Notes

Cette histoire est la traduction d'une fiction écrite en anglais que je publie avec l'autorisation de son auteur, qui souhaite reste anonyme.
Si ce texte vous plaît vous pourrez retrouver d'autres histoires du même auteur sur mon profil :
A moitié plein
Par lettres
Comme si la guerre n'avait pas eu lieu

Un grand merci à Via Ferata, ma beta, pour sa patience et son efficacité.

Voilà, ça fait déjà quelques temps que j'étais prête à poster ceci, mais bon, comme j'ai passé pas mal de temps sur cette traduction, je voulais attendre une date qui marque un peu le coup.

Et comme c'est une romance bien romantique, bien guimauve, bien dramionesque, je me suis dis que je pouvais attendre le 14 pour ce faire.

Donc voilà, joyeuse St Valentin amies lectrices (et amis lecteurs, mais je suis sûre que les dames sont en majorité ici...), surtout les célibataires, parce que lire un Dramione est un excellent moyen de passer cette journée !

Ceci n'est que le premier chapitre, le texte est long, j'essaierai de poster régulièrement...

Bonne lecture !

1. Parce qu'elle est le soleil

Granger, il faut qu'on parle de Jenkins…

Il ne me fallut qu'un infime mouvement de baguette pour réduire la note en cendres. Une autre arriva immédiatement. Je poussai un soupir. A ce rythme, je ne rentrerais jamais chez moi ce soir.

Je suis à trois étages de toi, et aussi sûr que deux et deux font quatre, tu as brûlé cette note à la seconde où tu as reconnu mon écriture. Ma secrétaire a écrit celle-ci, donc je sais que tu as lu au moins jusqu'ici. A propos de Jenkins…

Je toussai dans ma main tandis que le deuxième message répandait des cendres partout dans mon bureau.

Un troisième arriva en voletant.

Jamais deux sans trois, Granger. Jenkins est…

Le troisième mémo subit le même sort que les deux autres. Mon bureau et mes étagères étaient désormais recouverts de cendres, et avaient besoin d'un sort de nettoyage. Comme si j'avais le temps de faire la poussière ici. Je détestais les sorts de nettoyages. Enfoiré.

MALEFOY, ARRETE DE ME HARCELER AVEC TES MESSAGES DEBILES ET INUTILES QUI ONT COMME SEUL BUT DE T'AIDER DANS TES PLANS PATHETIQUES POUR DEVENIR LE PROCHAIN MINISTRE DE LA MAGIE.

Voilà qui devrait faire l'affaire. J'envoyai la Beuglante prendre soin de Malefoy.

oOo

Encore une fois, j'avais eu une longue journée la veille ; Ron dormait déjà quand j'étais arrivée à la maison. Ce soir ne serait pas mieux. Ron était encore au lit quand j'étais partie. J'avais mis du pain à griller, ajouté du beurre dans le beurrier, mis la confiture sur la table et rempli la bouilloire. Me sentant coupable d'être rentrée si tard la veille, j'avais même mis une jolie nappe et utilisé sa tasse préférée. Tout ça pour rien, franchement. Il n'en tiendrait pas compte et retrouverait Harry au McDonald's au coin de la rue du Ministère pour y manger un truc appelé Egg McMuffin. Il m'en avait apporté un, une fois, avant d'aller au bureau. Lorsque je l'avais recraché par terre, il m'avait assuré que c'était très bon quand c'était chaud. Les Américains, franchement. J'essaie d'être ouverte d'esprit, mais qu'est-ce que vous pouvez dire d'une société pour qui Bart Simpson est une icône culturelle ? Ron est un grand fan de ce dessin animé.

En sortant de la cheminée, j'avais attendu l'ascenseur en faisant la liste de qu'il fallait que je termine aujourd'hui, quoi qu'il arrive. Juste quand la porte s'était ouverte, j'avais poussé un énorme bâillement. Je m'étais retrouvée la bouche ouverte comme une carpe devant un ascenseur rempli de gens, Drago Malefoy tout devant.

« On s'est couché tard, Granger ? Weasley t'a tenue éveillée toute la nuit ? Je ne savais pas que les Aurors étaient de tels chauds lapins. »

Ca avait été dit avec son perpétuel sourire ironique.

Refermant promptement la bouche, je lui avais jeté un regard noir.

« J'attendrai le prochain ascenseur, merci. Celui-ci est complet.

— Mais non, mais non, avait-il roucoulé. Il y a toute la place qu'il faut. On se serre, les gens. Le plus vite Granger arrivera à son bureau, le plus vite elle pourra sauver le monde. »

Les plus polis toussèrent discrètement pour camoufler leurs ricanements la petite pétasse de la comptabilité, celle qui examinait tous mes reçus à la loupe, laissa échapper un gloussement suraigu. Elle voulait se taper Malefoy, clairement, et pensait que rire à ses blagues lui obtiendrait un déjeuner dans un restau chic, et une partie de jambes en l'air en plein après-midi en guise de dessert. Malgré son mariage avec Pansy Parkinson, sa réputation de coureur de jupons lui collait à la peau, peu importait combien de promotions ministérielles il avait reçues. J'étais probablement la seule femme dans tout le bâtiment qu'il n'avait pas essayé de séduire. Le connaître, c'était le mépriser.

« Tu es là de bon matin, Malefoy. Normalement, on ne te voit jamais traîner ici avant dix heures et quelques. Tu espères une interview ? »

J'arrivai à susciter quelques rires à mon tour la pétasse de la compta me jeta un regard mauvais. Je suppose que pour lui, une mauvaise semaine c'est quand lui et/ou sa femme n'apparaissaient dans la Gazette qu'un jour sur deux.

Ma récente promotion comme Sous-secrétaire aux Relations Moldues voulait dire que nous travaillions ensemble, vu qu'il était Sous-secrétaire du Département de Loi Magique. La majorité des lois dans le monde sorcier avaient pour but de protéger les Moldus des sorciers, et de protéger les sorciers des Moldus. Les deux postes étaient vus comme un tremplin pour devenir Ministre de la Magie Adjoint. Encore une fois, nous étions rivaux, à mon plus grand dégoût. L'antipathie mutuelle qui s'était développée entre nous à Poudlard n'avait pas diminué d'un iota. Je faisais en sorte de le voir le moins possible. Opportuniste jusqu'au bout des ongles, Malefoy s'était rendu compte rapidement au début de la guerre que plus Harry grandissait, plus il devenait puissant. Arrivé à un certain point, la défaite de Voldemort était inévitable. Le fait que Malefoy ait rallié notre camp n'avait rien à voir avec une prise de conscience morale tardive, il se mettait juste dans le camp des gagnants. Si beaucoup de gens étaient tombés dans le panneau et croyaient Malefoy quand il disait que son père l'avait forcé à recevoir la Marque, dans l'Ordre, on ne lui avait jamais fait confiance, et on ne lui ferait jamais confiance.

A chaque arrêt, les gens descendaient par groupes de deux ou trois. Je reculai dans le fond de l'ascenseur pour éviter de récolter davantage de remarques sarcastiques de la part de Malefoy. Quand il ne s'amusait pas à ridiculiser mon mari, c'était à moi qu'il s'en prenait. Un brossage de dents rigoureux fini au fil dentaire, (une fille de dentistes, ça ne se refait pas), un gant de toilette sur mon visage et un coup de peigne pour lisser mes cheveux toujours emmêlés, voilà ma toilette du matin. Le maquillage ? Les manucures ? Les coupes de cheveux ? C'était trop de tracas tout ça. Je disposais de si peu de temps pour faire tout ce que je voulais faire ça semblait presque immoral de passer trente minutes par jour devant un miroir pour se faire belle.

Comme Malefoy ne pouvait pas me battre sur le plan intellectuel, il fronçait le nez devant ma toilette négligée. Il prenait ce que je considérais être de la force de caractère, et il le transformait en un défaut. A une réunion, quelques temps auparavant, j'avais rassemblé mes cheveux dans un chignon mal fait sur le dessus de mon crâne, et j'y avais enfoncé ma baguette pour les faire tenir en place. Quelques minutes plus tard, il m'avait fait passer un petit mot. Elégamment calligraphié, il était écrit « tu as une tête à faire peur, Granger, » et, comme si je pouvais avoir le moindre doute, il avait ensuite transformé ma plume en peigne. Me précipitant dans la salle de bains pour me passer de l'eau froide sur le visage, je m'étais vue dans le miroir. Je faisais vraiment peur. La semaine précédente, il avait attendu que je le regarde pendant une réunion pour baisser les yeux sur mes cuticules en sale état avant de lever une main à sa bouche dans un bâillement distingué. En sortant, il avait laissé tomber une lime à ongles sur mes genoux.

J'aurais voulu pouvoir dire que je me moquais de ses basses attaques concernant mon apparence, mais ce n'était pas vrai. Il me faisait me sentir pouilleuse. Des pieds à la tête, de mes cheveux désormais grisonnants à la semelle de mes chaussures plates et pratiques. Un regard à mes ongles coupés trop courts ou à ma nouvelle frange, et un petit sourire supérieur apparaissait sur ses lèvres. Et un commentaire sur comment je me fichais complètement de ma féminité. Ce faux sourire me faisait calculer à quand exactement remontait ma dernière vraie coupe de cheveux. Quand était la dernière fois que je m'étais acheté une nouvelle robe ? La dernière fois que j'avais mis du rouge à lèvres ? La dernière fois que j'avais changé de boucles d'oreilles ? Me sentant soudain honteuse je réalisai que je n'avais pas un seul soutien-gorge avec de la dentelle. Que mes sous-vêtements auraient reçu la bénédiction d'une Carmélite. Sans même avoir besoin de faire quoi que ce soit, il arrivait toujours à me faire sentir que l'alliance à mon doigt ne servait qu'à cacher la vieille fille que j'étais au fond. Aujourd'hui, de façon caractéristique, il avait remué deux fois le couteau dans la blessure. Cette remarque sur Ron, alors qu'il savait très bien les horaires de fou que j'avais, ça se traduisait par : « qui pourrait bien vouloir la sauter ? »

Je ne pouvais même pas dire que c'était contre moi. Il observait tout le monde. C'était une vraie commère et il savait qui couchait avec qui, qui allait avoir une promotion, et qui n'en aurait pas. Si vous vous étiez disputé avec votre copain la veille, il le savait et vous faisait envoyer une rose à votre bureau. Si vous étiez un gars, il vous emmenait boire une bière à la sortie du boulot. Il savait tout. Vos faiblesses. Vos forces. Et si par malheur vous étiez en travers de son chemin dans son ascension vers le pouvoir, il arrivait à déterminer exactement comment faire de vos forces une faiblesse. Tout cela avait pour conséquence que puisqu'il vous surveillait, vous vous mettiez à le surveiller, par simple instinct de survie.

L'âge lui allait terriblement bien. Son visage s'était fait moins pointu, mais passer du Quidditch au tennis lui avait permis de garder sa silhouette mince d'adolescent. J'avais passé assez de réunions avec lui pour savoir qu'il devait avoir une manucure deux fois par semaine ses ongles étaient nets et taillés de façon à ce que ses mains élégantes paraissent toujours au mieux. (Inutile de préciser que je pensais à me servir d'un coupe-ongles seulement quand mes ongles commençaient à raccrocher mes vêtements.) Il passait chez le coiffeur une fois par semaine, aucun doute. (Quand ma frange commençait à m'embêter, je la raccourcissais avec des ciseaux de cuisine.) Même moi je savais que sa fausse nonchalance se payait en Gallions. Ses cheveux avaient complètement viré au gris au cours de l'année précédente, faisant disparaître toutes traces du gamin blond qu'il avait été. Je le soupçonnais d'utiliser un sortilège Glamour pour se donner un air en paraissant plus vieux. J'avais essayé de le prouver en murmurant un discret Finite Incantatum en passant derrière lui, mais ça n'avait rien donné.

Il avait appris qu'un sourire paresseux rapportait bien plus qu'un rictus. Pour utiliser une expression moldue, on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre. Malefoy avait donc sa méthode et avait remplacé le vinaigre par l'oseille. Ça ne voulait pas dire qu'il n'était pas un connard débordant de sarcasmes quatre-vingt-dix pourcent du temps, mais une autre chose qu'il avait apprise, c'est que vous aviez le droit de dire des choses horribles et cruelles sur les gens si vous faisiez passer ça pour une blague.

Ron et moi étions souvent la chute de ses blagues.

Comme si j'avais besoin d'une raison supplémentaire pour le détester.

L'ascenseur continua son périple dans les entrailles du Ministère et se vida peu à peu jusqu'à ce qu'il ne reste plus que nous deux.

« Tu as manqué ton étage, Malefoy. »

J'appuyai sur le bouton du quatrième étage pour lui rafraîchir la mémoire. On m'avait collée au septième, et c'était une preuve désagréable de la façon dont les Relations Moldues étaient globalement vues.

« Je venais te voir, pour tout dire. »

Comme il n'y avait personne aux alentours, je m'autorisai à exploser :

« Oh, pour l'amour de… Malefoy, laisse tomber Jenkins. Il s'occupe du sport. Il n'a aucune influence. Et en plus, son intelligence est proportionnelle à sa taille, c'est-à-dire que ça ne vole pas haut. »

Seigneur, est-ce que je venais vraiment de dire ça ? Je devais être réellement épuisée. Sans tenir compte du ricanement amusé de Malefoy, j'accélérai le pas, espérant pouvoir atteindre mon bureau, à peine entrouvrir la porte et la lui claquer au visage.

Il était trop rapide pour moi, cela dit, et il se faufila à ma suite, pour se glisser sur la chaise en face de mon bureau. Là, il se mit à lancer des sortilèges insonorisants et à protéger la pièce contre l'arrivée d'éventuels intrus.

Je levai un sourcil interrogatif. Jenkins ne nécessitait quand même pas des mesures aussi drastiques ?

Malefoy m'ignora et se contenta de demander :

« Café ? »

J'avais pris trop de café la veille et rien qu'y penser me donnait mal au ventre. Je secouai la tête négativement.

« Du thé alors. »

Il claqua des doigts. Deux tasses Spode anciennes avec leurs soucoupes, la théière assortie, le pot à lait et le sucrier apparurent sur mon bureau. D'habitude exposé avec fierté sur une étagère dans le bureau de Malefoy, ce service coûtait probablement plus que ma maison.

« Je m'excuse pour cette remarque dans l'ascenseur. On ne peut pas décevoir le public, si ? Ils s'attendent à ce qu'on se chamaille. Ce que j'en dis : donnons-leur ce qu'ils veulent. Je te sers ? demanda-t-il d'une voix douce. Tu l'aimes quand il est fort, n'est-ce pas ? Moi aussi. »

Et il en versa quelques gouttes au fond d'une tasse pour en vérifier la couleur.

L'espace d'un quart de seconde, je fus touchée par les excuses et le thé. Heureusement, je retrouvai rapidement mes esprits. Qui est-ce qui se trouve en face de toi, Hermione ? Le plus grand et le plus méprisable des Mangemorts opportunistes, Drago Malefoy.

« Qu'est-ce que tu veux ? demandai-je d'une voix cassante. »

J'étais consciente que mon planning pour la journée était déjà très serré et n'incluait pas passer une heure à traînailler avec Drago Malefoy. A ce rythme, c'était sûr que j'allais encore une fois manquer le dîner. Ce qui serait la cinquième fois de la semaine.

« Si c'est à propos de Jenkins, remballe ton service à thé hors de prix et va t'en.

— Un nuage de lait et une cuillère rase de sucre ? fit-il semblant de vérifier. »

Il était clair au ton de sa voix qu'il savait exactement comment je prenais mon thé. Une connaissance si parfaite de mes habitudes me rendit certaine que ce n'était plus qu'une question de temps. Procédure Malefoy standard. Connais tes ennemis. Qu'il sache exactement comment je prenais mon thé était un signe annonciateur de ce qui m'attendait. A l'évidence, il avait décidé qu'on devait s'allier pour se débarrasser de Jenkins dans la course au poste d'Adjoint Jenkins n'avait pas la moindre chance contre nous deux. Et puis Malefoy m'écraserait comme un cafard.

« Non, ce n'est pas de Jenkins que je veux parler ce matin. »

Je remarquai qu'il prenait son thé sans rien.

« C'est quelque chose de plus… personnel. »

Je soupirai.

« Qu'est-ce qu'il a fait ? Combien de Moldus dont il faut effacer la mémoire cette fois ? La moitié de Londres et sa banlieue ? Désolée. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour ton fils. Cette fois il va juste devoir se débrouiller tout seul. »

Le bord de sa tasse ne dissimulait pas totalement sa grimace.

« Etrangement, je ne crois pas, non. »

Je pris une gorgée de thé. Parfait, bordel. Juste comme je l'aimais. Quelque chose que Ron n'avait pas réussi à maîtriser après vingt ans de mariage, et la personne que je méprisais le plus au monde y arrivait du premier coup.

« Tu peux répéter ?

— Je ne crois pas. »

Il allongea excessivement le « a » et reposa sa tasse.

« Ça te dérange si je fume ?

— Ça changerait quelque chose si je disais oui ?

— Ne sois pas absurde, Granger. »

Il agita la main et un paquet de Players apparut. Il n'aurait jamais compromis la ligne parfaite de ses robes faites sur mesure par la bosse vulgaire d'un paquet de clopes. Il l'alluma de la pointe de sa baguette. Il ne servait à rien de discuter. Je métamorphosai un presse-papier en cendrier et le poussai vers lui. Les coins de sa bouche se relevèrent victorieusement avant qu'il ne tire une longue et profonde bouffée.

« Plusieurs photographes ont chopé Dom en train de danser complètement à poil dans la fontaine devant Buckingham Palace.

— Sois assez poli pour ne pas me souffler ta fumée puante au visage. Je ne vois pas où est le problème. Il fait ce genre de trucs débiles tout le temps. Et comme tu es le propriétaire de La Gazette

— Qu'est-ce qui te fais croire ça, Granger ? »

Il commença à souffler des ronds de fumée.

« Parce qu'on devrait la rebaptiser La Gazette de Pansy vu que toi et ta femme y figurez quasi quotidiennement. Si tu veux vraiment utiliser le seul et unique journal sorcier d'Angleterre pour y faire ta propagande, essaie au moins d'être assez malin pour ne pas en faire des tonnes.

— Si vraiment je possédais La Gazette… »

Je levai les yeux et regardai ma montre. J'étais censée remettre ce rapport au Ministre à une heure cet après-midi.

« …je n'aurais pas de problème à faire en sorte que ces photographies compromettantes ne soient jamais diffusées. Hélas, Dom a choisi un endroit terriblement visible pour sa dernière incartade. Il y a plusieurs journaux moldus, donc, qui… comment formuler ça ? Qui éprouvent le besoin d'oublier ce qui c'est passé. »

Je n'avais pas prévu en commençant ce nouveau boulot qu'une de mes fonctions serait de sauver la peau de Dominico Malfoy. Ça commençait à être lassant. Il faisait exprès de se livrer à ce genre de performances dans le Londres moldu pour embêter son père. Le fait qu'il était le fils de Drago Malefoy et ses performances en tant qu'apprenti Auror étaient les deux seules choses qui l'empêchaient de se faire virer. Preuve du tempérament juste de Harry, il ne pouvait pas voir le gamin mais reconnaissait qu'il était un très bon Auror. Harry déboulait dans mon bureau au moins deux fois par mois pour se plaindre et ressasser : Malefoy était vraiment une saloperie de gamin, tel père tel fils, ah, et, au fait, il m'a sauvé la mise dans un raid la semaine dernière, et est-ce que tu pourrais s'il te plaît effacer la mémoire de tous ceux qui ont assisté à sa dernière connerie.

Ce qui était inhabituel – pour tout dire, ça n'était jamais arrivé auparavant – c'est que ce soit Malefoy père qui vienne demander mon aide.

« C'est toujours Harry qui vient mendier des faveurs pour ton fils. Qu'est-ce qui se passe ? demandai-je. »

Et combien ça vaut ? ajoutai-je en moi-même. Je réprimai ma jubilation montante. Je tenais Malefoy. Pour une fois.

Il porta une de ses perpétuelles cigarettes – Merlin, combien en consommait-il par jour ? – à ses lèvres et tira sur la fin, presque comme une caresse, avant de laisser la fumée s'échapper de sa bouche dans un « s » paresseux. C'était la ruse la plus pathétique que j'aie jamais vue pour gagner du temps, et c'était totalement hors de ses habitudes. Et sa main libre était crispée sur ses genoux, les articulations blanches.

« Il est venu me voir. Il m'a demandé de l'aider. »

Il écrasa sa cigarette qui n'était pas terminée et en alluma une autre.

« Et ? insistai-je.

— Il ne demande jamais mon aide. Jamais. »

Sa voix était dure.

« Il ne m'a pas adressé la parole de façon aimable depuis sa première année à Poudlard. »

Certaines parties du château étaient toujours en réparation quand Dominico Malefoy était entré à Poudlard. Abominable n'était probablement pas un mot assez fort pour décrire l'horreur d'être le petit-fils de Lucius Malefoy, et en dépit des efforts de Drago pour sauver sa peau en espionnant pour l'Ordre, il y avait toujours des tas de gens qui se rappelaient à qui sa loyauté avait d'abord été accordée. Et même si la Marque des Ténèbres était devenue pâle après la mort de Voldemort, rien, pas même sa fortune, ne pouvait faire disparaître le tatouage de son bras.

Il agita sa cigarette, répandant de la cendre partout.

« Tu sais à quel point c'est bon de voir mon fils sans un sourire mauvais ou un rictus sur le visage ? D'habitude c'est un sale petit con arrogant qui ne me dit jamais rien sans être sarcastique ou carrément méchant.

— Maintenant tu as une idée de ce que c'était d'aller à l'école avec toi. L'hôpital se fout de la charité. »

C'était à mon tour d'avoir un sourire supérieur. Il écrasa la cigarette qu'il venait d'allumer et joignit ses mains comme s'il priait.

« Granger, je sais que tu penses que je suis un parfait salaud. Je sais que tu penses que je suis toujours un enfoiré de Mangemort.

— Plutôt une raclure de Mangemort opportuniste, si tu veux tout savoir. »

Ça aurait dû me récolter un regard noir, mais ce ne fut pas le cas.

« C'est peut-être ma seule chance avec lui. Il est venu me voir. Pour demander mon aide. Je veux pas foirer ça. Et si tu veux m'entendre supplier, très bien. Je supplierai. »

Dit de son habituelle voix traînante, comme s'il y avait plus de chances qu'il mette le feu à ses vêtements plutôt qu'il ne me supplie. J'étais sur le point de lui dire de dégager de mon bureau, et puis je vis ses yeux. Ils n'étaient pas étroits et moqueurs, ou pleins de colère, ou méprisants ou simplement emplis de son habituel dédain. Ils étaient moins gris que d'habitude, argentés.

On se regardait l'un l'autre, et je jouais à faire passer ma baguette d'une main à l'autre, un tic stupide que j'ai quand je ne suis pas sûre de moi, tandis qu'il allumait une nouvelle cigarette, aspirant une bouffée avide comme si cette clope serait sa toute dernière.

Il déteste devoir quoi que ce soit à qui que ce soit. Ça va te revenir en pleine figure, me dis-je. Il ne te pardonnera jamais d'avoir dépendu de toi, ne serait-ce qu'une seule minute. Je savais que c'était vrai. Mais il y avait ses yeux. Sa voix traînait peut-être avec hauteur comme d'habitude, mais ses yeux suppliaient. Pour de vrai. Putain de merde !

Le pire dans tout ça, c'est qu'il savait que mon sens moral ne me permettrait pas de l'envoyer balader. Il ne se serait pas embêté à prendre l'ascenseur jusqu'ici s'il n'avait pas été sûr de mon aide.

« Je sens que je vais le regretter. Utilise ça contre moi et je te castre. C'est clair ? Quels journaux ?

— Pourquoi caches-tu cette personnalité douce et charmante au reste du monde ? Est-ce qu'il n'y a que moi qui voie le vrai toi ? »

Il me resservit du thé.

« Tu n'as pas du brandy ici ? Les journaux sont un problème, mais pas le pire.

— Comme si je gardais de la gnôle dans le tiroir de mon bureau. Et si c'était le cas, je ne relèverais pas mon thé avec à – je regardai ma montre – huit heures du matin.

— Tu pourrais, ce matin. Je t'ai dit qu'un jour tu regretterais d'avoir gagné cette petite guerre pour faire interdire de faire apparaître de l'alcool au Ministère. Tu sais qui était avec Dom ? »

Le temps s'arrêta. Parce que Drago Malefoy n'était pas venu mendier des faveurs auprès de moi juste parce que son fils Dominico avait décidé de s'exhiber avec une quelconque sorcière ou Moldue.

« Qui ? parvins-je à grincer.

— Lily Potter. »

Il me fallut presque tendre l'oreille pour l'entendre.

« Bon sang. Elle est devenue folle ? Avec ce petit con bon-à-rien ? Très bien. Je vais passer quelques coups de fil. Maxwell est la meilleure pour ce genre d'affaires. Je la mets sur le coup. Et pendant que je fais ça…

— Granger, tu saisis pas ! me coupa-t-il. C'est un peu plus grave que juste jeter deux trois sorts à quelques directeurs de journaux moldus. »

Faisant apparaître un mouchoir, il essuya la sueur qui perlait à son front. Je le fixai avec incrédulité. En langage Malefoy, c'était l'équivalent d'une explosion nucléaire. Du temps de Poudlard, ça avait été si facile de le mettre totalement hors-de-lui. La guerre l'avait complètement transformé. Quand on faisait un raid avec les membres de l'Ordre, vous pouviez toujours compter sur Malefoy pour tuer dans l'œuf l'hystérie qui menaçait chaque mission. Je ne l'avais vu perdre ses moyens qu'une fois au cours de la guerre, et c'était quand son père avait été tué. Depuis, il n'avait été que froide sophistication et sarcasme vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

« Il y a plus, dit-il sombrement. »

Je répétai :

« Plus ?

— Les photos que j'ai vues les montraient en train de danser sous le jet d'eau, avec deux tatouages absolument adorables sur leurs fesses. Dom l'a confirmé plus tard. Des photos en noir et blanc, bien sûr, mais je sais reconnaître un tatouage de mariage quand j'en vois un. »

Seigneur Dieu. C'était une chose de pardonner Dom Malefoy d'avoir bu et libéré tous les animaux du Zoo de Londres – quel bordel pour effacer la mémoire de tous ces gamins qui avaient vu un lion chasser un zèbre dans la cour de leur école. Ou d'avoir décidé que toutes les bouches d'incendie de la ville devaient être repeintes en vert chartreuse. Ou d'avoir lancé des Glamours dans le ciel pour faire croire aux Moldus que les extraterrestres débarquaient. C'était une toute autre affaire d'avoir épousé la fille d'Harry Potter et célébré leur nuit de noces en dansant nus dans St. James Park.

« Tu vois pourquoi j'ai besoin de ton aide. »

Ce n'était pas une question mais une constatation, et j'étais sacrément d'accord avec lui.

« Pansy est au courant ? »

Il hocha la tête.

« Elle en est très certainement à son troisième martini à l'heure qu'il est.

— Ginny ?

— Je suppose que la femelle Potter est en train d'apprendre la bonne nouvelle à l'heure où nous parlons. »

Il vit mon expression.

« Désolé. Ginny est en train d'apprendre la bonne nouvelle.

— Harry ?

— Ne sois pas stupide. Pas encore, à l'évidence, puisque mon fils et moi sommes toujours vivants. Quoi que tu puisses penser de mon père, il n'a pas élevé un abruti. Ne me prends pas pour un con, Granger. Tu penses sincèrement que je m'amuserais à mettre en rage le plus puissant sorcier d'Angleterre ? Je suis tout aussi horrifié qu'il le sera à la pensée de cette union, mais puisque je n'ai pas été élevé par des loups – on ne peut pas en dire autant de Potter – je parviens à contrôler ma fureur. Le plus important est de ne rien laisser filtrer jusqu'à ce que quelqu'un de plus calme lui apprenne la nouvelle. Et c'est là que tu interviens. Sachant à quel point Potter est fan des Moldus, il a probablement un abonnement à un de leurs journaux. Tu tiens vraiment à ce qu'il découvre que sa fille est devenue une Malefoy en prenant son premier café de la journée ? »

Si j'avais eu une réserve d'alcool dans mon bureau, aucun doute que j'aurais été en train de boire à la bouteille à ce moment-là.

Merlin merci, au moins Malefoy se rendait compte du sérieux de la situation. Il ne la traitait pas comme une simple distraction d'aristos qu'on pouvait balayer comme si de rien n'était. La petite-fille de James et Lily Potter ne pouvait pas se trémousser à poil dans des fontaines avec le petit-fils du Mangemort qui avait été le bras droit de Voldemort. Et elle ne pouvait certainement pas l'épouser.

« Est-ce qu'on peut le faire annuler avant que Harry l'apprenne ? »

Mon estomac produisit un gargouillement menaçant. Pendant la guerre, cela avait été un baromètre sacrément précis pour me prévenir qu'un désastre approchait.

Malefoy secoua la tête.

« J'ai peur que non. Dom dit qu'ils s'aiment, quoi que ça puisse bien vouloir dire, et… »

Il hésita.

Les mots « elle est enceinte » venaient juste de sortir de ma bouche quand les protections magiques de mon bureau se désintégrèrent, et la porte elle même disparut tandis qu'on hurlait :

« Malefoy, je vais tuer ton putain de fils. Je vais lui arracher les membres un à un, je… »

Maintenant, c'était au tour de Malefoy de regarder sa montre.

« Je vois que Potter est à l'heure, pour une fois. »