Chapitre 18

NOTE DE L'AUTEUR : C'est l'un des chapitres que les gens attendaient, je pense – attention. Un peu d'angoisse, aussi – bon ok, beaucoup d'angoisse.


« Dans la nuit je t'ai entendu parler

Me tourner autour, tu es dans mon sommeil

Je sens tes mains dans mon âme

Tu les tiens et tu ne les lâcheras pas. »

Michael Bolton, 'Steel Bars'.


Severus avait disparu peu après. Il avait dit qu'il allait se promener afin de se calmer, mais il s'était rapidement volatilisé de la carte des Maraudeurs et n'était pas revenu après plusieurs heures. Au vu de son expression, Hermione soupçonna que la « marche » s'était sûrement transformée et il avait plutôt mit le feu à des choses ou il les avait faites explosées jusqu'à ce qu'il ne soit plus d'humeur meurtrière. Elle espérait seulement qu'il ne détruise pas d'objets dont il aurait besoin plus tard. Qu'importe le défoulement qu'il avait trouvé, il semblait calme à présent, bien qu'étant d'une humeur très silencieuse et qu'apparemment il n'était pas enclin à parler. Elle réquisitionna son ordinateur et fit une playlist composée majoritairement de morceaux instrumentaux, et elle la laissa doucement commencer, en s'asseyant à ses côtés pour lire jusqu'à ce qu'elle le sente détendu.

Plus tard, cette nuit, protégé par l'obscurité, il commença à parler un peu – bien qu'elle ait dû le faire débuter. « Pourquoi n'es-tu pas allé voir les portraits quand tu es revenu ? Ça ne m'est pas venu à l'esprit que tu aurais pu le faire, mais ils semblaient… amicaux. »

« Ils le sont, d'une certaine manière. Même Phinéas, quand tu le connais. Et ils m'ont supporté, à un moment où j'en avais besoin. » Il soupira. « Franchement, je ne voulais pas me retrouver face à Dumbledore. Même après toutes ces années, je ne sais pas ce que je pense de lui. Je le déteste. » Ajouta-t-il d'un ton très inquiétant, comme si c'était un fait établi. « Mais c'est plus compliqué que cela. »

« Je peux imaginer. » Dit-elle doucement, en se retournant pour le regarder, mais en sachant bien qu'elle essaierait de le toucher. « Je pense que beaucoup d'entre nous ressentent la même chose à son propos – d'un côté, il est le gentil vieux sorcier avec des yeux pétillants qui a toujours paru avoir ton intérêt à cœur, et d'un autre côté il nous a tous manipulés et a sciemment toléré des choses terribles. Il devait le faire, mais il ne devait pas nous mentir. Et d'une certaine manière, je doute qu'il t'ait traité aussi gentiment que nous. »

« Non. Effectivement. » Severus soupira, en fermant les yeux. « Il me traitait avec une complète indifférence. Oh, il me souriait de ses yeux pétillants comme avec tout le monde, mais il ne joua jamais à la figure du père – non, ce n'est pas vrai. Il l'a fait au début, lors de ma première année. Quand il se rendit compte que ça ne marchait pas, que j'allais toujours finir dans ce bureau presque chaque semaine, il abandonna – très rapidement. Tout ce que j'ai toujours vu de lui, c'était ces sourires hypocrites et cette horrible déception qui te rend à chaque fois honteux, même quand tu ne fais rien de mal. »

« Je vois ce que tu veux dire. »

« Dumbledore ne savait pas ce qu'il me faisait, à ce moment. Il tira la leçon de son expérience avec moi, et prit soin de ne pas répéter ça avec Potter. Je lui ai appris à être un substitut de ce dont un garçon maltraité pourrait manquer dans sa vie. Tout comme lorsque j'étais enfant, il ne savait pas comment faire semblant de se préoccuper de quelqu'un. Et ça me conduisit à l'obscurité. Oh, il y eut plusieurs raisons pour lesquelles j'ai fait ces choix-là, mais le jour où j'ai décidé pour de bon de rejoindre le Seigneur des Ténèbres, c'était quand j'ai eut seize ans, et c'était en grande partie à cause de Dumbledore que j'ai choisi ça. »

« La Cabane… »

« Oui. Tu as saisi immédiatement comment Dumbledore avait toujours singulièrement échoué. C'était une tentative de meurtre, et il eut à peine un geste symbolique pour admettre que c'était un méfait. Il est venu me voir à l'infirmerie… »

« Tu étais blessé ? »

« Pas physiquement. » Répondit-il d'une voix morte. « Mais je n'avais jamais été aussi effrayé de ma vie. J'ai vu Lupin, transformé, avant que Potter ne me traîne en arrière. J'ai eu des cauchemars jusqu'à ce que de pires souvenirs les remplacent – pendant un temps mon Epouvantard était un loup-garou. J'étais presque catatonique la journée et je m'époumonais d'une voix rauque la nuit. Quoi qu'il en soit, Dumbledore vint me voir, et j'ai stupidement supposé qu'il pouvait s'inquiéter pour moi – mais la toute première chose qu'il me dit, c'était : 'Monsieur Rogue, je dois vous demander de jurer que vous ne permettrez à personne d'autre d'avoir des informations sur ce qu'il s'est passé.' Il voulait juste s'assurer que je n'allais pas trahir ses précieux Gryffondors. » La douleur était claire dans sa voix, le garçon confus de seize ans venait juste de réaliser à quel point sa vie ne comptait pas pour les gens qui étaient supposé le protéger. « Cette nuit, j'ai décidé de rejoindre les Mangemorts quand j'aurai quitté l'école. »

Elle voulait le toucher à ce moment, mais elle pouvait entendre quelque chose dans sa voix qui lui rappelait la nouvelle Année passée. Elle se rappelait du torrent de mots emplis de douleur, qui s'étaient déversés de lui, et elle garda le silence en écoutant seulement, sachant qu'il avait besoin de parler.

« J'ai reconsidéré la question plusieurs fois. Ce n'est pas quelque chose que j'ai décidé à la légère. Mais les Maraudeurs se rendirent compte qu'ils ne seraient pas punis, qu'au fond, tout était permis avec moi. Leur harcèlement empira – l'incident du lac était seulement une étape d'une intense campagne qui me dirigea finalement au bord du suicide. Peu importe vers qui je me tournais, personne n'était intéressé. J'ai essayé Slughorn, il n'a rien fait. J'ai essayé Poppy Pomfresh – elle essaya, mais échoua. J'avais déjà complètement abandonné avec Dumbledore. Il avait tué les derniers vestiges de ma foi en lui. Je n'avais jamais eu foi en McGonagall alors je n'allais pas commencer à en avoir. J'aurais voulu me tourner vers Lily, mais elle ne me parlait plus, et elle était déjà la moitié de Potter, de toute façon… »

Il se déplaça avec agitation. « Tu sais ce qui s'est passé au lac – ou une grande partie, au moins. Ça continua bien au-delà de ce point, mais je suis sûr que tu peux imaginer les détails sans ma description. J'ai perdu la seule amie que j'avais, et je n'exagère pas quand je dis que la moitié de l'école s'est amassée pour rire de moi. J'étais à moitié fou de colère et d'humiliation quand ils m'ont finalement laissé partir, et j'ai rampé en pleurant comme un petit garçon. J'ai alors décidé que les Mangemorts pouvaient peut-être m'aider, c'est quelque chose que j'avais déjà envisagé, mais ce n'est qu'après l'incident à la Cabane l'année suivante que je me suis finalement résolu à les rejoindre. Lily ne me pardonnait pas. Mes parents étaient morts. Le harcèlement continua pendant ma dernière année, mais je n'en avais plus rien à faire. Tout ce que je souhaitais, c'était avoir mon diplôme et rejoindre les Mangemorts. En partie pour le pouvoir, en partie pour la vengeance, mais surtout pour faire simplement partie de quelque chose, pour trouver ma place, et que quelqu'un se sente concerné si je meurs. »

Hermione sécha ses larmes sur sa manche, en ravalant ses sanglots. Elle pouvait imaginer Severus adolescent se débattre contre les barres d'une prison qui n'était pas là de son fait, essayant chaque voie avant de saisir le seul destin qui s'ouvrait à lui. C'était effrayant de réaliser avec quelle facilité l'un d'eux aurait pu être amené à faire le même choix. S'il n'y avait pas eu l'incident avec le troll, elle n'aurait pas eu d'amis parmi ses camarades, et elle aurait pu finir très facilement glaciale et seule. Harry avait enduré beaucoup et avait été à deux doigts de basculer. Même s'il n'aurait jamais suivi Voldemort, il aurait pu devenir terrible de son côté. Tous ses amis auraient pu être brisés, dans ces circonstances.

Severus continua doucement, son visage caché dans le noir. « D'une certaine manière, ce vœu fut réalisé. Mes deux maîtres m'ont utilisé et m'ont mené à la mort. Mais des deux, c'est le Seigneur des Ténèbres qui m'a dit qu'il le regrettait – c'était ce qui se rapprochait le plus d'une excuse venant d'eux deux, du moins de celle auxquelles je croyais. Dumbledore m'a trahit. Le Seigneur des Ténèbres… ne l'a pas fait. Ce que tu dois comprendre, c'est que, la plupart du temps, ce n'était pas un mauvais maître. A sa façon, il protégeait ses serviteurs. Nous étions récompensés quand on lui faisait plaisir, et il voyait que nous y tenions. Il nous aidait à prendre notre revanche quand ça n'entravait pas ses propres plans, alors seulement il se permettait de nous faire du mal. Et il ne nous mentait pas. Nous savions tous le degré exact de notre valeur individuelle pour lui, et il ne s'en écartait pas. Quand nous étions punis, il nous disait clairement ce qu'il se passerait et pourquoi, afin que nous comprenions. Il n'y avait pas d'ambiguïtés, et c'est l'attraction la plus limpide de l'obscurité – la simplicité. A son service, il y avait seulement du blanc et du noir. Et au service de Dumbledore, il n'y avait rien d'autre que des nuances de gris. »

Il bougea, et elle pouvait voir juste assez pour s'apercevoir qu'il touchait son bras, retraçant la Marque des Ténèbres. « Prendre la marque fut l'un des moments les plus heureux de ma vie. » Dit-il avec amertume. « Je ne savais pas ce que ça signifiait, à ce moment-là, bien sûr. C'était comme si j'avais trouvé ma place, comme si j'avais une importance, comme si j'avais de la valeur. C'était tout ce que j'avais toujours voulu. Et pendant un moment, cela continua. C'était la première fois que je sentais quelque chose d'apparenté à de la paix. Progressivement, les tâches que l'on me demanda de faire devenaient plus sombres, et j'ai rapidement réalisé que c'était un test – jusqu'où étais-je près à payer pour ce que j'avais obtenu ? Qu'est-ce qui avait de la valeur pour moi ? Je ne te dirai pas combien de temps cela m'a pris pour que cette réponse m'apparaisse comme étant difficile, mais finalement j'ai pris conscience que je m'étais enfoncé trop profond et que ce n'était pas ce que je voulais, après tout. Alors, bien sûr, il était trop tard, beaucoup trop tard. »

Il soupira. « J'ai regardé les autres avoir les mêmes réalisations et essayer de s'en aller. J'ai vu ce qu'il leur arrivait. Il n'y avait nulle part où aller, aucun moyen de se cacher. Les seules façons de s'en sortir étaient la mort ou l'appui de quelqu'un de plus fort – et il n'y avait que Dumbledore. J'ai décidé que je préférais plutôt mourir que de ramper vers lui, encore, alors que c'était en partie lui qui m'avait mené à ça. Je suis resté là où j'étais, mais il n'y avait plus de joie. J'ai toujours ressenti ce sentiment d'appartenance, mais je ne souhaitais plus avoir le sentiment de faire parti de quelque chose comme ça. Le Seigneur des Ténèbres avait commencé à séparer son âme, à ce moment-là. Il commençait à être moins sain d'esprit, moins humain. J'avais moins envie de lui plaire, et j'étais puni plus souvent. Ma sympathique nouvelle vie avait duré moins d'une année, avant que cette illusion ne s'évanouisse, comme le reste.

« Je me suis battu pendant une autre année, en étant encore plus embourbé dans la noirceur, chaque jour, à ne voir aucun autre choix. Il aurait peut-être été mieux que je me tue, mais en dépit de tout, je voulais toujours vivre. A l'automne de mes dix-neuf ans – ce devait être juste avant que tu naisses – j'ai entendu par hasard un fragment de la prophétie qui changea le cours de l'histoire, mais ce n'est qu'au printemps suivant, avant que le garçon naisse, que j'ai réalisé la gravité de mon erreur, que j'ai réellement vu ce que j'avais fait. Je ne peux pas décrire ce moment d'horreur, et j'ai honte d'admettre la tournure que prit mon action. Je me suis lancé dans mon devoir de responsabilité avec tout le zèle que j'ai pu rassembler, avec un seul but à l'esprit – m'élever assez pour que le seigneur des Ténèbres veuille bien épargner sa vie, en tant que récompense pour mes services. Cela fonctionna, jusqu'à un certain point – il me dit qu'il l'épargnerait si c'était possible, mais je savais que ce n'était pas assez. S'il avait seulement eu le bon sens de me mentir et de me promettre qu'il le ferait – s'il se serait comporté comme Dumbledore le faisait – tout aurait été différent.

« Je n'aurais pas franchi l'étape suivante, eut égard à ma propre santé, mais je ne portais plus d'importance à ce qui pouvait m'arriver. Je suis retourné voir Dumbledore. J'ai rampé à ses pieds, alors qu'une fois, j'avais rêvé de le faire ramper à mes pieds. Je me suis humilié, je l'ai imploré, et j'ai marchandé ma vie en me privant de liberté, de ce qu'il en restait. Et j'ai enduré son mépris – car il n'avait pas fait erreur, il me détestait. Chacun de ses mots, chacun de ses regards proclamaient qu'il avait eut raison à mon propos depuis le début. C'était tout ce que je méritais.

« Je ne m'attendais pas à ses conditions. Je pensais qu'il voudrait sauver ses précieux Gryffondors sans conditions. Je ne pensais pas qu'il négocierait avec leurs vies comme il avait fait avec la mienne. Mais j'ai accepté ce qu'il demandait, et même quand je me suis rendu compte de ce que cela signifiait, je ne me suis pas enfui. Nous planifions chaque étape. Il m'aida à perfectionner mes sorts d'Occlumencie déjà complets, et je me rappelle du sentiment vertigineux de pouvoir que j'ai eu la première fois que j'ai menti effrontément au Seigneur des Ténèbres, avant de partir sans être repéré. Cela continua jusqu'à ce que, pour la première fois, je sois puni par mon premier maître pour avoir obéi aux ordres de mon second maître. Je n'ai pas reçu de compassion de la part de Dumbledore. Il ne m'offrait même pas d'aide physique quand je ne pouvais plus me tenir debout. Je faisais mon compte-rendu allongé dans la poussière, en tremblant et en saignant, et après cela, il baissait son regard vers moi et disait : 'Vous l'avez choisi. Rappelez-vous des raisons pour lesquelles vous faites cela.' Et il partait et me laissait là. Je me rappelle avoir rit et pleuré en même temps, vautré dans mon propre sang, choqué par l'ironie de ce qui était arrivé à tous mes beaux espoirs et mes beaux rêves. »

Severus resta silencieux pendant un moment. Hermione ne pleurait plus, trop engourdie par ce qu'elle venait d'entendre. Il prit une inspiration, la tint un moment, puis la laissa sortir, avant de recommencer à parler. Sa voix était devenue très basse.

« Potter était né en Juillet de cette année. Dumbledore mettait un point d'honneur à me parler du garçon quand je lui faisais mes rapports. En partie pour m'aiguiller, en partie pour me tourmenter. Tu n'aurais pas reconnu ses actions envers moi comme étant celles d'Albus Dumbledore. Quand il le voulait, il pouvait être extrêmement mesquin, et à partir du moment où je suis entré à son service en abandonnant le Seigneur des Ténèbres, jusqu'à Halloween, il me le faisait payer. Il ne cachait pas l'aversion qu'il avait de moi.

« A Halloween, j'appris que les Potter avaient été trahis, que le Seigneur des Ténèbres savait où ils étaient. J'ai fui vers Dumbledore au moment où j'ai pu. J'avais commencé à enseigner à Poudlard, à ce moment. Sa réponse fut de me laisser dans son bureau, et de le verrouiller avant de partir, et j'y ai passé les heures suivantes avec pour seule compagnie les portraits et Fumsec. Tu peux imaginer dans quel état d'esprit j'étais. Et puis… il tomba. »

Il frissonna doucement, mais il n'eut aucune autre réaction tandis qu'il continua de parler. « Je ne me rappelle plus très clairement de la fin de la nuit. Je me rappelle être allongé dans mon propre vomi, me griffer les bras, les mordre comme un rat mordrait son fromage. Je me rappelle qu'au moment où la douleur s'atténua finalement assez pour me permettre de fonctionner de nouveau, Dumbledore revint. La lueur dans ses yeux me dit tout ce que j'avais besoin de savoir, et j'ai complètement fondu en larmes. Il ne disait rien, il attendait juste que je me retourne dans le monde réel. Puis, il me raconta les faits. James et Lily étaient tous les deux morts. Le garçon avait survécu et avait été laissé à la sœur de Lily. Le Sortilège avait rebondi et détruit le corps du Seigneur des Ténèbres, mais ce n'était pas fini. Un jour, il reviendrait. Un espion était nécessaire. »

Hermione aurait souhaité pouvoir voir son visage. Son ton ne lui disait rien. « Il ne m'a jamais vraiment demandé ouvertement de continuer à le servir, ni demandé de jurer que je le ferai, ni… rien, vraiment. Son expression et son ton étaient suffisants. Il ne pensait pas que je le ferais. Il pensait que je ferais ce que n'importe quel Serpentard qui se respectait devait faire : abandonner le navire, prendre avantage de la situation, car il avait perdu de son côté au change, et utiliser ça comme excuse pour m'empresser de ficher le camp. J'étais… complètement brisé, alors. J'étais bien au-delà de l'épuisement, j'étais à peine capable de comprendre ce qu'il s'était passé, je savais que j'avais tout perdu. Et j'étais… fatigué. J'étais tellement fatigué de n'avoir jamais pu faire mes preuves, de n'avoir jamais rien fait d'assez bien, de briser toutes ces choses auxquelles je touchais. Je voulais croire que je n'étais pas une pourriture, contrairement à ce que tout le monde pensait… qu'il y avait quelque chose en moi qui valait plus que le simple Servilus. » Alors qu'il répétait le surnom honnis, sa voix craqua légèrement, mais il continua à parler du même ton sans émotion.

« J'ai donc levé mon regard de là où j'étais étendu sur le sol. J'ai essayé d'une manière ou d'une autre de me lever. Même aujourd'hui, je ne sais pas comment j'ai fait. Je me suis levé, et j'ai regardé Dumbledore en face. Je lui ai dit que je le ferais, à la condition qu'il ne le dise jamais à quiconque. Je n'oublierai jamais le choc sur son visage. Je ne l'avais jamais vu, avant ou après, si ébahi. Je n'aurais pas pu le choquer plus si je l'avais embrassé. Il n'avait jamais cru que j'avais ça en moi. Personne ne le pensait. » Il soupira. « Je me rappelle des portraits, ensuite. Ils m'avaient ignoré avant cela, de ce que je me souviens, mais à ce moment-là… ils ont applaudi. Et je me rappelle de Fumseck qui chantait. Puis je me suis évanoui. »

Après un long moment de silence, il sembla se rappeler de l'objet originel de la conversation et sa voix devint d'une froideur ombrée. « J'avais vingt-et-un ans, et il me connaissait depuis dix ans, mais ce fut seulement après cela que Dumbledore sembla penser que je valais quelque chose. J'ai mis beaucoup de temps à faire mes preuves. Je crois qu'il m'a totalement fait confiance seulement après que j'ai sauvé la vie de Potter pour la première fois, et je ne crois pas qu'il me faisait entièrement confiance jusqu'à ici. Quand la Marque commença à noircir de nouveau, je suis allé vers lui au lieu d'essayer de fuir. Je ne crois pas qu'il m'aurait fait confiance quand bien même il y aurait eu quelqu'un d'autre qui aurait pu faire ce que je devais faire. Il avait appris – d'une manière ou d'une autre – depuis le traitement qu'il m'avait infligé quand j'étais enfant, et il essaya de devenir une figure paternelle, mais c'était alors bien trop tard. Et il était trop installé dans son jeu. Il ne pouvait pas cesser de me manipuler, comme tous les autres.

« Il jouait avec nous comme avec des notes de piano, et je me tenais en tant que bras droit lors de ses réunions parce que je ne pouvais pas prendre une position morale plus élevée que lui. Il se sentait toujours supérieur à moi, donc il ne faisait pas beaucoup d'effort pour cacher ce qu'il préparait. Je suis resté là à observer tout ce pour quoi je m'étais battu, sacrifié par lui. Tu as vu les souvenirs de cette dernière conversation, quand j'ai réalisé qu'il avait encore fait ça, me trahir au dernier moment et envoyer Potter à sa mort. Quand j'ai réalisé que tout ce que j'étais parvenu à accomplir, c'était de gagner du temps. Que je n'aurais jamais pu le sauver puisqu'il était de toute façon supposé mourir… Si les événements ne s'étaient pas enchaînés aussi rapidement jusqu'à la fin, je me serais tué, plutôt que de faire face à ce que j'avais participé à engendrer. Et puis… J'ai toujours été destiné à mourir.

C'est pour cela que ma relation avec Albus Dumbledore est si compliquée, et que je ne peux pas lui faire face de nouveau. Il était complètement froid quand il devait l'être, il était tout autant condamnable que nous autres tout en prétendant être meilleur, c'était un vieux sournois hypocrite qui aurait fait qu'une bouillie de Machiavel. Il nous a tous sacrifiés sans pitié et il m'a demandé bien plus que ce que je pouvais lui donner… mais il était tout ce que j'avais. Et il a fait ce qu'il fallait faire. Je le déteste, mais pour peu, il aurait pu agir différemment. Il était ce qu'il devait être, comme nous tous. Dura necessitas : dure est la nécessité. »

Severus fut enfin silencieux, et c'est seulement maintenant que Hermione se releva et le toucha. Elle sentit quelque chose d'humide sous ses doigts, quand elle toucha son visage, et elle se rendit compte qu'il pleurait, probablement depuis un long moment. Rien dans sa voix ou dans sa respiration n'aurait pu laisser penser ça, et en fait il sursauta lorsqu'elle le toucha. Il paraissait surpris de s'apercevoir qu'il pleurait. Il leva une main vers sa joue avec perplexité, et elle voulu pleurer avec lui, mais quelque chose la retint.

Très gentiment, elle l'embrassa sur les lèvres, en goûtant la douceur salée de ses larmes. « Merci de m'avoir dit ça. » Dit-elle calmement, en lissant tendrement ses cheveux hors de son visage. « Tu as été – tu l'es toujours – incroyablement courageux. Je ne sais pas comment tu as survécu. Mais je suis très reconnaissante que tu l'ais fait. » Elle s'assit, s'approcha de lui et enveloppa ses bras autour de lui, en le tenant gentiment mais fermement dans son étreinte. Il résista obstinément pendant un court moment avant que quelque chose cède en lui. Il sanglota, juste une fois, dans un son rauque et sec, avant de fermer les yeux et de reposer sa tête sur son épaule.

« Je suis si fatigué, Hermione. »

« Alors dors, Severus. » Dit-elle doucement, en embrassant gentiment le haut de sa tête, comme il lui avait si souvent fait. « Tu n'as qu'à dormir. Tout va bien. Je comprends. Je serai là à ton réveil. »

« Promis ? » Elle entendit dans sa voix le petit enfant abandonné qu'il était autrefois.

« C'est promis. »

Par la suite, aucun d'eux ne mentionna cette nuit. Elle le regarda, les jours suivants, se relaxer graduellement et devenir moins tendu et méfiant. Il avait révélé sa faiblesse et sa vulnérabilité, et il mit du temps à se rendre compte qu'il n'en résultait pas la fin du monde, que rien de mal n'allait se passer, que tout allait bien. Pour sa part, Hermione ne savait pas quoi penser. Cela lui faisait physiquement mal de penser à ce qu'il avait enduré. Elle ne trahirait jamais sa confiance. Personne d'autre n'avait besoin de savoir ce qu'il lui avait dit.

Par surcroît, quand il s'endormit finalement, elle était restée éveillée presque toute la nuit en le tenant et en réfléchissant, et elle réalisa très rapidement que quelque part sur la route elle semblait être tombée amoureuse de lui. Ce n'était pas supposé arrivé. Ce devait être une amitié basée sur un besoin mutuel, et se développer en une passion mutuelle. Ça aurait été bien, prudent. L'amour n'avait rien à voir avec la prudence, particulièrement avec quelqu'un de si brisé.

Mais elle pouvait toujours se rappeler du goût de ses larmes quand elle l'embrassait, et sa confiance en elle, fragile, était extrêmement précieuse. Il était si incroyablement fort. Ses tirades rapides envers Minerva sonnaient justes. Il était un héros, et sans lui ils seraient tous morts. Il était acharné et intelligent, puissant et loyal, obstiné et courageux, et elle ne voulait pas imaginer aucune sorte de vie sans lui – sans ses sarcasmes, son amertume, et tout ce qui le caractérisait.

Elle ne savait pas ce qu'il ressentait pour elle. Il était l'homme le moins démonstratif qu'elle ait jamais connu. Le truc avec Severus, c'était de regarder ce qu'il faisait, et d'ignorer tout ce qu'il pouvait dire pendant ce temps. La maxime qui dit que les actes valent plus que les paroles aurait pu être écrite pour lui. Il se confiait à elle, il lui disait des choses qu'il n'avait jamais dit à personne. Il lui avait permis de s'insinuer dans sa vie, lui avait même demandé – presque indirectement – d'emménager chez lui. Il avait publiquement reconnu son aide. Il faisait preuve d'étonnants moments de prévenance et de compréhension. Et même lorsqu'il était très insultant, il n'aurait jamais fait en sorte qu'elle se sente inférieure.

Il pouvait être cruel parfois, son tempérament ne le rendait pas agréable, son humour pouvait être tranchant, mais même lors de ses pires humeurs il avait une raison et il espérait qu'elle soit assez forte pour la surmonter. Il ne la dénigrait pas. Quand elle était vraiment vulnérable, il était aussi compatissant et gentil qu'elle pouvait le souhaiter. Quand elle s'enfermait dans un certain état d'esprit, il la persécutait et la taquinait jusqu'à ce qu'elle soit de nouveau bien. Il semblait toujours savoir ce dont elle avait besoin de sa part, et la plupart du temps, il agissait en conséquence. Bien sûr, il n'était pas parfait, personne ne l'était, mais il était celui qu'elle voulait.

Je n'ai jamais prétendu être conformiste, se dit-elle ironiquement.


Elle n'était pas assez stupide pour répéter cette révélation à quelqu'un d'autre. Ni quoique ce soit d'autre qu'elle avait appris cette nuit. La seule à qui elle pouvait se confier était Luna, et elle ne se sentirait pas bien de partager quelque chose de si personnel. Et elle savait, de façon certaine, que si elle disait à Severus qu'elle l'aimait, il ne réagirait pas bien, et ce serait la fin de tout entre eux – même si par un quelconque miracle il ressentait la même chose. Elle en était sûre, du fait de ses déchirures émotionnelles et psychologiques.

Dans tous les cas, ce n'était pas important pour l'instant. La période la plus difficile de l'année était passée, et après y avoir réfléchi avec attention, elle décida qu'elle pouvait probablement se reposer sur ce résultat jusqu'en été. Ils pourraient tous les deux laisser les souvenirs de côté pour un moment, et se concentrer sur le présent, qui requiert toujours beaucoup de concentration – tout comme pendant le week-end suivant, lorsque Severus revint d'une mystérieux excursion dehors. Son apparence lui fit cligner des yeux.

« Severus, qu'est-ce que tu as été faire par Merlin ? Tu es couvert de boue. »

« Complètement recouvert. » La corrigea-t-il d'un air pinailleur, en se débarrassant de ses chaussures à la porte et en passant à la salle de bain pour nettoyer ses mains. « Je travaillais à ma serre. »

« Tu as ta propre serre ? » Demanda-t-elle, en le suivant vers la porte.

« Naturellement. Imaginais-tu que je permettrais à quelqu'un d'autre de laisser pousser des ingrédients de Potions ? Surtout avec l'historique désastre de Londubas ? » Répondit-il avec un rictus.

Hermione battit des paupières. Ce rictus semblait authentique, plutôt qu'automatique. « Tu n'apprécies vraiment pas Neville, n'est-ce pas ? »

« Non. Pourquoi est-ce que ça semble être une surprise ? »

« Et bien, tu prétends détester tous les étudiants. C'est juste une façon d'agir avec la plupart d'entre eux, et Neville ne t'a jamais rien fait. Alors... pourquoi ? »

« Sa famille est originaire du Yorkshire et je suis né au Lancashire. » Répondit-il négligemment. « Nous sommes faits pour nous détester. »

« Severus. »

Il lui jeta un bref regard dans le miroir tandis que sa tentative d'humour mourrait, avant de retourner son attention sur ses ongles pour les nettoyer, sans répondre. Elle y réfléchit en fronçant les sourcils. Neville aurait pu être choisi par Voldemort comme cible, plutôt que Harry, mais même Severus n'était pas assez tordu pour blâmer le garçon pour ça. Neville n'avait vraiment rien fait pour mériter son aversion, sauf en étant réellement nul en Potions, et elle doutait que Severus prête de l'importance à ça après tant d'années d'enseignement. Neville avait marché contre lui durant la dernière année, mais elle pensait plutôt que Severus en avait été grandement impressionné. En fait, la seule source possible d'aversion personnelle à laquelle elle pouvait penser... « Son Epouvantard ? » Demanda-t-elle d'un ton incrédule, et elle vit ses épaules se tendre. « Vraiment, Severus, tu ne peux pas le blâmer pour ça ! Tu le terrifiais. »

« Si quelqu'un avec le passé de Longdubat ne pouvait pas penser à autre chose de pire qu'un professeur désagréable et excessivement stricte pour sa plus grande peur, c'est son problème et sa carence. » Répondit-il rapidement. « Je ne m'intéresse pas particulièrement à ce qui lui fait peur. »

Elle reconnut son expression. Elle suggérait qu'il savait que c'était irrationnel de blâmer Neville pour ce problème, mais il le faisait quand même. Cela voulait dire que ce serait compliqué. « J'abandonne. »

Il soupira, s'affaissa contre le lavabo et haussa les épaules. « Si tu avais du endurer le replay de ce cours de Défense encore et encore dans la salle des professeurs, chaque soir pendant trois semaines, tu détesterais tous ceux impliqués là-dedans. » Dit-il brusquement. « Lupin sauta encore sur l'occasion pour jouer au Maraudeur. J'avais presque oublié ce que ça faisait d'être publiquement humilié. Tes camarades de classe répandirent l'histoire dans toute l'école. Je n'avais pas enduré autant d'irrespect depuis mon début dans l'enseignement. Tu as sans doute entendu parler de ce pétard idiot pour Noël, juste pour que Dumbledore soit sûr que je n'oublie pas cet épisode. Et pour le reste des professeurs... certains de mes collègues riaient si fort qu'ils étaient en pleurs. Je ne pouvais même pas quitter la pièce sans être accusé de bouder. Il y eut aussi un certain nombres de plaisanteries sur mon orientation sexuelle, ce qui rendit mon passé, selon moi, encore moins amusant. Puisque personne n'en savait rien, il en résulta de l'homophobie ajoutée à ma liste extensive de défauts. Au cas où tu te demanderais, c'est pour ça que je vous ai donné à faire un devoir sur les loup-garous. Et oui, je suis totalement conscient que c'était vindicatif et méchant de le faire. »

A la lumière de ces explications, elle pouvait comprendre son point de vue. Lupin avait délibérément encouragé sa classe à lui manquer de respect et à se moquer d'un autre professeur, ce qui n'était pas pour le moins professionnel, et étant donné leur histoire personnelle c'était mesquin. En apprenant ce qu'était l'Epouvantard de Neville, il aurait dû choisir quelqu'un d'autre pour la démonstration. Et il n'aurait pas dû raconter ce qu'il s'était passé aux autres professeurs. Ils n'auraient pas dû non plus rire de lui, du moins pas devant Severus. Ils ne pouvaient pas savoir que les blagues sur sa sexualité l'atteindraient autant, mais ce n'était pas une raison.

« Je peux certainement comprendre pourquoi tu aurais détesté le Professeur Lupin pour ça. » Répondit-elle après quelques minutes. « mais ce n'est pas très juste d'en vouloir à Neville pour autant. Il ne savait pas ce que Rémus ferait. Il obéissait juste à un professeur. »

« Je n'ai pas dit que mon aversion était juste. »

« Eh bien, au moins tu l'admets. » Elle ajouta calmement en regardant son dos : « Neville a toujours pensé que c'était personnel, tu sais. Il le pense toujours. »

« Il ne comprend rien. Certaines choses ne changeront jamais. » L'insulte manquait de son venin habituel. Il s'écarta du lavabo et sécha ses mains. « Il me déteste. » Remarqua-t-il d'un ton presque décontracté. « Pour de très bonnes raisons, je dois ajouter. Je lui ai causé beaucoup de douleur physique et émotionnelle. Face à ça, ma rancune irrationnelle est presque une goutte d'eau dans l'océan. Nous ne serons jamais plus que passablement courtois l'un envers l'autre. »

« Je n'en suis pas sûre. » Dit Hermione lentement. « Neville n'est pas du genre à garder rancune. Je ne crois pas qu'il te déteste. Il a toujours peur de toi. » Ajouta-t-elle avec ironie. « Mais plus par habitude qu'autre chose. »

Severus haussa les épaules d'une manière indifférente et passa devant elle jusqu'à la chambre pour enlever sa robe tâchée de boue. Le vêtement était mouillé. Il avait commencé de neiger dehors. Saisissant l'opportunité, elle posa l'une des nombreuses questions qui la turlupinaient depuis qu'il lui avait raconté son histoire, quelques nuits auparavant. « Severus ? »

« Je connais ce ton. » Dit-il en ayant l'air résigné, assis sur le lit. « Que souhaites-tu me demander ? »

Elle s'empêcha de sourire et s'assit à ses côtés. « Quelle forme prend ton Epouvantard ? Je sais que c'était un loup-garou. Le mien était un échec scolaire. » Admit-elle avant qu'il ne puisse réagir à la référence de cette nuit-là. « Mais évidemment, une fois que la guerre commença, ça devint moins important. Je ne suis pas sûre de ce que c'est maintenant. »

Il fut silencieux pendant un moment, mais elle pouvait très bien lire la signification de ses silences, et celui-là voulait dire qu'il lui répondrait éventuellement, bien qu'elle n'aimerait probablement pas la réponse. « La plupart du temps, c'était le Seigneur des Ténèbres, comme tu peux t'y attendre. » Dit-il finalement. « Il changeait occasionnellement. Maintenant, je n'ai aucune idée de ce qu'il peut être, mais la dernière fois que j'étais informé de sa forme... mon Epouvantard était la même chose que j'ai vu dans le miroir du Rised. Oh, oui, je l'ai regardé. » Ajouta-t-il en réponse à sa surprise. « Il est toujours quelque part dans le château, tu sais. Je l'ai vu pour la dernière fois pendant la dernière année de la guerre. »

« Et... Qu'as-tu vu ? » Murmura-t-elle, en étant certaine qu'elle ne voulait pas entendre la réponse.

« Rien. » Répondit-il calmement. « Je n'ai rien vu. »

Le regarder ne lui donna aucun indice. Son expression était neutre. Elle fronça les sourcils et enroula une boucle de cheveux autour de son doigt, en réfléchissant. Il n'a rien vu dans le Miroir du Rised. Il était facile de croire qu'il ne voulait rien – enfin, facile si l'on ne connaissait pas Severus, en tous cas – mais le miroir ne fonctionnait pas ainsi. Dumbledore l'avait expliqué à Harry. 'L'homme le plus heureux du monde ne verrait que lui-même s'il regardait le miroir, seulement lui-même.' Severus n'avait rien vu, pas même son propre reflet. La seule conclusion possible qui se dessinait était qu'il ne souhaitait pas exister. Pourquoi est-ce que son Epouvantard serait identique ? Il voulait l'oubli, mais il avait en même temps peur...

Finalement, elle demanda très lentement : « Severus... Es-tu quelqu'un de particulièrement religieux ? »

Son expression confirma ses suspections. « Pas dans le sens commun du mot. Je ne crois pas en un Dieu ou en des Dieux en particulier. Mais tu as raison – j'ai peur de la vie après la mort. Tout ce que j'ai fait aura des conséquences. A force de mépriser les bavardages et les platitudes sans importance de Dumbledore, mon âme a été entachée – pas scindée, du moins je ne pense pas, mais sauvagement déchirée – et il y aura un prix à payer. »

« Tu as déjà payé bien plus que ce qu'aucun homme ne peut supporter. » Répondit-elle sans réfléchir. « Personne ne peut exiger plus de toi. »

« Je ne pense pas que ça marche comme ça. »

« Eh bien, ça devrait. »

Un petit sourire tiraillait le coin de sa bouche. « Tu peux ajouter ça à ta liste de choses à modifier. Outrepasser la loi naturelle ne devrait pas te demander beaucoup d'efforts. »

« En comparaison avec la vie en ta compagnie, ce sera une attraction mineure. » Agréa-t-elle, en lui souriant affectueusement alors qu'il lui jetait un mauvais regard en retour. « L'Epouvantard de Harry était un Détraqueur. » Ajouta-t-elle en y réfléchissant.

Severus grogna. « Je sais. Lupin jacassait sans arrêt à propos du garçon qui avait simplement peur de la peur elle-même. Seul un imbécile prêterait attention à cette croyance. La peur est un ami : elle fait grimper le flot sanguin, elle fait monter l'adrénaline au cerveau et accroît la réserve d'oxygène pour les muscles. Elle aiguise les réflexes et aide à survivre. Elle est aussi une indication de bon sens, quelque chose dont Potter manquait visiblement. » Ajouta-t-il sarcastiquement. « Les Détraqueurs ne peuvent pas te blesser par leur simple présence à condition qu'ils n'essayent pas de te donner le Baiser, à moins que tu les en ais autorisés en laissant tes pires souvenirs devenir des armes. »

« Et comment tu les en empêches ? »

« En sachant ce que sont tes pires souvenirs, en les endurant, en les admettant puis en émoussant leur tranchant. »

« Est-ce que l'Occlumencie te protège contre les Détraqueurs ? » Demanda Hermione avec intérêt.

« Oui. Autrement, avec mes souvenirs, je n'aurais jamais survécu à la semaine que j'ai passée à Azkaban, en attendant le procès après la première guerre. En tant qu'Occlumens, je peux protéger mes quelques bons souvenirs contre eux, et je peux empêcher la myriade de mes mauvais souvenirs de me blesser. Prolonger l'exposition me conduirait malgré tout à la dépression et à la folie, mais pas pour plusieurs années, et ils n'auraient pas de quoi se nourrir. Je doute même que mon âme soi bonne pour eux. » Ajouta-t-il avec un sourire noir. « En fait, ils seraient sûrement empoisonnés, s'ils ne tomberaient pas affamés avant ça. »

« Ce n'est pas drôle, Severus. » Lui reprocha-t-elle.

« Je t'ai dit de nombreuses fois que je n'ai pas le sens de l'humour. »

« Si, tu en as un. Il est seulement très tordu. »

« Exactement comme moi, alors. »

« Oh, tais-toi. » Lui ordonna-t-elle en essayant de ne pas sourire. « L'Ocllumencie t'aide en quelles autres occasions ? N'as-tu pas dit une fois à Harry que c'était le même genre de résistance que celle au sort de l'Imperium ? »

« Oui, pour tout le bien que ça lui a fait. » Répondit-il amèrement. « Le sort de l'Imperium ne fonctionne pas sur moi, bien que dans tous les cas je n'y ai été que rarement exposé. Je suis aussi immunisé contre le Véritasérum et contre les autres potions de pression et de vérité. » Ajouta-t-il avec un sourire faiblement amusé. « Le Ministère n'en s'en rendit jamais compte. »

« Utile. » Lui dit Hermione de sa voix la plus impassible. « Quant as-tu appris l'Occlumencie ? »

« Après l'accident dans la Cabane, Dumbledore me menaça de me lancer un Obliviate, sauf si je jurais de ne parler à personne de ce qui s'était passé – oh, pas avec ces mots là, mais le sens était celui-là. L'idée m'horrifia. Je connaissais les charmes sur la mémoire, bien sûr, mais jusqu'ici je n'avais pas considéré le concept – la violation – de quelqu'un altérant mes souvenirs, mes pensées. J'ai commencé à chercher des techniques de protection mentale et j'ai découvert l'Occlumencie. J'étais naturellement doué – mon éducation m'avait laissé un tel désir puissant de cacher mes pensées et mes émotions face à quiconque que j'étais physiquement incapable d'abaisser mes boucliers instinctifs. Quand je suis devenu l'espion de Dumbledore, il continua à m'apprendre pour que je devienne un spécialiste. Il n'avait pas beaucoup à m'apprendre dans ce domaine. La guerre m'apprit plutôt à montrer certaines choses en rendant moins évident le fait que je les cachais. Au fil des ans, j'ai développé plus profondément mes facultés et j'ai adapté l'Occlumencie à d'autres utilisations. »

« Pourquoi Harry avait tant de mal avec l'Occlumencie ? Il était toujours bon pour résister à l'Imperium. »

« Il est bloqué psychologiquement. » Expliqua-t-il calmement. « Parce que c'est moi qui lui apprenait. Si Dumbledore avait écouté mes conseils et s'il avait donné au garçon un livre pur étudier au préalable, ça aurait pu être concluant. Mais toutes ses connaissances en Occlumencie venaient de moi, et il ne me – il ne pouvait pas – me faire confiance, donc il n'essaya jamais vraiment de la maîtriser. »

« Albus savait sûrement que ça se passerait ainsi ? »

« Bien sûr. » Répondit Severus avec lassitude. « Je crois qu'une part de lui voulait maintenir la connexion entre le garçon et le Seigneur des Ténèbres au cas où ce soit utile. Je n'ai jamais su à quel point ce qui se passait était planifié tout du long, mais du point de vue de Dumbledore tout fonctionnait parfaitement. Le Seigneur des Ténèbres n'avait pas pu entendre la prophétie, l'instabilité grandissante et l'imprévisibilité de Black cessaient enfin d'être un problème, tout comme l'influence qu'il avait sur Potter, Potter apprenait à ne pas désobéir et il se rendait totalement dépendant de Dumbledore. Quelle importance si quelques enfants étaient blessés ? Quelle importance si j'étais, une fois de p lus, placé dans une position insupportable ? »

Il soupira. « J'en ai touché un mot à l'Ordre, à ceux que je pouvais atteindre, aussi tôt que j'ai pu, mais je ne pouvais rien faire d'autre. Et j'aurais dû être présent, mais tu ne peux pas te battre pour les deux côtés dans une guerre. Le Seigneur des Ténèbres l'accepta, et en fait c'est lui qui m'ordonna de rester dans cette posture, mais il était néanmoins furieux et j'étais puni de façon excessive, nous l'étions tous. » Il haussa les épaules, et fit cette remarque sur un autre ton : « Je pense que tu as été l'une des victimes, non ? »

« Oui. » Répondit-elle lentement, sachant qu'il faisait allusion à la cicatrice sur sa poitrine.

« Je reconnais le sortilège, bien sûr. » Dit-il avec amertume. « Au moins, ce n'était pas l'un des miens. Qui te l'a fait ? »

« Dolohov. » Admit-elle, et il cligna des yeux.

« Vraiment ? Intéressant. Sa capacité à viser a toujours été horrible. Je suppose qu'il devait vouloir blesser quelqu'un d'autre. » Sa voix était narquoise, mais ses yeux étaient froid. « Aucun de vous n'aurait dû être là. Saleté de Dolohov et ses fichues jeux. »

« Est-ce qu'il voyait vraiment la mort de Sirius comme un avantage ? » Demanda-t-elle faiblement.

« Oui. Black était un danger pour nous tous. Il trouvait ses petits voyages à l'extérieur amusants, mais le risque de trahir l'Ordre était importante. Lucius Malfoy l'a vu, si tu te souviens bien. Si quelqu'un avait essayé de le suivre... ou si quelqu'un du Ministère avait appris où il était... Il aurait pu nous coûter gros. Il était imprudent et impulsif, deux traits désastreux pour un soldat. Et il avait trop d'influence sur Potter, il le distrayait. D'une manière ou d'une autre, il devait être remplacé. »

« Comment... »

« Essaye de ne pas y penser. » Conseilla-t-il lourdement. « Il vaut mieux ne pas le savoir. Naturellement, je ne l'ai jamais demandé. »

Hermione considéra la chose pendant un moment. « Dans quelle mesure était-ce planifié ? » Demanda-t-elle finalement, sans être sûre de vouloir la réponse.

« Je n'en ai jamais été certain. » Répondit-il presque tristement. « D'une façon plus poussée que ce qu'aurait souhaité n'importe qui. je suppose. »

« Je suppose que dès le départ, ces questions se posaient. » Médita-t-elle. « Je sais à quel point les autres professeurs sont puissants, en particulier toi, Minerva et Filius – et Albus lui-même – mais les défenses devant la Pierre Philosophale étaient assez faibles pour que trois première années les surmontent. »

« Oui. » Agréa-t-il durement. « Chacun de nous aurait pu individuellement invoquer des protections qui auraient empêcher n'importe qui d'entrer – ou la Pierre aurait pu simplement être laissée à Gringotts. Tu as vu leur sécurité. Même si cette chambre forte a été ensuite forcée, si quelque chose à l'intérieur l'avait protégé, ça ne se serait pas passé ainsi. C'était essentiellement un test pour voir les capacités de Potter – Dumbledore ne comptait pas sur toi ou Weasley. Il croyait que la tentative pour prendre la Pierre serait un échec uniquement parce que ma Marque ne réagissait pas. Il pensait que cela signifiait que le Seigneur des Ténèbres ne reviendrait pas encore, et il misa sur vos vies et potentiellement sur celle de tous. »

« Tu le savais à ce moment ? »

« Non. Aucun d'entre nous ne le pouvait. Aucun membre du corps enseignant ne l'aurait supporté. Je ne m'en suis rendu compte que plus tard. » Il s'allongea et se mit sur un coude, en se tournant vers elle. « Je ne crois pas qu'il ait été au courant des problèmes à propos de la Chambre des Secrets. Il était autant dans le flou que nous. » Il sourit jaune. « A un moment, je crois qu'il pensait que je pouvais être l'Héritier de Serpentard, en fait. »

« Quoi ? » S'exclama-t-elle, en le fixant. « Pourquoi ? Même Harry n'avait pas pensé à toi. »

Il grogna. « Je ne sais pas. Il a peut-être eu un trou de mémoire. En vérité, personne ne pouvait accepter que le Directeur de Serpentard n'ait aucune idée sur l'identité de l'Héritier, ou sur la localisation de la Chambre. Dans tous les cas, ça ne dura pas longtemps. Mais ce qui se passa le choqua gravement. Il ne pouvait pas supporter de ne pas avoir le contrôle. Je crois que c'est alors qu'il commença ses recherches sur le passé de Tom Jedusor. Et je pense qu'il ne savait pas vraiment ce qu'il s'était passé lors de ta troisième année, pas jusqu'à ce soit presque fini. Je n'en suis pas certain, mais je pense que ses actions avaient seulement pour objectif de prendre avantage de la situation. Je ne crois pas que c'était planifié en avance, simplement parce qu'il n'y gagnait rien. S'il avait planifié, il l'aurait fait. » Son regard dans ses yeux était amer. Cette nuit-là et ce qui avait suivi l'avait vraiment blessé de nombreuses manières.

« Et à propos... à propos du Tournoi des Trois Sorciers ? » S'entendit-elle demander en frissonnant.

Severus était presque peiné. « Je ne sais vraiment pas. Il savait que le Seigneur des Ténèbres reviendrait, cette fois. La Marque était assez claire. A ce jour, je ne comprends pas pourquoi il autorisa la troisième tache de se passer. Nous ne savions pas que quelque chose allait se passer, mais il était certain qu'il allait en être question, et la situation était incontrôlable. Potter était seul et vulnérable dans ce stupide labyrinthe, même si nous patrouillions en périphérie. Il ne nous était pas venu à l'esprit qu'il pourrait y avoir un Portoloin, ni qu'il puisse y avoir une trahison – je détestais et méprisais Fol'Oeil, et si je suis honnête je dirai qu'il me faisait peur, mais je n'ai jamais soupçonné que ce n'était pas le véritable Fol'Oeil – mais il y avait plein d'autres façons d'atteindre le garçon. »

« Où étais-tu ? »

« J'étais avec Dumbledore au coin le plus loin du labyrinthe. Il souhaitait que je sois avec lui. Un signe avant-coureur. » Dit-il d'un ton morose. « Je me suis rendu compte qu'il se passait quelque chose, et nous avons alors découvert que Potter n'était plus sur le terrain. Il me garda avec lui et ne me révéla pas que quelque chose n'allait pas, mais je me rappelle de lui agrippant mon bras assez fort pour me faire un bleu, et il me demandait constamment si rien n'avait changé. Je me suis effondré quand j'ai senti le retour du Seigneur des Ténèbres. » Ajouta-t-il brusquement. « En partie à cause de la douleur qui était grande, et en partie à cause de tout ce que ça signifiait. Éprouver de nouveau la douleur d'un Appel, après un temps si long pendant lequel j'avais espéré être libre... Bon. Tout se passa très vite après ça. »

« Et tu es parti le rejoindre, après que tout soit fini. » Dit Hermione lentement. Elle n'avait pas été là, mais elle avait vu le souvenir de Harry, et elle se rappelait de l'étrange expression sur le visage de Severus quand il avait suivi les instructions de Dumbledore. Aucun mot qu'elle connaissait n'aurait pu la décrire. « Il – Dumbledore, je veux dire – ne t'avait pas vraiment demandé, n'est-ce pas ? » L'interrogea-t-elle.

Il secoua la tête. « Non. C'était pour le mieux. Je ne crois pas que j'aurai pu le faire si j'avais senti que je le faisais pour lui, plutôt que pour moi. »

« Je ne sais pas comment tu as eu le courage de le faire. Je sais à quel point tu es courageux, mais... »

« Je ne sais pas non plus. » Dit-il lourdement. « Je n'ai jamais été aussi effrayé qu'en descendant jusqu'aux portes, avant que je ne transplane à ses côtés. »

« Que se passa-t-il ? » Demanda Hermione très doucement, en se rapprochant de lui.

« Je ne me rappelle pas de tout. J'ai expliqué, pendant la brève période où il m'était permis de parler et quand j'étais encore capable d'articuler, que j'étais en retard puisque Dumbledore me faisait confiance et qu'il me croyait toujours de son côté, en tant qu'espion volontaire, alors qu'en réalité je pouvais être une fois encore l'espion du Seigneur des Ténèbres dans Poudlard afin d'être au courant des plans de l'Ordre. J'avais préparé ça en détail. Quand il entra dans mon esprit, il vit seulement ce que je souhaitais qu'il voie. Il était convaincu, mais j'étais quand même puni. »

« Est-ce que Dumbledore s'en préoccupait ? » Demanda-t-elle brutalement.

« Qu'est-ce que tu es devenue cynique. » Soupira-t-il. « Oui, un peu, mais ce n'était pas la priorité. Sa première réaction en me voyant fut d'être soulagé, il jubilait que ça ait marché. Seulement après avoir écouté mon rapport, il m'autorisa à partir et à m'occuper de mes blessures. Mais ce n'était alors pas sans malice. Il s'inquiétait pour moi, mais aucun commandant, lors d'une guerre, ne peut se permettre d'avoir des sentiments. Il ne laissait pas son inquiétude ou ma peur empêcher le fait que je fasse mon travail. Aucun de nous ne s'attendait à ce que je survive aussi longtemps que je l'ai fait. Sa première priorité était d'obtenir le plus possible de moi avant que je ne sois découvert. Je ne le blâme pas pour ça. C'était nécessaire. »

« Je suppose que oui. » Dit-elle d'une petite voix.

« Et tu es énervée, à présent. » Il s'approcha et toucha gentiment sa joue. « Ne le sois pas. J'ai fait mes choix de mon propre gré, et j'ai fait face aux conséquences. Et finalement, les choses n'ont peut-être pas été si mauvaises que ça. » Severus leva la tête et regarda la pièce d'un air pensif, avant que ses yeux noirs se fixent de nouveau sur elle. « Non. Je crois qu'en définitive, c'était peut-être la meilleure issue possible. » Il se rapprocha et l'embrassa gentiment.


NOTE DE L'AUTEUR : Je veux juste dire que j'apprécie aussi mes reviewers anonymes. Je ne peux pas répondre, mais je vous en suis reconnaissante. Les choses avancent gentiment, n'est-ce pas ?

NOTE DE LA TRADUCTRICE : désolée pour le long délai. Traduire est un vrai travail, ça prend des heures et de l'énergie, alors si certaines personnes souhaitent lire la suite et se débrouillent en anglais, on pourrait envisager de traduire à plusieurs. J'espère que le chapitre vous a plu !