Harry tressaillit et se figea, plutôt brutalement, lorsqu'il vit l'épaisse fumée s'élever de la maison. Il ne pouvait y croire mais il savait que cette fumée ne pouvait avoir qu'une seule origine.
Il pensait ne plus jamais ressentir cette terreur, cette sensation d'impuissance mêlée de culpabilité. Cela faisait dix ans qu'il n'avait pas ressenti une telle chose. Depuis la fin de la guerre.
Il avait été heureux. Voldemort disparu définitivement : il s'était senti, débarrassé d'un grand poids. Il s'était senti véritablement libre. Pour la première fois de sa vie ! Il s'était fiancé avec Ginny Weasley, avait fini ses études (relativement vite compte tenu de son curriculum vitae) et était devenu auror. Il avait, enfin, eu le sentiment de vivre pleinement.
Ce bien être tout nouveau pour lui se ressentait dans son attitude et sur son physique. Dès lors qu'il n'avait plus été sujet aux menaces de mort, Harry James Potter était devenu plus détendu, plus joyeux. Dès lors qu'il avait pu profiter, pleinement, des gens qu'il aimait et qui l'aimaient : il avait acquis une santé de fer qu'il n'avait jamais pu posséder alors qu'il vivait chez les Dursley. Il avait pris quelques kilos et acquis quelques muscles, perdant cette allure de maigrichon mal aimé. Il avait troqué ses lunettes par des lentilles de contact. Il était devenu bien plus séduisant. Surtout maintenant qu'il riait bien plus depuis que la guerre était terminée.
Harry s'était construis une famille et avait un métier enrichissant et attrayant. Aujourd'hui, il avait une femme, deux magnifiques enfants et un filleul qu'il considérait comme son fils. Il avait tenu parole et avait pris soin de Ted Remus Lupin, du mieux possible. Même alors qu'il suivait ses études : il avait été présent. Puis, un an après son mariage, alors que Teddy avait deux ans : le premier de ses enfants était né. Un petit garçon qui, dés sa naissance, promettait d'être le portrait craché de son grand-père, James Potter.
C'était Ginny qui avait évoqué les prénoms de leur fils.
Aucun mot n'avait été suffisant pour d'écrire ce qu'avait ressenti Harry lorsqu'elle lui avait proposé de nommer le petit garçon comme son père et son parrain. Harry n'avait pu refuser. Il avait été profondément touché que sa femme veuille nommer leur fils de cette façon.
Ainsi, le petit garçon avait été nommé James Sirius Potter. Pour le plus grand bonheur d'Harry, un lien d'amitié s'était formé entre Ted et James sitôt que les deux garçons avaient été mis en contact...
Quatre ans après James, un second Potter était né. Dès qu'il avait tenu le nouveau né dans ses bras, Harry avait deviné que son second fils serait particulier. Spécial. Il avait eu un coup au cœur lorsque son petit garçon avait plongé ses yeux dans les siens. Harry avait su que son fils devait porter des prénoms aussi singuliers que lui. Aussi l'avait-il prénommé Albus Severus Potter, en référence à Albus Dumbledore et à Severus Rogue. Lorsqu'Harry avait plongé son regard dans ceux de son fils, il s'était senti extrêmement ému. Son petit Albus avait hérité des yeux de son père et, par conséquent, de ceux de sa grand-mère, Lily. Harry avait été étrangement rassuré en nommant son dernier fils de cette façon. Il avait eu le sentiment que son petit Al serait protégé, de par ses prénoms. Et puis, cela lui avait permis de remercier et de prouver, au reste du monde, qu'il respectait son regretté professeur de potion. Harry n'avait pas eu honte de l'avouer, il regrettait Severus Rogue. Parfois, Il en venait même à regretter les répliques froides et sarcastiques du maître de potion. Ginny l'avait traité de fou lorsqu'il s'en était ouvert elle.
Toutefois, elle n'avait émis aucune objection au choix du second prénom de leur enfant. Après tout, elle savait qu'Harry avais acquis beaucoup d'estime et de respect pour leur professeur. Elle avait compris, sans qu'aucun mot n'ait été prononcé, qu'Harry avait tenu à rendre hommage au Serpentard qui était, selon ses propres mots, sans doute l'homme le plus courageux qu'il ait jamais rencontré.
Ces enfants avaient été sa plus grande joie. Sa plus grande réussite, selon lui. Harry n'aurait jamais cru que sa vie puisse être aussi gratifiante. Pour sa plus grande joie (et son plus grand désespoir, parfois) : Ted et James semblait avoir hérité de l'esprit maraudeur. Une chose était certaine : Harry ne s'était jamais ennuyé en dix ans. Surtout compte tenu que George Weasley les avait pris sous son aile et leur apprenait tout ce qu'il savait. Et leur offrait, derrière le dos d'Harry, divers farces et attrapes. Albus, lui, avait un caractère bien différent de son frère et de son cousin... En fait, il s'était révélé que le jeune Albus avait un caractère semblable à celui de son père. C'était un garçon sentimental, timide, orgueilleux et rusé mais, malgré tout, assez indépendant. Toutefois, contrairement à ses parents et son frère ainé, il était loin d'être impulsif.
En vérité, Albus était très posé et réfléchi. Extrêmement intelligent pour un garçon de son âge. Oui, Harry Potter pouvait s'estimer heureux de posséder ce qu'il avait. Il avait obtenu ce qu'il avait désiré le plus durant son enfance : une famille unie et aimante, respirant la joie de vivre.
Tout cela en dépit des mangemorts en cavale.
Mais, tout avait changé cette dernière année. L'angoisse avait été de retour dans sa vie. Les mangemorts qui s'étaient fait discrets toutes ces années avaient, de nouveau, fait parler d'eux. Les membres de l'Ordre du Phénix, principaux responsables de la chute de Voldemort, avaient commencé à disparaitre. Ou à être retrouvé morts. Tous avaient été obligés de se cacher tandis qu'une grande traque était lancée pour retrouver les tueurs sans scrupules. Mais, bientôt, on avait réalisé que le fidélistas n'était pas suffisant pour protéger les sauveurs du monde magique.
Harry et Ron s'était mis d'accord, avec Arthur, pour rassembler toute leur famille dans un même lieu. Le manoir Potter avait semblé être le lieu parfait. Il était perdu au milieu de nul part, loin de tout. Oublié de tous. Harry, Ginny et leurs enfants vivaient, avec Ted, dans une petite maison chaleureuse et magnifique mais assez petite. Jusqu'à cette année, ils n'avaient pas véritablement utilisé le manoir des ancêtres d'Harry. Mais, lorsque les mangemorts avaient fait réentendre parler d'eux : Harry avait ouvert les portes de cet immense manoir à sa famille.
Et, apparemment, cela avait été une erreur.
L'épaisse fumée qui s'élevait de la maison ne pouvait qu'être un présage funeste. Une telle fumée ne pouvait avoir qu'une seule origine : un incendie ! Ou, pour être plus exact, la fin d'un incendie.
Harry aurait voulu ne plus jamais ressentir cette terreur, cette impuissance. Cela faisait dix ans qu'il n'avait pas ressentit une telle chose et, après en, il était, encore une fois, fauché par ces sensations funestes.
« Papa. »
La voix tremblante de son fils ainé le tira de sa stupeur. Il sortit, prudemment, sa baguette et se tourna vers les trois garçons qui se tenaient immobiles derrière lui, non sans regarder autour de lui en quête d'ennemis. Il pressa l'épaule de James et adressa un sourire rassurant à son fils cadet qui avait les yeux larmoyants. Ted, lui, serrait les poings pour ne pas éclater en sanglot. Pour ne pas faire peur aux plus jeunes. Ted, depuis toujours, s'était montré le plus protecteur. Pas seulement parce qu'il était l'ainé. Il était à l'image de son père, Remus Lupin, voilà tout.
Comme son père, Teddy était quelqu'un de foncièrement bon, chaleureux et courageux. Mais, c'était un enfant. Il ne savait pas cacher aussi bien ses émotions que les adultes. De plus, il ne contrôlait pas tout à fait son don de métamorphomage. Comme toujours, ses cheveux avaient pris une teinte correspondant à ses émotions. A cet instant même, la couleur de ses cheveux était d'un gris terne. La couleur de la tristesse. Ted avait compris ce que signifiait cette fumée.
"Ca va aller, les garçons. Restez calmes. On va s'approcher de la maison. Restez près de moi. Teddy, Jamsi. Faites attention à Albus.
Les deux plus grands hochèrent la tête et suivirent, de près, l'adulte dès que celui-ci commença à avancer.
Dès qu'il arriva à proximité du manoir, Harry vit les corps. Noircis par l'incendie, il était évident qu'ils avaient été installés là comme un funeste message à son attention. Il s'agenouilla devant l'un d'entre eux et reconnut, immédiatement, celui-ci comme étant celui de Ginny Weasley, sa femme. Il ferma fortement les paupières pour ne pas céder aux sanglots. Il ne pouvait pas se laisser aller maintenant. Cela ne ferait que terrifier les enfants. Et il avait besoin de tout son sang froid pour la suite. Il pourrait s'effondrer plus tard. Lorsqu'ils seraient, tous les quatre, à l'abri. Il retira, discrètement, l'alliance de la jeune femme et la glissa dans sa poche puis se releva. Faisant cela, son regard glissa sur les corps de ses meilleurs amis, Hermione et Ron. Devenus mari et femme après leur dernière étude à Poudlard. Malheureusement, aucun des adultes ou des enfants n'avaient pu réchapper au massacre. L'attaque avait dû être effroyable et fulgurante !
Harry leva les yeux sur le manoir et nota que l'aile réservée à la famille Potter semblait avoir réchappé au feu. Il se tourna vers les enfants qui l'accompagnaient et nota, tristement, que Ted avait les yeux fixés sur le corps de Ginny alors que James et Albus regardaient les ruines du manoir. Le gamin était bien trop intelligent pour son bien. Ted releva les yeux, les lèvres tremblantes.
« Oncle Ry. »
« Chut. Je sais que c'est dur, Teddy, mais sois courageux. On en parlera plus tard. »
« D'ac »
« Bien ! Ecoutez moi bien, les garçons. Nous allons aller dans notre aile. Je veux que vous fassiez un sac chacun. Prenez un jouet, pas trop encombrant, une ou deux photos et, surtout, des vêtements. Ted aide les à faire leur sac. N'oublis pas les baguettes de tes parents. »
« N'oubliez rien tous les trois, on ne reviendra pas ici. »
« Comptes sur moi, oncle 'Ry. » Souffla Ted.
Harry, une fois dans leur aile, lança un sort pour vérifier qu'ils étaient seuls et fit signe aux garçons d'aller faire leur sac après leur avoir dit qu'il serait dans son bureau.
« Surtout, si vous entendez quoique ce soit d'anormal venez me retrouver. »
Harry n'était entré dans son bureau que suite à leur hochement de tête. Lui-même, n'avait pas perdu de temps à faire son sac. Heureusement, ses souvenirs les plus précieux étaient dans un seul et même tiroir. La carte du maraudeur, la cape d'invisibilité, l'album que Rubeus Hagrid lui avait offert lors de sa première année (bien étoffé), la flûte que le géant lui avait fabriqué, le vif d'or de son premier match et le canif offert par Sirius. Et, bien sûr, les baguettes de ses parents et de Sirius qu'il avait retrouvé dans le coffre de Sirius à ses dix-huit ans. Autant de souvenirs qui n'avaient pas de prix à ses yeux. Des objets plus importants que tout l'or qu'il possédait. Après une hésitation, il prit l'album qu'il avait confectionné, secrètement, après son entrée à Poudlard.
L'album contenait tous les articles de journaux concernant Voldemort et la guerre. C'était rarement, très rarement, de bons souvenirs mais ils concernaient une période importante de sa vie. Il prit, aussi, les deux exemplaires du chicaneur qui reportaient les deux seules interviews qu'il ait données dans sa vie. Il n'oublia pas, non plus, le flacon contenant les souvenirs que lui avait remis Rogue. Il ne pouvait pas s'en séparer. Pour diverses raisons…
Enfin, lorsque tous ces objets furent dans son sac, il se redressa et regarda autour de lui. Il y glissa les certificats de naissance de ses enfants et de Teddy et sa photographie de mariage puis sortit dans le couloir alors même que les enfants faisaient de même. Teddy ajusta le sac d'Al et adressa un sourire tremblotant à son parrain. James s'approcha et vint s'agripper à la main de son père. Harry sentit son cœur se serrer. Il était rare que son fils ainé perde son air bravache. Harry serra la main du garçon pour le réconforter et s'empara de la main d'Albus qui tenait, lui-même, la main gauche de son ami. Il s'apprêtait à prendre la direction de la sortie lorsqu'une voix glacée le figea sur place. Une voix qu'il reconnaissait que trop bien à son goût. Harry se retourna, vivement, faisant passer les trois garçons derrière lui. Il sentit, confusément, trois mains s'agripper, craintivement, à sa robe de sorcier, dans son dos. Toutefois, il n'y prit pas garde tant son attention était centraliser sur le sorcier qui lui faisait face. Un mangemort ! Lucius Malefoy !
Suite à la défaite de son seigneur des ténèbres, il avait tout perdu. Honneur, richesse, famille. Il aurait aussi perdu sa liberté, voir sa vie, s'il n'avait pas fui. Harry avait témoigné en faveur de Draco et Narcissia Malefoy qui l'avaient protégé et, ainsi, sauvé au cours de l'année de la bataille finale mais il n'aurait certainement pas fait la même chose pour Malefoy père.
Certainement pas ! De toute façon, les aurors n'avaient jamais pu remettre la main sur lui pour son jugement. Et, maintenant, il se trouvait là, devant le Survivant, les lèvres frémissantes d'un rire contenu.
« Harry James Potter, te voilà enfin ! Tu as été dur à trouver mais te voilà face à moi. Joli cadeau que mes ex-camarades t'ont laissé sur le pas de ta porte. »
Harry ne répondit pas. Il n'était plus l'impétueux Griffondor qui fonçait tête baissée, aussi bien physiquement qu'en parole. Malefoy sembla le comprendra car il eut un sourire ironique.
« Tu as appris tes leçons, Potter. Bien, venons en droit au but. Je ne vais pas te tuer. Je ne vais rien faire aux gamins qui tremblent derrière toi. Après tout, ma famille te doit la vie. »
Harry resta figé par la stupeur suite au monologue de son adversaire. Il eut l'infime espoir que l'homme ne leur voulait pas de mal à lui et aux enfants. C'est pourquoi il ne réagit pas tout suffisamment tôt lorsque l'homme reprit :
« Non, je ne vais pas vous tuer. Mais je vais, tout de même, te mettre hors de mon chemin. illud exsistit ut. »
Harry reconnut, trop tard, le sortilège de magie noir que lançait Malefoy dans leur direction.
Le sort frappa Harry en pleine poitrine et il fut, aussitôt, enveloppé par un étrange nuage brunâtre.