Je sais ce que certains vont me dire. Et les autres fics alors ? On attend toujours de savoir ce qu'il va se passer dans Lover's game et si Nao va se faire bouffer par le premier reptile volant venu, mais j'ai le cafard. Je n'ai pas l'habitude d'écrire des textes sombres. Et on peut le prendre comme un exutoire à toutes les tuiles qui me tombent sur la tronche en ce moment. Faut relativiser dans la vie. Par contre, je sais pas trop dans quel genre le classer...
Enjoy.
Natsuki donna un coup de coude dans l'abdomen de l'homme qui la retenait contre son torse. Le souffle coupé, il la laissa s'échapper. Ce qu'elle fit sans demander son reste, mais sans quitter le paquet blanc qu'elle serrait contre elle comme si sa vie en dépendait.
Parce qu'une vie en dépendait.
Elle courut comme une dératée vers la sortie du bâtiment en ruine, ne se retourna pas une seule seconde. Quelqu'un pouvait très bien se trouver derrière elle et tendre la main pour attraper la longue tresse qui battait son dos au rythme de ses foulées endiablées.
La lumière grise du jour l'enveloppa et elle se retrouva au milieu de décombres. Quelques personnes la regardèrent dévaler l'avenue à toute vitesse sans plus réagir et elle sut alors qu'elle n'était pas suivie. Pour le moment. Elle courut longtemps. Méfiante envers ceux qu'elle croisait parfois et qui avaient encore assez de cran pour la regarder dans les yeux. Le premier qui s'approcherait se prendrait une balle entre les deux yeux. Mais les munitions étaient rares et elle préférait s'en servir en cas d'urgence extrême. Même si quiconque était devenu une menace.
Elle quitta l'allée centrale et ses énormes bâtiments détruits pour poursuivre son chemin dans de petites rues en lambeaux. Et redoubler de vigilance.
Elle risquait moins de se prendre un obus sur la tête, mais les ombres abritaient autant de pillards que de désespérés. Elle ne voulait pas voir le visage de ces derniers. Ils lui rappelaient trop à quoi elle ressemblait en ce moment.
Elle arriva à un cul-de-sac, terminé par une baraque qui menaçait de s'écrouler à tout moment, mais à l'air trop misérable pour attirer de potentiels charognards urbains. Malgré cela, elle avait toujours l'angoisse de trouver l'endroit occupé par des squatteurs ou une bande assez organisée pour avoir un chef qui tienne la route.
Elle porta machinalement la main à son Beretta et le mit en joue. Elle gravit une volée d'escaliers en silence, guettant tout mouvement ou bruit suspect. N'entendant rien d'autre qu'une respiration apaisée, elle termina de monter cet escalier de malheur et pénétra dans la seule pièce dont les quatre murs étaient à peu près intacts. Le mobilier se réduisait au strict minimum, le bâtiment ayant déjà servi de réserve et pillé, dépouillé de la plupart des meubles. Natsuki pensait qu'ils avaient sûrement été en bois, comme le démontrait la marque de brûlure au rez-de-chaussée.
De ce fait, il ne restait qu'un matelas posé à même le sol et une armoire trop massive pour avoir été descendue. Les anciens occupants avaient du filer avant d'avoir besoin de la brûler sur place.
Mais Natsuki envisageait sérieusement cette option afin de réchauffer un peu la petite pièce, au risque de mettre le feu au petit immeuble.
Shizuru tremblerait moins.
Allongée sur le matelas, cette dernière ne dormait pas. Elle fixait Natsuki d'un regard où se partageait la joie de voir revenir la jeune femme en vie et une prière muette.
- Tu les as ? demanda-t-elle d'une voix rauque.
La brune s'avança et déposa le sachet de papier blanc qu'elle n'avait pas quitté avant de s'asseoir en tailleur.
- J'ai pris tout ce qui me passait sous la main. Mais je n'étais pas seule sur ce coup, j'ai du faire vite.
Elle sortit une par une plusieurs boîtes de médicaments. A chaque fois, Shizuru secouait la tête d'un air désolé. Jusqu'à ce qu'elle attrape la main de Natsuki.
- Ceux-là feront l'affaire.
La brune hocha la tête.
- De l'eau ?
- S'il en reste.
Natsuki se leva et alla à la fenêtre aux carreaux brisés. Elle avait trouvé un vieux pot de fleur dont elle avait colmaté le trou avec un mélange de boue et de gravillons. Il avait plu cette dernière semaine. Elle le porta à Shizuru qui se redressait sur son matelas et s'agenouilla près d'elle. Sa compagne but à même le rebord de plastique et avala avec une grimace.
- Tu devrais encore te reposer.
- Oui.
Elle s'allongea après ces derniers mots. Un rat passa en cavalant sous les yeux de Natsuki qui s'en occupa rapidement. Le coup de feu retentit dans la petite pièce et tira un gémissement de douleur à Shizuru.
- Excuse-moi.
- Hm…
- Tu pourrais me prêter ton couteau ?
- Sous le matelas.
Elle attrapa l'objet désiré et alla chercher le corps encore chaud du rongeur. Il avait reçu la balle en pleine tête, elle s'améliorait. Il y avait quelques jours, il n'était pas rare qu'elle s'y reprenne à plusieurs fois avant de réussir à achever la bestiole qui mourrait dans un coin. Il fallait alors lui courir après. Et même une fois dépouillé, il n'était pas rare qu'elles retrouvent du plomb sous leurs dents.
Elle remercia encore une fois le hasard qui avait fait que ses éléments aient été des armes à feu lorsqu'elle était HiME. Elle en avait retiré assez de dextérité avec ces engins pour leur permettre de manger presque tous les jours.
Elle descendit au rez-de-chaussée et sortit à l'extérieur. La couleur sanglante du ciel annonçait la nuit. Elle devait se dépêcher. Elle vida rapidement la bestiole et poussa les tripes du bout du pied.
Ils sont de plus en plus gros…
Si elle parvenait à faire sécher la peau correctement, elle pourrait peut-être s'en servir par la suite. Ou bien la revendre. Ou l'échanger contre un peu de nourriture à quelqu'un qui saurait quoi en faire précisément.
Il lui fallait des médicaments. Pour Shizuru. Cette dernière avait reçu un éclat d'obus en pleine tempe lors des premiers raids aériens. Et même si la plaie avait été correctement soignée et avait bien cicatrisée, elle se plaignait de migraines violentes. Et ce, de plus en plus souvent.
Le ciel s'obscurcissait. Elle rentra.
Par la fenêtre de la petite pièce dans laquelle elle vivait avec Shizuru, elle regardait la rue en dépiautant la viande du bout des doigts. Pas de feu pour faire cuire leur repas, le ciel était trop clair et dégagé cette nuit, la fumée serait trop visible. Le survivant était souvent le plus discret.
Son cœur manqua un battement en voyant une lueur s'approcher et elle se baissa instinctivement pour qu'on ne distingue pas sa silhouette à la fenêtre. Shizuru lui jeta un coup d'œil interrogateur et Natsuki lui fit signe de garder le silence tout en priant pour qu'ils n'aient pas l'idée de fouiller ce bâtiment.
Elle entendit des éclats de voix, mais la porte au rez-de-chaussée ne claqua pas. Il y eut un bruit de bagarre, stoppé net par un coup de feu. Il n'y eut pas de hurlement, ni de pleurs désespérés.
Elle serra le poing sur son Beretta tandis que Shizuru attrapait son couteau. Défense bien dérisoire s'ils avaient une arme à feu.
N'entendant plus rien, Natsuki se redressa un peu, juste pour voir qu'ils avaient investis l'immeuble d'en face. Deux hommes armés de lances improvisées se tenaient droits comme des piquets à l'entrée.
Ils allaient sûrement y passer la nuit. Elles seraient alors tranquilles jusqu'au matin.
Elles mangèrent en silence la viande crue et les petits os qui craquaient sous la dent. Et même ça, Natsuki trouvait que ça fichait un raffut de tous les diables.
- Je prends la première garde, déclara-t-elle en allant se poster devant la porte, pistolet en main.
Shizuru acquiesça, reconnaissante de son amie. Natsuki s'assit en tailleur contre le battant fermé. Si quiconque venait à entrer ici, elle le saurait immédiatement. Même si elle s'endormait. Ce qu'elle ne comptait pas faire.
Au bout de quelques heures, elle commençait à dodeliner de la tête. Elle avait faim aussi. Elle savait qu'elle avait surveillé bien plus longtemps qu'elle n'aurait du. Le tour de Shizuru aurait du commencer. Mais elle ne pouvait pas se résigner à réveiller sa camarade. Pas dans son état.
Comme elle n'avait rien à se mettre sous la dent ou à faire, elle regarda Shizuru dormir. La cicatrice à sa tempe luisait doucement à la lumière de la lune qui passait par la fenêtre absente.
Une si petite marque… Pour tant de douleur.
L'humain était si fragile en fait. Et qu'étaient devenus les autres ? Elle savait que Nao avait rejoint une de ces bandes organisées, en tant que petite amie du leader actuel. Elle devait s'en donner à cœur joie à piller les magasins. Midori et Youko étaient en voyage à l'étranger lorsque les premiers raids avaient eu lieu. Mais rien ne l'avait rassuré par rapport à la situation du reste du monde. Mikoto était introuvable. Et la dernière fois qu'elle avait vu Mai, c'était en tant que corps disloqué dans l'explosion de son pavillon.
Elle n'avait aucune nouvelle des autres. HiMEs ou simples camarades de classe.
Elle s'endormit. Elle le sut en se réveillant en sursaut, ou plutôt en douleur. Son nez avait violemment rencontré le sol et le battant de la porte s'ouvrit à la volée. Elle ne chercha pas à comprendre et tira dans le pied qui passa près de son oreille. Il y eut un cri de douleur suivi de plusieurs jurons.
Natsuki se redressa sans tenir compte de la douleur qui lui faisait serrer les dents et acheva l'homme qui sautillait sur un pied d'une balle en plein torse. Un second la désarma d'un grand coup de pied circulaire et plongea sur elle.
Il était plus grand qu'elle et sûrement plus fort, mais la peur et l'envie d'en terminer au plus vite décuplait littéralement les forces de Natsuki. Ils roulèrent un instant sur le plancher, sans que l'un ne prenne le dessus sur l'autre. Jusqu'à ce qu'il ait un moment de faiblesse. Natsuki le maintenait au sol entre ses genoux et levait déjà le poing pour le lui abattre en pleine tête.
Un coup de feu retentit et elle s'attendit à sentir le choc de la balle, la douleur du trou sanglant qu'elle aurait tracé dans ses chairs…
Elle eut beau attendre, poing levé comme si une présence invisible le retenait derrière elle, il n'y eut rien. Juste une voix forte. Caillouteuse.
- Continue et elle y passe !
Natsuki tourna la tête. Deux hommes maintenaient Shizuru face contre le sol, lui tordant le bras en une clé que Natsuki devinait particulièrement douloureuse. Une femme se tenait debout près d'eux, serrant le Beretta qui avait échappé à Natsuki quelques instants plus tôt. Le canon dirigé sur la tête de Shizuru.
A peine analysa-t-elle la situation qu'un poing s'abattit sur son visage, fracassant sa pommette déjà mise à mal et fendant sa lèvre. L'homme qu'elle tenait à terre renversa les positions et lui maintint les bras de part et d'autre de la tête.
Natsuki ferma les yeux, résignée à son sort. Elle y passerait, c'était sûr et certain. Elle n'ignorait pas ce qui arrivait aux jeunes femmes récupérées par ce genre d'individus. Elle espérait seulement qu'ils feraient vite.
- 'Tain ! Elles ont eu Tokage et Zetsu ! fit la femme qui tenait toujours Shizuru en joue.
- On en fait quoi ?
- Si ça ne tenait qu'à moi je les abattrai sur place.
Elle donna un coup de pied dans le vide.
- On va les amener à Kuro.
Sa joue avait du gonfler, ainsi que sa lèvre. La douleur pulsait en rythme avec les battements de son cœur qu'elle tentait vainement de maîtriser. Et même si la torsion qu'on infligeait à son bras était à la limite du supportable, Natsuki s'en fichait.
Shizuru !
Cette dernière était plus pâle que jamais et avait du mal à poser un pied devant l'autre. La tête ainsi baissée, Natsuki ne pouvait pas voir ses yeux, mais elle devinait qu'ils devaient être très fatigués.
En sortant du bâtiment, Natsuki avait vu les deux hommes de la veille et leurs lances de fortune. Ils les avaient encadrés dès qu'ils avaient mis le pied dehors. Ils étaient sortis de la petite ruelle pour traverser les petites allées au paysage défoncé par le C4. Pour se retrouver en face de l'entrée d'un parking souterrain.
L'ascenseur ne fonctionnait plus, ça faisait longtemps que l'électricité avait été coupée. Ils descendirent les niveaux à pied, dans une obscurité quasi-totale. Arriva un moment où les hommes armés qui les encadraient sortirent chacun une lampe torche et les braquèrent vers les ténèbres. Natsuki lut qu'ils se trouvaient au quatrième sous-sol.
Ils s'arrêtèrent au sixième et Natsuki ne sut que penser de ce qu'elle voyait. Il n'y avait pas de voiture, mais des tentes de toile grossière ou des baraquements de tôle. Des feux brûlaient comme des lucioles. Et plusieurs personnes se regroupaient près de ces lumières bienfaisantes. Dont des femmes et des enfants.
Le groupe ne passa pas inaperçu et ils furent rejoints par une foule de curieux. Beaucoup d'adolescents et de jeunes adultes.
- Mirai ! Mirai !
Une jeune femme attrapa le bras de celle qui avait menacé Shizuru. Le groupe s'arrêta. Le cercle de curieux fit de même en silence. La jeune femme semblait complètement paniquée.
- Où est Tokage ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Et puis ces deux-là…
- Vas-tu te taire ! répliqua la dénommée Mirai en se massant l'arête du nez. Où est Kuro ? Que je lui fasse mon rapport.
La foule s'écarta pour laisser passer un homme comme Natsuki n'en avait jamais vu. Il devait facilement taquiner les deux mètres de haut. Très large d'épaules, elle ne s'étonnerait pas de le savoir capable de la briser comme une allumette. Option tout à fait envisageable au vu du regard meurtrier qu'il leur lança, à elle et Shizuru. Elle songea un instant qu'il méritait très bien son nom. Il avait la peau extrêmement foncée.
- Eh bien, je t'écoute, déclara-t-il en croisant les bras sur son torse.
- On patrouillait à l'Est du parc. Des baraques pourries pour un butin pourri. Jusqu'à ce qu'on les trouve à l'étage d'un vieux restaurant miteux. La brune a dégommé Tokage pendant que la deuxième plantait Zetsu.
Un murmure parcourut le cercle. Et Kuro leva un sourcil interrogateur.
- Tu veux dire que ces gamines ont réussi à dézinguer deux de mes meilleurs officiers ?
- Ouais.
- Amène-les moi.
On les poussa vers l'avant, le bras toujours tordu dans le dos, on les força à s'agenouiller. Si Shizuru se laissa faire sans résistance, regard toujours rivé au sol, ce fut autre chose pour Natsuki qui se débattit. Elle se calma en sentant la crosse du Beretta que Mirai n'avait pas lâché s'abattre sur son crâne.
Kuro s'accroupit face à elle et prit le menton de Natsuki dans sa main. Elle le défia du regard. Il découvrit une rangée de dents blanches dans ce qu'elle devina être un sourire entendu. Il la regarda longtemps avant de la lâcher. Il réitéra l'opération avec Shizuru. Et lorsqu'il lui fit lever la tête, Natsuki eut envie de hurler tellement son amie semblait loin.
- La brune me plaît. On pourrait la garder, déclara-t-il en se relevant. L'autre ne serait qu'un poids mort vu l'état dans lequel elle se trouve. Autant s'en débarrasser de suite.
- Bien.
Mirai leva le Beretta et posa son doigt sur la détente. Natsuki hurla.
- NON !
Le cri résonna dans le parking souterrain.
- Non ? répéta Kuro en baissant les yeux sur la jeune femme.
Natsuki ne cilla pas, elle soutint ce regard noir comme l'ébène.
- Non, fit-elle à nouveau.
Kuro s'avança vers elle et la remit sur ses pieds comme si elle n'avait rien pesé.
- Ecoute bien. Ici, on est une meute. Vous avez tué deux de nos gars et on a besoin de types pour survivre. Je peux te garder en vie. Mais ta copine ne nous servira à rien.
Elle se recula vivement pour rejoindre Shizuru toujours à terre.
- Alors autant nous crever toutes les deux ! Là, maintenant !
- Avec plaisir, répliqua Mirai en les mettant en joue.
- Non, ça ne ferait pas notre affaire, fit Kuro en confisquant l'arme. Je te propose de t'engager fillette. Te faire entrer dans la famille. Tu y seras plus en sécurité qu'à l'extérieur. Et tu boufferas autre chose que des rats et des ordures.
- Pas sans Shizuru !
Si elle devait accéder à une vie ''meilleure'', elle n'y irait pas sans sa compagne. Peu importe ce que cet homme pourrait lui proposer.
- Le duel ! lança une voix depuis le groupe qui les entourait.
Ce mot fut repris par plusieurs personnes, sans que Natsuki n'en connaisse l'exacte signification. Kuro poussa un soupir avant de lancer à la cantonade :
- Un volontaire !
Ce fut la jeune femme qui avait demandé où se trouvait Tokage qui s'avança. Natsuki remarqua qu'elle pleurait. De ces larmes silencieuses que l'on verse une fois brisé, sans bruit.
- A toi de jouer fillette, fit Kuro à Natsuki avant de faire un pas en arrière. Tu joues contre Setsuna. Bonne chance.
- Hé ?
On ne lui laissa pas le temps de réfléchir à quoi que ce soit. Elle bascula en arrière sous l'impact d'un coup de pied monumental et roula sur plusieurs mètres. En prenant appui sur ses mains pour se relever, elle vit Setsuna se précipiter sur elle, poings en avant pour la plaquer au sol. Natsuki roula sur le côté, esquivant de justesse les mains qui se seraient serrées sur sa gorge ou qui auraient écrasées ses yeux. Elle atterrit devant les pieds d'un jeune homme qui la repoussa immédiatement à l'intérieur du cercle.
Elle se releva en se servant de cette impulsion et se mit en garde, poings levés devant son visage. Setsuna fit de même en face d'elle, même si elle semblait beaucoup plus à l'aise dans cette position. Natsuki trembla en voyant son regard. Si jamais elle se faisait attraper, elle n'en réchapperait pas sans quelques côtes brisées et des dents en moins. Raison de plus pour gagner ce fameux duel. En plus de Shizuru, silhouette prostrée au bord du cercle.
On la huait. On encourageait Setsuna à la réduire en miettes. Kuro regardait la scène d'un œil curieux et intéressé alors que Mirai hurlait carrément à la victoire de Setsuna, traitant Natsuki de tous les noms.
- Pour Tokage, déclara Setsuna en lançant l'assaut.
Natsuki crut que ses avant-bras allaient se briser. Setsuna les martelaient de coups plus violents les uns que les autres, cherchant à atteindre le visage dissimulé derrière cette barrière d'os et de chair. Natsuki feinta sur la gauche et la faucha d'un balayage. L'autre ne tomba pas, mais se rattrapa à elle. Elles roulèrent au sol et Natsuki eut l'impression de revivre la scène du début de la journée.
Quelque part, dans son esprit, Shizuru avait le canon d'un Beretta posé sur la tempe, prêt à faire feu. Quelque part, pour Setsuna, Tokage était mort, tué par cette fille qui la griffait au visage et aux bras.
Les cris s'intensifièrent autour d'elles, les plongeant dans une frénésie meurtrière. Elles se griffaient, s'arrachaient les cheveux, cherchaient à agripper les yeux et les lèvres. Natsuki sentit l'épaule de son adversaire près de son visage et n'hésita qu'une demi fraction de seconde. Elle y planta férocement les dents. L'autre raffermit sa poigne sur son visage en poussant un hurlement de rage et de douleur. Ce serait à celle qui serrera le plus fort.
Un goût de sang envahit le palais de Natsuki qui commençait à avoir le vertige. Mais elle sentit les mains de Setsuna faiblir. Elle hurlait, un hurlement qui effraya Natsuki. Elle serra plus fort encore, à s'en briser la mâchoire s'il le faudrait, mais elle savait que si elle lâchait prise, s'en serait fini.
Il y eut un craquement, un bruit de succion et de déchirement atroce et on les sépara. Au grand étonnement de Natsuki qui n'avait toujours pas desserré les dents. Elle comprit en voyant l'épaule ensanglantée de Setsuna que l'on retenait en face d'elle. Ce qu'elle recracha au sol était un vague enchevêtrement de tissu, de chair et d'esquilles d'os. Un silence étrange régnait à présent, à peine coupé par les hurlements hystériques de Setsuna. Si elle y avait pensé, Natsuki aurait vomi. Mais son cerveau cherchait encore à analyser la situation.
Il y avait toutes ces personnes autour d'elle, Mirai qui la toisait d'un regard mauvais, Kuro qui lui souriait doucement, Setsuna qui lui crachait des insultes à la figure tout en essayant de s'échapper de la poigne des trois personnes qui la retenaient. Et Shizuru… Agenouillée mais les yeux levés vers elle. Les mêmes qu'elle aurait eu si elle se rendait compte qu'un cauchemar pouvait exister. Natsuki se sentit dans la peau d'un monstre.
Une fillette eut l'audace ou la mauvaise idée d'avancer d'un pas en avant. Natsuki ne lui lança qu'un regard et l'enfant éclata en sanglots avant de s'agripper à la jambe d'une femme qui avait l'âge d'être sa grand-mère.
- Natsuki…
Cette voix brisée était celle de Shizuru. Natsuki ne tourna pas la tête dans sa direction, ne voulant pas voir à quoi elle ressemblait dans les yeux de son amie. Setsuna finit par se taire, s'étouffant dans des sanglots sans fin.
Kuro applaudit et s'avança vers Natsuki. Elle se remit en garde, méfiante.
- Eh bien, eh bien…Tu ferais presque peur comme ça. Tu sais te battre. Une fois remise à neuf, tu pourrais faire une bonne éclaireuse.
Les paroles se frayèrent un chemin jusqu'à son esprit saturé d'adrénaline.
- Et Shizuru ?
Il jeta un coup d'œil vers la concernée qui n'avait pas quitté Natsuki des yeux.
- Qu'est-ce qu'elle sait faire ? Une fois guérie, si elle guérit. N'oublie pas qu'on est en guerre. Les médecins et les médocs ne courent pas les rues.
Natsuki se demanda une seconde si Shizuru avait entendu la question et du se rendre compte que non. Elle devrait répondre à sa place. Shizuru était calme, douce et compréhensive, pas vraiment le profil recherché pour un soldat. Que pouvait-elle dire ?
Nous sommes en guerre… Ce qui compte, c'est la survie.
Mais la guerre, Shizuru en avait déjà mené une. Pour une cause perdue, mais dévastatrice. Pour l'amour de Natsuki. La Première Division ne s'en relèverait sans doute jamais.
Le regard de Shizuru avait changé. Il lui adressait à présent la prière muette de se taire, de tenir sa langue. Natsuki articula un faible ''désolé'' avant de prononcer, d'une voix forte et audible :
- C'est un assassin.
Shizuru ne bougea pas, mais Kuro sembla la considérer d'un œil différent. Il hocha doucement la tête.
- Alors bienvenue dans la meute.
Le murmure de la foule s'enfla petit à petit, jusqu'à devenir un brouhaha incompréhensible. Partagé entre admiration, curiosité et agressivité envers les deux jeunes femmes.
Natsuki n'y prêta pas attention. Shizuru souriait, elle aurait du s'en réjouir. Mais les larmes de cette dernière lui faisaient bien comprendre à quel point elle la haïssait d'avoir dit ces mots.
Alors ? Cette mise en bouche ?