Sur le terrain de la Teikoku Academy, Kidou Yuuto, coach du Club de Football de Teikoku, observait très attentivement le coach-adjoint, accessoirement son meilleur ami.

Il le détailla de la tête aux pieds ; Sakuma Jirou, plutôt grand, dans le mètre soixante-quinze, et mince, ses longs cheveux soyeux prenaient une teinte quasi-indéfinissable.

Ils abordaient une sorte de gris perle nuancé d'un bleu extrêmement pâle, ce qui donnait un résultat tout-à-fait superbe qui s'accordait parfaitement à son œil ambré tirant vers le carmin. Oui, son œil, l'autre étant constamment masquer par un cache-œil.

Kidou ne pouvait nier qu'il était terriblement attrayant, il attirait, sans vraiment le vouloir, énormément de femmes. Être beau et séduisant n'était pas toujours un avantage. Sûrement quand on s'appelait Sakuma Jirou et qu'on s'en balançait pas mal de sa situation amoureuse, par extension des femmes.

En parlant d'entraînement, celui de cette académie était particulièrement strict et difficile. Pour les plus fainéants et peu désireux de faire des efforts, la porte leur était grande ouverte.


Yuuto, assit sur un banc à une trentaine de mètres de son ami et ses « élèves » continua de le fixer en silence. Son portable sonna. Il extirpa lentement son smart phone de sa poche. Un message d'Haruna, sa petite sœur :

« Salut, tu vas bien ? C'était pour te demander si tu voulais aller au resto un de ces soirs ? Avec qui tu veux. Répond-moi ou appelle-moi d'ici demain ou après demain, dernier délai ! Bye ! »

Haruna, hein ? Quand il pensait à elle, il ne pouvait s'empêcher de s'en vouloir. Car oui, dans son enfance, après s'être fait adopté par la famille Kidou, il l'avait tout simplement ignorée.

C'était le mot. Ignorée. Comme si la mort de leurs parents n'était pas déjà assez douloureuse pour deux enfants de quatre et cinq ans, il fallait qu'il l'ignore après s'être séparé d'elle ?

Un rictus irrité prit place sur ces lèvres. Plus aucun contact, ou alors très peu, n'avait eut lieu et ce jusque leurs treize ans pour Yuuto et douze, pour Haruna. Il l'évitait même. Et pourtant, elle trouva la force de lui pardonner suite à un match de Teikoku.

Il sourit. Sa sœur était vraiment trop gentille. À sa place, l'aurait-il pardonner aussi facilement ? Il n'était pas spécialement rancunier mais il aurait eu certainement beaucoup, beaucoup de mal à lui pardonner. Mais bon, depuis le jour, il l'appelait au moins deux ou trois fois par semaine lorsqu'ils ne se voyaient pas.

À présent, il ne voulait que son bonheur. Qu'elle se trouve un bon gars, qu'elle se marie et qu'elle fonde une famille. Il le désirait et le souhait de tout son cœur. Enfin, presque.

Car si elle se trouvait quelqu'un, cette personne lui arracherait sa sœur bien-aimée. Ce qui signifierait de moins en moins de contact, surtout si son « beau-frère » était possessif, ce que Yuuto ne supporterait pas. Et s'il n'était pas réglo ? Et s'il avait de mauvaises intentions envers Haruna ? Et si, et si, ect...

Il expira un bon coup. Décidément, il se faisait beaucoup trop d'idées, s'il continuait, il finirait parano à coup sûr ! Non, il ne voulait pas que son « beau-frère » soit un parfait inconnu, non... Non, non et non ! Pas forcément un de ces proches mais plutôt une personne à laquelle il faisait ou ferait entièrement confiance.

N'y avait-il personne qui semblait ou pourrait s'intéresser à sa jeune sœur ? Non, personne ?

Endou : déjà casé et c'était hors-de question.

Gouenji : Trop convoité et... non.

Kazemaru : il avait déjà sa belle Miyasaka même s'il n'était pas encore ensemble mais bon, il aurait pu faire l'affaire mais... lui non plus.

Genda : on passait aussi.

Kabeyama : on ne se foutait pas un peu de sa gueule, par hasard ?

Tobitaka : hum... non, non... Gentil mais non.

Tsunami : les gars du Sud étaient trop chauds pour elle... Ce gars était grossier, plus âgé et destiné à Zaizen Touko donc...

Ni lui, ni tous les autres membres de l'équipe, pas la peine d'allonger la liste de potentiels beaux-frères. Yuuto soupira bruyamment et longuement. Personne. Son regard se porta sur son ami qui soufflait dans son sifflet à chaque intervalle de deux pompes.

Une lueur nouvelle apparut derrière les lunettes de Kidou, suivit d'un sourire... machiavélique, c'était le cas de le dire.


Du côté de l'équipe et du coach-adjoint, l'un d'eux remarqua l'assistance particulière que leur portait l'entraîneur, ou plutôt celle qu'il portait pour Sakuma et il en informa le concerné tout en exécutant des abdos :

- Coach, Kidou-san vous regarde vraiment bizarrement, ça fait bizarre...

- Comment ? Fit-il en se retournant et, croisant on ne sait comment le regard de son ami, prit un peu de recul. Aurais-je fait quelque chose d'incorrect ?

- À vous de voir, Sakuma-san, répondit en haussant les épaules l'informateur.

Ce regard ne lui disait rien qui vaille... Il avait incontestablement quelque chose derrière la tête, Jirou en était sûr et certain. Il ne regardait jamais quelqu'un de cette façon, c'était flippant quand même ; un type au loin vous fixant sans relâcher, le tout agrémenté d'un sourire fourbe. Y'avait de quoi s'inquiéter.

Pourtant, il était certain de n'avoir rien fait ! Quoi que... Peut-être qu'il voulait se venger de la fois où il avait... Mais, impossible qu'il l'est découvert ! En même temps, on parlait de Kidou. Attention, c'était un véritable génie...

Cependant, c'était un secret qu'il avait gardé depuis plus d'un an et demi ! Il avait juré et fait juré à Genda de ne rien dire et même effacé toutes les preuves ! Toutes, absolument toutes ! Kidou était un gars redoutable, c'en était fini de Sakuma Jirou...

- Sakuma ! S'écria soudainement son meilleur ami.

- J'arrive !

Il se tourna vers l'équipe :

- Stop, on fait une pause. Désaltérez-vous et reposez-vous pendant dix minutes puis enchaîner une série de tirs au but.

Il courrait une mort certaine... Arrivé à sa hauteur, le visage aussi impassible qu'à l'accoutumée, contenant autant que possible son inquiétude, il demanda se qu'il se passait.

- Ça te dirait un resto, un ces soirs ?

Jirou fit un soupir s'en fendre l'âme qui évacua sa frayeur. Il s'agissait seulement d'une sortie au restaurant entre amis.

- Ouais... Ouais, ouais, bien sûr ! Accepta-t-il en esquissant un petit sourire.

- D'acc', quel jour te conviendrait le mieux ?

- Aujourd'hui on est jeudi, je serai libre dans... deux jours... Hum... Marmonna-t-il. Samedi serait parfait, c'est bon ?

- OK, c'est noté.

« J'ai cru un instant que tu parlais de ça, tu m'as fais peur, idiot... Heureusement, sinon j'étais mort pour de bon-... »

- Sakuma.

Le jeune homme qui revenait sur ses pas fit volte-face.

- Pourquoi te tuerais-je ?

- Pourquoi ? De quoi tu parles ? il ne comprenait pas son ami.

- Tu viens de penser à voix haute, abruti. Qu'est-ce que « ça » ?

Jirou commença à avoir des sueurs froides et à paniquer. Il avait parlé à voix haute, mais quel imbécile ! Lui qui pensait échapper à la mort ; quand elle nous tenait, elle ne nous lâchait plus, hein ?

- R-Rien qui vaille la peine d'être raconté, vraiment !

Il commença à se gratter la joue craintivement, regardant ailleurs.

- Sakuma...?

- Mais rien, j'te dis !

Un seul regard dissuada Jirou de mentir davantage. Ce dernier croisa ses doigt derrière son dos, comme pour s'excuser de rompre leur promesse.

- Un jour chez toi, avec Genda, on se battait pour savoir qui aurait la dernière bouteille d'Oasis et elle s'est ouverte accidentellement et son contenu s'est versé dans tes chaussures Gucci ! Avoua-t-il à toute vitesse, articulant à peine, en agitant ses bras dans tout les sens. C'était un accident ! Un vrai ! Crois-moi !

- Sakuma...

Yuuto fulminait, il réprima difficilement ses pulsions meurtrières. Ses Gucci... Ses Gucci venues de Londres... Ses chaussures préférées Gucci... Celles qu'il cherchait depuis plus d'un an... C'était eux, hein ? Il fit craquer ses doigts en même temps que son cou ; il était prêt à en découdre.

- Kidou...-kun ? Non, non, attends ! On les a remplacées par des Louis Vuitton exportées direct de Paris ! Et puis, elles sont plus belles !

- Tu veux dire que... mes Gucci étaient... moches ? Cria Kidou, furieux après son ami qui ne perdit pas plus de temps pour se barrer en courant, son meilleur ami à ses trousses. Sakuma !

Il le rattrapa vite fait et le plaqua au sol. « Putain de costard à la con, tu m'empêches de sauver ma vie ? Enfoiré, connard ! » ne put s'abstenir d'injurier le borgne en tentant vainement de se défaire de l'emprise de Yuuto sous les yeux effarés des footballeurs juniors qui ne se feront jamais à la vue de voir ces deux-là se « battre », en quelques sortes.

Pourtant, s'était chose courante de voir Jirou et Yuuto se quereller gentiment, enfin, pour leurs proches mais pour les élèves, s'était inouï ! Enfin, jusqu'à quelques mois encore... Leurs coach et coach-adjoint se battre, alors qu'ils s'entendaient si bien en temps normal...

Et puis, ils avaient capté quelques brides de la « conversation », comme des « C'était un accident », « Mes chaussures préférées Gucci... moches », ou bien « Louis Vuitton », ou alors « Londres... Paris... ». Il semblerait que leur coach-adjoint ait saboté les chaussures favorites de Kidou, des Gucci venues de loin et sûrement de grande valeur... Sakuma avait déconné, non ?

En fait, ils se comportaient en professionnels devant Teikoku mais en réalité, c'était de vrais gamins ! Les juniors étaient un peu dépasser par leurs enfantillages.

De retour aux côtés des adultes, le téléphone du brun re-sonna, un nouveau message de sa petite sœur, il se leva du corps presque inerte de son partenaire, après lui avoir porté plusieurs coups, qui en profita pour se redresser mais pourtant, ne s'enfuit pas mais s'assit sur l'herbe :

« Désolée de t'embêter à nouveau mais, finalement, j'ai besoin de ta réponse tout de suite. Le club de foot prévoit quelque chose mais ne sait pas encore quel jour et ont besoin de savoir quel jour je serai moi-même dispo alors... Salut ! »

- Ta sœur ?

- Ouais, ça tient toujours pour samedi ?

- Bien sûr. Bon, je crois que je vais y aller, moi...

- Reste ici, toi... le retint Kidou en lui agrippant le col. L'entraînement se termine ici pour aujourd'hui, annonça-t-il aux jeunes footballeurs.

Sa poursuite l'avait amené à une dizaine de mètres de ses élèves.

- Mais il reste encore une demie-heure, prévint l'un d'eux.

- Allez-y, j'ai quelques problèmes à régler avec un certain, n'est-ce pas, Sakuma-kun ? Fit-il en accentuant sur le suffixe honorifique.

- Mais ce n'était que des chaussures ! T'en as plein d'autres, en plus...

- C'est pas une raison ! Tu les as bousillées !

- J'étais pas seul et en plus... elle avaient rien à foutre dans la cuisine ! C'est en partie ta faute si on les a « bousillées » !

- Je mets mes chaussures où je veux chez moi !

- Ouais, bah, pas dans la cuisine !

- La ferme ! Si je te dis que...

Les juniors ne s'éternisèrent pas plus sur le terrain et s'éloignèrent de leurs supérieurs en les regardant comme de fous ; ils étaient limite entrain de s'arracher les cheveux. Qu'est-ce qu'ils avaient, aujourd'hui ?

À croire qu'ils n'étaient pas insensibles et dénués de sentiments comme le pensait certains d'entre eux. Dorénavant, calmes apparence, hein... Toutefois, ils étaient bien marrants.