d'une certaine couleur. Pour le peuple de Fargas, le noir et toutes les nuances du bleu étaient de rigueur. Et pour les étrangers qui s'approchaient du campement, tous portaient diverses couleurs. Révélant ainsi que même parmi eux, plusieurs clans s'y trouvaient.
Lentement, Fang glissa du haut de son perchoir. Atterrissant près de son frère et fronçant des sourcils, elle scrutait les arrivants d'un air peu avenant. Tout comme son cadet, ses instincts étaient en alerte. Il était rare qu'une autre tribu vienne à la rencontre de leur père, du moins, pas en aussi grande communauté. Un messager aurait suffi. Mais cette fois-ci, pas un clan ne s'était déplacé, mais plusieurs.
Fargas était le Chef d'Oerba, mais également celui qui faisaient régner l'ordre parmi toutes les tribus de nomades de Gran Pulse. Régnant sur chaque clan, il faisait également office de médiateur entre eux. Chaque décision devait passer par lui.

- Aujourd'hui, notre Chef doit s'entretenir avec les plus grands et puissants clans, expliqua Kirla en voyant la perplexité des héritiers. Il y a eu des désaccords, c'est pourquoi nous sommes ici pour assurer votre protection au cas où certains voudraient s'en prendre à vous en guise de chantage.
- Des désaccords ? Par rapport à quoi ? reprit Fang qui ne lâchait toujours pas les arrivants des yeux.
- Par rapport à Cocoon, nos voisins. Certains désirent la paix, d'autres veulent la guerre.

Cocoon était un pays qui avoisinait l'est de Gran Pulse. Plus petite que cette dernière, c'était une terre peuplée de centaines de villes et villages. Selon les rumeurs, là-bas, il n'y avait pas de monstres qui rôdaient, mais simplement des animaux qui n'étaient pas des métamorphes.
Fang et Noel n'avaient jamais eu l'occasion de découvrir cette étrange contrée. Ils n'avaient entendu que des contes et des rumeurs à propos de ce peuple incapable de prendre forme animale, mais ayant des capacités incroyables comme de faire jaillir une boule de feu dans leurs mains. Contrairement aux pulsiens, ils portaient d'immenses armures en métal afin de se protéger. Selon certains, c'était parce que la nature ne leur avait pas offert la puissance et la robustesse d'un pulsien.

Les deux pays voisins s'ignoraient durant des siècles jusqu'au jour où, se méfiant l'un de l'autre, une guerre avait éclaté entre eux. Même si elle s'était amenuisée avec le temps, les flammes de la haine entre les deux peuples avaient continué de grandir. Malgré la paix précaire, tous savaient qu'à la moindre étincelle, les flammes sanglantes de la bataille jailliraient à nouveau.
Dans tous les cas, cette histoire avait attisé la curiosité des deux enfants de Fargas. Les deux jeunes se toisèrent un instant, sachant parfaitement que l'autre pensait à la même chose. Qui pourra mieux assouvir leur appétit de savoir que celle qui leur avait toujours conté des millions d'histoires depuis l'enfance ?

.

- Vous voulez que je vous parle de Cocoon ? demanda Shella en haussant les sourcils. Tout ce qui ne concernait pas de grands héros abattant une monstrueuse créature, ne vous a jamais intéressés. Je suppose que ce revirement d'intérêt a un lien avec la réunion que votre père tient aujourd'hui.

Les sourires innocents de Fang et Noel firent rire l'épouse du Chef qui reposa tranquillement sa tasse sur la table. Malgré les années qui passaient, ces deux-là restaient toujours des enfants. Inséparables depuis leur plus jeune âge, la complicité des deux héritiers avait ravi plus d'une fois le cœur de leurs parents. Lorsque l'un se trouvait quelque part, l'autre n'était jamais bien loin.
S'installant bien confortablement dans son siège, Shella avait déjà toute l'attention de son auditoire. Tranquillement, elle toisa tour à tour Fang et Noel avant de débuter :

- Vous connaissez certainement l'histoire de notre création, mais je vais vous la rappeler. Deux grands peuples vivent sur cette Terre. Les premiers sont les descendants d'Ashara, déesse de la beauté et de l'intelligence, que l'on appelle communément Humain. Et les autres étaient les enfants de Fenrir, dieu de la nature et de la puissance, dont ils reçurent plusieurs noms. Dans un pays lointain, Fuuka, notre peuple est appelé « Cruzaider ». À Cocoon, un humain est appelé l'Cie et les métamorphes, fal'Cie.

Croisant les bras, Fang parut plutôt perplexe. On lui avait déjà conté quelques histoires à propos de Fuuka, un pays se trouvant au-delà de l'immense océan. On racontait que là-bas, les Cruzaider étaient devenus les esclaves des humains. Dressés comme de vulgaires chiens, ils devaient obéissance et loyauté envers leur maître. Et ce, jusqu'à la mort.
L'aînée des Yun ne comprenait pas comment ces Cruzaider pouvaient continuer à vivre ainsi sans se rebeller. Il était inconcevable pour Fang de se retrouver enchaînée alors que la bête qui dormait en elle réclamait sans cesse la liberté. Si elle ne pouvait pas être libre de ses mouvements, de ses choix, elle deviendrait certainement folle. Ou pire encore.
Remarquant la tête que faisait la noiraude, Shella sourit avant de reprendre :

- Fenrir est le fidèle protecteur d'Ashara. Et comme tu le sais, les humains sont faibles physiquement, ce fut pourquoi Fenrir nous créa. Afin que l'on puisse protéger les enfants de la Déesse.
- Ce n'est pas une raison pour nous mettre une laisse autour du cou ! grogna Fang, outrée de savoir ses congénères en cage et muselés.
- Les coutumes de Fuuka diffèrent beaucoup de la nôtre. Ils usent à outrance le lien que les Dieux nous ont offert.

Humain et homme-bête pouvaient se lier par une chaîne mystique qui ne se brisait qu'à la mort d'un des deux protagonistes. Cette attache magique permettait aux deux races d'accroître leur puissance en fusionnant leurs pouvoirs. Mais un tel lien était immortel et ne pouvait se faire à la légère. C'était pourquoi Gran Pulse et Cocoon ne pratiquaient pas ce genre d'incantation. Non seulement parce que les deux peuples ne se faisaient guère confiance, mais également parce qu'ils ne croyaient pas à cette légende.
S'appuyant sur la table, les bras croisés, la tête sur ses mains, Noel demanda :

- Parle-nous des gens de Cocoon. Comment sont-ils ?
- Ce sont des gens comme toi et moi, mon fils, répondit tendrement Shella en souriant. Ils ne peuvent simplement pas prendre une forme animale. Cependant, ils possèdent une magie incroyable. Je dirais même effrayante.
- J'ai entendu dire que leurs vêtements étaient faits de métal, ajouta Fang en tentant d'imaginer la chose. Comment arrive-t-il à se mouvoir correctement comme ça ?
- Ils doivent bien compenser la faible constitution de leur corps, expliqua la femme de Fargas. J'ai déjà eu l'occasion d'en apercevoir quelques-uns. Leur accoutrement ne leur semble pas si encombrant que cela.

Soudain, les battantes de la tente s'ouvrirent brutalement. Fargas pénétra dans les lieux, le visage fermé par la colère. Tout le monde dans la pièce se tut, scrutant l'arrivant avec curiosité. Ce dernier se rendit compte de toute la tension qu'il avait emmenée. Passant la main sur son visage, il tenta de retrouver un semblant de calme.
Doucement, Shella se leva et alla rejoindre son mari. Posant délicatement sa main sur la large épaule de celui-ci, elle tentait de l'apaiser par sa simple présence et son toucher. Puis, la femme tourna le regard vers leurs enfants.

- Je pense que vous devriez nous laisser, déclara-t-elle gentiment.

Alors que les jeunes s'étaient levés et s'apprêtaient à quitter les lieux, Fargas reprit abruptement :

- Non, ils ne cessent de me répéter qu'ils sont assez matures pour faire face à n'importe quelle situation. Alors je vais leur faire part d'une décision importante qu'ils devront de toute manière prendre tôt ou tard.

Fang et Noel se regardèrent un instant avant de se rasseoir.

.

Le soleil glissait doucement derrière les chaînes de montagnes. Fang aurait voulu admirer ce magnifique spectacle, mais elle avait une chose plus importante à faire. Se faufilant parmi les tentes, elle se fraya un chemin jusqu'au lac se trouvant au sud du campement. Bien évidemment, elle avait veillé à semer ses gardes du corps qui devaient certainement croire qu'elle se trouvait encore dans sa chambre en tissu.
Se rapprochant du point d'eau, un « plouf » parfaitement distinct attira son attention. Arrivée vers l'origine du bruit, Fang ne fut guère surprise de retrouver son jeune frère assis dans l'herbe. Ce dernier, le regard au loin, jetait distraitement des pierres dans le lac.
Sans dire un mot, la noiraude s'installa aux côtés de Noel. Celui-ci ne trouva rien à redire et continua son occupation très intellectuelle. Serrant ses genoux contre sa poitrine, Fang y posa son menton. Un silence apaisant régnait dans cette nature sauvage. Seuls les cailloux coulant dans l'eau brisaient ce calme déstabilisant.

- Tu peux refuser, tu sais ? marmonna Fang en admirant les vagues qui se formaient sur la surface de l'eau.
- Et faillir à mes responsabilités ? rétorqua faiblement Noel en soupirant. Si je n'accepte pas, la guerre risquerait d'éclater.
- Donc, tu es d'accord de te fiancer avec une parfaite inconnue ?

Le jeune homme ne répondit rien, se contenant de jeter encore une nouvelle pierre. Fang le contempla avec désarroi. Elle connaissait parfaitement son frère. Ce dernier était un romantique et lui avait avoué son envie de trouver la femme qui le rendrait heureux. Et avec qui, il fondera une merveilleuse famille. Une femme qu'il aimera de tout son cœur et qui l'aimera en retour. Des projets qui risquaient de finir comme les cailloux que lançait Noel.

- Si tu as de la chance, elle ne sera peut-être pas trop moche, railla Fang avec un faible sourire, tentant d'alléger l'ambiance.
- Tu sais que tu es horrible parfois ? rétorqua Noel qui ne put s'empêcher de rire. J'espère simplement qu'elle ne sera pas invivable comme toi.
- Hé, je ne vois pas pourquoi tu dis ça ! Je suis tout ce qu'il y a de plus respectable.
- Alors, arrête de faire fuir tous tes prétendants. Père commence à désespérer à propos de cette histoire, tu sais ? Il va bientôt falloir te trouver un compagnon.

Lâchant un grognement, Fang s'affala au sol, les mains derrière la tête. Le regard perdu dans le ciel orangé, elle fit la moue. Ce n'était pas qu'elle voulait rejeter tous ses prétendants, certains étaient forts, d'autres étaient beaux ou encore sympathiques. Tout ce dont une femme pouvait souhaiter. Elle avait même tenté avec les femmes dont les belles courbes l'attiraient plus qu'un torse musclé. Mais le résultat fut le même : ces choses-là ne l'intéressaient guère. Non, elle, elle rêvait d'aventures, de combats et de frissons. Bâtir une histoire d'amour et fonder une famille, ce n'était qu'un besoin secondaire pour elle.
Face à ce constat, Fang s'en voulut que ce soit son frère qui doive s'engager de force. Si cela avait été possible, elle aurait demandé à prendre sa place. Malheureusement, elle était une femme et elle ne pouvait donc pas se fiancer à la princesse de Cocoon. À Gran Pulse, un couple du même sexe était monnaie courante, ce qui n'était peut-être pas forcément le cas pour le pays voisin. Et de toute manière, pour que l'alliance soit concrète, les fiancés devaient pouvoir concevoir un héritier. Fang était d'office retirée de la liste des candidats.

- Je ne veux pas d'un compagnon pour le moment, soupira Fang en brassant l'air de sa main. Et si ta fiancée te les brise, dis-le-moi, je m'occuperais de son cas.
- Je n'ai pas envie d'une femme défigurée, merci ! rétorqua Noel, amusé.
- Je proposais simplement mon aide. Ingrat !

Les deux jeunes rirent joyeusement avant que le silence ne leur retombe dessus. Jouant nerveusement avec des brins d'herbe, Noel se tourna vers son aînée, l'une des personnes sur qui il pouvait compter, voire même offrir sa vie. Plus qu'un modèle, cette dernière était un soutien indispensable à son existence.

- J'ai pris ma décision, déclara-t-il avec fermeté.
- Et bien soit, mais ne viens pas pleurer après, car mon offre vient de périmer, répondit Fang qui se releva gentiment. Et maintenant que j'y pense. Tu veux vraiment savoir quelle tête aura ta dulcinée ?

D'abord surpris, Noel comprit rapidement ce que sous-entendait son aînée. Se levant à son tour, il ouvrit la marche en se dirigeant tranquillement vers la tente de la renarde. Après tout, ce genre d'animal était plutôt fouineur. Un préjugé qui collait parfaitement à la peau de Vanille qui connaissait toujours tous les derniers potins, même ceux des autres tribus et pays.

.

Ravie de voir arriver ses amis d'enfance, Vanille s'empressa d'offrir des chaises à ses invités. Petite et frêle, l'hôte arborait deux grandes couettes rousses derrière ses oreilles. Son visage rayonnait d'innocence et de joie. Mais ceux qui la connaissaient savaient parfaitement que derrière ce masque d'ange pouvait se cacher l'esprit fourbe et malin du renard.
Noel et Fang s'installèrent gentiment et acceptèrent les rafraîchissements que leur amie leur offrit. Puis, bondissant littéralement sur son siège, Vanille posa les mains sur la table qu'elle croisa. Durant quelques secondes, elle dévisagea tour à tour ses deux interlocuteurs.

- Alors, vous êtes venus me demander des choses à propos de la famille royale de Cocoon, c'est ça ? déclara-t-elle de but en blanc, un sourire sur les lèvres.

Le futur fiancé faillit s'étouffer avec sa boisson avant de rétorquer :

- Mais comment fais-tu pour toujours être au courant de tout ? Je viens à peine d'en être informé.
- J'ai mes sources, répondit malicieusement la rouquine. Alors que voulez-vous savoir ?
- Tout ce que tu sais et que tu penses qu'il est nécessaire de savoir, ma grande, répondit Fang, devenue curieuse.

Satisfaite d'avoir carte blanche, Vanille se lança dans un long discours avec enthousiasme. Les informations de la renarde s'avéraient toujours véridiques et très précises. Fang s'était toujours demandée comment son amie arrivait à se dégoter ce genre d'information, mais celle-ci restait toujours évasive à propos de ses contacts.
Cocoon était un pays en pleine croissance. Depuis que John Farron était monté sur le trône, la prospérité de ses terres et de son peuple ne fit qu'accroître jour après jour. C'était un homme bon et un roi remarquable selon les dires de ses sujets. Le souverain possédait deux magnifiques filles dont l'aînée était la commandante de la garde royale. Un fait peu commun parce que très peu de femmes se retrouvaient dans l'armée.

- Sont-elles aussi belles que les rumeurs le disent ? interrompit Fang en faisant un clin d'œil à son frère.
- À en couper le souffle... répondit Vanille qui fit des grands gestes avant de porter tout son intérêt vers Noel. Elles ont toutes deux hérité de l'incroyable beauté de leur père. Leur chevelure est d'un blond étrange, presque rose et leurs yeux d'un bleu si incroyable qu'on croirait fixer le ciel. D'ailleurs, l'emblème de la famille royale est, sans grande surprise, une rose.

Face à cette explication, Fang ne put s'empêcher de donner un coup de coude à Noel. Le sourire narquois de cette dernière exprimait parfaitement ses pensées : « Alors, heureux ? Petit veinard ! » Mais le futur fiancé ne s'arrêtait pas à une simple enveloppe corporelle. Ce qui l'importait était l'esprit qui l'habitait. Et cela, Vanille l'avait perçu, ce fut pourquoi elle continua :

- Claire est l'aînée des filles Farron. Très peu peuvent l'approcher, car elle est toujours froide et distante. Son charisme et sa sévérité lui ont permis d'être respectée par tous ses sujets, surtout au sein de l'armée. Certains la vénèrent tandis que d'autres la craignent.

Puis, un sourire se dessina sur les lèvres de la rouquine :

- Par contre, pour ce qui est de la cadette, Serah, c'est comme le jour et la nuit. La jeune princesse regorge de beaucoup de vie. Joyeuse et d'une gentillesse sans fin, elle a aussi su conquérir le cœur de son peuple. Bien plus expressive que sa sœur, les gens sont plus facilement à l'aise en sa compagnie.
- Ta fiancée est Serah, non ? reprit Fang en tapotant l'épaule de son frère. C'est bon, tu as évité la mégère alors !
- Riant faiblement, Noel grimaça légèrement. Devant la famille royale, sa sœur allait devoir apprendre à garder sa langue dans sa poche. Il ne serait pas étonné qu'une fois à Cocoon, Fang soit l'origine de plusieurs scandales. Il allait devoir être prudent afin d'éviter des problèmes à cette dernière. Parfois, le jeune garçon se demandait lequel des deux était réellement l'aîné.


Traversant les couloirs en pierre du château, une femme s'avança à pas rapides dans ces lieux qu'elle connaissait par cœur. Dans le calme de la nuit, seuls les cliquetis de son armure perturbaient cette sérénité. Venant à peine de rentrer d'une expédition, Claire n'avait pas pris la peine d'aller retirer son équipement. Pas après ce que l'on venait de lui annoncer.
Arrivée à destination, la chevalière s'arrêta abruptement devant une porte en bois. Sans plus attendre, elle frappa à l'entrée du revers de la main. Puis, elle pénétra dans la pièce avant même que l'on ait invitée. Refermant derrière elle, Claire scruta la chambre tamisée avec de petites bougies. Près de la fenêtre, une demoiselle s'y tenait et scrutait le paysage. Cette dernière tourna le visage vers l'arrivante, peu surprise par sa présence dans ses appartements privés. Le visage de la jeune princesse était légèrement teinté de rouge et ses yeux paraissaient fatigués.

- Serah, tu as pleuré... constata Claire, le cœur serré.

Serah toisa un instant son aînée. Des serviteurs lui avaient annoncé son retour dans la soirée. Et la voyant encore porter son armure ainsi que son air épuisé, la princesse comprit que la chevalière était directement venue la voir après être arrivée dans l'écurie. À nouveau, les larmes la guettèrent et sans plus attendre, elle partit se réfugier dans les bras protecteurs de l'arrivante.
Serrant sa cadette contre elle, Claire embrassa tendrement le front de cette dernière afin de la réconforter. Elle n'aimait pas quand sa sœur pleurait. Elle voulait la voir heureuse, la voir sourire, l'entendre rire. Quand un écuyer lui avait annoncé les fiançailles de Serah, la chevalière avait ressenti le besoin impérieux de la retrouver. Elle savait pertinemment que cette dernière devait être effondrée face à cette nouvelle. Mais en digne et fière héritière du trône, Serah allait accepter cette responsabilité.

- Contrairement à ce que disent les rumeurs, les pulsiens n'ont pas de troisième œil et ne se changent pas en monstre difforme durant la pleine lune, déclara calmement Claire, un léger sourire sur les lèvres afin de rassurer sa cadette. Ils sont comme toi et moi. Sauf qu'ils peuvent se transformer en animal. Et vu ton arachnophobie, il ne te reste plus qu'à prier pour que ton fiancé ne mute pas en araignée.

Afin de réprimander son aînée, Serah la frappa au bras sans pour autant pouvoir réprimer un rire amusé. Ce son ravit le cœur de la commandante de la garde royale. Claire aurait pu rester encore un peu plus longtemps à taquiner sa jeune sœur, mais la porte s'ouvrit brutalement. Une femme portant une immense robe coûteuse et certainement trop chaude pour une pareille saison, pénétra dans la pièce. Ses cheveux roux étaient domptés dans un immense chignon très en vue par la haute cour. La tête allongée de celle-ci faisait irrémédiablement penser à une vipère.
Le visage avenant de la chevalière se referma soudainement, ne laissant que froideur derrière lui. L'arrivante toisa sévèrement la femme guerrière d'un air hautain.

- Que faites-vous ici ? tonna-t-elle d'une voix acerbe. Ne devriez-vous pas aller voir le roi afin de lui faire votre rapport ?
- J'allais m'y rendre de ce pas, ma reine, répondit Claire d'un ton neutre. Je me demandais simplement comment se portait la princesse.
- Comme vous pouvez le constater, elle va parfaitement bien. Vous pouvez aller remplir votre devoir à présent.
- Mère ! s'écria Serah, offusquée par la réaction de sa génitrice.

Doucement, l'aînée des Farron s'écarta de sa cadette. Cette dernière se mordit les lèvres, impuissante comme à chaque fois que l'on éloignait sa sœur de force. Mais cette fois-ci, Serah ne voulait pas rester les bras croisés alors que Claire était venue lui offrir un réconfort apaisant. Une sécurité qu'elle seule pouvait lui donner.
Mais alors que la jeune demoiselle allait rétorquer, elle fut devancée par la chevalière qui déclara :

- Mes excuses pour le dérangement, Princesse. Je vais prendre congé à présent.

Lentement, Claire se dirigea vers la sortie de la chambre, sous le regard attristé de sa cadette. Avant de quitter les lieux, elle se tourna vers la dernière arrivante, toujours sans expression.

- Ma reine, annonça-t-elle en se recourbant avant de s'éclipser.

.

Avant d'aller faire son rapport, Claire décida de rejoindre ses appartements afin de retirer son équipement et de se permettre une petite toilette. Une fois propre, elle enfila une tenue légère de soldat où ornait fièrement une rose au niveau du cœur. Après avoir mis ses bottes, elle quitta sa chambre tout en boutonnant les manches de sa chemise.
Sur son chemin, les gardes inclinèrent respectueusement la tête à la vue de la commandante. Cette dernière se contenta de les saluer silencieusement. Et sans plus attendre, elle s'achemina jusqu'au bureau du roi de Cocoon. Cette fois-ci, lorsqu'elle frappa à la porte, elle attendit sagement qu'on l'invite à y entrer.
Lorsqu'une voix masculine tonna, Claire pénétra finalement dans la pièce. Assis à son bureau, John Farron sirotait un verre de vin. Abordant la quarantaine, il était resté un bel homme encore dans une forme physique parfaite. Tout comme ses filles, une tignasse blonde aux étranges reflets rosâtres trônait sur sa tête. Son regard comme l'océan toisa l'arrivante. Puis, une mine chaleureuse apparut sur ce visage sévère ainsi qu'un sourire.

- Bon retour parmi nous, ma chère enfant, déclara le roi qui se leva avant de serrer tendrement sa progéniture dans ses bras. Que fais-tu ici ? Tu devrais te reposer, tu l'as bien mérité.
- Je suis venue vous faire mon rapport, Père, répondit Claire sans s'éloigner de l'étreinte de son paternel.
- Oublions les formalités, veux-tu ? Viens t'installer avec moi. Un verre de vin peut-être ?

Secouant la tête, la jeune femme refusa l'offre et alla s'asseoir sur un siège en face du bureau. Le roi s'installa sur son fauteuil, ravi de retrouver sa fille saine et sauve. Même s'il avait demandé de passer outre certaines responsabilités, il savait pertinemment que son enfant allait tout de même accomplir son devoir.

- Nous avons finalement repéré les brigands qui terrorisaient Palum Polum, débuta Claire sur un ton formel. Nous avons donc découvert leur repère et arrêté chacun de ces criminels.
- Y a-t-il eu des blessés ? questionna John, rassuré de voir sa fille sans la moindre blessure.
- Aucun. L'opération a été menée à bien dans les règles de l'art.
- Parfait, je savais qu'une fois de plus, je pouvais compter sur toi.

Le roi prit une gorgée de son vin. Alors qu'il s'attendait à ce que son enfant, toujours solitaire, se retire, Claire ne bougea pas de son siège. Levant le regard vers son père, elle le toisa d'abord avec sévérité, puis avec incompréhension.

- Serah est vraiment fiancée à un pulsien ? demanda-t-elle finalement.
- Officiellement dans quelques jours, lorsque nos invités de Gran Pulse viendront pour la cérémonie, répondit John en frottant sa barbe naissante. Je n'avais pas vraiment le choix... C'était cela ou la guerre.
- Je le sais parfaitement, Père, et Serah aussi. Vous aviez vos responsabilités envers le peuple. C'est tout à votre honneur d'avoir épargné la vie de milliers de soldats et de citoyens.

Même sous l'accord de sa fille aînée, le roi avait toujours du mal à digérer cette décision. Ses enfants étaient ce qu'il avait de plus cher au monde. En fiançant de force l'une d'elles, il avait l'impression de les trahir.
Épuisée après trois jours de voyage, Claire se leva gentiment afin de prendre congé. Son père la regarda faire sans dire un mot. Mais avant qu'elle ne puisse atteindre le seuil de la sortie, John reprit :

- Commandante de la garde et des fiançailles arrangées... J'aurais souhaité mieux pour mes princesses.

Un petit rictus se forma sur la bouche de la chevalière qui se tourna vers son roi.

- Cela tombe bien, je ne suis pas une princesse, répondit Claire d'un sourire plein d'amertume.
- Cela, c'est ce que tu crois. Mais pour moi, Serah et toi, vous tenez la même place dans mon cœur.

Même si elle ne voulait pas le montrer, la chevalière fut touchée par ces paroles pleines d'affection. Dans ce monde, Claire ne pouvait compter que sur trois personnes. Les seuls qu'elle gardait près de son cœur et pour qui elle était prête à tout pour les protéger. Même si cela venait à lui coûter la vie, sa loyauté était sans faille.
Alors qu'elle allait enfin quitter la pièce, le roi ajouta un dernier commentaire :

- Et par pitié, ne songe même pas à terroriser le fiancé de Serah.
- Je ne puis vous le promettre, Votre Majesté, répondit sincèrement la jeune femme avant de partir.

.

Le sommeil gagna petit à petit Claire lorsque tout d'un coup, un bruit l'extirpa de ses songes. Rapidement, tel un réflexe, elle glissa la main sous son oreiller afin d'empoigner la dague qui y était dissimulée. Son épée reposait également contre la tête du lit. Depuis son plus jeune âge, la chevalière savait que des personnes pouvaient en avoir après sa vie. C'était pourquoi elle gardait toujours une arme à portée de main en cas d'attaque.
La porte de sa chambre s'ouvrit lentement. Ses yeux, s'habituant petit à petit à l'obscurité des lieux, arrivèrent à apercevoir la silhouette qui se faufilait dans la pièce. Tous les muscles de la combattante se détendirent lorsqu'elle reconnut la corpulence de sa cadette. Relâchant son arme, Claire se décala sur le côté de son lit afin de faire une place à son invitée surprise. Sans plus attendre, Serah referma derrière elle avant de se glisser sous les couvertures, près de sa sœur.

- Tu ne devrais pas être ici, murmura l'aînée dont l'adrénaline était enfin redescendue.
- J'avais envie de te voir, répondit Serah en faisant la moue. Cela fait plus d'une semaine que je ne t'avais pas vue.
- La reine serait extrêmement contrariée si elle apprenait ta présence ici.

Serah lâcha un long soupir afin de signifier son indifférence face aux sanctions qu'elle risquait en venant à la rencontre de son aînée. Personne n'allait pouvoir l'empêcher de côtoyer sa plus grande confidente, sa meilleure amie. Quoi que puissent penser les autres, Claire était sa sœur et elle l'aimait comme telle.
Délicatement, la chevalière caressa la chevelure de la jeune princesse. Ce geste distrait était naturel entre les deux Farron. Depuis leur tendre enfance, elles avaient appris à se soutenir mutuellement, à offrir toute l'affection dont l'autre avait besoin dans les moments difficiles.

- Tu n'arrives pas à dormir, c'est ça ? interrogea Claire sans cesser de câliner sa cadette.
- Pas vraiment... concéda Serah en fermant les yeux. Raconte-moi un peu plus à propos de ces fal'Cie, s'il te plaît.
- Comme je te l'ai dit, ils sont comme toi et moi. Et contrairement aux craintes de la population et des histoires que les parents racontent à leur enfant afin de les effrayer, ce sont des êtres fascinants.

Cela n'était vraiment pas un mensonge, se disait Claire dans son for intérieur. Durant ses missions, elle avait déjà eu l'occasion de rencontrer ces hommes-bêtes et même d'affronter certains d'entre eux. Le comportement et même la gestuelle de ces créatures les rendaient étranges, intéressants. Mais la chevalière avait également appris à craindre ces êtres dont la férocité et la sauvagerie étaient hors norme. La puissance d'un fal'Cie fou le rendait incontrôlable et imprévisible. Mais cela, elle évita de l'avouer à sa cadette, de peur de l'effrayer encore plus qu'elle ne l'était déjà.

- Comme chez nous, les l'Cie, il y a des bons et des mauvais, termina Claire avant de bâiller.
- Dis-moi... reprit doucement Serah qui se faisait petit à petit bercer par la voix de sa sœur. Comment c'était Palum Polum ?

L'aînée sentit que la princesse n'allait pas tarder à se faire emporter par ses songes. Elle ne s'en inquiéta pas, car dans le pire des cas, elle réveillera Serah au petit matin avant que les domestiques ne se rendent compte de son absence.

- Alors, Palum Polum... continua Claire qui luttait également contre le sommeil. C'est une magnifique ville portuaire...


Après plusieurs jours de voyage, le clan d'Oerba arriva finalement aux pieds de Bodum, capitale de Cocoon. Fargas était accompagné de sa femme et de ses enfants. Ainsi qu'une poignée de ses plus grands combattants en qui il témoignait une confiance presque aveugle. Les pulsiens avaient fait tout le trajet à dos de chocobos, une espèce géante d'oiseau à plumes jaunes.
À la grande surprise de Fang, Bodum était une cité faite de pierres. D'innombrables demeures se trouvaient derrière l'immense mur qui entourait la ville. Surplombant les habitations, le château se démarquait dans toute sa splendeur. Les rues étaient larges et lorsque la petite parade de pulsiens les traversa, la foule s'écartait de leur chemin.

La population locale scrutait les étrangers avec curiosité ou encore avec méfiance. Certaines femmes prirent l'initiative de rentrer leurs bambins à la maison. Comme si les terribles hommes-bêtes allaient les croquer d'une seconde à l'autre. Des murmures résonnaient de tous les côtés, des regards assassins fusillaient les arrivants. Noel ne s'attendait pas réellement à un accueil chaleureux de toute manière, mais toute cette animosité le rendait tout de fois mal à l'aise. Pourtant, ses camarades s'avançaient sur ces terres inconnues avec confiance. Prenant exemple sur eux, le jeune prince prit une grande inspiration afin d'ignorer les messes basses des gens.
La foule se dissipa peu à peu. Plus les invités se rapprochaient du château, moins de spectateurs il y avait. Dans la grande cour, les choses ne différaient guère par rapport à la ville. Les soldats toisaient étrangement les nouveaux venus, peu confiants. Ils restèrent toutefois respectueux envers leurs invités.

- Ça promet d'être intéressant, murmura Fang qui descendit de son chocobo.
- Tu as de drôle de manière d'apprécier les choses, répondit Noel qui imita sa sœur.

Alors que les pulsiens délaissaient tous leurs destriers, un homme apparut en haut des marches menant au château. Portant une tunique brodée de la couleur rouge et or, le roi vint accueillir les arrivants en compagnie de la reine. Contrairement à la chaleureuse expression de son mari, cette dernière semblait tout aussi hostile que le reste de la population locale. Mais elle dissimula immédiatement sa méfiance derrière un masque d'hypocrisie et de bienveillance.
Lentement, Fargas et sa tribu montèrent les marches afin de se retrouver face à face avec la famille royale.

- Soyez les bienvenue dans mon humble château, déclara John en levant les bras. Vous êtes ici chez vous, mes chers amis.
- Merci pour cet accueil chaleureux, répondit poliment Fargas. Laissez-moi vous présenter ma tendre épouse, Shella. Ainsi que mes deux enfants, Fang et Noel.

Le roi s'avança gentiment vers la femme du Chef et lui attrapa la main avant de la baiser délicatement.

- Enchanté de faire votre connaissance, belle dame, déclara John avant de se retirer et de poser la main sur l'épaule de sa femme. Je vous présente donc, Esther, ma tendre et douce reine.

Cette dernière fit une légère courbette à ses invités, un sourire sur les lèvres. Respectueusement, la famille Yun courba la nuque en guise de réponse. Puis, sachant parfaitement que les arrivants devaient être exténués, le roi reprit hâtivement :

- Je vous prie d'excuser l'absence de mes deux filles.

Serrant nerveusement sa robe, Esther fusilla son roi du regard, mais ce dernier décida d'ignorer son avertissement. Il n'avait plus le temps de se quereller avec son épouse à propos de cette vieille histoire. À dire vrai, il en était las.

- Elles nous rejoindront ce soir à l'heure du repas, continua John d'un ton jovial. Vous devez certainement être éreintés après un si long chemin. Laissez donc mes domestiques vous emmener vers vos appartements.

Les arrivants remercièrent leurs hôtes avant de suivre leurs nouveaux guides.

Alors que leurs invités s'éloignaient, la reine attendit bien sagement que ces derniers aient disparu derrière les murs du château avant de se tourner vers son mari. Fronçant les sourcils, elle dévisagea celui-ci avec sévérité et outrage. Mais alors qu'elle allait rouspéter, John l'interrompit immédiatement en déclarant :

- On en a déjà assez débattu là-dessus, Esther. Que tu le veuilles ou non, elle mangera à notre table ce soir. Telle est sa place.
- Tu ne cesseras donc jamais de me faire honte devant toute la cour, rétorqua amèrement la reine. À chaque fois qu'elle se trouve dans les parages, je peux sentir les moqueries et les médisances caresser mon échine !
- Le sujet est clos.

Ne voulant pas s'emporter, John préféra prendre congé. Il aimait son épouse, mais il ne pouvait pas accepter que cette dernière remette sans cesse en cause ses choix. Surtout lorsque ces derniers concernaient une personne très importante dans sa vie.
Regardant le roi s'éloigner, Esther bouillait intérieurement. Un jour, se disait-elle, elle se fera justice. Un jour, cette fille sera rayée de la carte et disparaîtra à jamais.

.

Le soleil se dissimula lentement derrière les murs du château. Somnolant dans son lit, Fang avait du mal à trouver du repos, mais elle était également trop épuisée pour désirer émettre le moindre mouvement. Lorsque soudain, quelqu'un pénétra brutalement dans sa chambre. Sans même lever la tête de son lit, la noiraude marmonna :

- J'y crois pas... Noel, tu pues le stress !
- Ce n'est pas ma faute, rétorqua le jeune garçon en refermant la porte derrière lui. Dans moins d'une demi-heure, je vais rencontrer ma future femme !

Se relevant sur son matelas, Fang scruta son frère d'un air moqueur. Elle tendit les bras en avant, munie d'un immense sourire :

- Tu veux un gros câlin ?
- Arrête de te moquer de moi deux minutes, grommela Noel en faisant des va-et-vient dans la chambre, ne tenant pas en place. Je suis sérieux là !

Sans comprendre ce qui venait de se produire, le fils de Fargas se prit un oreiller dans la figure. Se figeant littéralement, il se tourna vers sa sœur. Cette dernière feintait l'innocence en regardant derrière elle, comme si le projectile avait été lancé par un ennemi invisible.

- Fang, je te préviens, si tu... débuta Noel avant de se prendre un second coussin au visage.

Alors que son frère la dévisageait, la noiraude haussa des épaules avant d'ajouter :

- C'est le luxe ici, y a deux oreillers !

Arquant un sourcil, Noel toisa son aînée durant un instant. Puis, il attrapa l'un des projectiles qu'il renvoya en guise de représailles. Mais Fang ne se laissa pas faire. Ayant vu le coup venir, elle l'avait esquivé sans la moindre peine. Alors qu'elle narguait son adversaire, celui-ci n'allait pas abandonner aussi facilement.
La bataille dura une dizaine de minutes et les deux camps durent déclarer forfait, trop éreintés pour continuer la guerre. Tous les deux étaient affalés sur le lit, essoufflés. Noel eut un léger sourire à la fois amusé et amer sur le visage. Leur père répétait sans cesse qu'ils n'étaient encore que des enfants. Peut-être n'avait-il réellement pas tort. Et pourtant, ce petit échange enfantin lui avait libéré l'esprit, il se sentait bien moins nerveux désormais.

Tournant le regard vers son aînée, le garçon l'observa un instant. Le regard dans le vide, Fang paraissait si insouciante. Ce fut à ce moment-là que Noel se rendit compte que malgré tout ce qu'ils avaient cru savoir à propos de la vie était erroné. Contrairement à sa sœur, lui, il avait été propulsé de force de sa cage dorée. L'univers sécurisant où la noiraude s'y trouvait encore en toute innocence. Était-il prêt à quitter cette bulle avant l'heure ?
Fang se rendait compte de l'air grave que prenait son frère. Même s'ils étaient extrêmement proches l'un de l'autre, les pensées de ce dernier en ce moment même étaient un grand mystère pour elle. À quoi pouvait-il bien penser ?

- Ne tire pas cette tête et allons manger ! déclara Fang avec enthousiasme. Je ne sais pas pour toi, mais moi, je meurs de faim !

La jeune femme bondit hors du lit avec énergie. Les mains sur les hanches, elle invita Noel de faire de même. Celui-ci soupira longuement avant de suivre la meneuse. Peut-être se posait-il simplement trop de questions ?

.

Se trouvant devant une immense table d'une longueur incommensurable, Fang et Noel étaient restés légèrement à l'écart. Plus loin, leurs parents discutaient tranquillement avec le roi et la reine de Cocoon ainsi qu'une foule de nobles. Derrière, le long du mur de droite, les gardes pulsiens surveillaient tous les faits et gestes de chacun, sur le qui-vive. Et en face, se tenaient les soldats de Cocoon, droits comme des piquets dans d'immenses armures en métal.
Fang commençait déjà à s'ennuyer face à cette mondanité qui ne faisait que commencer. Tout cela n'était pas fait pour elle. Elle avait envie de courir dans la nature, profité d'une liberté sans fin. Et la voici ici, enfermée entre quatre murs, à regarder des gens à l'air faussement aimable lui sourire.

- Noel, respire ! Tu vas finir par me faire stresser, grommela Fang en secouant la tête.
- On voit bien que tu ne vas pas rencontrer ta future femme, grogna Noel qui gratta nerveusement l'arrière de son crâne.
- Un bon chasseur est un chasseur patient qui sait garder son sang-froid.

Mais ils n'étaient pas en chasse, loin de là. Les choses étaient bien plus complexes que le simple fait de traquer et abattre une proie. Tout allait au-delà des compétences physiques du jeune homme. On ne parlait pas de bataille, ni d'exploit, mais bien de politique. Dans quelques minutes, il allait découvrir qui sera celle qui partagera sa vie et sa couche pour peut-être le restant de sa vie. Une femme qu'il n'avait pas eu la chance de choisir. Une femme qu'il n'aurait pas pu aimer avant d'imaginer un avenir commun.
Noel s'apprêtait à formuler ses pensées à sa sœur lorsque les grandes portes du fond s'ouvrirent brutalement. Un homme à l'air solennel pénétra dans la pièce, le torse bombé et fier. D'une voix respectueuse, il annonça :

- Son Altesse, la princesse Serah.

Puis, avant de continuer, l'annonciateur jeta un regard discret à son souverain. Celui-ci hocha imperceptiblement de la tête, malgré l'air réprobateur de son épouse. Le domestique se redressa dans toute sa hauteur et après s'être raclé la gorge, il reprit :

- Et Son Altesse, la commandante Claire.

Après cette déclaration, l'homme s'écarta du passage en se recourbant. Tout le monde dans la pièce se tourna vers l'entrée tandis qu'un lourd silence planait. Des bruits de pas légers se firent entendre dans le couloir, délicats et gracieux. Ils résonnaient en échos avec une démarche plus ferme et plus assurée.
Tendu, Noel prit une posture raide et inspira longuement. À côté de lui, Fang l'observait avec effarement. Elle roula des yeux avant de les porter vers les deux arrivantes. La première qui pénétra dans l'immense salle de réception fut la cadette. Portant une sublime robe d'une teinte rose qui allait parfaitement avec sa couleur de cheveux, elle s'avança gracieusement devant le public. La chevelure de la princesse était domptée en une unique queue de cheval sur le côté. Sa peau d'albâtre paraissait aussi crémeuse que du lait. Et ses yeux étaient d'un bleu aussi envoûtant que la gaieté du ciel durant une belle journée.

Puis, suivant de près sa jeune sœur, la chevalière arriva à son tour. Contrairement à cette dernière, l'aînée ne portait pas une belle robe de princesse. Habillée de son costume militaire léger, elle ne dégageait pas l'innocence de Serah, mais une forme de maturité et de dureté. Malgré le côté masculin de son accoutrement, la commandante avait tout de même su conserver sa féminité grâce à ses belles formes. Ses vêtements arboraient les couleurs blanches et marron crème. Son épaulette gauche était munie d'une fine cape d'un rouge écarlate et une épée pesait à sa ceinture.
D'une beauté sans doute égale, les deux filles Farron se ressemblaient en tout point. Et pourtant, le peu de différence qui les séparait, sautait irrémédiablement au visage des invités. Le regard de Claire était aussi froid que de la glace, une preuve qu'elle avait connu l'horreur du champ de bataille. Même sa posture et son expression la démarquaient de Serah. Qu'elle en soit consciente ou non, pour les pulsiens, la chevalière arborait un comportement sauvage, celui du prédateur, du guerrier.

Soudain, Claire leva le regard en direction de la fille de Fargas, semblant la percer jusqu'à son âme même. Sans se laisser impressionner, Fang maintient le regard de la blonde. Et lorsque celle-ci se détourna d'elle, la pulsienne fut stupéfaite en se rendant compte que durant quelques secondes, elle avait cessé de respirer. Il était indéniable que quelque chose émanait de cette femme. Interloquée, elle étudia cette chevalière qui s'avançait vers le roi, sa sœur à ses côtés.
Ouvrant grands les bras, John serra et embrassa chacune de ses enfants. Puis, se tournant vers ses deux plus grands invités de la réception, il leur présenta fièrement ses progénitures.

- Permettez-moi de vous présenter mes deux merveilleuses filles, déclara-t-il en désignant les demoiselles en question. Claire, ma fille aînée et Serah, la future épouse de votre fils.

Fargas et sa femme hochèrent poliment de la tête. Shella offrit un chaleureux sourire aux deux princesses, rayonnant et plein d'amour maternel. De son côté, le Chef de Gran Pulse fit signe à ses deux héritiers de s'approcher. Ceux-ci vinrent sans la moindre protestation. Contrairement à ce qu'il avait cru, Noel avait senti sa nervosité s'évaporer à l'arrivée de sa promise, laissant place à l'admiration et à la curiosité.

- Princesses, laissez-moi vous présenter mon fils, Noel, et ma fille, Fang, reprit Fargas en tapotant l'épaule de la noiraude.
- C'est un honneur de vous rencontrer, ajouta Noel qui prit la main de Serah afin de la baiser délicatement.
- Le plaisir est partagé, Monseigneur, répondit la cadette Farron en faisant la révérence de sa main libre.

Discrètement, Fang scruta la chevalière qui suivait l'échange sans chercher à y participer. Son expression, comme l'avait dit la renarde, était froide et distante. Dans ses yeux, on pouvait y lire de la méfiance. Et même de l'hostilité bien dissimulée, songea la noiraude.
Maintenant que tous les invités les plus importants étaient présents dans la salle, le roi fit démarrer l'orchestre qui entama une mélodie joyeuse et entraînante. Toutes les portes de la pièce s'ouvrirent et des dizaines de domestiques arrivèrent les bras chargés de divers et succulents plats. La foule se mit enfin à continuer leurs conversations mondaines et la soirée reprit son cours.
Ravi que la tension se soit légèrement dissipée dans la salle, John invita Fargas et Shella à goûter les mets du pays. Quant à la reine Esther, celle-ci préféra la compagnie de ses amies de la haute noblesse.

Afin d'assurer le spectacle, certains cuisiniers étaient présents à la réception. Ces derniers fignolaient leurs plats devant les yeux des futurs consommateurs. Lorsqu'ils usèrent de leur magie afin de perfectionner leurs aliments, les gardes pulsiens se tendirent imperceptiblement, surpris et sur leurs gardes. Fang et Noel eurent également tout le mal du monde à retenir leur stupéfaction. En territoire inconnu, ils avaient appris à dissimuler tout signe de surprise qui pourrait être considéré comme de la faiblesse.

Alors que Serah et Noel tentaient timidement d'apprendre à se connaître, Claire – bien que près des deux jeunes – resta à l'écart et ne soufflait pas un seul mot. Sa voix ne s'était pas encore fait entendre et se laissait désirer. Fang songeait que celle-ci ne devait pas posséder une intonation aussi chaleureuse et douce, comme le chant d'un oiseau, de sa cadette. Et à voir la main de la chevalière frôler sans cesse le pommeau de son épée, la pulsienne comprit que cette dernière se tenait prête à se défendre à tout instant.

- Dis-moi, Serah, déclara abruptement la noiraude avec désinvolture. Enfin, je peux t'appeler Serah ? Où dois-je rester dans les formes et t'appeler princesse ?

Sans grande surprise, la commandante la fusilla du regard. Mais la pulsienne passa outre ce petit détail et souriait amicalement à la jeune princesse. D'abord décontenancée, Serah cligna plusieurs fois des paupières avant de rire.

- Bien que peu accoutumée à cela, je n'y vois pas d'inconvénient, répondit gentiment Serah qui était ravie de constater ce comportement rafraîchissant et surprenant.
- Parfait ! Appelle-moi Fang dans ce cas, OK ? ajouta la noiraude qui tourna furtivement le regard vers les cuisiniers avant de les reposer sur la fiancée de son frère. Ces trucs-là, genre faire des flammes ou créer des bourrasques alors que les fenêtres sont fermées, tout le monde à Cocoon peut le faire ?
- En règle générale, oui. Mais comme n'importe quelles capacités, certains la maîtrisent mieux que d'autres. Mon professeur m'avait expliqué que certains arrivaient à peine à allumer une bougie alors que d'autres étaient capables de mettre une forêt entière en cendre.

Face à cette annonce, la pulsienne se dit qu'elle ne devrait en aucun cas sous-estimer ces Hommes incapables de muter en bête. Et immédiatement, les questions la submergèrent. Quel était le niveau de Serah ? Pouvait-elle détruire à elle seule une immense étendue d'arbres ? Et Claire ? Sans grand étonnement, Fang pensait que celle-ci était certaine capable d'un tel exploit. Après tout, elle était la commandante de la garde royale. Fille du roi ou non, un tel titre se méritait.

- J'ai entendu dire que votre peuple pouvait changer en animal, reprit joyeusement Serah dont la curiosité brillait dans son regard. Puis-je savoir quelle créature dort en vous ?
- Malheureusement, ce n'est pas une chose que nous pouvons divulguer à la légère, Princesse, rétorqua gentiment Noel en souriant. Ce serait annoncer ses avantages et ses désavantages à un adversaire.
- Vraiment ? hoqueta la cadette Farron, une pointe de déception dans la voix avant de prendre un ton railleur. Ou peut-être avez-vous honte de m'annoncer que vous vous transformez en un terrible petit chaton ?

Pris par surprise, le fils de Fargas rit aux éclats. Intérieurement, il était rassuré de découvrir que sa fiancée lui convenait parfaitement. Joyeuse, sociable et amusante. Il avait l'impression que plus il apprenait à la connaître, plus il l'appréciait.

- Un jour, je vous révélerais ma véritable nature, déclara-t-il d'un air taquin et charmeur.

Ne s'attendant pas du tout à cela, Serah rougit furieusement avant de glousser comme une petite adolescente. Lorsque soudain, Claire s'avança brutalement en direction de Noel, la main ferme sur son épée. Le pulsien se tendit brutalement, se demandant s'il avait commis une grosse erreur. De son côté, Fang était prête à en découdre. Si cette femme touchait un cheveu de son frère, princesse ou non, elle sévirait sévèrement.

Contre toute attente, la commandante poussa doucement Noel de côté, l'écartant de son chemin. Au même moment, les deux pulsiens se rendirent compte qu'un homme s'avançait dans leur direction. Ce dernier était habillé comme les autres cuisiniers, mais son regard était d'une noirceur reconnaissable, celui d'un assassin déterminé. Ce dernier dégaina une dague qui était dissimulée dans sa manche et se sachant découvert, il chargea sur la chevalière.

- Par la Déesse ! Claire ! s'écria Serah, horrifiée et inquiète pour son aînée.

Mais alors que la commandante s'attendait à ce que l'attaque lui soit portée, l'assassin changea subitement de trajectoire à la dernière minute. Immédiatement, la femme guerrière comprit que la réelle cible de brigand était sa jeune sœur. Ce constat redoubla l'adrénaline de Claire qui se jeta à la suite de l'individu.
Avant même qu'il ne puisse atteindre Serah, l'aînée des Farron le rattrapa et l'empoigna par l'épaule. Systématiquement, d'une agilité déconcertante, l'assassin tournoya sur lui-même et riposta vigoureusement. De justesse, Claire esquiva la lame qui lui aurait ouvert le ventre. Sans laisser le temps à son adversaire de reprendre l'assaut, elle lui enfonça le genou dans l'estomac, lui faisant lâcher son arme. Puis, elle le plaqua à terre.

Les choses s'étaient déroulées d'une manière si rapide et si imprévisible que Noel et Fang furent incapables de réagir. Déroutés, c'était comme si tout ce qu'on leur avait enseigné depuis la naissance, s'était dissipé aussi vite qu'était arrivé le tueur.
Face contre terre, l'assassin tourna malgré tout le regard vers la jeune fiancée. Le regard plein de haine et de mépris, il gerba ses insanités :

- Traîtresse ! Jamais nous ne nous rallierons à de tels monstres ! Tu n'es qu'une sale chienne ! La putain de Gran Pulse ! Crève, catin ! Crève !

Ces mots transpercèrent l'âme de Serah comme des lames empoisonnées. Serrant ses bras contre son corps, elle était chamboulée et n'arrivait pas à restreindre la folie de son cœur paniqué. Les larmes la guettaient alors que l'angoisse de voir sa sœur se faire blesser se dissipait petit à petit.
Immédiatement, Claire fit taire le malotru en l'assommant d'un puissant coup de poing. Puis, levant le regard vers les soldats de Cocoon, elle aboya :

- Comment cet homme a-t-il pu arriver jusqu'ici ? Qui était donc à la surveillance du personnel de ce château, bon sang ?!

Un homme en armure s'empressa de rejoindre sa commandante. Celle-ci lui jeta un regard assassin, mais ce dernier ne s'en offusqua guère. Son costume était légèrement différent de ses camarades, car il était le capitaine des gardes de la réception.

- Emmenez-le et interrogez-le ! ordonna autoritairement Claire. S'il a des complices, je veux que vous me les délogiez dans les minutes qui suivent ! Et alertez l'escadron Nora et dites-leur que je les rejoins dans quelques instants.
- À vos ordres ! répondit le capitaine qui hurla les ordres aux soldats pour mettre les instructions en exécution.

Comme attendu, la voix de la commandante était loin d'être mélodieuse comme celle de sa jeune sœur. Elle était tranchante, sévère et dénuée de la chaleur féminine en raison de son intonation légèrement grave. Mais elle était loin d'être dépourvue de beauté. Quelque part, Fang trouvait que cela était drôlement sexy. Et face à cette remarque, elle ne put empêcher un sourire amusé. Effectivement, une femme de glace avait le droit d'être sensuelle, mais elle restait tout de même de glace.

Rapidement, le roi s'avança vers ses deux enfants alors que les gardes traînaient l'assassin par les bras. Claire s'épousseta lentement avant de lever le regard vers son père.

- Tes soldats peuvent parfaitement gérer la situation, déclara-t-il d'un ton paternel. Tu n'es pas obligée de quitter la réception.
- La famille royale ainsi que ses invités de marque ont été mis en danger, rétorqua la chevalière. Il est de mon devoir d'assurer la sécurité de tous, Père.
- Et bien soit, je ne pourrais te faire changer d'avis. Sois prudente, ma fille.

Se courbant respectueusement, Claire se recula de quelques pas avant de faire volte-face et quitter la grande salle.
Puis, John alla serrer sa seconde fille dans ses bras avec tendresse et réconfort. Prenant le visage de cette dernière entre ses mains, il lui murmura :

- Tout va bien se passer. Elle reviendra saine et sauve, comme toujours.

Tout en mordant sa lèvre inférieure, Serah hocha la tête. Elle était fatiguée de toujours devoir s'inquiéter pour son aînée qui, de par son travail, ne cessait de mettre sa vie en danger. Mais elle n'avait pas d'autre choix que d'accepter la vocation de sa sœur. Intérieurement, la princesse gardait une rancune vis-à-vis de son père, de son roi qui avait les pouvoirs de relever Claire de ses fonctions.
Doucement, John embrassa son enfant sur le front avant de se retirer et de rejoindre ses invités. Si cela n'avait tenu qu'à lui, il aurait renvoyé tout le monde afin de faciliter le travail de sa fille aînée. Mais malheureusement, il ne pouvait pas se le permettre. Cette assemblée était importante, car elle allait décider de l'avenir du pays.

Alors que la fête reprenait petit à petit ses droits et ses divertissements, Noel s'approcha lentement de sa fiancée. Avec hésitation, il ne savait pas s'il devait ou non poser sa main sur l'épaule de cette dernière. Il n'eut guère le temps de réfléchir à la question lorsque Fang arriva et tapota vigoureusement le bras de Serah.

- Ne fais pas cette tête, ta frangine a l'air de bien s'en tirer, non ? commenta la noiraude qui intérieurement, était frustrée de ne pas avoir su réagir aussi bien. Donc, tu n'as pas à t'en inquiéter. Elle m'a l'air plutôt coriace.
- Pour être coriace, elle l'est, répondit fièrement Serah avec un faible sourire. C'est la personne la plus forte que je connaisse.

Noel lâcha un long soupir face au comportement peu conventionnel de sa sœur. Plus tard, en privé, il lui ferait part de cette critique. Peut-être que Serah pouvait accepter cette attitude peu respectueuse envers une personne de son rang, mais le roi et la reine de Cocoon verraient certainement les choses d'un autre œil.
Puis, soudain, une question revint à l'esprit du jeune pulsien qui demanda :

- D'ailleurs, je me demandais. Pourquoi la commandante n'a-t-elle pas usé de son épée ? Cela aurait été plus efficace et moins dangereux que d'affronter cet assassin à mains nues.
- C'est de ma faute, concéda la princesse de Coocon, l'expression coupable.
- Pardon ? Et pourquoi donc ?

Mal à l'aise, Serah frotta nerveusement le bas de sa robe avec ses mains. Fixant ses pieds, elle essayait d'écarter une honte et une culpabilité apparentes.

- Parce que j'ai... horreur du sang, déclara-t-elle finalement en se mordant les lèvres. Claire sait parfaitement que je ne supporte pas la vue du sang. C'est pour cela que lorsque je suis dans son entourage, elle n'utilise jamais ses lames.

À présent, la cadette Farron serra avec colère sa robe. Par pur caprice, elle mettait la vie de sa sœur en danger. Malgré tous ses efforts pour faire face à sa grande peur du sang, elle n'avait jamais su passer outre cette phobie. Mais pire encore, Serah s'en voulait de l'avoir révélé à la chevalière qui était toujours prête à tout pour la protéger et lui faire plaisir. Même de risquer sa vie en affrontant les pires adversaires sans armes.

- J'ai beau la supplier d'oublier ce détail, mais Claire ne m'écoute pas, ajouta-t-elle doucement.
- C'est une preuve qu'elle tient à toi, non ? rétorqua Fang en haussant les épaules. Même si je trouve cela surprenant que cette fille puisse avoir des sentiments.
- Fang ! s'outra Noel en attrapant le bras de sa sœur. Surveille ta langue !
- Ce n'est pas grave, Prince, intervint Serah en secouant la tête, serrant ses bras autour de son corps. C'est toujours ce que tout le monde dit ou pense de Claire. En même temps, elle ne fait rien pour contredire cela. Elle se complaît ainsi.

Extirpant son bras, Fang fit une grimace à son frère qui continuait de la fixer sévèrement avec réprobation. Depuis leur arrivée à Cocoon, Noel était devenu aussi rabat-joie que la plupart des personnes dans cette salle, songea la noiraude avec désolation.
Serah sourit gentiment afin de détendre la tension et reprit :

- Si tu apprenais vraiment à la connaître, tu saurais que Claire est loin d'être comme tu le crois. Elle se soucie beaucoup de son prochain. Le bien du peuple fait partie de ses priorités. C'est une personne très généreuse et volontaire.
- Si tu le dis, soupira Fang, peu convaincue.

.

N'arrivant pas à dormir, Fang ouvrit les yeux et fixa un instant le sombre plafond. À l'extérieur, le croissant de lune brillait et éclairait faiblement la ville endormie. Une chose que la pulsienne n'arrivait pas à faire, car ces murs de pierres l'oppressaient. Ici, elle n'entendait pas le doux chant de la nuit qui la berçait toujours. Ici, elle n'arrivait pas à sentir la présence rassurante de la nature.
Ne pouvant plus tenir, la jeune femme bondit hors de son lit. Tel un félin, elle atterrit silencieusement sur le tapis. Elle savait pertinemment que son père lui avait au moins flanqué un ou deux gardes pour la soirée. Si elle voulait s'éclipser en toute tranquillité, elle devait faire croire à ses surveillants qu'elle était en train de sagement se promener aux pays des songes.

Doucement, Fang ouvrit la fenêtre de sa chambre. Par chance, elle ne se trouvait qu'au deuxième étage et les pierres du château allaient lui permettre une escalade aisée pour son retour. Agilement, la pulsienne se tint sur le bord de l'ouverture avant de bondir sur la terrasse juste en dessous. D'une grâce et d'une habilité déconcertante, elle réussit à se trouver sur la terre ferme sans alerter le moindre garde.
La fugitive leva son regard vers les gardes qui se trouvaient sur la muraille. Sur ce coup-là, cela allait être une tout autre paire de manches. Il fallait qu'elle trouve un moyen de quitter les lieux sans que les soldats ne s'alertent. Un défi qui fit frissonner d'excitation Fang qui se mit à analyser le nombre de personnes encore éveillées et les tours de ronde. Sa vision nocturne rendait la tâche bien plus facile que pour un simple humain.
Alors qu'un des gardes longeait le long du mur, Fang attendit que celui-ci et la lumière de sa lanterne s'éloignent assez pour se mouvoir. Dans l'obscurité, elle ne devenait plus qu'une ombre, imperceptible et silencieuse. Sans la moindre difficulté, elle avait évité chaque surveillant et une fois en haut de la muraille, elle n'avait plus qu'à descendre de l'autre côté.

Ce fut bien plus facile qu'elle ne l'aurait cru. Légèrement déçue, Fang descendit la colline qui menait à la ville un peu plus bas. Pour son premier jour, la jeune femme allait étudier le comportement et la vie nocturne de Bodum.
Les chaumières crachaient de la fumée à travers la ville. Des odeurs succulentes se mêlaient à la senteur nauséabonde de certains quartiers. Du premier coup d'œil, on devinait facilement où logeaient les personnes riches et les personnes pauvres. Le luxe et le palace des bourgeois n'intéressaient guère la pulsienne qui voulait découvrir la véritable vie d'un habitant de cette cité. Et même les yeux fermés, elle aurait su où trouver le quartier moyen à cause de la forte présence des égouts.
Contrairement à ce qu'elle avait l'habitude de voir à Gran Pulse, ici, le calme et la sérénité de la nuit n'existaient pas. Malgré l'heure tardive, la ville restait animée comme en plein jour. Certes, avec moins d'individus, mais cela restait tout de même très bruyant. Des hommes et des femmes braillaient dans les bars. Des ivrognes déambulaient dans les rues, ne sachant certainement pas où ils allaient. Et de louches marchands faisaient grimper leur chiffre d'affaires en toute discrétion.

Perchée sur un toit, Fang découvrait cet étrange spectacle avec curiosité. Elle avait également remarqué que des soldats faisaient la ronde dans les ruelles. Un bon moyen de maintenir l'ordre et la sécurité, songea la noiraude qui, lasse, continua son exploration.
Sa petite escapade l'emmena près du port. Enfin, la pulsienne entendait un bruit plus puissant que le boucan urbain : les vagues de l'océan. Des bateaux étaient accostés et tanguaient au rythme de Mère nature. Mis à part quelques marins qui buvaient non loin de leur rafiot, il n'y avait pas foule. Tout semblait être calme, soumis à la domination de la nuit et de l'immense étendue d'eau.

Fang longea le long des hangars. Son odorat lui révélait le contenu de certains : du poisson, des armes, du cuir... Ici se pratiquait le plus grand marché de Bodum. Les navires partaient vers des contrées encore inconnues pour la noiraude, et revenaient avec un ravitaillement nouveau, voire exotique parfois. L'idée d'explorer et de s'aventurer dans ce vaste monde avait toujours séduit la pulsienne.

- Mais qu'avons-nous là ? fit soudainement une voix.

Prise par surprise, Fang s'extirpa de ses rêveries. Trop prise par l'envoûtement de sa curiosité, elle n'avait guère fait attention aux trois hommes qui s'étaient rapprochés d'elle. Immédiatement, ses sens lui avertirent qu'une odeur peu avenante émanait de ces individus. Sur ses gardes, la noiraude glissa lentement sa main dans son dos avant de se rendre compte que sa lance ne s'y trouvait pas. Un rictus désabusé apparut sur ses lèvres. Dans l'excitation, elle avait littéralement oublié d'emporter son arme avec elle.
Et bien tant pis, pensa-t-elle en frappant ses poings l'un contre l'autre. Avec ou sans sa lance, elle fera regretter à ces hommes d'être nés.

- Que fais-tu ici, ma jolie ? reprit l'un d'eux, portant une longue barbe noire.
- C'est dangereux dans le coin, tu sais ? gloussa un autre en se rapprochant. Mais dis-moi, tu portes un bien drôle d'accoutrement. On dirait que tu es comme... Merde, les gars, cette fille est l'une de ces abominations !

Cette dernière phrase, l'homme l'avait dit avec un tel dégoût dans la voix que cela décontenança légèrement Fang. L'aura peu amicale des trois étrangers se transforma en une marée de mépris et de haine qui submergea la noiraude. Comme voulant se débarrasser de cette sensation visqueuse sur sa peau, elle se recula de quelques pas.
Lentement, la pulsienne se mit sur la pointe de ses pieds. Alors que ces hommes imprudents s'avançaient vers elle, ils ne remarquèrent pas que la demoiselle avait pris une position de combat. Et elle comptait bien leur faire regretter leur fatale erreur.

Soudain, le bruit d'un cheval en plein galop se fit entendre. Les pas se rapprochèrent à grande vitesse et comme sortis de l'ombre, un magnifique équidé au pelage aussi pur que de la neige apparut. Il s'arrêta devant les trois hommes en soulevant ses deux pattes avant et en lâchant un long hennissement. Puis, de nouveau à terre, il dévoila sa cavalière qui dévisageait les trois individus.

- J'ose espérer qu'en dignes citoyens de Cocoon, vous aurez ramené cette femme perdue à son foyer, tonna sévèrement Claire. Vous n'auriez pas osé toucher une invitée du roi et mettre en péril la paix qui règne dans le pays, messieurs ?
- Bien sûr que non, Commandante, déclara hâtivement l'un des étrangers qui s'agenouilla avec ses compagnons face à l'aînée des Farron. Nous ne savions pas qu'elle était une invitée de roi. Et même, nous l'aurions ramenée chez elle en toute sécurité. Sur notre honneur, Altesse !

Descendant de son destrier, la chevalière continua de toiser les marins avec froideur, comme si son regard les perçait à jour. Puis, elle posa brutalement sa main sur la garde de son épée, provoquant de légères frayeurs chez ses interlocuteurs. Serrant fortement son épée, Claire relâcha finalement prise et déclara :

- Circulez à présent ! Je ne serai pas aussi tolérante la prochaine fois.
- Merci, Altesse, répondit l'un des hommes. Votre bonté est tout à votre honneur. Nous vous en sommes infiniment et à tout jamais reconnaissants.

Sans plus attendre, ils déguerpirent rapidement des lieux. Lâchant un long soupir, l'arrivante se tourna vers la fugitive qui portait un air mécontent. Posant les mains sur les hanches, Fang semblait frustrée et outrée par l'intervention de la blonde. Encore une fois, celle-ci avait débarqué et prouvé sa supériorité. Une supériorité que la pulsienne était loin de vouloir admettre et qu'elle remettait immédiatement en cause.

- J'aurais pu m'en sortir seule ! annonça-t-elle furieusement.
- Vous n'aviez rien à faire ici et encore moins à une heure aussi tardive, rétorqua Claire sans prendre en compte les protestations de la jeune femme. Je vous prierais de me suivre jusqu'au château.
- Je n'ai d'ordre à recevoir de personne ! Ne va pas croire que je suis comme tes petits laquais. Tu ne m'impressionnes pas, tu sais ?

Brusquement, la chevalière empoigna le bras de la pulsienne. Celle-ci sentit son sang bouillir et leva son poing libre afin de répliquer. Malheureusement, l'humaine fut plus rapide qu'elle et sans même qu'elle puisse faire quoi que ce soit, Fang fut plaquée contre le mur du hangar, les poignets emprisonnés par les mains de la soldate.
Malgré ses débattements, la noiraude ne réussit pas à s'extirper de l'emprise de son adversaire. Car connaissant la puissance des métamorphes, Claire avait retourné son opposante qu'elle plaqua à nouveau contre le mur, la bloquant par une clé de bras. Et lentement, la commandante se colla contre le dos de sa prisonnière. Fang manqua un battement de cœur lorsqu'elle sentit contre elle, derrière le tissu, une poitrine qu'elle avait songé inexistante.
Doucement, Claire rapprocha son visage de celui de la pulsienne. Son souffle chaud chatouillait l'oreille de cette dernière qui se surprit à frémir.

- Je vais me répéter, murmura la chevalière. Je vous prierais de me suivre jusqu'au château. Sinon, je vous y ramènerais par la force s'il le faut.
- Va te faire voir ! grogna Fang avec insolence, loin de vouloir se soumettre.
- Dans ce cas... je vous souhaite une bonne nuit, Prin-cesse.

Sans comprendre pourquoi, Fang sentit ses muscles se détendre. Comme nageant dans du coton, ses forces l'abandonnèrent à Morphée. La seconde qui suivit, elle s'écroula soudainement, mais la chevalière s'y étant préparée, la rattrapa dans ses bras. Cette dernière scruta le visage endormi de la femme inconsciente et chuchota :

- Vous ne m'avez pas laissé le choix...

.

Le lendemain matin, lorsque les rayons du soleil devinrent insupportables au sommeil de la pulsienne, Fang se réveilla doucement. À sa grande stupéfaction, elle se trouvait dans sa chambre et sur le lit, encore habillée avec la même tenue qu'hier soir. Passant les mains dans ses cheveux, elle tenta de se remémorer la soirée de la vieille.
Elle se rappelait parfaitement avoir quitté le château et visité la ville. Puis, au port, elle avait rencontré trois horribles individus à qui elle allait botter le derrière jusqu'à ce que... Que Claire arrive sur son cheval blanc comme un chevalier servant ! Et après, cela que s'était-il passé ? Comment était-elle revenue à son point de départ ?

Puis, comme se rappelant de sa situation, Fang s'affala dans son lit en lâchant un long râle désespéré. Ayant été attrapée en pleine fugue nocturne, elle était certaine que son père et sa mère devaient être au courant de cette petite escapade. Ils allaient à tous les coups lui passer un terrible savon. Elle ne pourrait pas y échapper, malheureusement.
Condamnée, la jeune femme s'enroula dans ses draps en espérant s'endormir à nouveau et ne jamais s'éveiller. Ainsi, elle n'aura pas à faire face à ses bourreaux. Mais les choses n'étaient pas aussi faciles. Fang n'avait pas d'autre choix que d'assumer ses responsabilités. Enfin, ses bêtises en l'occurrence.

- Que le Dieu Fenrir me vienne en aide, grommela-t-elle faiblement.

.

- Bien dormi, ma chérie ? demanda gentiment Shella lorsque sa fille entra dans la salle à manger.
- Euh... Très bien, je suppose, répondit Fang qui s'assit à côté de son frère.

Déroutée de ne pas voir une avalanche de reproches lui tomber dessus, elle resta sagement silencieuse afin d'analyser la situation.
À la table se tenait sa famille au complet et derrière, contre les murs, les gardes pulsiens. Mis à part quelques-uns de ses soldats, le roi était le seul représentant humain dans la pièce. Ce dernier prenait gentiment son petit déjeuner et discutait avec Fargas. Tout se passait dans le calme et la sérénité du matin.

- Pourquoi n'y a-t-il que si peu de gens ? demanda doucement Fang.
- Notre peuple a l'habitude de se lever avant le soleil même, répondit Shella. L'horloge interne des occupants de ce château diffère certainement avec le nôtre.
- En bref, à part le roi, les autres roupillent encore comme des larves.

La mère étouffa un rire et rendit un regard tendre, mais menaçant à son enfant. La noiraude fit mine de fermer sa bouche avec sa main, sans pour autant pouvoir dissimulé un sourire amusé.
Des domestiques vinrent déposer les plats devant la dernière arrivante. Lorsque ceux-ci s'éloignèrent, Noel en profita pour piquer un fruit à sa sœur.

- Hé, c'est à moi ! rouspéta Fang sans tenter de récupérer sa nourriture.
- Pas de ma faute, je suis en peine croissance, répondit le garçon en croquant dans la pomme. Et pour ta gouverne, Claire était là avant nous tous.

Fang roula des yeux. Oh, mais bien sûr, cette Claire était tellement exceptionnelle. Merveilleuse même ! Ne cessera-t-elle jamais d'éblouir son peuple de ses talents ?
Sans plus attendre, la noiraude entama furieusement son repas du matin. Elle en avait marre d'entendre parler des exploits de cette soldate royale. Certes, la pulsienne avait été prise deux fois de court, mais il n'y aura pas de troisièmes fois. Elle s'en fit même le serment. Après tout, elle était une femme de Gran Pulse, la fille de Fargas, alias le Lion. Elle était loin d'être une petite nature et intérieurement, son amour propre lui intimait de le prouver à la chevalière.

- Et où est-ce que notre chère commandante se trouve alors ? reprit Fang avant de prendre une gorgée de jus d'orange. Je ne la vois pas parmi nous.
- Quand je suis arrivé, elle quittait déjà la salle, informa Noel. Elle est partie vers le terrain d'entraînement. Apparemment, elle avait rendez-vous avec ses soldats.
- C'est mon occasion !

Alors que le garçon fronçait des sourcils, perplexe, son aînée avala rapidement le reste de son assiette. Puis, avalant de longues gorgées d'eau pour que tout passe sans encombre, elle quitta la table sans plus de cérémonie.

Après avoir demandé son chemin aux servantes, car le château faisait tout de même une certaine taille et ressemblait à un labyrinthe pour Fang, elle arriva finalement vers le terrain d'entraînement. Situé un peu plus loin après l'écurie, on pouvait déjà entendre les cris et les efforts des soldats qui faisaient suer leur front aux premiers rayons du soleil.
Une quarantaine d'hommes et de femmes s'affrontaient avec des épées en bois. Tous en tenue légère, ils se mouvaient avec bien plus de facilité que quand ils portaient leur armure. Fang se rappela d'avoir été surprise lorsque Vanille lui avait révélé qu'à Cocoon, les femmes n'avaient pas leur place dans l'armée. Une chose inconcevable pour les pulsiens qui ne jugeaient pas une personne par son sexe, mais plutôt par ses capacités. Ce n'était que récemment, depuis la promotion de la princesse au titre de commandante, que la gent féminine put s'atteler à ce métier. Claire avait fait bouger beaucoup de choses du côté militaire.

En parlant du loup, pensa Fang lorsqu'elle vit la commandante entrer dans son champ de vision. Habillée d'une simple chemise fine et d'un pantalon en toile, les mains sur les hanches, la blonde étudiait minutieusement les techniques de ses soldats. De temps à autre, elle aboyait ses reproches et ses conseils. Que ce soit pour les combattants juste devant ses yeux ou encore ceux se trouvant tout au bout du terrain. Rien n'échappait à son œil attentif.

- Pas de repos à ce que je vois, même pour une princesse guerrière, commenta Fang, l'air narquois.
- Bonjour, Princesse, répondit simplement Claire sans détourner son regard de ses soldats. Avez-vous passé une agréable nuit ?
- Très bonne. D'ailleurs, je me demandais justement quelle supercherie tu as usée contre moi ? Une drogue ? Une plante ?
- Mes excuses, mais vous ne m'aviez pas laissé d'autre choix que d'user de ma magie.
- De la magie...

Voilà que les choses devenaient de plus en plus curieuses pour la pulsienne. Jusqu'où ces humains pouvaient-ils aller avec leur don naturel? Il pouvait créer des incendies, des tempêtes, des inondations et des séismes. Apparemment, ils étaient même dans la capacité d'endormir les gens. Que pouvait-il faire d'autre encore ?
Levant le regard, Fang vit un étrange garçon aux cheveux bleus qui se rapprochait d'elles. Un grand sourire sur les lèvres, il salua joyeusement les deux femmes avant d'analyser la pulsienne. Son regard devenant trop insistant et donc, inconvenant pour une dame, Claire émit un raclement de gorge afin de rappeler son camarade à l'ordre. Ce dernier, surpris, se redressa brutalement comme s'il avait sursauté. Mais l'amusement éclairait toujours son expression.

- Voilà donc une terrifiante pulsienne, commenta le garçon en se frottant le menton.
- Fais attention à tes paroles, Yuj, intervint la chevalière avec un regard sévère. N'oublie pas à qui tu as affaire.
- Déstresse, Claire ! rétorqua Fang dont la familiarité fit grimacer la commandante. Yuj, c'est ça ? Sache, petit homme, que tu devrais réellement être terrifié devant un pulsien.

Le soldat éclata de rire, afin de le calmer, la commandante le frappa doucement à l'épaule avec son épée en bois. Celui-ci gémit comme cela avait été atrocement douloureux. Mais lorsqu'il vit sa supérieure lever le bâton encore une fois, il cessa net sa petite comédie.
L'attention de Claire se porta ensuite vers un écuyer qui lui demandait de venir. Tournant son regard vers Yuj, elle lui intima silencieusement de surveiller la rebelle durant son absence. Celui-ci hocha la tête pendant que la soldate s'éloignait et disparaissait dans les écuries.

- Sauf votre respect, Altesse, les pulsiens ne sont que des guerriers valables que lorsqu'ils ont pris leur forme animale, déclara un homme dans la foule de soldats.
- Vraiment ? rétorqua Fang dont un rictus peu rassurant était apparu sur ses lèvres.

La fille de Fargas s'approcha d'un tonneau qui contenait les armes en bois. Elle attrapa un long bâton qu'elle fit tournoyer deux fois avant de se retourner vers celui qui l'avait provoquée. Sans même crier gare, elle s'élança sur son adversaire qui, pris de court, para simplement l'attaque en faillant perdre l'équilibre.
Tout le monde arrêta l'entraînement pour scruter les deux combattants qui échangeaient de virulents coups. Après des passes impressionnantes, Fang faucha les jambes de son adversaire qui tomba à terre. Sans lui laisser le temps de reprendre son souffle, elle pointa le bout de son arme sous la gorge de ce dernier.

- Je pense qu'il va falloir revoir ta déclaration, ricana Fang qui scruta les spectateurs. Alors, d'autres amateurs ?

.

Revenant vers le terrain d'entraînement, Claire fut interloquée d'entendre beaucoup d'agitation. Des hurlements d'encouragement et de rire éclataient au sein de l'armée. Plus que perplexe, la jeune femme pressa le pas afin de rejoindre les siens. Quelle fut donc sa surprise en arrivant quand elle découvrit que ses soldats affrontaient la princesse de Gran Pulse ! Pire encore, loin d'être un combat loyal, ils étaient à deux contre elle.
Mais cela ne semblait pas déranger Fang, bien au contraire. Un sourire éclatant sur le visage, elle narguait ses adversaires sans la moindre crainte. À cet instant, la commandante remarqua que quelques-uns de ses compagnons étaient assis à terre, tous plus ou moins blessés.

- Mais où est-ce que vous vous croyez ?! s'écria Claire avec outrance.

Se rendant compte de la présence de leur supérieure, tous les soldats se reculèrent et firent mine de continuer leur entraînement. Les deux opposants de Fang cessèrent le feu, mais ce ne fut pas l'avis de cette dernière qui continua ses assauts. Mitigés, ils ne surent pas s'ils devaient ou non reprendre la bataille.

- Altesse, je vous prierais d'interrompre immédiatement cet affrontement, ordonna Claire qui se rapprocha du groupe.
- Pourquoi donc ? rétorqua malicieusement Fang qui acheva l'un de ses opposants. Je ne fais que participer à l'entraînement du jour.
- Vous perturbez la concentration de mes soldats !
- Ça, ce n'est pas mon problème !

Le dernier adversaire de la pulsienne commença à s'épuiser. Un sourire narquois sur les lèvres, cette dernière fit danser son bâton afin de l'impressionner. L'effet escompté fut au rendez-vous et le soldat commença à trembler tant la fatigue le guettait.
Ne pouvant plus supporter l'insubordination de la noiraude, Claire s'élança dans la bataille. Au passage, elle emprunta une épée en bois à l'un de ses camarades. En un éclair, elle s'interposa entre les deux opposants, parant le coup final que Fang allait porter à son ennemi. Faisant pivoter son arme, la commandante repoussa le bâton. Et d'une habileté incroyable, elle enchaîna plusieurs attaques.

Malgré sa surprise, Fang n'eut aucun mal à parer chaque assaut. Afin de surprendre son adversaire, elle envoya une série de coups de pied. Malheureusement, la commandante ne se laissa pas impressionner et esquiva sans grande peine.
L'échange était exaltant. La pulsienne se demandait quand l'une d'elles arrivera à porter la première blessure. Jamais elle ne s'était sentie aussi excitée durant un affrontement. Mieux encore, elle s'amusait comme une enfant. Mais comme toute bonne chose, il y avait une fin.
Contre toute attente, Claire fit éclater une boule de feu juste à côté de Fang. Désorientée, la noiraude regretta sa seconde d'inattention lorsque son opposante la fit tomber à terre. Se jetant à califourchon sur elle, la chevalière tint la pointe de son arme devant le nez de la perdante.

- Hé, c'était déloyal ! protesta Fang, dégoûtée par la vile technique qu'avait employée sa concurrente.
- Sur un champ de bataille, il n'y a pas de règles, répliqua froidement Claire sans bouger d'un cheveu. Ne vous attendez pas à ce que votre adversaire respecte quoi que ce soit. Si vous n'acceptez pas la fourberie dans vos calculs, alors vous êtes morte.

Ravalant un juron, la noiraude n'avait pas d'autre choix que d'admettre sa cuisante défaite. Et cela la faisait rager intérieurement, au plus profond de son être. Mais loin de vouloir offrir une grande satisfaction à la blonde, Fang décida de jouer dans une autre catégorie. Si Claire voulait de la fourberie, elle allait être servie. Comme tout bon élève, la pulsienne savait suivre le conseil de son maître.

- Dites-moi, Commandante, vos entraînements finissent-ils toujours dans des positions aussi... suggestives ? questionna-t-elle d'une voix sensuelle et narquoise.

Se rendant finalement compte qu'elle chevauchait son adversaire au sol, la chevalière se retira abruptement. Elle refoula son rougissement et sa gêne avec beaucoup de peine.

- Mes excuses... grommela Claire qui semblait vouloir disparaître dans un petit trou de souris.

Et voilà donc la première victoire de Fang qui la savourait à sa juste valeur. Elle ne s'attendait pas à ce que cela soit aussi facile de perturber cette soldate irascible. C'était une belle découverte.
Alors que la foule allait charrier la commandante, le regard assassin qu'elle leur jeta, leur fit immédiatement changer d'avis. Sans plus attendre, elle leur intima de reprendre les exercices avec le plus grand sérieux. Tout le monde se remit enfin au travail sans rechigner.
Se tournant vers Fang, Claire lui tendit galamment la main afin de l'aider à se relever. Hésitant un instant, la noiraude accepta finalement l'offre. Une fois debout, la commandante se pencha vers son oreille et lui murmura :

- La prochaine fois que vous me referez un coup pareil devant mes hommes, je vous le ferai amèrement regretter.

Cette déclaration aurait pu passer pour une menace si la blonde n'arborait pas un léger rictus sur les lèvres. Dissimulant parfaitement sa surprise face à ce qui pourrait être un sourire, la pulsienne s'inclina à son tour vers son interlocutrice.

- C'est toi qui m'as dit d'être fourbe, rétorqua malicieusement Fang en frôlant délibérément ses lèvres contre l'oreille de la soldate. Dans ce domaine-là, je suis capable de bien pire.

Sans un regard pour l'aînée des Farron, elle tira sa révérence en devinant parfaitement la décontenance de son opposante. Encore une deuxième victoire pour la rebelle indisciplinée.


Les mains croisées dans le dos, le roi scrutait la ville depuis la fenêtre de son bureau. Son regard océan était fixé à l'horizon depuis quelques instants désormais. Intérieurement, l'homme songeait au bien-être de son peuple. Après plusieurs guerres durant le règne de l'ancien monarque, John avait succédé à un pays en ruine et meurtri. Il avait remué ciel et terre pour que sa patrie se relève fièrement. Des efforts qui commençaient à porter de merveilleux fruits désormais. Et pourtant, le chaos menaçait à nouveau...

- Es-tu vraiment certaine de ce que tu avances, ma fille ? reprit John sans quitter la fenêtre des yeux.

Derrière lui, près de la porte, Claire se tenait bien droite et avait assisté au silence affligé de son père. Annoncer de mauvaises nouvelles ne dérangeait pas la soldate, c'était une chose courante dans la vie d'un dirigeant. Mais cette fois-ci, les néfastes annonces étaient de taille. Impossible de rester de marbre quand la paix du pays était en jeu, que de nouvelles vies allaient encore être mises en péril.

- Mes informateurs sont formels, une armée de rebelle se prépare, répondit la commandante avec fermeté. L'assassin a été interrogé et nous a confirmé leur existence sur nos terres.
- Sommes-nous préparés à une telle guerre ? demanda le roi en se tournant vers sa fille.
- Mes hommes et moi sommes plus que jamais prêts à protéger notre patrie. Ils sont entraînés et disciplinés. Mais... les pertes seront inévitables.

John lâcha un long soupir avant de poser son regard paternel sur son enfant. Immédiatement, Claire comprit de quoi il régissait. Sans se laisser déstabiliser par un trop plein de sentiments, elle continua :

- Je serais sur le champ de bataille pour l'honneur de la nation.
- Comment puis-je te faire changer d'avis, mon enfant ? questionna le roi avec désolation. Un père se doit de protéger son enfant. Ce serait contre nature si tu venais à mourir avant moi, Claire.
- Je ne mourrais pas, Père, affirma Claire avant de sourire. Et de toute manière, si je devais porter les mêmes robes que Serah, je mettrais moi-même fin à mes jours.

Le dirigeant de Cocoon éclata de rire. Puis, il fit signe à sa commandante qu'elle pouvait prendre congé. Ravie que la discussion soit clause, la soldate s'inclina respectueusement avant de quitter la pièce.

Traversant les couloirs, Claire inspira longuement afin de détendre un peu ses muscles fatigués. Voilà quelques jours qu'elle n'avait pu profiter d'un bon sommeil réparateur. À présent qu'une épée de Damoclès se trouvait au-dessus de la tête de Cocoon, elle avait dû renforcer les tours de garde, augmenter la vigilance de ses soldats. Les entraînements devaient doubler et s'intensifier.
Lorsque la commandante leva la tête, elle ne fut guère surprise de voir Serah discuter avec l'un des gardes. Grand comme une armoire à glace, Snow était bâti que de muscles puissants. Certains le surnommaient même le gorille. D'ailleurs, il avait fallu lui créer une armure sur mesure tant sa corpulence était peu courante.
Les deux individus discutaient joyeusement. Serah n'avait aucun mal à s'entendre avec qui que ce soit. Récemment, elle s'était liée d'amitié avec certains soldats de la garde royale dont faisait partie le blondinet avec qui elle parlait. Claire ne s'offusquait pas de ce genre de contact amical, bien au contraire. Si la princesse s'entourait de guerriers qui lui vouaient fidélité, elle ne sera que mieux protégée.

- Vraiment ? hoqueta Serah avant de rire comme une enfant. J'aurais aimé voir cela !
- Peut-être qu'un jour, si la commandante n'est pas dans les parages, je pourrais vous y emmener, répondit Snow en faisant un clin d'œil.
- Et pourrais-je savoir où tu comptes emmener ma jeune sœur ? intervint froidement Claire.

Le blond sursauta lorsqu'il reconnut la voix de sa supérieure. Se tenant droit comme un pilier, il fit le salut militaire avec un sourire contrit. La chevalière haussa un sourcil en croisant ses bras. Elle n'allait pas lancer de réprimande, car voir sa victime terrorisée en s'attendant à une punition, était déjà amplement satisfaisant.

- Arrête de faire l'idiot maintenant, on a une réunion, reprit Claire en se rappelant de son devoir. Allons-y !
- Oui, Commandante ! répondit Snow en frottant l'arrière de son crâne. Vous n'allez pas me punir pour une petite blague, si ?
- Si tu ne veux pas me tenter, bouge ton derrière !

Faisant mine de se dépêcher, Snow fit un clin d'œil à Serah. Lorsqu'il croisa le regard de sa supérieure, il fit mine d'avoir reçu une flèche en plein cœur avant de partir en direction de la tour des gardes. Claire lâcha un soupir en secouant la tête. Le blond était vraiment fait pour être clown. S'il n'était pas aussi bon en tant que soldat, elle l'aurait certainement envoyé dans un cirque.
Alors que la commandante s'apprêtait à partir à la suite de son camarade, la princesse la retint par le bras. Un sourire affectueux apparut sur les lèvres de Claire qui se tourna vers sa cadette.

- Je te l'ai promis, non ? déclara-t-elle doucement. Cela ne prendra pas longtemps. Nous aurons tout l'après-midi pour partir en promenade.
- Dans ce cas, je pars me préparer, répondit Serah, le visage rayonnant.

Embrassant son aînée sur la joue, la princesse partit joyeusement vers ses quartiers. Claire la regarda s'éloigner avant de reprendre sa propre route.

.

- Bon, résumons la situation, annonça Claire en posant les mains sur la table où reposait une immense carte de Cocoon.

La pièce était plutôt petite, c'était la salle de réunion pour les chevaliers. Dans les lieux, il ne se trouvait que cinq personnes sans compter la commandante. Snow, adossé contre le mur, faisait partie de ce petit groupe restreint. À sa droite se tenait Gadot, le second gorille de la garde royale, disaient les soldats. Tout comme le blond, ce dernier n'était qu'une montagne de muscles. Ce n'était pas pour rien que les deux hommes s'entraînaient ensemble. Leur puissance massive s'équivalait.
Sur le rebord de la fenêtre, un petit blond y était assis. Avec d'étranges grosses lunettes sur la tête, Maqui était le plus jeune de l'équipe et aimait créer d'étranges inventions. Mais il ne fallait pas se fier à son visage d'ange, ce petit génie était capable de construire et imaginer des armes de guerre destructrices.

- Certains de mes informateurs m'ont signalé d'étranges activités dans le sud, déclara une femme en plantant un pic sur la carte. Et des rumeurs disent qu'un groupe se rassemble près d'ici, à l'ouest.

Lebreau était une petite dame à l'air frêle et fragile, mais elle était une combattante affirmée. Lorsque Claire avait été nommée commandante et avait ouvert l'armée aux femmes, la noiraude fut l'une des premières à s'enrôler.

- Quelqu'un aurait-il une estimation de l'armée qui se prépare ? rétorqua la commandante en scrutant ses amis.
- Aucune, déclara Yuj en s'appuyant la hanche contre la table. Ils sont invisibles. Soit parce qu'ils sont trop peu nombreux pour que l'on remarque leur regroupement. Soit parce qu'elle n'existe tout simplement pas.
- C'est impossible. Qu'en disent tes espions ?
- J'en ai envoyé plusieurs sur le terrain et pour le moment, ils font chou blanc sur de stupides rumeurs. Mais ce que je peux affirmer avec certitude, c'est que beaucoup de personnes n'apprécient guère l'union de la princesse Serah avec le monstre de Gran Pulse.

Face à la sévérité de sa supérieure, le garçon aux cheveux bleus enchaîna rapidement :

- Je ne fais que rapporter mot pour mot ce que l'on me dit.

Passant la main sur le visage, Claire inspira doucement. Ce genre de réaction était prévisible de la part d'un peuple qui avait toujours appris à craindre son voisin. Ce que la soldate espérait, était qu'avec le temps, les gens oublient leurs préjugés et apprennent à connaître les hommes-bêtes. La partie était bien loin d'être gagnée, mais elle n'avait pas d'autre choix.
Le regard de la chevalière se posa sur la carte vierge d'indices ou de pistes. Des criminels se promenaient librement sur le territoire. Il allait falloir les déloger avant que les choses ne dégénèrent. Si cela était possible, il fallait étouffer les flammes de la guerre avant qu'elle n'embrase toute la patrie.

- Yuj, dès que tes espions auront des nouvelles, je veux être immédiatement mise au courant, ordonna Claire. Snow et Gadot, je veux que vous vous assuriez de l'entraînement des bleus. Si une guerre approche, je ne veux pas envoyer de nouveau-nés à la potence. Lebreau, j'aimerais que tu commences une nouvelle compagne de recrutement. Nous aurons besoin de tous les guerriers possibles. Et toi, Maqui, surprends-moi encore avec de nouvelles inventions.
- Oui, Commandante ! répondirent à l'unisson tout le groupe.
- Équipe Nora, vous êtes les personnes en qui je porte mon entière confiance. La paix de ce pays se trouve entre vos mains. Ne me décevez pas !

Alors que les soldats quittèrent un à un la salle de réunion, Claire resta encore un instant penchée sur la carte, l'air pensif. Lorsque tout d'un coup, les hennissements d'un cheval à l'extérieur attirèrent son attention.


Se promenant dans les alentours du château, Fang retint un bâillement d'ennui. Il n'y avait rien de bien intéressant à faire dans les parages et son père lui avait interdit de quitter les murs de la bâtisse. Et pour qu'elle ne puisse s'échapper, cette fois-ci, c'était Nolan qui la surveillait.
En levant la tête vers le ciel, elle pouvait voir un faucon tournoyer juste au-dessus. Les humains le confondraient immédiatement pour un animal quelconque, mais la noiraude n'était pas dupe. Soufflant bruyamment, Fang continua sa promenade tout à fait inintéressante. Lorsque tout d'un coup, elle entendit les hurlements colériques d'un cheval.

L'attention de la pulsienne se tourna en direction des écuries. Les battantes s'ouvrirent brutalement, dévoilant un puissant équidé aussi noir que la nuit. Contrairement aux autres chevaux que la noiraude avait croisés depuis son arrivée à Cocoon, celui-ci était plus gros, plus musclé, plus imposant. Comme entrée dans une rage folle, la bête ruait sauvagement de tous les côtés.
À sa suite, un jeune palefrenier sortit des écuries. Le garçon ne semblait pas très âgé et arborait une courte chevelure couleur argentée. Paniqué, il tentait en vain d'attraper le fuyard. Mais le cheval était loin de vouloir s'apaiser. Il était tellement fou que les domestiques devaient fuir afin d'éviter un coup de sabot perdu.
Puis, comme un buffle, l'animal chargea droit devant lui. Voyant que la bête fonçait vers la princesse de Gran Pulse, le palefrenier hurla :

- Attention !

Mais Fang ne bougea pas d'un pouce et resta fermement camper sur ses positions. Alors que le cheval s'élançait dangereusement vers elle, elle plongea son regard droit dans le sien. À quelques centimètres d'elle, l'équidé noir freina brutalement sans quitter la jeune femme des yeux. Ses pattes battaient nerveusement le sol.
Dans ces iris d'un vert forêt, le cheval pouvoir y identifier le regard d'un prédateur, d'un chasseur aguerri. Cette révélation était tout autant effrayante que fascinante pour l'animal qui resta figé. Devait-il prendre la fuite ou rester là à contempler cet être si étrange ?
Lorsque soudain, une corde passa autour de son cou. Le cheval s'agita des plus belles et ruait des coups de tous les côtés. Le garçon aux cheveux d'argent tentait de maîtriser la créature avec beaucoup de peine.

- Qu'est-ce qui te prend aujourd'hui ? Tu me connais bien pourtant, marmonna ce dernier qui sentait la corde lui brûler les mains.
- Hé, mais qu'est-ce que tu fais ? intervint Fang. Arrête ça immédiatement !

Arrachant la corde des mains du palefrenier, la pulsienne la laissa retomber à terre. Puis, sans la moindre crainte, elle se rapprocha de la bête enragée qui dès son approche, semblait s'apaiser légèrement. Doucement, elle posa ses mains sur chaque côté de la tête de l'animal.

- Tout va bien, maintenant, chuchota-t-elle tendrement. Laisse-moi t'enlever cette stupide corde.

Docile, le cheval noir laissa l'étrangère mettre ses paroles en exécution. Une fois libre, il ne tenta pas de se rebeller à nouveau. Se blottissant contre sa sauveuse, il chercha désespérément son contact. La créature frotta son gros museau dans le cou de la noiraude. Son souffle puissant chatouilla cette dernière qui éclata de rire.
Surpris, le jeune palefrenier n'avait jamais rien vu de tel. Ne voulant pas exciter à nouveau la bête, il préféra ne pas s'approcher. Mais lorsqu'il voulut ouvrir la bouche pour émettre un commentaire, il fut devancé par une voix au loin.

- Hope, je veux des explications, s'écria Claire qui s'avançait d'un pas rapide vers le garçon.
- Mes excuses, Commandante, répondit Hope d'une voix peu assurée. J'étais venu pour préparer vos montures. Et lorsque je m'occupais de votre destrier, Odin, celui-ci en a profité pour détruire la porte de son box.

Le regard en colère, la soldate tourna son attention vers la jeune femme et le cheval. Ces derniers semblaient bien s'amuser qu'on aurait presque pu oublier qu'une minute avant, la créature était prête à tuer n'importe qui sur son passage.
Se rendant compte de la présence de la commandante, Fang tourna son regard dans sa direction. Elle découvrit que celle-ci l'observait avec un effarement parfaitement dissimulé, sauf dans ses yeux. Tout d'un coup, lorsque le cheval vit la blonde, il s'élança immédiatement vers elle pour lui offrir exactement la même affection qu'il avait donnée un peu plus tôt à la pulsienne.

- Lâcheur, bouda Fang qui rejoignit Claire en croisant les bras. Il n'a même pas hésité une seule seconde.
- Je suis surtout surprise de voir qu'il vous a accepté aussi facilement et rapidement, concéda la soldate en flattant l'encolure du cheval. Bahamut ne se laisse approcher par personne mis à part moi.
- J'ai cru deviner qu'il était encore un peu sauvage, non ?
- C'est un cheval sauvage des plaines qui n'est pas né dans nos écuries. Lors d'une expédition, je l'ai trouvé. Et après lui avoir donné un morceau de pain, il ne m'a plus jamais lâchée. Même les meilleurs dompteurs n'arrivent pas à le dresser. Et je n'ai pas le cœur de le domestiquer, car son esprit libre fait partie de sa personnalité.

Fang fut interloquée par cette explication. Comment une créature qui aimait plus que tout sa liberté avait-elle décidé de suivre la commandante ? Cela semblait presque inconcevable pour la noiraude qui, si elle avait été à la place de Bahamut, aurait désiré briser ses chaînes.

- Pourquoi ne pas le relâcher dans la nature ? reprit la pulsienne.
- J'ai déjà tenté plusieurs fois de le libérer, mais à chaque fois, il continuait de rôder près du château, soupira Claire alors que le cheval lui donnait d'affectueux coups de tête. Je préfère le savoir au chaud dans l'écurie que quelque part dehors où des braconniers pourraient l'attraper.

Lorsque Fang fut assez près, Bahamut en profita également pour lui donner des coups de museau tandis que la blonde continuait de le caresser. Cela fit sourire cette dernière qui déclara avec amusement :

- Et bien mon grand, tu veux le beurre, l'argent du beurre et la crémière ?

Aussi rapidement qu'elle était arrivée, la joie de la commandante s'évapora de son visage. Tournant lentement la tête derrière elle, elle toisa l'arrivante d'un air neutre, mais froid.
Avec tous les froufrous de sa robe et ses bijoux, la reine se déplaçait en créant un certain bruit qui trahissait indéniablement sa présence. S'avançant sévèrement vers l'aînée des Farron, elle jeta un regard lourd de reproches à cette dernière. À ses côtés, ses deux dames de compagnie la suivaient de près. L'une tenant une ombrelle au-dessus de la tête d'Esther, l'autre lui faisant un peu d'air avec un éventail.

- Combien de fois ai-je dit d'abattre cette bête ! rouspéta l'épouse du roi avec dédain. Sa viande tendre aura bien plus d'utilité que celle de mettre tout le monde en danger.
- Cela n'était qu'un accident, ma reine, répondit Claire dont la voix était dénuée de toute émotion. Cela ne se reproduira plus, vous avez ma parole.
- Encore l'un de vos stupides caprices ! Votre père est bien trop tolérant pour supporter de telles choses !

Bahamut commença à devenir nerveux. S'ébrouant légèrement, ses pattes commencèrent à tapoter le sol, comme un taureau prêt à charger. De son côté, Fang était offusquée par les paroles de cette femme qu'elle qualifiait intérieurement de harpie.
Alors que la noiraude allait cracher le fond de sa pensée, Claire lui empoigna discrètement le poignet. Serrant doucement sa prise, elle intimait le calme et le silence de la part de sa prisonnière. Puis, relâchant sa prise, la commandante calma le cheval en le tapotant amicalement.

- J'espère que vous n'allez pas emmener la princesse sur une bête sauvage ? reprit Esther qui ne semblait pas vouloir arrêter là ses réprimandes. Et d'ailleurs, quelle idée de vouloir faire une promenade à cheval alors qu'hier encore, on tentait de l'assassiner ! Réfléchissez-vous un tant soit peu ?
- La princesse sera sur l'un de nos meilleurs destriers, corrigea Claire sans broncher face à la reine. Il y aura mes meilleurs soldats avec nous. Elle sera parfaitement en sécurité. Et après l'événement de la veille, je pense qu'il serait préférable que la princesse continue sa vie au lieu de se terrer dans sa chambre avec une angoisse malsaine.

La reine et la commandante se toisèrent durement durant quelques secondes, puis l'épouse du roi se détourna dédaigneusement avant de reprendre sa marche. Sans un regard pour la soldate, les dames de compagnie suivirent leur maîtresse en murmurant quelques commentaires.

Après s'être assurée que la mégère se soit assez éloignée, Fang se tourna vers la blonde avec un air réprobateur. Les mains sur les hanches, elle déclara :

- Je ne vois pas pourquoi elle te parle de la sorte. Elle a un favoritisme évident pour ta sœur. Et la prochaine fois, je t'interdis de m'empêcher de dire ce que j'ai à dire.
- La reine a la rancune longue, marmonna Claire avant de tourner ses yeux vers la noiraude. Croyez-moi, il vaudrait mieux que vous évitiez de vous la mettre à dos.

Tranquillement, elle tapota gentiment l'épaule de Bahamut. Celui-ci comprit l'ordre intimé et suivit docilement sa maîtresse vers les écuries. Ne comprenant pas la résignation de la soldate, Fang l'accompagna également. Son air interrogateur et effaré ne s'effaçait pas de son visage, ce qui parut amuser la chevalière.
Faisant entrer le cheval noir dans un box non-endommagé, Claire referma doucement la portière. Puis, s'accoudant dessus, elle se tourna vers son interlocutrice.

- Je suppose que vous devez fortement vous ennuyer pour me suivre ainsi, commenta-t-elle d'un air narquois. Si cela vous intéresse, votre frère et vous êtes les bienvenues pour la promenade de cet après-midi.
- Et où irons-nous ? demanda Fang, ravie de trouver un divertissement.
- Nous longerons la plage et terminerons notre aventure par la forêt. Désirez-vous prendre des chevaux ou vos... chocobos ?

Arquant un sourcil, la pulsienne avait relevé cette légère hésitation dans les paroles de la commandante. Elle tourna un regard furtif vers les destriers qu'avait coutume d'user le peuple de Gran Pulse avant de revenir sur la blonde.

- Il y a un problème avec les chocobos ? demanda Fang, perplexe.
- Aucun, répondit Claire, mal à l'aise. Simplement, je ne suis pas très familière avec ces... oiseaux.

La petite gêne de la soldate fit sourire la noiraude. Il n'y avait aucune honte à ne pas connaître un animal et de s'en méfier. Mais ce petit constat ne faisait que rendre la froide chevalière un peu plus humaine. Pour peu, la pulsienne était prête à croire que les déclarations de Serah à propos de sa sœur soient fondées.

- Je vais de ce pas avertir mon frère, déclara Fang. Et nous prendrons nos chocobos. Pas que je n'ai pas confiance en vos bêtes, mais je préfère rester à ce que connais.
- Parfait, répondit Claire qui fit signe au palefrenier plus loin. Hope, prépare les montures, je te prie. Nous n'allons pas tarder à partir.

Offrant un bref signe de tête à la noiraude, la commandante dut s'éclipser pour terminer deux ou trois affaires avant leur départ. Fang regarda la femme s'éloigner tandis que le jeune garçon s'attelait à équiper les destriers en toute hâte.
Croisant les bras, elle l'étudia un instant. Malgré son jeune âge, le gamin travaillait avec aisance et dextérité. D'ailleurs, les animaux semblaient accoutumés par sa présence et l'appréciaient même. Sans s'en rendre compte, Fang s'était appuyée contre le box de Bahamut. Celui-ci en profita immédiatement pour lui renifler les cheveux et quémander quelques caresses.

- Dis-moi, Hope, déclara la pulsienne en grattant l'arrière de l'oreille du cheval. Comment se fait-il qu'un garçon aussi jeune que toi se retrouve à s'occuper des chevaux du roi ?
- C'est grâce à la gentillesse de la commandante, si j'ai eu la chance de pouvoir faire mes preuves, répondit timidement le palefrenier en frottant ses mains contre son pantalon. Je suis plutôt doué avec ces bêtes et je les aime beaucoup.

Encore un exploit de notre super commandante, songea la noiraude avec amusement. Puis, l'altercation avec la reine lui revint à l'esprit. S'il y avait bien une personne dans ce château, en dehors de Fang, à ne pas être émerveillée par les talents de Claire, c'était bien cette femme. D'où pouvait bien provenir toute cette animosité ? Après tout, tout comme Serah, la blonde était une princesse et sa fille.

- Ce genre de dispute avec la reine arrive souvent ? reprit abruptement Fang, ce qui surprit son interlocuteur.
- Et bien... marmonna Hope en regardant partout autour de lui afin de s'assurer qu'aucune oreille indiscrète ne les écoutait. C'est assez courant, oui. La reine ne rate jamais une occasion pour critiquer les faits et gestes de la commandante.
- Pourquoi donc ? Qu'a donc fait Claire pour attiser ainsi le courroux de sa propre mère ?

Tous les muscles du garçon se crispèrent nerveusement, un détail qui n'échappa pas à la pulsienne qui devint encore plus curieuse. Maladroitement, Hope tenta de changer de sujet en parlant des chevaux ou encore du beau temps. Mais campée sur ses positions, Fang le ramenait toujours sur le sujet qu'il tentait en vain d'évincer.
Au bout de quelques minutes, tandis que la noiraude perdait patience, le palefrenier finit par annoncer :

- Nous n'avons pas le droit de parler de cette histoire. On pourrait nous couper la langue si cela s'apprenait. Je suis vraiment désolé, mais je ne peux rien vous révéler.

Fronçant des sourcils, Fang semblait complètement perdue. Qu'est-ce que cette histoire cachait réellement ? Elle n'en savait rien, mais elle se fit la promesse de le découvrir le plus tôt possible.

.

Quelques doux rayons du soleil arrivaient à filtrer à travers cette dense forêt florissante. Loin de l'urbanisation, ici, la végétation était en paix, maître de son territoire. Elle ne rechigna pas lorsque des promeneurs s'aventurèrent dans son antre.
Entourés de quatre soldats, les héritiers trottaient tranquillement en profitant de l'air envoûtant des bois. Après une joyeuse et chaude escapade à la plage, ils savouraient désormais la fraîcheur de la forêt. Durant tout le trajet, la discussion battait son plein. Bien évidemment, Claire était restée à l'écart, comme à son habitude. De temps à autre, elle répondait à une ou deux questions, quand l'envie lui prenait, ou émettait une remarque selon le sujet de la conversation.

De leur côté, Serah et Noel appréciaient la promenade et en avaient profité pour faire plus ample connaissance. Échangeant chacun les coutumes de leur peuple et les particularités de leur pays. Fang bénéficiait également du bavardage, mais ce qui lui plut le plus était le grand air, loin des murs en pierre.
Discrètement, elle jeta un coup d'œil vers la commandante et guide de la journée. Cette dernière était sur son magnifique cheval blanc, Odin. Contrairement à Bahamut, ce dernier était plus fin, plus élancé. Mais il était tout aussi beau que son congénère de couleur noire. Claire portait une armure légère et comme tous ses costumes militaires, une petite cape rouge pendait depuis son épaule gauche.

- Vous n'êtes donc toujours pas prêt à me dire en quoi vous vous transformez, Prince ? déclara malicieusement Serah. Je vais vraiment finir par croire que votre animal est certainement inoffensif.
- Navré, Princesse, mais pas maintenant, rit Noel en secouant la tête.
- Et un indice alors ? C'est grand ? Petit ?
- Certains métamorphes peuvent changer de taille, vous savez ? Une petite souris peut être aussi gigantesque qu'un éléphant s'il en avait les capacités.

À la manière dont la cadette Farron écarquilla des yeux, incrédule, son fiancé rit des plus belles. La princesse était si naïve et facilement impressionnable qu'il était difficile au jeune garçon de ne pas la charrier.
Et face à la moquerie de Noel, Serah marmonna :

- Vous vous riez sans cesse de moi. Ne seriez-vous pas une hyène parfois ?
- Oh, bien envoyé, Serah ! railla Fang qui ne retint pas son rire.
- Et toi, Fang, tu es perfide comme un serpent, rétorqua Noel en feignant d'être blessé.
- J'aurais plutôt dit fourbe comme un renard, commenta Claire en tournant son regard vers le groupe.

Cette intervention fit sourire la noiraude qui donna un coup de talon à son chocobo pour que celui accélère. Rapidement, elle arriva au niveau de la soldate et lui jeta un regard railleur.

- Alors rancunière, Commandante ? demanda Fang d'un air charmeur.
- Je ne fais qu'émettre des hypothèses, rétorqua Claire avec un sourire moqueur. Et pourquoi pas coq ? Vous aimez bien vous pavaner, non ?
- Tiens donc ? J'aurais dit exactement la même chose de toi.
- Archer !

Sans comprendre ce qui se passait, Fang vit la soldate dégainer son épée. Et d'un coup rapide et précis, cette dernière dévia une flèche qui lui était destinée. Alors que la panique allait engloutir le groupe, la commandante tira un grand coup sur son destrier pour s'interposer ensuite entre le tireur et sa sœur.

- En formation ! ordonna-t-elle à ses soldats.

Les gardes se mirent immédiatement en exécution et formèrent un carré serré autour de la princesse et des deux pulsiens. Alors que son cœur allait exploser de peur, Serah observa son aînée se trouver hors du champ protecteur.
Agacée d'être protégée comme une frêle colombe, Fang dégaina sa lance. Puis, donnant un coup de talon dans son chocobo, elle obligea ce dernier à bondir au-dessus du mur de gardiens. Son regard perçant lui avait déjà permis d'identifier les ennemis.
De suite, la commandante tenta de lui barrer la route en hurlant :

- Mais que faites-vous ? Retournez dans les rangs et ne vous mettez pas inutilement en danger !
- Il n'y a qu'un seul tireur et il se trouve dans les arbres, informa Fang qui scruta les buissons. Les autres sont au sol. Ils sont cinq. Peut-être six. Mais pas plus.
- Qu'est-ce que...

Une deuxième flèche fut tirée. Et se dirigeait dangereusement en direction de la pulsienne qui chargeait vers ses ennemis embusqués. Trop loin pour pouvoir intervenir avec son épée, Claire tendit sa main en avant. Elle jeta une boule de feu qui réduit de justesse en cendre le projectile meurtrier.
Sans se soucier de ce petit contre temps, Fang continua sa course.

- Bon sang ! grommela la commandante qui intima à Odin de rattraper l'impétueuse princesse.

Bondissant de son chocobo, la pulsienne atterrit sur l'un des brigands. Avant même que celui-ci ne réalise ce qui lui arrivait, son adversaire fourra la pointe de sa lance dans ses vêtements. Et avec une force colossale, elle le souleva avant de le propulser loin de sa cachette. À cet instant, un autre homme sortit de l'ombre de la forêt, pensant jouir de l'effet de surprise. Une grave erreur, car Fang lui enfonça son talon dans l'estomac, le privant de souffle. Puis, tout comme son camarade, il fit un vol plané à travers les bois.
L'archer perché dans les branches, banda une nouvelle fois son arc, prêt à tirer. Mais soudain, une décharge électrique le parcourra, brûlant chacun de ses nerfs et le paralysant littéralement. Incapable d'émettre le moindre geste, il tomba de son perchoir et s'écroula dans un buisson.
Alors que les éclaires dansaient encore joyeusement autour de son bras gauche, Claire se tourna vers les hommes que Fang avait éjectés. Elle les électrocuta à leur tour avec de puissantes décharges qui ne les tueraient pas, mais assez fortes pour les rendre inconscients.
Au loin, Noel assistait à la scène, effaré.

- De la foudre ? C'est bien de la foudre qui émane du bras de votre sœur ? demanda-t-il avec surprise.
- Tout l'Cie possède le pouvoir des éléments, expliqua Serah qui serrait nerveusement la sangle de son destrier. Chaque individu peut contrôler plusieurs éléments, mais nous en avons tous un que nous maîtrisons plus que les autres.

La princesse tourna le regard vers son aînée qui ne semblait guère épuisé malgré la grande dose de magie qu'elle venait de créer.

- Claire est un génie dans ce domaine-là, reprit-elle doucement. Elle maîtrise presque chaque « Lightning » pour ce talent.
- Incroyable... souffla Noel sans se détacher du combat. Vraiment impressionnant. Et vous, princesse, quel est votre élément ?

Avant que Serah ne puisse répondre à cette question, une pluie de feuilles tomba sur le groupe. Tous levèrent les yeux afin de découvrir ce qui se tramait.

- Attention ! hurla Noel qui bondit sur sa fiancée.

Se jetant à terre, le garçon fit en sorte d'amortir la chute de Serah avec son propre corps. Des hurlements se firent entendre. Prise de court, Claire se tourna vers le groupe resté à l'écart. Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'elle découvrit une étrange créature à quatre ailes. Sa gueule allongée était munie de dents pointues comme celle d'un fauve. Les membres de la bête étaient fins mis à part son tronc.
Le monstre avait attrapé l'un des chevaliers et sans même lui avoir laissé une chance, il lui avait arraché la gorge. Gisant mort au sol, le soldat n'eut même pas le temps d'une dernière parole que sa vie le quittait déjà.

- Un Zirnitra? fit Fang avec surprise. Qu'est-ce qu'il fait ici ?
- Un quoi ? reprit Claire qui n'avait jamais vu une telle créature de sa vie.

Immédiatement, la commandante concentra sa puissance foudroyante avant de la déverser sur la bête monstrueuse. Cette dernière émit un gémissement, mais ne semblait guère affectée par la magie de son ennemie. Pire encore, elle s'en abreuvait.

- Il absorbe la foudre ! informa la pulsienne lorsque de justesse, elle esquiva la dague d'un assassin sortit des feuillages.

Malgré sa déroute, la soldate ne perdit pas son calme et s'empressa de renverser l'opposant de Fang avec son cheval. Malheureusement, cette sérénité n'était pas partagée. Les trois gardes restants étaient complètement désorientés face à un adversaire aussi étrange. Même si leurs expériences leur permettaient de continuer la bataille, ils étaient totalement incapables de s'organiser.
Se relevant rapidement, Noel étudia l'état de sa fiancée. Mis à part quelques écorchures à cause de la chute, cette dernière était indemne. Relâchant un soupir de soulagement, son attention se tourna vers l'immense volatile. Lentement, il dégaina sa grande épée et sa dague, prêt à défendre sa vie et celle de la princesse.

.

- C'est tout ce que tu as dans le ventre ? nargua Fang en désarmant son adversaire.

Ce dernier tomba sur les fesses et rampa en reculant désespérément. Sa fuite prit fin lorsque son dos rencontra le tronc d'un arbre. Désormais pris au piège, il scruta la prédatrice d'un air apeuré, tremblant littéralement. Cette réaction fit sourire la pulsienne qui ne pouvait s'empêcher de penser à quel point, cette larve était pathétique.
Lentement, comme un félin, elle s'avança doucement vers sa proie déjà blessée et prête à être tuée. Son adversaire avait été faible et allait regretter cette fatale incapacité. Alors qu'elle levait sa lance, un rictus machiavélique apparut subitement sur les lèvres de l'homme. Ce dernier jeta ses mains en avant.
Au même moment, l'épaule de Claire poussa la pulsienne. Écartant Fang du chemin, celle-ci eut le temps d'apercevoir une étrange brume verdâtre avec des écumes frapper la commandante de plein fouet. L'étrange magie se dissipa alors que le corps de la soldate n'avait pas bougé. Sans laisser le temps à son adversaire de renouveler l'assaut, elle projeta des éclairs qui acheva son opposant.

- Ouais, je sais. Sur un champ de bataille, il n'y a pas de règles, grommela Fang en croisant les bras. Il a été fourbe.
- Ce n'est pas un jeu, gronda Claire sans un regard pour la noiraude, lui tournant le dos. Votre témérité vous coûtera un jour la vie. La vôtre ou celle d'un autre.
- N'aimant pas la remarque, Fang allait rétorquer, mais son attention fut attiré par un hurlement strident.

Le Zirnitra tournoyait autour de Noel et de Serah, prêt à fendre comme une flèche. Les trois autres soldats se trouvaient à terre, blessés. Se tenant comme le fier guerrier qu'il était, le fils de Fargas tentait de faire face à cet ennemi agile et volant. Totalement terrorisée, la princesse était incapable de se mouvoir. Son corps tout entier était paralysé, ne réagissant pas à ses ordres mentaux.
Lorsque le monstre plongea sur la faible proie, Noel s'interposa comme un bouclier. Les serres acérées de la bête l'attrapèrent par les épaules sous les cris de terreur de Serah. Prêt à s'envoler avec son butin, elle battit des ailes avec force. Mais contre toute attente, une fumée de couleur l'aveugla et le poids de sa prise s'alourdit d'une manière considérable.
Sorti de nulle part, un immense ours brun était accroché au Zirnatra. D'un puissant coup de patte et surtout grâce à son poids, il abattit son adversaire au sol. Lâchant un rugissement des plus menaçants, le grizzli se jeta sur la créature et le lacéra avec la plus grande sauvagerie.

- Aïe, grimaça Fang en fermant un œil. Tu aurais pu faire ça de manière plus propre, Noel...

Le monstrueux volatile lâcha un dernier cri d'agonie avant que ses membres ne s'effondrent au sol, inerte. La respiration rauque, l'ours respirait fortement et tentait de faire baisser la dose d'adrénaline qui l'avait submergée.
Puis, avec appréhension, le pulsien se retourna vers sa fiancée. Son pelage marron était tacheté du sang mauve de la créature. Et après sa prestation, Serah avait toutes les raisons du monde de le fuir les jambes à son cou.
Encore assise à terre, la princesse dévisageait la bête qu'était devenu son futur mari. Dans son esprit, la sauvagerie de ce dernier repassait encore et encore. Lorsque le grizzli anormalement grand fit un pas dans sa direction, elle ne put réprimer un cri de frayeur. Une réaction qui blessa profondément le jeune garçon.
Doucement, Noel se recula, ne voulant pas effrayer encore plus sa promise qu'elle ne l'était déjà.

- Non, non ! s'écria Serah, la voix tremblante. Pardonnez-moi, Prince. Je ne voulais pas...

Avec un effort qui lui parut surhumain, la jeune fille tenta de se relever. Mais ses jambes étaient incapables de la soutenir, encore trop fébriles. Ce fut donc à genou qu'elle s'approcha de l'ours. Avec une légère hésitation, elle tendit la main vers la tête de ce dernier. Mais à peine l'eut-elle touché qu'elle retira ses doigts comme si cela l'avait brûlé.

- Laissez-moi le temps de m'y faire, supplia Serah qui se lança pour une nouvelle approche.

Sans bouger, le métamorphe attendit bien patiemment que la demoiselle s'adapte à sa véritable nature. Intérieurement, il pouvait sentir son cœur battre si fort et si vite qu'il crut mourir. Le moment était insoutenable, mais ce fut avec une force inconnue qu'il arrivait à tenir. Pour la princesse. Pour sa future femme. Pour Serah.

Adossée contre un arbre, les bras croisés, Fang eut un petit sourire amusé. Elle se serait presque crue devant un livre d'amour qu'aimait tant lire sa mère. Mais plus sérieusement, elle était ravie pour son jeune frère. Jamais elle n'avait vu ce dernier s'emporter aussi facilement. Avait-il enfin succombé à l'amour ? railla intérieurement la pulsienne qui se tourna vers la commandante.

- Est-ce que tout va bien ? demanda-t-elle en voyant le visage en sueur de celle-ci.

S'appuyant contre un arbre, Claire fit tout son possible pour prendre une posture décontractée. Son air fermé et sa détermination trompaient le mal qui la rongeait. Seules sa transpiration et sa respiration trahissaient sa fausse vivacité.

- Tout va parfaitement bien, mentit la soldate en fouettant l'air de sa main. Simplement les séquelles d'un trop-plein d'adrénaline.
- Me prendrais-tu pour une idiote ? rétorqua Fang, perplexe. On dirait que tu vas t'écrouler d'une minute à l'autre.

Alors que la pulsienne s'avança vers la blonde afin de l'aider et de la soutenir, cette dernière la repoussa immédiatement, déclinant poliment l'offre.

- Je vais bien, je vous dis, grommela Claire en se reculant légèrement.
- Tu sais, je ne suis pas contagieuse. Tu ne vas pas attraper de maladie si je te touche.
- Là n'est pas la question, Altesse.
- Quoi ? C'est une histoire d'amour propre, c'est ça ? Ta fierté s'en remettra parfaitement, crois-moi. À moins que tu ne préfères te manger le sol !

Soudain, au loin, les galops de chevaux se firent entendre. Fang se retourna et découvrit que cinq soldats arrivaient à vive allure. Parmi eux, elle reconnut Yuj. Bien qu'il soit difficile d'oublier un garçon avec de longs cheveux bleus. Tous s'arrêtèrent autour de Serah et de l'ours. Gadot et Maqui s'empressèrent d'aller vérifier l'état des blessés tandis que Lebreau se dirigeait vers la commandante.
Descendant de son cheval d'un bond, Snow s'avança rapidement ver la demoiselle en déclarant :

- Éloignez-vous de cette créature, Princesse. Il peut être dangereux.
- N'ayez crainte, Snow, répondit Serah en passa sa main dans le pelage de la bête. C'est le prince Noel.
- Vous me charriez là ! Mes excuses, Prince !

La cadette Farron rit chaleureusement, laissant tout le stress de la bataille s'évaporer de son être. De son côté, Lebreau s'arrêta devant la pulsienne et sa supérieure. Voyant l'air pâle de la soldate, celle-ci sauta rapidement de son cheval avant de s'élancer vers elle.

- Que faites-vous ici ? demanda Claire qui se retenait de grimacer. Je vous ai dit de venir nous chercher que si nous ne revenions pas avant le coucher du soleil.
- Intuition féminine, Commandante, ricana la femme de la garde qui fronça des sourcils. Et vous ? Puis-je savoir quel acte inconsidéré vous a mis dans un tel état cette fois-ci ?
- De l'inattention. Le paysage était si beau que j'ai eu du mal à m'en décrocher.

Lorsque les jambes de la blonde flanchèrent, Lebreau s'empressa de la rattraper avant qu'elle ne chute. Passant le bras de sa supérieure par-dessus son épaule, elle dévisagea cette dernière avec inquiétude. Claire tenta de rire afin de faire baisser la tension, mais la sueur qui ruisselait sur son front trahissait tous ses efforts.

- J'y crois pas... Comment avez-vous pu être assez sotte pour vous faire empoisonner ? s'outra la soldate des Nora, ne revenant pas d'une erreur aussi grave de la part de sa commandante.
- Le paysage... Le paysage... ricana la blonde qui commençait à perdre toutes ses forces.
- Pas de ça avec moi, Commandante !
- Écoute, Lebreau, ce n'est pas comme si j'avais l'impression que mes os étaient en train de fondre. Alors tes reproches, tu peux te les garder. Aide-moi simplement à remonter sur Odin. Et si tu fais un commentaire de plus, je t'affecterais à un poste dans un trou à rat tellement perdu que même son nom ne se trouvera sur aucune carte.

Tranquillement, Lebreau escorta sa supérieure jusqu'à son cheval blanc en marmonnant le mot « tyran ». Tout au long de l'échange, Fang avait remarqué avec quelle facilité Claire avait accepté le contact de sa camarade. Elle tenta en vain d'ignorer le pincement au cœur que ce constat lui avait donné. Pourquoi se vexerait-elle que la commandante l'ait rejetée elle et pas cette Lebreau ? De toute manière, pourquoi y songeait-elle ? C'était totalement stupide et déplacé.

Une fois arrivée vers le groupe, Claire se rendit compte que Noel avait repris sa forme humaine. Sans grande surprise, tout le monde lui jeta un regard inquiet face à son état. Mais la commandante n'avait même plus la force de réfuter l'évidence.
Affolée, Serah se jeta dans bras de son aînée, en larmes.

- Ce n'est rien, Serah, murmura faiblement Claire. Tu n'as pas à t'inquiéter. On a tous les médecins qu'il faut au château.
- Mais Claire ! cria la jeune princesse, paniquée. Et si elle...
- Ne vous inquiétez pas, Princesse, intervint Lebreau d'une voix douce. Nous serons là pour la protéger. Personne ne pourra l'atteindre.

N'ayant pas d'autre choix que d'abdiquer, Serah ne put réprimer son angoisse qui lui faisait une crampe à l'estomac.


Et voilà pour cette première partie! La suite? Vous savez quoi faire ;)