Lecteurs, Lectrices !
J'espère que vous passerez un bon moment sur cette histoire. N'hésitez pas à me donner votre avis, quel qu'il soit ! On écrit pour son propre plaisir mais la publication, quant à elle, représente un ensemble de contraintes auxquelles on ne soumet pour une autre raison : dans mon cas, il s'agit d'obtenir des retours et de m'améliorer. Cette histoire étant déjà terminée, votre avis sera d'autant plus précieux puisque vous pourrez la juger dans son intégralité. A vos plumes !
Je vous souhaite une très bonne lecture,
Merci pour votre intérêt et à bientôt.
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CHAPITRE PREMIER
Un voeu pour Noël
Le hall vibrait sous le bourdonnement de centaines de voix et le bruissement de centaines de capes. Assise à l'une des petites tables rondes du Bar à Citrouilles, Hermione Granger regardait des silhouettes de sorciers naître au sein des cheminées de pierre, prendre forme et s'en dégager en un tour de robe. En cette veille de Noël, peu de sorciers avaient pris leur journée. Elle avala sa dernière gorgée de cocktail d'oeillet et leva les yeux vers la grande pendule décorée d'épaisses guirlandes dorées. Il était une heure et quart.
C'était à midi que Ron aurait dû la rejoindre.
Cela ne servait à rien d'attendre plus longtemps ; il ne viendrait pas. Hermione sentit ses yeux la piquer et déglutit : il n'était pas non plus utile de pleurer. Autant s'épargner les questions indiscrètes des commères du secrétariat. Des langues de vipère, toutes autant qu'elles étaient probablement issues de la maison Serpentard. A cette pensée, Hermione se fustigea intérieurement : les Serpentards avaient suffisamment souffert de l'après-guerre pour qu'on continue à leur enfoncer des chaudrons sur la tête.
Oui, elle devait se rendre à l'évidence : soit Ron l'avait oubliée, soit il ne s'était pas donné la peine de l'avertir qu'il ne viendrait plus. Depuis que Mrs Weasley était hospitalisée, Hermione avait l'impression qu'il cherchait à l'éviter. Ils auraient dû emménager ensemble dès janvier dans un studio du centre de Londres ; Ron s'était ravisé une semaine plus tôt. Hermione l'avait accepté. Ils auraient dû passer le lendemain de Noël chez les parents d'Hermione ; Ron avait annulé. Hermione l'avait accepté aussi.
Ron prétendait aller voir sa mère tous les soirs. Celle-ci se plaignait, s'ennuyait, pleurait souvent. Mr Weasley l'avait envoyée à l'hôpital Ste Mangouste, où on avait diagnostiqué un grand choc émotif, probablement lié à la mort de son fils. C'était l'insistance d'un mari épuisé qui avait convaincu les médecins de la garder en observation quelques semaines. La veille au soir, Hermione avait voulu rendre visite à Mrs Weasley ; on l'avait averti que la patiente dormait tôt et refusait désormais toute visite au-delà de sept heures et demi.
Ron s'était bien gardé de lui dire qu'il était resté chez lui plusieurs soirs d'affilée.
Hermione connaissait Ron depuis sa première année à Poudlard. Elle savait qu'il l'avait aimée, aussi sûrement qu'elle le sentait se détacher d'elle à présent. Ron n'était pas l'homme solide dont elle avait toujours rêvé. Dans leur couple, Hermione avait toujours été celle qui soutenait l'autre. Elle y avait finalement trouvé son compte. Mais que se passerait-il si Ron refusait le soutien d'Hermione ? D'un geste soudain rageur, elle ramassa la coupe et alla la poser sur le comptoir avec les six mornilles de la note. N'était-il pas sensé avoir mûri, en deux ans ? Sortait-elle avec un homme ou avec un petit garçon ?
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Une odeur d'iode et de soupe au potiron flottait dans l'air hivernal. Les toits du Terrier et les collines environnantes étaient couverts d'un manteau blanc et scintillant et quand Hermione transplana, ses pieds s'enfoncèrent dans une mare de neige fondue. Elle pesta avant de s'avancer prudemment sur le chemin de terre verglacé qui serpentait jusqu'à la porte d'entrée. Les Weasley y avaient accroché une couronne de Noël décorée de gros angelots, qui suivirent Hermione du regard jusqu'à ce qu'elle frappe trois coups secs près de la poignée.
Un petit bruit de verrou résonna derrière la porte et celle-ci s'ouvrit sur Ginny.
- Hermione, constata-t-elle. Tu vas bien ?
- J'irai mieux si je pouvais régler quelques petites choses avec ton frère, répondit Hermione sur le ton le plus amical qu'elle pouvait adopter après avoir passé toute la journée à ressasser sa colère.
Ginny baissa la tête et plia nerveusement ses doigts sur la poignée.
- Ecoute, Ron est très susceptible ces temps-ci, murmura-t-elle. J'ignore ce qu'il se passe entre vous, mais essaie de le comprendre, je t'en prie. Tu le connais.
- Je peux comprendre certaines choses, Ginny, répliqua Hermione. Je peux annuler des invitations à sa place, payer seule des frais que nous aurions dû partager, mais ce que je déteste par-dessus tout, c'est l'irrespect ! Nous devions nous voir ce midi, j'avais rallongé ma pause pour lui et il n'est même pas venu. Je passe pour quoi, moi ?
- Il s'est peut-être vengé du fait que tu aies refusé de le voir ces derniers jours.
- Quoi ? s'étrangla Hermione.
- Ginny ? appela la voix de Ron dans les étages. Qui est-ce ?
Les sourcils froncés, l'interpellée se recula pour laisser entrer la visiteuse.
- C'est Hermione, lança-t-elle à son frère en levant la tête vers les étages supérieurs. Tu devrais descendre.
Silence.
- Ron ? insista Ginny.
- J'arrive ! répondit-il.
Des pas résonnèrent dans l'escalier. Hermione serrait les dents. Troisième étage. Deuxième étage. La chambre de Ron était située jusqu'au-dessus du grenier et Hermione avait toujours apprécié qu'elle soit, par conséquent, la chambre la plus calme - si l'on exceptait la présence de la goule. Ce jour-là, toutefois, elle aurait préféré que la chambre perde quelques niveaux et que Ron arrive plus vite. Premier étage. La tête rousse de Ron apparut en haut des marches. Hermione sentit les larmes lui piquer les yeux une nouvelle fois et les refoula.
Ron descendit les marches quatre à quatre, un sourire faux sur les lèvres. Quand il croisa le regard d'Hermione, le sourire faux disparut.
- Je suis désolé pour ce midi, Hermignonne, commença-t-il. Georges a eu besoin de moi au magasin, l'un de ses employés s'est raté sur le sortilège des Bombapus et comme l'antidote n'existe pas encore, il a dû aller à Sainte Mangouste.
- Je t'ai attendu plus d'une heure, répondit Hermione. N'aurais-tu pas pu me prévenir ?
- Comment voulais-tu que je te prévienne ? demanda Ron avec compassion.
Un autre jour, son manège aurait peut-être fonctionné, songea Hermione.
- Oh, je ne sais pas, lâcha-t-elle d'un air moqueur. Peut-être en m'envoyant un hibou. Ou peut-être en m'envoyant un message par Patronus, je t'ai appris à le faire, n'est-ce pas ? Tu y arrivais bien récemment. Mais tu as raison, j'aurai dû me douter que tu oublierais très vite la méthode.
Les oreilles de Ron prirent une teinte rouge vif.
- Ne commence pas à...
- A faire ma prétentieuse ? compléta-t-elle d'une voix de plus en plus forte. Même si tu n'avais pas su comment me prévenir, tu aurais pu venir chez moi t'excuser ! Mais c'est à moi de me déplacer, et j'apprends par Ginny que tu racontes des bêtises sur moi à ta famille quand j'ai le dos tourné !
- De quoi par...
- Tu as dit à Ginny, coupa-t-elle, que je refusais de te voir alors que je fais des pieds et des mains pour ne passer ne serait-ce qu'une heure avec toi ! Ginny, poursuivit-elle en se tournant vers l'intéressée, c'est Ron qui a annulé le Noël chez mes parents, et c'est Ron qui ne veut plus que l'on vive ensemble ! Il ne t'a pas dit le contraire, n'est-ce pas ?
Ginny, qui avait la bouche ouverte depuis le début de la mise au point, la referma aussitôt.
- Ma mère est malade ! s'énerva enfin Ron. C'est quelque chose que tu es sensée comprendre !
- Arrête de te cacher derrière ta mère, Ron ! cria Hermione. Elle est malade, certes, mais je ne vois pas en quoi cela t'a poussé à prétendre que je t'évitais, alors que c'est le contraire ! Et même si tu disais vrai : c'est à ton père et aux médecins de s'occuper d'elle, que veux-tu faire de plus qu'eux ? Arrêt de te cacher derrière cette excuse !
- Tu n'as pas à me juger ! trancha Ron. Je serais bien mieux si tu ne me harcelais pas en permanence ! Tu devrais te poser des questions, miss je-sais-tout-qui-ne-sait-rien-du-tout !
Hermione souffla. Elle avait envie de le frapper, de lui jeter au visage tout ce qu'elle avait dans son sac. Même ses livres.
- Tu as un très, très gros problème, conclut-elle. Et en ce qui me concerne, les malades mentaux, je préfère les fuir.
Elle tourna les talons, tourna la poignée et fut giflée par la brise froide qui s'était levée au-dehors. Alors qu'elle s'éloignait, elle entendit des pas faire crisser la neige derrière elle. C'était Ginny.
- Hermione, attends ! s'écria-t-elle. Ron est devenu crétin mais cela passera ! Dernièrement, il a refusé qu'Harry entre dans la maison ! Je dois sortir pour voir le voir alors que c'est son meilleur ami, tu te rends compte ? Il regrettera tout cela et il viendra te voir !
- Je crois que tu n'as pas compris, répondit Hermione.
Elle s'arrêta, se retourna et fut surprise de voir une réelle rancune se peindre sur le visage de Ginny.
- Je ne veux plus qu'il vienne me voir, Ginny. Je ne veux plus être avec lui. J'en souffre trop, tu comprends ? Ron refuse de se remettre en question. Je ne fais pas ça pour lui, je le fais pour moi.
Ginny sembla sur le point de répondre quelque chose, mais se ravisa. Elle tremblait de froid.
- Tu devrais rentrer, murmura Hermione.
Elle lui tourna le dos à nouveau, dépassa le portail et transplana. Sa tristesse qui avait attendu toute la journée pour s'exprimer fut enfin autorisée à le faire. Les larmes brouillèrent la vue d'Hermione, l'empêchant de voir les deux yeux blancs qui s'étaient ouverts sur son passage...
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Pré-au-Lard.
Hermione renifla et se frotta les yeux avec la main. Elle était sous le porche d'une maison accolée au bureau de poste, face à Honeydukes. Bien que la neige tombât en tourbillonnant sur l'allée centrale, de nombreux sorciers parcouraient les rues et s'arrêtaient devant les vitrines. Certains sortaient des boutiques avec les bras chargés de paquets. Le regard d'Hermione se posa sur trois étudiants portant les uniformes de Poudlard deux garçons aux yeux rieurs et une fille brune qui lui ressemblait étrangement. Ce lieu lui rappelait trop Ron. Nouveau transplanage.
Gare de Paddington.
Hermione apparut au milieu d'une telle pagaille qu'elle fut bousculée à plusieurs reprises avant de parvenir à s'abriter contre un mur. Les Moldus se pressaient sur les quais, chargés de valises à roulettes qui crissaient contre le sol. A sa droite, un serveur s'agitait sous une enseigne au néon. « Hamburger Restaurant ». C'était le snack dans lequel elle avait mangé avant de prendre le Poudlard Express pour la première fois. Elle y avait vu Hagrid acheter un hamburger à Harry la taille d'Hagrid l'avait effrayée. Puis elle avait rencontré Ron...
Charing Cross Road.
C'était la rue moldue sur laquelle donnait le Chaudron Baveur. Harry y avait séjourné avant le début de leur troisième année à Poudlard. La veille de la rentrée, elle avait acheté Pattenrond. Ron avait râlé...
Lac du Loch Ness. Equipe de Quidditch. Ron.
Cabourg, France. Vacances avec Ron.
Baie de Wigtown, Ecosse. Discussion avec Ron.
Il était dangereux de transplaner aussi rapidement et Hermione le savait. Elle se souvenait de la règle des trois D. Mais quel intérêt avait-elle à la respecter à présent ? Sa discipline et ses bonnes notes ne lui avaient pas appris à garder l'homme de sa vie. Ce n'était pas sa première dispute avec Ron, pourquoi avait-elle décidé de le quitter ? Certes, elle avait ressenti ce désir de se détacher de lui dès le début, mais n'avait jamais compris pourquoi, et avait lutté contre cela. Pendant deux ans, Hermione s'était interrogée et avait souffert.
Et à présent... elle souffrait encore plus. Une partie d'elle voulait retourner au Terrier et supplier Ron de lui pardonner. Une autre partie voulait s'éloigner le plus possible du Terrier et ne plus jamais revoir cet imbécile immature qui l'avait tant fait souffrir. A son entrée à Poudlard, Hermione avait confiance en elle. Aujourd'hui, elle se sentait fragile, sanglotait, tremblait comme une feuille. Il lui manquait. Elle refusait de rentrer chez elle. Transplanage. Transplanage. Transplanage...
Tout à coup, Hermione se mordit la lèvre pour étouffer un gémissement. Ses genoux s'étaient ouverts contre la terre caillouteuse sur laquelle elle était tombée son pantalon se gorgeait de sang. Ce n'était pas une simple égratignure. Même une sorcière aussi douée qu'elle ne pouvait se permettre de transplaner autant de fois le désartibulement arrivait tôt au tard. Les blessures étaient superficielles mais deviendraient dangereuses si l'écoulement n'était pas suspendu rapidement. Elle saisit sa baguette magique se souvenir du bon sortilège lui demanda un effort colossal.
Ron lui avait-il aussi volé son intelligence ?
Cette pensée lui arracha un soupir. Remise de sa chute, Hermione se releva lentement et fit un tour sur elle-même. Une épaisse forêt l'entourait. Avait-elle désiré se rendre dans une forêt ? L'odeur forte des conifères chatouillait ses narines et leurs épines grattaient ses mains. Aucun son même pas celui d'un insecte perdu. La terre était humide mais visiblement, il n'avait pas neigé à cet endroit. Il y faisait par ailleurs bien moins froid qu'à Londres. Le souffle d'Hermione ralentit. Où avait-elle atterri ? Pouvait-on transplaner dans un lieu inconnu ?
Sa baguette tendue devant elle, Hermione avança. Elle se débattit entre les sapins, si serrés qu'ils auraient dû mourir d'étouffement. Aucun doute, c'était une forêt magique mais quel genre de magie pouvait éloigner toute forme de vie ? Hermione chercha désespérément une toile d'araignée entre les branches qui la surplombaient, une colonie de fourmis sur un tronc, une esquisse de terrier entre les racines enlacées. Son malaise grandissait au fil de ses pas. Elle sentit soudain le sol devenir plus ferme et baissa les yeux sur un chemin naissant de pierres grises.
Les arbres s'écartèrent enfin et Hermione put respirer un peu, évacuant la naissance d'une crise de claustrophobie évidente. Des objets commencèrent alors à apparaître sur les bords du chemin. D'abord, une table basse supportant le poids de plusieurs vases et assiettes de collection. Ensuite, un peu dissimulée par les sapins, la carcasse d'une automobile datant visiblement des années 50. Il y eut aussi une peluche d'ours abîmée, des cartons remplis de photographies représentant toutes la même femme, et pour finir un cercueil.
« Soyez la bienvenue, Hermione Jean Granger. »
Hermione sursauta et se retourna vivement, baguette brandie, vers l'origine de la voix. Elle ne vit d'abord personne. C'est en baissant les yeux qu'elle croisa le regard blanc d'une créature maigre et imberbe, à la peau grise, vêtu d'une toge verte et d'un épais collier en or. La jeune femme recula précipitamment. Cela ressemblait à un croisement entre un sorcier et un elfe de maison, si l'on exceptait le regard blanc, propre à aucune des deux espèces. Un regard vide qui lui paraissait pourtant bel et bien braqué sur elle.
- Où suis-je ? demanda-t-elle prudemment. Qui êtes-vous ?
- Vous êtes dans la Forêt Perdue et je suis son seul habitant, susurra la créature. Cette terre est mon domaine. J'accueille ici ceux qui désirent être mes invités et fais affaire. Trois vœux contre un paiement unique.
Hermione secoua la tête.
- Je n'ai jamais voulu venir ici, je suis désolée, répondit-elle. J'aimerai partir.
- Vous ne pouvez pas quitter la Forêt Perdue sans faire affaire, rétorqua la créature. Et si vous désirez partir, il s'agit là d'un vœu qui mérite paiement.
Hermione recula encore. Elle avait peur. Ses yeux passèrent à nouveau sur la peluche, les cartons de photographies et... le cercueil.
- Dites-moi qui vous êtes !
- Le génie de ces lieux, et tout cela est à moi, déclara la créature. Trois vœux, un paiement. Calmez-vous, Hermione Jean Granger, je n'ai jamais tué personne. Je ne peux ni acquérir, ni assassiner, ni même ressusciter une âme libre. Le cercueil que vous voyez ici est la dernière demeure d'un jeune homme décédé la veille de son mariage, et que sa fiancée m'a échangé contre la possibilité d'être heureuse à nouveau.
Etre heureuse à nouveau...
- Comment avez-vous pu lui vendre cela ? demanda-t-elle, sceptique.
- Mes pouvoirs sont très différents de ceux des sorciers, Hermione Jean Granger, répliqua le génie. Je peux réaliser les souhaits d'autrui en échange de valeur. Ce cercueil avait une grande valeur sentimentale pour cette jeune fille, et c'est en cela que j'ai trouvé la magie nécessaire à la réalisation de son vœu. Vous êtes venue ici, Hermione Jean Granger, car vous étiez perdue. En échange de valeur, je vous aiderai à retrouver votre chemin.
Entendre son nom complet répété dans chaque phrase du génie agaçait Hermione.
- Je n'ai jamais lu cela, dans aucun livre, s'acharna-t-elle.
- Tout le savoir de ce monde ne réside pas dans les livres, Hermione Jean Granger, siffla le génie. Vous, qui lisez tant, devriez le savoir mieux que quiconque.
Le visage de Ron s'imposa à son esprit. Elle avait commencé à s'interroger le jour même où elle l'avait embrassé. Pendant des années, elle avait fantasmé leur premier baiser, et alors qu'elle touchait son rêve du bout des doigts, un désir de fuite pressant s'était imposé à son esprit. Effectivement, aucun livre ne l'avait préparée à cela. Et Hermione avait fini par céder à son angoisse : elle l'avait quitté. Désormais, le désir qu'elle éprouvait pour lui avant le début de leur relation était revenu. Elle devait le retrouver. Avec l'aide de ce génie… Peut-être que leur histoire n'était pas perdue ?
Si Fred n'était pas mort cette nuit-là, Mrs Weasley n'aurait pas été hospitalisée. Et alors Ron n'aurait pas perdu les pédales. Certes, Ron avait toujours été fragile... Mais changer cet aspect de sa personnalité serait revenu à changer Ron tout entier. Si elle ne pouvait pas changer Ron, elle pouvait peut-être, grâce à ce génie, remonter jusqu'à la source du mal.
- D'accord, je vais passer un marché avec vous, murmura-t-elle.
- Pardon ? susurra le génie.
- J'ai dit que j'étais d'accord, je... je vais passer un marché. Avec vous, répéta-t-elle plus fort.
Un fauteuil en chintz apparut dans son dos. Le génie lui fit signe de s'asseoir, tandis qu'il se hissait lui-même sur un autre fauteuil, face à elle. Les sapins se transformèrent en murs peints derrière lesquels disparurent les trophées du maître des lieux.
- Que désirez-vous, Hermione Jean Granger ? demanda alors le génie.
Selon le génie, Hermione n'avait pas le choix : elle devait faire un vœu pour quitter cet endroit. Et elle pouvait faire n'importe lequel. Croisant les doigts pour que le prix ne soit pas trop élevé, elle formula son premier vœu :
- Je voudrais connaître la vérité à votre sujet.
Le génie grimaça.
- Très bien, Hermione Jean Granger.
« Un. »
Le génie était né dans le nord de l'Ecosse. Il n'avait jamais été enfant il était venu au monde dans son corps actuel. Pas de parents. Juste un œuf brisé et une magie étrange qui tourbillonnait autour de lui. Il avait erré pendant des centaines d'années, cherchant une terre d'accroche les génies ne pouvaient pas s'installer n'importe où. Visiblement, leur nature les contraignait à mener une vie fort particulière. Un jour, le génie qui occupait la Forêt Perdue depuis de longs siècles était mort. Le génie d'aujourd'hui avait pris sa place.
D'autres images déferlèrent dans l'esprit d'Hermione. Une jeune femme donnait le cercueil de son fiancé pour avoir la possibilité de trouver un homme comme lui. Puis c'était une adolescente qui troquait tristement sa vieille peluche contre un ami, et un vieil homme qui échangeait toutes les photographies de sa femme défunte contre le pardon de son fils. Le génie extrayait une magie puissante de ces objets et en tirait un plaisir sauvage. Hermione le voyait caresser les photos du bout de ses doigts griffus et les protéger d'un autre génie qui tentait de les lui voler.
Un jour, un visiteur de la Forêt Perdue s'était révolté. Il avait jeté un maléfice au génie. Hermione regarda le sort traverser l'air en sifflant et atteindre le génie de plein fouet dans une explosion de lumière rouge. Quand la lumière retomba, le génie était toujours là, apparemment furieux, mais sauvé des effets du sort. Il déclarait à son invité que, comme tous les êtres de son espèce, il était parfaitement immunisé contre la sorcellerie. Immunisé ! Un son aigu retentissait soudain aux oreilles d'Hermione, l'invité portait ses mains à sa tête, il hurlait... et tout devenait noir.
Cet homme n'était pas mort, mais il avait souffert. Le génie l'avait obligé à faire un vœu et à le payer de sa fertilité. L'idée de devoir renoncer à toute descendance fit frémir Hermione. Toutefois, pour cet homme, cela devait constituer un drame autrement plus important puisqu'il se suicida une semaine après sa visite dans la Forêt Perdue. Il avait beau s'en être pris au génie, il ne méritait pas un tel destin. La peur et l'indignation se succédèrent dans le cœur d'Hermione. Grâce à ce génie, elle avait peut-être une chance de retrouver Ron. Mais à quel prix ?
- J'ai réalisé votre premier vœu, Hermione Jean Granger. Il vous en reste deux.
Elle était de retour dans la salle aux fauteuils de chintz.
- Vous êtes insensible à la magie ? demanda-t-elle au génie.
- A la sorcellerie, rectifia-t-il. Une insensibilité à toute forme de magie m'empêcherait de pratiquer mon art.
- Je vois.
- Avez-vous un deuxième vœu, Hermione Jean Granger ?
L'intéressée plongea ses yeux dans le regard blanc du génie.
- J'en ai un, mais auparavant, je voudrai vous poser une question, dit-elle. Suis-je... obligée de formuler tous mes vœux aujourd'hui ? Ou puis-je en garder un pour plus tard ?
Le visage du génie se crispa.
- Rien ne vous interdit de ne faire que deux vœux, répondit-il.
- Je ne veux pas faire seulement deux vœux, je veux réserver le troisième pour plus tard, insista Hermione. Si jamais j'aggrave la situation, je peux pouvoir annuler le mal que j'aurai causé. Vous comprenez ? Je veux pouvoir revenir en arrière.
- Je ne crois pas, Hermione Jean Granger.
- Vous m'avez dit que je pouvais réaliser trois vœux. Si vous ne me laissez en réaliser que deux, c'est du vol ! martela-t-elle.
Son interlocuteur grimaça. Touché !
- Marché conclu, Hermione Jean Granger.
- Dans ce cas, je veux que vous me donniez le moyen de sauver Fred Weasley, le frère de Ronald Weasley, déclara-t-elle.
Un sourire tordu s'étala sur le visage gris du génie.
- Je peux vous apporter cela, Hermione Jean Granger, en échange de valeur. Je veux une chose à laquelle vous tenez... vraiment beaucoup.
Elle tenait à Ron, à Harry, à ses parents, à Pattenrond...
- Je ne parle pas d'êtres vivants et libres, mais d'objets qui vous appartiennent, poursuivit le génie comme s'il avait lu dans les pensées d'Hermione. Souvenez-vous, souvenez-vous de tous ces moments heureux de votre vie...
Lorsqu'Hermione lançait le sortilège du Patronus, elle se souvenait du jour où Macgonagall avait frappé à la porte de la maison de ses parents, neuf ans plus tôt. Ce jour-là, Hermione avait appris qu'elle était douée de magie. Le lendemain, elle avait vu pour la première fois le Chemin de Traverse et ses boutiques farfelues. Elle était entrée chez Ollivander's, le vendeur de baguettes, pour choisir la sienne. Et quand elle l'avait trouvée, elle avait tout de suite su que ce serait celle-ci. Elle avait senti la magie couler comme de l'eau chaude le long de son bras.
« C'est ça que je veux. »
Hermione entendait la voix du génie dans sa tête mais ne le voyait plus. L'effroi la saisit quand elle cru comprendre ce qu'il voulait : sa baguette. Mais Hermione se trompait.
« Je veux votre magie. Je veux maîtriser et sentir la magie des sorciers. »
Elle ne pouvait pas donner sa magie ! Comment sauverait-elle Fred Weasley si elle perdait tout moyen de se défendre ? Ron l'accepterait-elle si elle n'avait plus sa place dans la société sorcière ?
« Il y a différentes façons de trouver sa place dans le monde. La magie est un moyen, non une fin. Ceci est mon prix, Hermione Jean Granger. »
Il n'en démordrait pas. La gorge sèche, elle chuchota :
- J'accepte.
A peine eut-elle prononcé ce mot que le froid la submergea toute entière. Comme si on lui versait un seau d'eau glacé sur la tête, elle eut l'impression qu'une partie d'elle s'éloignait, loin, très loin...
- Je vous aiderai à entrer. Ensuite, vous devrez vous débrouiller seule. Bonne chance, Hermione Jean Granger.
« Deux ! »
Le marché était scellé. La Forêt Perdue s'effaça et Hermione fut propulsée à travers le temps et l'espace. Plus tard, elle réaliserait que le désespoir l'avait poussée à une folie qui aurait pu coûter au monde sorcier bien plus que des vies innocentes. Mais pour l'instant, c'était une Hermione privée de magie et pourtant déterminée qui remontait dans son passé en croisant les doigts pour que son voyage soit couronné de succès. Deux yeux blancs la regardèrent quitter l'année en cours, quitter son époque, quitter son siècle...
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Atterrissage.
Hermione tomba à plat ventre sur un tapis de neige dur, son menton heurtant brutalement le sol. Elle se mordit la langue le goût métallique du sang se répandit dans sa bouche. Flûte. Elle se releva lentement et malgré l'obscurité, reconnut aisément le paysage : Pré-au-Lard. Face à elle se dressait une grande maison bourgeoise, éclairée de l'intérieur, qui aurait pu passer pour la Cabane Hurlante rénovée. Le goût du sang se révélant de plus en plus fort, Hermione saisit spontanément sa baguette et prononça le sortilège de soin.
Rien.
Elle ne sentait plus sa magie. Elle l'avait bel et bien perdue. Comment était-ce possible ? Comment avait-on pu lui voler ses capacités magiques ? Le jour où Macgonagall était venue lui annoncer sa nature de sorcière, Hermione avait eu si peur d'une potentielle plaisanterie qu'elle avait d'abord refusé de la croire. Puis elle avait tenu sa baguette pour la première fois... et elle avait compris que tous ses rêves devenaient réalité. Elle avait compris qu'elle était douée de magie, qu'elle pourrait faire des choses grandioses.
Hermione tourna sa baguette entre ses doigts.
Ce ne serait peut-être plus jamais qu'un vulgaire bout de bois, mais elle la garderait tout de même. Si elle réussissait sa mission, elle pourrait peut-être demander au génie de faire d'elle une sorcière ? Cela n'impliquerait pas son paiement, et peut-être n'aurait-elle pas des pouvoirs aussi puissants que ceux dont elle avait hérité à sa naissance et qu'elle avait appris à maîtriser... Peu lui importait. L'idée de renoncer pour toujours à la magie était insupportable. Le génie lui avait volé l'objet de son Patronus. Elle refusait d'avoir perdu la puissance, la force de ce souvenir-là.
En attendant, que faire ? Si c'était à Pré-au-Lard que le génie l'avait envoyée, c'est qu'il s'agissait de l'endroit où elle serait la mieux placée pour débuter sa mission. Mais Lord Voldemort rôdait et Harry, Ron et elle étaient en fuite. De nombreux Mangemorts devaient se promener un peu partout : la prudence était de mise. Elle leva les yeux vers la voûte céleste piquetée d'étoiles. Il faisait nuit et elle ne pouvait guère voler de la nourriture, comme elle l'aurait fait du temps où elle était sorcière. Même modifier son apparence lui était impossible.
Alors la solution lui vint. Il y avait à Pré-au-Lard un pub où elle savait avoir des alliés. A la clarté de la lune, la reconnaître serait plus difficile si elle se dépêchait, tout irait bien. Hermione rentra ses cheveux dans le col de son manteau, baissa la tête et prit le chemin de la Tête de Sanglier.
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Dès qu'elle s'engagea dans les rues encore animées de Pré-au-Lard, Hermione décela des indices qui lui mirent la puce à l'oreille.
De larges bougies en cire d'abeille remplaçaient les lanternes magiques habituelles. En cette veille de Noël, les passants se promenaient joyeusement, apparemment très tranquilles à l'idée de croiser un Mangemort. Ils étaient habillés de façon ringarde, comme sur une vieille photo familiale. Certaines maisons étaient délabrées tandis que d'autres semblaient en meilleur état que dans les souvenirs d'Hermione. A la place de Honeydukes, il y avait un restaurant dont les tables en terrasse étaient couvertes de neige. Une pancarte indiquait que le propriétaire s'absentait pendant les fêtes.
- Des tartines au foie de dragon pour la jolie dame ?
Hermione sursauta. Le marchand édenté près duquel elle venait de passer tenait un stand miteux dont se dégageait une odeur douteuse. C'était étonnant qu'il ne cherche pas à être plus discret : vendre du foie de dragon était interdit depuis que le dragon avait été reconnu comme espèce protégée, lors du congrès de mai 1951 au ministère magique de Viennes. Savait-il le risque qu'il prenait en proposant du foie de dragon à une passante ? Une amende de mille Gallions et deux ans d'emprisonnement à Azkaban.
Hermione frissonna. Et si cela n'était pas encore interdit ?
Avait-elle pu atterrir avant 1951 ? Mais en quelle année était-on ? Le marchand portait le même béret que le grand-père d'Hermione ! Elle avait pensé que le génie l'enverrait deux ans en arrière, peu de temps avant ce jour tragique où Fred Weasley avait trouvé la mort. Petit à petit, elle constatait qu'elle avait voyagé plus profondément dans le temps. Fred Weasley avait-il été condamné à mourir dès le début de la guerre ? Devrait-elle tuer celui qui l'avait tué ? Devrait-elle empêcher la naissance de celui qui l'avait tué, ou quelque chose dans ce goût-là ?
A quelle époque ce crétin de génie l'avait-il envoyée ?
- Du foie de dragon ?
- Non, merci, rétorqua Hermione. Mais je veux bien vous donner un Gallion si vous me donnez la date complète d'aujourd'hui.
- Pour un Gallion, Murdoch veut bien donner la Gazette à la jolie dame ! répondit le vendeur d'un air idiot. Murdoch ne sait pas lire de toute façon ! Et si la jolie dame veut du foie de dragon, Murdoch lui offre une tartine, oh oui ! Dommage que la jolie dame n'ait pas l'air d'aimer le foie de dragon...
Hermione posa un Gallion sur le comptoir – en réalisant au même moment qu'elle n'en avait qu'une dizaine – et le bonhomme lui tendit son journal.
« LA GAZETTE DU SORCIER - Jeudi 24 Décembre 1942 »
- Non... murmura Hermione.
En première page, la photo d'un homme au menton pointu toisait Hermione d'un air méprisant. « Grindelwald en Angleterre : la rumeur se confirme ! » Le titre était suivi d'un long texte dans lesquels les mots « Aurors » et « Ministère » revenaient régulièrement. Hermione avait bel et bien émigré vers une époque où la guerre faisait rage, mais ce n'était pas la guerre contre Voldemort. A cette époque, Grindelwald faisait trembler le monde sorcier. Il serait normalement vaincu en 1945, soit deux ans et demi plus tard.
Mais par Merlin que faisait-elle ici ? Fallait-il aller si loin pour sauver Fred Weasley ? Voldemort n'existait même pas !
- Je... Je vous remercie, souffla-t-elle au vendeur. Il faut que je... que j'y aille. Merci.
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Hermione erra dans Pré-au-Lard pendant plusieurs heures. Les rues se vidèrent petit à petit de passants lui accordant des regards surpris et curieux. A présent, se disait-elle, leurs choix vestimentaires prenaient tout leur sens. C'était elle la marginale. Noël 1942 ! La Gazette que le vendeur de foie lui avait donnée aurait pu être un exemplaire antique, mais les affiches de fermeture accrochées aux portes des magasins confirmaient la date y figurant. Elle avait voyagé non pas deux ans dans le passé, mais cinquante-sept ans dans le passé.
L'avantage, c'est qu'elle n'avait plus à s'inquiéter de croiser son double : elle n'était pas encore née. Ses parents non plus n'étaient pas encore nés. Et ses grands-parents portaient des couches culottes.
Ses pas la conduisirent jusqu'à l'entrée de la Tête de Sanglier. Elle n'aurait pas reconnu le pub si l'emplacement avait été autre. En son temps, de longues fissures parcouraient les vieux volets d'un gris sale là, les volets étaient d'un rouge propre et éclatant. Tout était en meilleur état, jusqu'à l'enseigne en bois sur laquelle était dessinée la fameuse tête. L'habituelle odeur de chèvre était absente. Hermione soupira sa magie lui manquait plus que jamais. En d'autres circonstances, elle aurait apprécié de pouvoir découvrir Pré-au-Lard de cette façon.
Mais non. A cet instant, elle avait froid et comptait mentalement combien de jours elle pourrait tenir avec dix Gallions en poche. Que ce soit ici ou non qu'elle soit sensée remplir sa mission, que le génie soit ou pas un usurpateur, peu importait désormais : Hermione devait se secouer. Trouver une solution. Comprendre ce qu'elle faisait là. Non, le génie n'était sans doute pas un menteur elle saisirait plus tard le sens de son retour dans le passé. Sa magie n'avait jamais été sa seule ressource sa bonne connaissance de l'Histoire l'aiderait. Elle s'en sortirait.
N'est-ce pas ?
La porte s'ouvrit soudainement sur une grande serveuse aux lèvres rouges.
- Bonjour, dit-elle. Si vous cherchez le menu, nous l'avons rentré à l'intérieur. La neige lavait l'ardoise chaque fois que Mr Jocelin venait de réécrire la liste des boissons. De quoi s'arracher les cheveux, si vous voulez mon avis. J'ai du mal à croire qu'il existe des sortilèges pour faire pousser les ongles tandis qu'aucun ne peut nous protéger de ce genre de désagrément.
- Vous n'avez jamais essayé un sortilège de conservation ? suggéra Hermione.
La serveuse fronça les sourcils.
- Je n'y ai jamais pensé, avoua-t-elle. J'en parlerai à Mr Jocelin. Êtes-vous américaine ? Vous êtes habillée un peu comme ma tante qui vit à New York. Excusez-moi, je devrais vous laisser entrer, ajouta-t-elle en s'écartant. Mon patron dit que j'ai tendance à trop parler. Je crois que c'est une tradition familiale, ma mère est pareille, ma tante - c'est la sœur de ma mère –est encore pire que moi, il parait que ses voisins new-yorkais l'évitent, oh, ce n'est peut-être qu'une rumeur lancée par mon cousin mais je ne serai pas surprise si c'était vrai.
Le parquet grinça. Hermione constata que l'intérieur était toujours aussi petit et les tables serrées en revanche, peu de poussière troublait les fenêtres et couvrait le sol. La caisse enregistreuse en bois installée derrière le comptoir choquait moins que dans le futur et l'escalier semblait en meilleur état. Les gros bouquets de pissenlits disposés sur les tables la surprirent davantage que la présence de deux hommes masqués au fond de la pièce. Le propriétaire actuel des lieux n'était pas encore Abelforth, ce qui expliquait sa propreté relative ; en revanche, la clientèle restait la même.
Quelque part, elle était contente qu'Abelforth ne soit pas encore le propriétaire du pub et que celui-ci soit entretenu. L'idée de dormir parmi les punaises ne l'aurait guère enchantée.
- Bonnie ! tonna une voix depuis l'escalier. Le ménage dans la chambre de Mel ! Ce fou a mis du beurre partout !
- J'arrive ! lança la serveuse. Asseyez-vous, ajouta-t-elle à l'intention d'Hermione, Mr Jocelin va venir s'occuper de vous, enfin, je pense.
Elle passa derrière le comptoir, s'essuya rapidement les mains sur le torchon et monta les escaliers. Hermione jeta un coup d'œil à l'ardoise. Les prix exercés par la Tête de Sanglier étant plutôt bas, elle pourrait se payer une nuit, peut-être deux, et quelques repas légers, avant que son porte-monnaie ne soit vide. A présent, il fallait qu'elle trouve un emploi. Peut-être était-il judicieux de demander un rendez-vous avec Dumbledore et de lui proposer ses services à l'école ? S'il acceptait, Hermione serait logée, nourrie et protégée.
Elle était instruite. Elle ne réclamait pas de salaire mirobolant. Elle saurait le convaincre.
Un homme au visage long et pâle descendit les escaliers et posa sur elle deux yeux noirs. Une cicatrice gonflée lui barrait le visage. Hermione déduisit à son allure qu'il s'agissait du propriétaire des lieux, Mr Jocelin.
Finalement, elle préférait peut-être Abelforth.
- Vous venez passer la nuit chez moi ?... demanda-t-il d'une voix sinistre.
Elle préférait bel et bien Abelforth.
- Une chambre, répondit-elle. La plus petite que vous ayez. Je n'ai pas beaucoup d'argent.
- Si vous acceptez de prendre une chambre beurrée comme une biscotte française, ce sera gratuit... gronda-t-il.
- Merci mais je préfère payer, se ravisa Hermione.
Il ouvrit un tiroir situé derrière le comptoir et en sortit une vieille clef portant le numéro « 2 ».
- Première chambre à gauche en haut de l'escalier... annonça-t-il d'un air grave.
- Je vous dois combien ?
Il montra du doigt une feuille accrochée à la poutre par un clou rouillé. Sur celle-ci étaient inscrits tous les tarifs des chambres et des différents services pouvant être demandés par les clients. Une nuit coûtait deux Gallions et six Mornilles.
Hermione posa l'argent sur le comptoir, prit la clef et la glissa dans sa poche.
- Excusez-moi, reprit-elle tandis que Mr Jocelin rangeait la monnaie dans le tiroir-caisse. Je voudrais également prendre rendez-vous avec le directeur de Poudlard. Pouvez-vous lui faire parvenir ma demande ?
Mr Jocelin grogna. Hermione n'avait, cette fois, besoin que d'un peu de chance. S'il acceptait d'appeler le directeur et si le directeur venait, elle tiendrait son opportunité.
L'homme s'immobilisa soudain.
- Vous venez pour le poste ? demanda-t-il.
Un poste vacant à Poudlard ? C'était trop beau pour être vrai !
- Oui, c'est ça, répondit Hermione.
Mais si sa candidature nécessitait qu'elle utilise la magie ?
- Peut-être, ajouta-t-elle précipitamment. J'ai des conditions, évidemment...
- Vous discuterez de cela avec lui... la coupa Mr Jocelin.
Malpoli !
- Le professeur Dippet viendra demain à dix heures... annonça-t-il de sa voix sourde. Après son départ, vous pourrez passer Noël ici... Nous proposons une assiette de sanglier à la purée de champignons avec un jus de citrouille pour les fêtes et pratiquons un tarif réduit pour ceux qui occupent une chambre...
- Merci.
Evidemment. Dumbledore était devenu directeur après l'arrestation de Grindelwald. A cette époque, c'était donc Armando Dippet qui occupait le grand bureau. Hermione se sentit d'abord déçue, ensuite soulagée. Cacher ses origines serait plus aisé face à Dippet que face à un legilimens comme Dumbledore. Elle hocha la tête avec l'impression désagréable que quelque chose lui échappait... Quelque chose en rapport avec le professeur Dippet. Quelque chose qu'Harry lui avait dit. Tant pis, ce n'était pas grave elle verrait cela plus tard.
- Patron ! s'écria Bonnie dans les étages. Il y a un korrigan ligoté sous le lit de Mel !
- J'arrive... lâcha Mr Jocelin dans un soupir.
Et sans une attention de plus pour sa cliente, il tourna les talons et prit l'escalier.
Hermione jeta un coup d'œil aux hommes masqués qui discutaient dans le fond de la salle. L'un d'eux tourna la tête vers elle et leva sa chope, comme pour la saluer, avant de revenir à ses affaires. La jeune femme contourna le comptoir et gravit les marches. Première porte à gauche. Elle enfonça la clef dans la serrure, poussa le battant et le referma derrière elle. La chambre était petite un lit double était accolé à une fenêtre donnant sur cour. Hermione réalisa qu'elle n'avait pas de vêtement de rechange. Ses Gallions allaient vite partir...
Hermione se laissa tomber sur le lit. Moins confortable qu'à Poudlard, mais sans doute plus confortable que les pavés des rues adjacentes à l'allée principale de Pré-au-Lard. D'ailleurs, quand elle y pensait, son arrivée en 1942 alors que Dippet cherchait du personnel n'était sans doute pas hasardeuse. « Je vous aiderai à entrer. » Le génie avait sans doute parlé de Poudlard. Il ne l'avait pas envoyé à cet endroit, et ce jour-là, par erreur. Oui, c'était certain ! Elle devait absolument obtenir ce poste vacant à Poudlard.
Epuisée, Hermione se déshabilla rapidement et se glissa sous les draps. Ils étaient usés et grattaient chaque parcelle de peau nue mais l'épuisement la rendait peu exigeante. Elle espérait que son voyage lui permettrait de sauver Fred Weasley, quelle qu'en soit la manière. Elle espérait que sa rencontre du lendemain avec le professeur Dippet serait salvatrice. Elle espérait que sa candidature à ce poste ne nécessiterait pas qu'elle fasse démonstration de magie. Et c'est sur toutes ces pensées, tous ces désirs, qu'elle sombra dans un sommeil profond.
Hermione dormit bien cette nuit-là.
Elle dormit bien car elle était loin d'imaginer à quel poste elle venait de proposer sa candidature.