Home Sweet Home...

Hello !


Pairing Principalement des O.C. Et en fond : Théodore Nott / Hermione Granger ; Harry Potter / Ginny Weasley ; Ronald Weasley / Luna Lovegood ; Drago Malefoy / Astoria Malefoy ; Drago Malefoy / Pansy Parkinson…

Genre Romance & Suspens. Et puis, c'est censé faire un peu peur parfois… Juste un peu.

Rating M. Ne nous voilons donc pas la face… Ce sera sanglant & citronné.

Disclaimer Le monde & les personnages adultes appartiennent à J.K. Rowling. Je prends en compte tout ce qu'elle a écrit, y compris le tome 7.

Remerciements Sébastien [Extra-Correcteur-de-Géni qui pourrait se recycler comme Correcteur dans une maison d'Edition] ; Annabelle [Directrice Musicale –titre attribuée par elle-même & qui m'a paru logique puisqu'elle m'a grandement aidé à choisir les titres de la Playlist.] ; Yagaëlle [Lectrice de Premier Ordre & Correctrice également] ; Lenou [Bestouillette se devant de me supporter quand je crise contre mes personnages & Soutiens Extraordinaire lorsqu'il s'agit de les critiquer avec moi…]

Note de l'auteure Et oui… Bewitch_Tales le retour. J'ai hésité, encore et encore, et puis certains d'entre vous m'ont envoyés de gentils petits mots disant qu'ils m'attendaient alors… Puisque je n'aime pas faire attendre les gens. Enfin, ça se trouve, j'ai tellement patienté que du coup quand vous avez reçu le mail d'alert [Si c'est le cas], plusieurs d'entre vous se sont interrogés : Qui c'est, elle, déjà ? xD

J'ai commencé cette fiction en avril, après avoir eu l'idée en février. Je rêvais de réécrire une fiction sur des personnages O.C. Ensuite… J'ai voulu mettre un peu plus de suspens que d'habitude. Et puis, j'ai voulu glisser une histoire Gay [Mais pas joyeuse.] aussi –parce que je ne l'ai jamais fait & que Violet me l'a demandé… [Si Si !]

Quoi qu'il en soit… J'espère franchement qu'elle vous plaira & que vous parviendrez à me motiver & à demander à l'Inspiration de cesser de partir en vadrouille !

Cette fiction est à moitié écrite & corrigée presque immédiatement. Elle comportera un prélude –ici [Et au cas où vous poseriez la question, j'ai choisi le terme « Prélude » parce que ça ne ressemble pas vraiment à mes prologues habituels…] 10 chapitres & un épilogue. Cela peut paraitre court, mais vu la longueur étonnante des chapitres, je crois que vous aurez bien le temps de savourer cette histoire… :D Je posterais au rythme d'un chapitre toutes les deux semaines pour commencer, mais si je constate que l'Inspiration me soutient, je posterais toutes les semaines. Normalement les jeudis –je tenterais de m'y tenir.

Le résumé n'en est pas vraiment un... C'est juste une citation -celle d'un chapitre futur- étant donné que les résumés & moi, ça fait définitivement deux ! Je ne suis pas douée du tout pour ça... Donc, il sera peut-être retravaillé, selon les propositions futures de certains ! x)

Sur ces mots, je vous laisse à votre lecture, tout en souhaitant une bonne rentrée à tous les petits sorciers ! -Et aussi aux moldus, d'accord...


Schizophrenia

Prélude à la Schizophrénie


haine

rage

les mots griffés

traces sanglantes de ma voix déchirée

haine

rage

accrochée à mon ventre

étranglée dans ma gorge

haine

rage

à hurler contre les murs

à percer les tympans

j'arrive pas à l'empêcher

à la domestiquer

tout casser

haine

rage

froidement

{ Bernard Friot & Catherine Louis – Extrait de « Pour Vivre » }


Musiques du Chapitre : World Trade Center piano theme by Craig Armstrong ; Sweet Dream interprété par Emily Browning.


14 Janvier 2005.

Lorsque la guérisseuse posa Adam dans les bras d'Hermione, celle-ci fondit en larmes. Elle ne semblait pas croire en sa chance. Après des mois de souffrances et de peur, elle tenait enfin son miracle tout contre sa poitrine. Ce petit être si parfait la scrutait de sous ses cils noirs en pleurant à en faire trembler les murs. Et pourtant, aucun son, aucun moment de son existence ne lui avait jusque-là parut assez beau pour faire concurrence à celui-ci.

Ses doigts frêles et tremblant se levèrent jusqu'à caresser les boucles brunes et humides qui s'entortillaient au-dessus du crâne du nouveau-né et elle l'écouta crier en essayant de chasser ses larmes.

Elle releva la tête pour finalement adresser un sourire resplendissant à son époux. A l'autre bout de la pièce, Théodore Nott tentait vainement de conserver un peu de cette fierté Serpentesque qui lui avait permis de séduire Hermione. Il s'essuya les yeux dans la manche de sa chemise et tenta de cesser de sourire bêtement, mais ne pouvait s'en empêcher.

Pour la première fois de sa vie, il ne contrôlait pas son corps le moins du monde. Que ce soit à cause du bonheur et non d'un sortilège l'émerveilla quelque peu et il finit par s'avancer vers sa femme. Il glissa tendrement sa main dans ses cheveux qui étaient plus incontrôlables que d'habitude et déposa un baiser sur son front moite de sueur. Étonnement, elle n'avait jamais été aussi belle à ses yeux.

Il reporta finalement son attention sur le tout nouveau membre de leur famille, le premier être à réellement concrétiser une liaison datant de cinq ans déjà. Peut-être qu'enfin, les gens croiraient en leur couple. Peut-être qu'enfin, les amis de son épouse reviendraient vers elle. Peut-être qu'enfin, tout irait bien.

Adam laissa échapper un bout de langue tout en cessant de pleurer et Théodore eut presque l'impression qu'il se moquait de lui. Il esquissa un sourire avant de saisir l'enfant dans ses bras, l'arrachant momentanément à la poigne d'une mère qu'il imaginait déjà ultra-protectrice et envahissante. Il le jaugea quelques secondes, comme pour un examen, et constata que le bébé avait les sourcils « Nott », si épais et droits que ces hommes semblaient toujours les froncer. Cette réflexion lui arracha un rire et il murmura tout en serrant son fils contre lui :

« Bienvenue à toi, Adam Colin Nott. »


12 Août 2009.

Théodore regarda son fils dans les yeux, avec une fierté manifeste. Il resserra soigneusement le nœud de cravate du garçonnet qui se tortillait avec un malaise grandissant, puis lui ébouriffa les cheveux en un geste paternel quotidien. Adam secoua la tête pour lui échapper, aussi sauvage que depuis le jour de sa naissance, puis se redressa avec une certaine arrogance, peu habituelle chez un enfant de quatre ans. Il fixa son père de ses immenses yeux vert-de-gris, presque violent de cette simple œillade, puis détourna le regard.

Il observa le décor à travers les fenêtres salies par la poussière et sentit la peur se former dans sa gorge à l'idée seule du monde qui l'oppresserait au dehors. Il imagina les adultes, si géants par rapport à lui, si minuscule. Ils le bousculeraient sans y prêter attention, lui feraient mal peut-être sans le vouloir, puis apprendraient son nom et lui adresseraient ce regard empreint d'une pitié terrifiante. Ils murmureraient tous : « Après tout, ce n'est pas de sa faute si ses parents sont si… ». Ils changeaient toujours le dernier mot. Mais aucun n'était gentil. Jamais.

Adam sentit la bille lui monter aux lèvres alors qu'un filet de sueur courait sur sa joue. Il réalisa quand son père l'essuya qu'il s'agissait d'une larme et recula d'un pas avant de fusiller l'adulte du regard. Le geste de repli ne choqua qu'à peine Théodore qui s'était depuis longtemps habitué à cette manie qu'avait Adam de refuser tout contact physique. Un pincement au cœur se fit malgré tout ressentir, et il tenta de conserver la façade de calme si bien étudiée au long des années.

« Ne t'inquiètes pas, fiston. Ça va aller. Ce n'est qu'un mariage après tout ! »

Adam ne prit même pas la peine de répondre tant cette réplique lui parut absurde. Mais il aurait pu répliquer mille choses à son père, plus méchantes les unes que les autres. Que d'abord, un mariage était une chose trop importante pour être précédée de l'adverbe « que ». Et qu'ensuite, ce n'était pas celui de n'importe qui. Qu'il s'agissait du mariage de George Weasley, frère de Ron Weasley, lui-même ancien fiancé de sa mère… Et malgré son jeune âge, Adam comprenait parfaitement qu'un adulte au cœur brisé ne souhaite voir son ex-fiancée au sein de sa propre famille.

De plus, la plupart des membres participant à la fête n'apprécieraient pas davantage la présence d'Hermione. Molly Weasley avait tenu à l'inviter, la considérant toujours comme sa fille, malgré tout ce qu'elle avait fait. Les autres, par contre, la traiterait –ainsi que son fils et son mari- comme des parias.

La vision de cauchemar et de captivité qui s'était imposée à lui un peu plus tôt se transforma pour se teinter de dizaines de chevelures rousses.

Pourtant, lorsque son père glissa sa main dans la sienne, il n'y échappa pas. L'impression de protection qui l'entoura momentanément le rassura plus que jamais et il fut heureux que Théodore n'abandonne pas l'idée de le traiter comme un enfant normal. Malgré tous ses refus de parler, jouer, ou quoi que ce soit d'autres ayant un rapport avec une quelconque forme de sociabilité, il continuait à essayer d'approcher son fils. Et parfois, Adam se laissait apprivoiser au cours d'un instant.

Comme lorsqu'il avait peur.

Lorsqu'ils atteignirent le jardin du célèbre Terrier, déjà rempli de monde, Adam serra la main de son père plus fort. Son souffle se coupa dans sa poitrine et il eut bientôt l'impression de manquer d'air. Il fut pris d'une furieuse envie de se mettre à hurler ou pleurer, mais les regards des autres l'en empêchèrent. Alors il ferma les yeux, jusqu'à voir apparaitre de petites étoiles de couleurs brillantes.

Il se laissa tirer parmi la foule, sans jamais regarder où il allait, trop effrayé de ce qu'il pourrait lire sur les lèvres d'adultes médisants. Il se renferma sur lui-même, oubliant d'écouter les ragots qui heurtaient son père sur leur passage. Il sentit les muscles de ce dernier se tendre, mais jamais il ne perdit le contrôle.

Il fut rapidement soulevé et posé sur une chaise, tel un objet perdu qu'on aurait ramené près de sa mère. Il sentit les ongles de cette dernière frôler sa nuque, telle une paire de ciseaux glacés qui coupait virtuellement les boucles trop longues qui poussaient toujours si vite.

Rassuré pour de bon, il ouvrit à nouveau les yeux. Ils étaient au deuxième rang, entourés de tignasses orange et auburn. Mécaniquement, il rechercha la main de son père et celui-ci la lui tendit avec un petit sourire presque prétentieux. Il sentit sa mère rire. Son regard passa un instant d'un parent à un autre, de son père et son air hautain, à sa mère et son ventre arrondi par une seconde grossesse, et il baissa les yeux sur ses chaussures.

Il ne releva la tête que lorsque l'orchestre se mit à jouer une ballade mortellement ennuyeuse sans nulle doute choisie par la mariée –il était impossible que ce soit par un quelconque Weasley. Les demoiselles d'honneur se mirent à avancer dans l'allée, toutes si souriantes qu'Adam se demanda si elles n'en souffraient pas. Il les observa sans réel intérêt, tout en ayant l'impression d'assister à l'un des nombreux diners protocolaires organisés par son grand-père paternel.

Pourtant, toutes similitudes avec ces évènements détestables qu'il craignait plus que la foule et les Weasley réunis disparurent à l'apparition de l'une des enfants d'honneur. Parmi les rouquins à l'allure dégingandée qui piétinaient amèrement vers l'autel, une fillette sans doute à peine plus jeune que lui maintenait les alliances sur un petit coussin qu'elle prenait garde à ne pas faire tomber. La langue hors des lèvres, elle paraissait si concentrée qu'il se demanda comment elle pouvait marcher et réfléchir en même temps. Et puis, il constata qu'elle n'avait pas réellement l'air à sa place dans ce cortège. Elle était la seule fille, semblait plus jeune que les autres, et n'arborait pas du tout la même couleur de cheveux. Son chignon de fleurs blanches et roses maintenait une épaisse chevelure blonde foncée, marquée par quelques rarissimes reflets roux. Son petit nez retroussé couvert de taches de rousseur se fronçait à chaque fois qu'elle s'heurtait à un nid-de-poule et elle avait l'air de maugréer mentalement contre ce manque cuisant d'organisation.

Adam ne parvint pas à détacher son regard de cette petite fille, qui s'arrêta finalement auprès des demoiselles d'honneur. Et alors que tous se tournaient pour observer la mariée, il la scruta encore, imprimant mentalement chaque détail de son visage dans son esprit, si bien qu'il aurait pu le reproduire à la perfection s'il avait su dessiner. Étrangement, il rêva d'apprendre à le faire pour recréer cet instant unique. Les murmures de la foule enflèrent autour de lui à l'apparition féérique de la mariée, mais là encore, il ne quitta pas la fillette des yeux.

Miraculeusement, elle finit par croiser son regard. Et elle lui adressa le plus beau sourire qu'il n'eut jamais vu. Peu importa à l'instant qu'elle ait les deux dents de devant légèrement écartées, ou qu'une fossette creuse son menton à cause de ses rondeurs enfantines. Elle lui sembla tout droit sortie d'un conte. Ses joues s'enflammèrent et pour la première fois de son existence, sa gorge se serra pour une toute autre raison que la peur. Un timide sourire fendit ses lèvres et son cœur s'emballa, prêt à s'envoler.

Lorsque l'enfant s'arracha à son regard pour porter les alliances aux mariés, il réalisa qu'il ne voyait plus le temps passer. Et alors que la cérémonie touchait à sa fin et que sa mère tamponnait ses yeux humides de larmes de joies, il chercha encore la petite fille aux bagues du regard, sans parvenir à la retrouver parmi les personnes qui s'agglutinaient autour des nouveaux mariés.

Il faillit se mettre à pleurer, comme un bébé qu'il ne pensait plus être, mais déjà sa mère lui prenait la main pour le conduire vers le lieu où se déroulerait la vraie fête. Ses parents lui parlaient, mais il était trop assourdi par ses pensées pour les entendre. Pour la toute première fois depuis longtemps, les remarques assassines qui courraient sur son passage ne l'atteignirent même pas.

Ses parents l'abandonnèrent auprès des autres enfants et il s'installa en acceptant de boire un jus de citrouilles, son regard scrutant à travers la foule pour apercevoir la seule personne au monde qu'il souhaita voir à l'instant. Mais il ne voyait que les mioches Weasley et ceux de leurs amis, bruyants et sales, qui mangeaient avec les doigts avant de les fourrer dans leur nez, qui se bousculaient et pleurnichaient.

La déception prit une place de plus en plus grande dans son esprit.

Puis, alors qu'il s'apprêtait à abandonner tout espoir, elle apparut à nouveau et il eut l'impression d'assister à une sorte de miracle divin dont parlait la Sœur Béatrix à son école. Il n'accorda même pas un coup d'œil à ses parents et la vit s'approcher de lui avec un immense sourire. Lorsqu'elle se stoppa, à quelques centimètres de lui, et lui prit sa boisson pour l'avaler à toute vitesse, comme si elle mourrait de soif, il crut rêver. Puis elle sourit encore, d'un sourire qui valait tous les discours du monde.

« Moi, c'est Mily, chuchota-t-elle du bout des lèvres avec la timidité presque naïve que peuvent seulement avoir les enfants.

- Moi, c'est Adam, » répondit-il sur le même ton après s'être raclée nerveusement la gorge.

Son nom ressembla presque à un croassement et il gigota un peu avec nervosité. Jamais il n'avait espéré porter un autre nom, mais cette fois, il eut le sentiment que celui de la fillette était beaucoup plus doux à entendre, telle une comptine. Avec un naturel étourdissant, elle le prit par la main et le tira hors de la foule. Il ne se rendit compte qu'il courrait que lorsque son sang commença à battre à ses tempes. Puis il l'entendit rire et oublia la souffrance contre ses côtes. Il détestait courir.

Elle s'arrêta en le lâchant, toujours tout sourire, et s'adossa à un arbre sans cesser une seule fois de le fixer. Il ne savait pas quoi dire. Et il lui sembla que ça n'avait aucune importance. Alors, puisqu'elle le regardait, il en profita pour faire de même. Il crut discerner une nuance de jugement dans les iris bleus clairs de Mily, comme si elle cherchait à savoir s'il était digne d'elle.

Au bout d'une longue minute d'un examen, elle acquiesça comme pour elle-même et demanda d'une voix beaucoup plus courageuse :

« Tu veux bien être mon amoureux ? »

Adam se dandina d'un pied sur l'autre et haussa les épaules, son nœud de cravate lui semblant tout à coup bien trop serré.

« J'en sais trop rien… Faut faire quoi ?

- Bah… Faut s'aimer, gros bêta ! rétorqua-t-elle en un éclat de rire, comme si cette déduction était la plus logique qui soit.

- Et tu m'aimes, toi ? » s'écria-t-il en écarquillant les yeux, ne croyant pas à sa chance.

Elle l'observa, laissant une certitude immuable qui la troublerait tout au long de sa courte vie s'installer peu à peu en elle. Et sans réfléchir, du haut de ses quatre ans, elle chuchota une phrase que nombre d'adultes n'osaient prononcer :

« Bien évidemment que je t'aime. »

Un instant, Adam la fixa, sourcils froncés –encore plus que d'habitude, ce qui n'était pas une mince affaire. Mily insista du regard, en l'attente d'une réponse immédiate, mais ne désirant pas plonger dans l'inconnu, Adam l'interrogea à nouveau :

« Comme les grands ? »

Mily mordilla sa lèvre inférieure avec un air encore plus sérieux que lorsqu'elle prenait garde à ne pas lâcher les alliances. Elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, vers les adultes qui dansaient, et parut voir quelque chose d'invisible aux yeux des autres. Pendant une seconde, il crut qu'elle allait se mettre à pleurer, mais elle détourna le regard de la scène et secoua la tête.

« Non. Nous, c'est pour de vrai. »


25 Avril 2014.

Adam avança, un pied devant l'autre, sans faire le moindre bruit. Il eut le sentiment de fouler une terre sainte, de marcher dans un brouillard d'où il ne pouvait s'extirper qu'en demandant à l'aide, en oubliant sa fierté. Mais rien n'aurait plus pu lui faire renoncer à son orgueil, alors il continua de mettre un pied devant l'autre dans le long couloir sans fenêtres. Il lui sembla impossible qu'un homme vive réellement ici, même après toutes ses visites obligatoires à son grand-père Nott.

Un instant, il sentit la paume de son père contre son dos, qui le poussait à accélérer le pas. Mais il en était proprement incapable. Ses jambes alourdies par un métal imaginaire l'empêchaient de suivre l'ordre silencieux de son père, sauf si celui-ci consistait à fuir dans l'autre sens.

Pourtant, malgré tous les espoirs qu'il plaçait en cette possibilité infime, ils finirent par atteindre une porte. Les regards des ancêtres Nott depuis les tableaux lui vrillaient la peau et sa chemise de lin lui parut de plus en plus trempée. Il se noyait.

Son regard suivit la main de Théodore qui appuya contre le battant de la porte, laquelle céda trop facilement. Après l'obscurité du couloir, la vive luminosité de la chambre à coucher lui brûla les iris et il plissa les yeux en faisant un pas de plus. Il fixa son attention sur le bout de ses chaussures, juste pour éviter de regarder le spectacle qu'offrait son grand-père. Mais il lui fallut bien l'affronter, dès que son père le poussa vers le lit du vieil homme à l'allure décharnée.

Une seconde de plus et Adam osa enfin relever la tête. Tel un pantin désarticulé, le patriarche de la famille était relié à des tas de fils et tubes qui lui sortaient de partout et creusaient sa peau. Il paraissait tout petit et rapiécé sous ses draps, comme si la maladie qui le grignotait peu à peu et mâchonnait son esprit s'en prenait aussi à sa taille. Ses cheveux blancs étaient désormais presque translucides et Adam se demanda s'il n'était pas en train d'assister à sa transformation en fantôme. Il se balança d'un pied à un autre alors que le vieillard ouvrait les yeux. Aucun mot ne s'échappa de sa gorge lorsqu'il ouvrit la bouche et Adam s'efforça à bredouiller :

« Bonjour, grand-père. »

La main de l'homme tapota son épaule de façon erratique dès lors qu'il trouva un peu de force, mais ce simple mouvement parut l'étouffer et il se rendormit d'un seul coup, en un râle qui souleva son torse.

Adam se tourna légèrement vers son père qui retint difficilement une grimace, puis profita de cette seconde d'inattention pour quitter la pièce. Le bruit de ses pas claquant contre le sol fut atténué par les nombreux tapis et il s'échappa en courant presque, retrouvant l'usage de ses jambes juste pour fuir cette atmosphère d'hôpital et de mort qui l'entourait.

Souffle court, il dévala les marches de l'escalier menant au rez-de-chaussée et ne s'arrêta qu'une fois encerclé par les membres des familles les plus célèbres du monde sorcier. Il se retrouva au milieu de dizaines de robes noires d'hommes fumant et buvant en bavassant à propos de sujets plus désuets les uns que les autres et se faufila entre eux jusqu'à se glisser dans la salle à manger encore vide.

Il reprit enfin sa respiration et les battements de son cœur se régulèrent.

« Salut ! »

Il se retourna d'un seul mouvement, en un bond, et fit face à un garçonnet de son âge qu'il connaissait depuis toujours. Bartholomew Zabini. L'enfant le dépassait d'une bonne tête depuis le jardin d'enfant et sa touffe de cheveux noirs n'arrangeait rien à l'impression d'Adam d'être un gobelin à ses côtés.

« Salut… lança le petit Nott sans la moindre gaieté.

- Ça va ? Regarde, j'ai piqué la flasque de mon père dans la poche de son manteau… »

Il s'avança vers Adam et lui tendit l'objet avec un clin d'œil complice qui n'arracha au petit brun qu'une grimace mécontente. L'expérience de l'alcool ne le tentait pas encore. Et contrairement à Bart, il ne désirait pas mettre ses parents en rogne d'une quelconque manière. Ils le prenaient déjà pour un fou et l'avait envoyé chez de nombreux psychomages ces dernières années… Il n'allait pas leur donner d'autres raisons de le faire.

« Non merci… J'ai pas soif.

- Et alors ? Quand tu manges des chocogrenouilles, c'est par gourmandise et pas par appétit. Sérieux, prends-en ! insista Bart en se redressant de toute sa hauteur pour impressionner Adam.

- Merci, mais non. Je n'en veux pas ! »

Pendant une courte seconde, il eut l'impression que Bart aurait pu le frapper. Puis le métis secoua la tête avec l'air de dire qu'il n'était qu'un minable et avala quelques amères gorgées d'une seule traite. Adam se sentit brusquement mal à l'aise, comme s'il venait d'assister à la naissance d'un problème qui durerait bien des années.

« T'es qu'une lavette, Nott ! » lança finalement Bart avant de tourner les talons en éclatant de rire.

Adam poussa un simple soupir sans trouver quoi répliquer et alla s'asseoir dans un coin de la pièce, tel un enfant puni. Il se recroquevilla contre le mur et enfouit son visage entre ses genoux tout en tentant d'évacuer le parfum de médicament qui flottait encore dans ses narines. Ses yeux lui piquaient un peu et il eut l'impression d'être sur le point de pleurer, comme lorsque sa mère épluchait les oignons dès qu'elle était triste, juste pour trouver une raison valable de laisser des larmes lui échapper.

Il ne put y réfléchir davantage qu'un corps se glissa contre le sien. L'odeur de produit pour bébé lui titilla les narines et il se redressa légèrement pour accorder un rapide sourire à la fillette qui avait pris place à ses côtés. Ses cheveux blonds étaient séparés en deux tresses d'écolière studieuse qu'elle n'avait pas l'intention d'être et ses yeux grisés le jaugèrent avec cette sévérité habituelle qu'il avait appris à déceler. Cléo Malefoy. Elle lui lança un petit sourire en coin, toujours identique à celui qu'il connaissait depuis des années alors qu'il lui piquait ses poupées pour les lancer à travers des fenêtres afin de leur apprendre à voler. Elle lui avait pardonné en quelques mois. Et il s'habituait peu à peu à sa présence lors des diners mondains et autres festivités auxquels ils ne pouvaient échapper. Il remarqua une marque rouge sur sa joue et fronça les sourcils avant de s'enquérir :

« Qu'est-ce qui t'est arrivé, dis ?

- Bart a trouvé ça hilarant de me bousculer en prenant ma joue pour appui. Papa dit que c'est un crétin congénital !

- Et ça veut dire quoi ?

- Aucune idée. Mais il l'a dit avec sa grimace numéro douze. Alors c'est surement très méchant ! »

Adam acquiesça en écarquillant les yeux. En effet, la grimace numéro douze était probablement l'une des pires de Drago Malefoy. Il ne l'employait habituellement qu'en parlant de Harry Potter, qui, tous le savaient, était de loin son ennemi premier. Mais Bart n'était généralement que peu apprécié et cela n'étonnait plus personne. Cléo scruta Adam pendant un long moment, ce qui le mit dans un état de gêne totale, puis demanda avec franchise :

« Dis, t'as déjà eu une amoureuse, toi ?

- Oui. Juste une.

- Qui ?

- Mily… Tu ne la connais pas.

- Elle existe pour de vrai ? »

Adam hocha la tête avec véhémence, bien qu'il se soit posé la question à de nombreuses reprises puisqu'il n'avait jamais plus croisé la fillette avec laquelle il avait passé le plus bel après-midi de son existence. Cléo parut un peu déçue pendant quelques minutes, comme si cette révélation lui causait plus de dommages qu'elle n'aurait pu l'imaginer. Il eut l'impression d'avoir fait une bêtise et ne voulant pas la rendre triste, bégaya sottement :

« Mais je veux bien être ton amoureux aussi si tu veux ! »

Cléo se tourna si violemment vers lui qu'il comprit que ce n'était pas ce qu'elle espérait entendre. Une fois le choc passé, elle éclata de rire. Il se décomposa si rapidement qu'elle cessa de pouffer pour articuler :

« Beurk ! T'es dégoûtant ! Et puis… Je n'aime pas les garçons.

- Tous les garçons ? s'étonna Adam qui n'avait jamais entendu une telle chose.

- Tous, sauf mon papa. Mais ce n'est pas pareil… Et puis toi, t'es mon ami. Ça veut dire qu'on ne pourra jamais s'aimer pour de vrai et d'amour.

- Mais… si tu n'aimes pas les garçons, avec qui tu te marieras plus tard ?

- Avec… »

Cléo s'interrompit en plissant le front, comme si elle n'avait jamais réellement médité cette question. Finalement, elle haussa les épaules comme si ça n'avait aucune importance. Avec ses six courtes années de vie derrière elle, réaliser qu'elle n'aimait pas les garçons était déjà une grande avancée. Elle réfléchirait à la seconde option lorsqu'elle en aurait l'occasion. Mais en attendant, elle avait bien d'autres soucis à résoudre.

« Dis-moi… Cette Mily, c'est qui ? »


1er Septembre 2016

Adam poussa un soupir à fendre l'âme en observant sa petite sœur qui sautillait en tenant les mains de ses parents, ses nattes se balançant sur ses épaules arrondies au rythme de ses mouvements. Sa poigne se resserra autour de sa grosse malle qu'il traînait avec difficultés tout en ayant bien trop d'orgueil pour oser demander de l'aide à son père. De toute façon, les deux adultes de sa famille étaient tous les deux bien trop occupés par la petite Calypso –ou plutôt Caly. Agée de sept ans, la fillette avait pris la détestable habitude d'être le centre d'attention et Adam la haïssait encore plus ce jour-là.

C'était sa toute première rentrée à Poudlard. Et il traversa le mur séparant les voies neuf et dix avec l'impression d'être seul au monde alors qu'il ne l'était pas encore. Mais comme toujours, il n'avait pas pu convaincre ses parents de confier Caly à quelqu'un d'autre le temps des adieux. Elle était toujours là, tel un morceau de chewing-gum que seul un sort aurait pu décoller de sa chaussure.

Un fin sourire ourla ses lèvres lorsqu'il réalisa qu'il ne lui faudrait que quelques mois pour se débarrasser définitivement de sa satanée petite sœur dès qu'il apprendrait à se servir de la magie. Il décida d'être le plus studieux des étudiants de Poudlard, juste pour parvenir à ses fins.

« Alors, bonhomme, tu es prêt ? »

La voix de son père dans son dos interrompit ses complots d'assassinat et il haussa les épaules tout en contemplant la foule qui se pressait sur le quai. Il ne reconnut personne au départ, puis parvint à remarquer Bart auprès de ses parents –Blaise et Pansy qui s'était longtemps nommée Parkinson. Les deux anciens Serpentard conseillaient à leur fils de tout faire pour être accepté dans cette même maison et Adam ne put s'empêcher de ricaner. Comment aurait-il pu en être autrement ? Bart était sans doute le plus apte à appartenir à la catégorie des lâches et vils serpents. Sans oublier qu'il pouvait être particulièrement fou.

Théodore repéra lui aussi les Zabini et leur adressa un signe de la main avant de se diriger vers eux. Hermione roula des yeux dans ses orbites, peu proche de Blaise alors qu'elle s'entendait tout particulièrement avec Pansy depuis quelques années. Et pourtant, elle ne parvenait pas à se faire à la présence du petit Bart qui s'amusait à embêter les autres enfants dans les diners et qui ne se faisait jamais réprimander –l'éducation Aristocratique comportait de nombreuses lacunes, elle ne se lassait jamais de le répéter.

Adam suivit le mouvement sans réelle motivation, agacé de toujours devoir faire semblant de s'entendre avec Bart alors qu'il ne cessait de l'importuner. Les adultes échangèrent quelques bises et poignées de mains et son futur condisciple s'avança vers lui avec un air mauvais.

« Alors, tu crois que tu peux entrer à Serpentard, Nott ?

- En réalité, ça n'a aucune importance ce que je crois. C'est le choixpeau qui choisit.

- Tu te laisses dominer par un vieil objet tout pourri ? s'écria Bart avant de rire grassement. Pauvre vieux… Moi, j'irais à Serpentard. Et peut-être qu'avec un miracle, toi aussi… Mais à mes yeux, t'es déjà un Poufsouffle ! »

Adam serra les poings en retenant difficilement son envie de les envoyer dans le visage déjà aplati de Bart. Mais il sentit les regards des adultes sur eux deux et se retint, ne voulant pas s'attirer d'ennuis qui pousseraient ses parents à encore le comparer à sa petite sœur si jolie et parfaite. D'ailleurs, cette dernière qui n'avait pas perdue une miette de la conversation, tira sur le chemisier de sa mère en piaillant :

« Moi, je serais une Gryffondor ! N'est-ce pas, maman ? »

Hermione caressa les cheveux de la fillette en la regardant d'un air admiratif, comme si elle venait de déclarer avoir inventé un remède contre toutes les maladies mortelles du monde. Adam grogna un gros mot dans sa barbe inexistence alors que Bart s'esclaffait :

« Gryffondor ? La maison des loosers !

- Bartholomew ! »

La voix de sa mère fouetta brusquement l'air et quelques personnes se tournèrent vers leur petit groupe pour chercher à comprendre ce qu'il se passait. Le regard de Pansy passa de son fils à Hermione avec une certaine gêne et cette dernière esquissa un sourire, comme pour pardonner cette intervention plus que mal placée. L'incident failli être enterré, puis une remarque acerbe d'un inconnu leur parvint :

« Elle laisse les serpents étouffer la lionne, apparemment… »

Hermione se retourna violemment pour faire ravaler cette réplique à celui qui l'avait énoncée, puis se figea et blêmit si rapidement qu'Adam crut qu'elle allait tomber dans les pommes. La main de Théodore trouva place sur les reins de son épouse, dans le but évident de la soutenir alors qu'Adam reconnaissait l'homme qui avait parlé. Ronald Weasley les observa l'un après l'autre avec une lueur de défit au fond des yeux et Adam fuit cet examen pour ne pas se laisser dominer.

Dans l'unique but d'éviter l'homme qui aurait pu être l'époux de sa mère à quelques mois près, il regarda ailleurs et son cœur s'arrêta momentanément de battre lorsqu'il reconnut la fillette qui se tenait auprès de Ron.

« Mily ? »

Le prénom qui s'échappa de ses lèvres interrompit la petite scène que s'apprêtait à déclencher Ron et son regard oscilla brusquement plusieurs fois entre sa fille et Adam avant de se poser sur sa femme. Luna Lovegood se contenta de regarder ailleurs, avec l'air perdu qu'elle s'employait à arborer dès lors qu'elle savait quelque chose que son mari se devait d'ignorer.

« Emily ? Articula sèchement Ron en se tourna vers sa fille. Je peux savoir ce qu'il se passe ? »

La fillette décrocha difficilement son regard de celui d'Adam et il en profita pour l'observer. Le blond de ses cheveux s'était assombri de roux et sa peau était tannée par le soleil, brunissant ses tâches de rousseurs. Elle avait toujours les mêmes grands yeux, et le même nez froncé de bébé. Et surtout, elle lui laissait toujours ce creux à l'estomac, et ce trou béant dans son cerveau qui ne pouvait plus réfléchir correctement. Elle portait une chemise deux fois trop grande pour elle et un jean trop court, symbole même que ses vêtements avaient appartenus à d'autres.

Adam savait que Ronald Weasley ne tenait qu'une petite boutique de balais dont les ventes ne décollaient pas et que le Chicaneur était de moins en moins populaire. Il se demanda comment il aurait pu supporter de ne pas avoir ses propres tenues faites sur mesure.

Il ne put même pas l'imaginer que Ron répéta le prénom complet de sa fille avec une certaine rage qui plongea Adam dans un état proche de la démence. La colère qu'il ressentait dès que sa petite sœur attirait l'attention sur elle n'était rien par rapport à ce qu'il perçut en lui pendant un instant. Il aurait pu démolir Ronald Weasley s'il avait eu la force ou l'arme nécessaire.

« Emily Julie Weasley !

- Il était au mariage de Tonton George. On a joué tous les deux, c'est tout… »

Étonnamment, elle oublia qu'ils s'étaient jurés un amour éternel au pied d'un arbre centenaire et Adam fourra mécaniquement ses mains dans ses poches pour cacher les tremblements de fureur et de déception qui le secouaient. Hermione intervint alors que le visage de Ron se teintait d'un rouge inquiétant.

« Ce sont des enfants, Ron. Ils n'ont pas à…

- Toi, la ferme ! rétorqua Ron sans lui laisser le temps de conclure sa phrase. Tu as perdu le droit de me parler il y a quinze ans en me plantant devant l'autel. Et ton bâtard n'approchera pas de ma fille ! »

Le poing de Théodore cogna son nez avec une force étonnante et un craquement sombre se fit entendre. Adam ferma les yeux en voyant Emily faire de même et ne les rouvrit qu'en entendant le cri de sa mère :

« Arrêtez tous les deux ! »

Ron s'était relevé et venait de plaquer son père au sol alors que Blaise se décidait enfin à intervenir sous les regards outragés des autres parents. L'exemple qu'ils offraient n'était en effet pas des plus édifiants. Mais les deux hommes, qu'Adam trouva étonnement risibles, ne cessèrent pas de se frapper. Il sentit le regard d'Emily sur lui et lui adressa un regard glacial et empli d'amertume. Elle s'empourpra instantanément et il s'en voulut un peu. Mais elle avait oublié leur après-midi, il en était persuadé, et elle tâchait le plus beau souvenir de sa vie d'enfant, le ternissant en n'évoquant pas ce qu'ils avaient fait ensemble. Il la détestait. Ou du moins, il voulut le croire.

Et alors que Blaise parvenait enfin à séparer les duellistes qui s'étaient emparés de leurs baguettes, Adam lança méchamment à Emily qui s'angoissait :

« Je parie sur la victoire de mon père. »


2 Septembre 2016

Adam se laissa tomber sur son siège en baillant, encore un peu sonné par la première nuit passée à la chaleur du dortoir des Gryffondor. Après des années à dormir dans une chambre à lui seul, au manoir le plus glacial existant de Grande-Bretagne, l'atmosphère constamment rougeoyante des quartiers qu'il partageait avec tant d'étudiants lui avait causé de nombreux cauchemars.

Son regard parcourut la salle de classe du sous-sol où se déroulaient les cours de Potions enseignés par son paternel. Il les attendait avec impatience tout en les redoutant, craignant surtout que ses condisciples puissent songer qu'il aurait droit à un traitement de faveur, ce qui –il le savait parfaitement- n'était pas du genre de son père. Il le regrettait un peu malgré lui d'ailleurs.

Les élèves entraient en se bousculant, mélange de Gryffondor et de Serdaigle –avec qui ils partageraient ce cours. Et il sentit ses muscles se tendre en réalisant ce que cela signifiait. Il avait redouté de voir apparaitre les Serpentard et le regard moqueur de Bart qui ne le quittait plus depuis l'annonce du choixpeau magique, mais n'avait pas songé à ce que l'intervention des Serdaigle voudrait dire.

Lorsque le choixpeau avait été déposée sur Emily Weasley, elle était rouge d'impatience et frétillait sur place, comme une pile électrique. Déjà installé à la table des Gryffondor, il avait un instant espéré qu'elle le rejoigne. Mais ce maudit chapeau rapiécé avait choisi de l'envoyer à Serdaigle et elle s'était assise auprès des autres bleus sans même riposter.

Et voilà qu'elle pénétrait dans la pièce, déjà entourée par de nouveaux amis alors qu'il ne s'en était pas fait un seul. Il sentit une pointe de jalousie transpercer son cœur en voyant un garçon qui devait le dépasser d'une bonne tête discuter avec la fillette. Mais Emily se tourna légèrement vers lui en replaçant une mèche derrière son oreille, ses livres coincés contre sa poitrine. Et elle lui adressa ce fameux sourire qui brûlait son cœur et en faisait un petit tas de cendres.

Il crut pendant un instant qu'elle oserait s'avancer vers lui et prendre place à ses côtés et souhaita en même temps qu'elle ne le fasse pas. Il ne put avoir de réponse à sa question que déjà son père entrait dans la pièce en lançant un « Bonjour ! » trop joyeux pour un premier jour de classe. Emily poussa un léger soupir qui fut perçu par Théodore, lequel lui adressa un clin d'œil avant d'annoncer en posant une pile de manuels sur son bureau :

« Levez-vous tous ! (Lentement, les élèves déjà installés obéirent en se jetant des coups d'œil à la dérobée.) Très bien. Je suis le professeur Nott et contrairement aux rumeurs qui courent, je n'accepterais pas que vous m'appeliez Théodore avant d'avoir obtenu des Optimal à vos BUSES de Potions ! Maintenant, je vais vous demander de changer de places. Chaque Gryffondor doit être assis auprès d'un Serdaigle. Sans exception ! »

Les premières années qui s'apprêtaient à riposter se turent sous l'effet givrant de ces deux derniers mots.

« Je ne croirais pas non plus ceux qui inventeront une allergie aux étudiants des autres maisons, ni les quelconques preuves de parenté poussant à vous installer par affinités… Vous êtes à Poudlard. Une guerre s'est déroulée ici en partie à cause de deux maisons se haïssant et je fais partie de ceux pensant qu'il vaut mieux prévenir que guérir. Alors, installez-vous comme vous voulez mais je ne veux pas voir de petits groupes d'étudiants de la même maison ! »

Des grognements se firent entendre, mais deux élèves en particuliers furent assez soulagés de cette soudaine manœuvre. Emily se faufila entre ses condisciples pour rejoindre Adam au premier rang et posa ses manuels sur le bureau qu'ils devraient partager avec un petit sourire.

« Je peux ?

- Bien sûr. T'es une Serdaigle. C'est la règle. »

Il tenta de ravaler son enthousiasme et elle s'assit en s'empourprant. Autour d'eux, les étudiants cherchaient à choisir avec soin leurs futurs binômes sous le regard de Théodore qui savait perdre un bon quart d'heure de cours à cause de cette ingérence dans la vie de ses élèves. Pourtant, il ne put s'empêcher de sourire en voyant Emily et Adam assis côte à côte.

« Je ne savais pas que ton père était le professeur. Enfin, il faut dire qu'on ne parle pas beaucoup de ta famille chez moi… Mon père est encore relativement amer. Mon oncle Harry dit qu'il a tendance à ressasser le passé.

- Ouais… C'est un truc de vieux ça. »

Emily s'esclaffa en acquiesçant, amusée par le ton dénué de tout humour employé par Adam, comme si les adultes l'exaspéraient. Ils ne purent continuer leur conversation que Théodore pressa les enfants à s'asseoir un peu plus rapidement et à sortir leurs livres.

Il entama alors un petit discours que certains élèves écoutèrent –et d'autres firent semblant- tout en tournant en rond dans la pièce, repérant peu à peu les visages et les liants à ceux de son enfance. Au bout d'une demi-heure il leur demanda d'aller chercher quelques ingrédients afin de préparer une première potion d'essai et la plupart se ruèrent sur les étagères comme s'ils craignaient de manquer de quelque chose. D'autres –comme Adam- trainèrent plutôt les pieds sans grande motivation.

Une fois réinstallés, ils suivirent tous les conseils de l'enseignant qui vérifiait méthodiquement chacun de leur mouvement. Emily, habituellement maladroite, prenait garde à chacune des grimaces du professeur, mais était aussi bien trop obnubilée par la présence d'Adam à ses côtés pour rester concentrée. Elle jeta un coup d'œil de biais au visage fatigué du garçon. Ses cheveux d'un brun aussi foncé que celui de son père tombaient un peu devant ses yeux en des boucles identiques à celles de sa mère, un parfait mélange entre eux. Elle comprenait amplement qu'Hermione Granger ait choisi Théodore Nott au lieu de son père tant leur fils était parfait. Ou du moins, c'est ainsi qu'elle le voyait, n'apercevant même pas les cernes creusant ses yeux ou la cicatrice sous son menton.

Elle renversa un peu d'asphodèle dans sa potion, au mauvais moment et Théo lui attrapa violemment le poignet.

« Attention à ce que vous faites, Miss Weasley.

- Désolée, Professeur Nott. J'étais… Je pensais à autre chose.

- Oui, j'avais remarqué. »

Emily rougit jusqu'à la pointe de ses cheveux et Théo la lâcha en récupérant le sachet d'asphodèle. Il lui tendit autre chose en lui montrant la différence de couleur entre les deux plantes, presque infime, ce qui expliquait qu'elle puisse se tromper. Elle se demanda comment il avait pu les différencier avant de souvenir que c'était son travail et se retourna vers Adam qui touillait une mixture poisseuse avec une grimace d'appréciation dégoûtée.

« Les potions, c'est…

- Dangereux. Tu ferais mieux de regarder ce que tu fais. »

Emily acquiesça, bien qu'il ne la regardait pas et se pencha à nouveau vers sa potion qui n'avait pas du tout la même apparence que celle d'Adam. En poussant un soupir désespéré, elle saisit tous les ingrédients encore à sa disposition et les fit tomber dans le chaudron. Elle n'eut pas le temps de percevoir l'appel du professeur ou l'injure d'Adam que le bruit d'une explosion se fit entendre. Un bras passa autour d'elle et la poussa violemment contre le sol. Elle réalisa qu'il s'agissait de son binôme en rouvrant les yeux, qu'elle avait mécaniquement fermés sous le choc.

Tout l'avant-bras du garçon, qu'il avait tendu pour la jeter à terre, était couvert de la mixture gluante qui reposait dans son chaudron quelques minutes plus tôt. Le liquide grignotait peu à peu les manches de son blaser et de sa chemise, brûlant sa peau. Une odeur de fumée –étrangement, Emily songea à un barbecue- se fit sentir alors que Théodore se précipitait vers son fils figé. Il lui lança plusieurs sortilèges pour éteindre le feu qui s'embrasait et les flammes qui commençaient à caresser son visage.

Emily sentit les larmes lui brouiller la vue alors qu'elle prenait lentement conscience de ce qu'elle venait de faire. Elle parvint à regarder Adam dans les yeux et fut surprise de constater qu'aucune trace de douleur n'apparaissait sur son visage, comme s'il ne ressentait rien. Théodore secoua son fils en réalisant qu'il était totalement pétrifié et l'enfant secoua la tête, sortant apparemment d'un songe.

« Adam, ça va ?

- Ouais… Je vais bien. »

Il leva légèrement son bras, admira un instant sa peau rougie et brûlée, absorbé par la contemplation morbide de sa main qu'il ne sentait plus réellement. Alors seulement il parut comprendre ce qu'il venait de lui arriver et s'évanouit.


5 Janvier 2019

Cléo descendit du train en remontant sa sacoche sur son épaule, puis repoussa négligemment une mèche blonde devant ses yeux. Elle parcourut la foule qui se pressait autour du train, à Pré-au-Lard, et les quelques élèves qui se livraient déjà à des batailles de boules de neige. Elle voulut disparaitre, retourner là d'où elle venait, retrouver ses amis de Durmstrang avant qu'ils ne commettent des erreurs et ne la fasse renvoyer. Avant que son père vienne la rechercher en expliquant pourquoi elle devait entrer à Poudlard. Elle aurait presque préféré suivre des cours à domicile.

Sa respiration forma un nuage blanc devant sa bouche et elle fit quelques pas dans la neige en suivant les élèves qui rentraient de chez eux après les vacances de noël. Eux, au moins, savaient à quoi ils s'attendaient. Cléo, elle, était définitivement perdue dans ce paysage de neige et de robes noires.

Une mini tornade enroula ses cheveux autour de son visage et elle sera son sac contre elle pour ne pas le laisser s'échapper. Malgré l'effet frigorifiant de l'air sur sa peau, un sourire en coin prit place sur ses lèvres alors que les élèves lâchaient livres et parchemins sous la force de la bourrasque.

« Ce n'est pas très gentil de se moquer. »

Cléo se retourna pour rembarrer la personne osant s'adresser à elle de cette façon afin de délimiter pour la première fois la frontière à ne pas franchir. Après tout, elle était une Malefoy ! Déjà à Durmstrang, son nom n'inspirait que du respect –et de la crainte. Et elle refusait d'abandonner cette sorte de couronne que lui faisait porter les autres sans en avoir conscience.

Pourtant, lorsqu'elle se retrouva face à la fillette qui venait de lui parler sans autorisation au préalable, elle ne parvint pas immédiatement à dire quoi que ce soit. Sans doute parce que le regard émeraude flamboyant de l'enfant la transperçait et lui donnait l'impression de perdre ses mots, ou que sa moue curieuse tout en étant inquiète apaisait la petite colère qu'elle avait failli piquer. Cléo ne la trouva pas particulièrement jolie, elle avait les joues trop rondes et son corps fin flottait dans une tenue trop grande, comme si elle tenait tout bonnement à le dissimuler. Elle devait être encore en première année, Cléo étant en seconde. Et elle n'eut pas envie de la bousculer.

« Je sais. Mais c'est tout de même assez amusant !

- Uhm… Oui, ça l'est, pouffa la fillette en enroulant timidement une mèche rousse autour de son majeur. Tu es nouvelle, n'est-ce pas ?

- Oui. Je m'appelle Cléo.

- Moi, c'est Violet. Violet Potter, ajouta-t-elle avec une légère grimace, en l'attente d'une réaction qui ne vint pas.

- Potter ? Tu es à Poufsouffle, non ? »

Cléo pointa du doigt le blason de la première année et celle-ci acquiesça avec un certain malaise. Apparemment, son appartenance à cette maison n'était pas le sujet à évoquer au premier abord. Cléo se demanda ce qu'il se passerait pour elle si le choixpeau ne l'envoyait pas à Serpentard, mais préféra ne pas s'inquiéter outre-mesure. Elle jeta un coup d'œil vers les élèves qui commençaient à s'avancer vers les calèches tirées par des Sombrals –animal qu'elle voyait par la faute de l'ancêtre Nott- et se tourna vers Violet.

Elle savait parfaitement qu'elle aurait dû dire son nom à la jeune fille Potter, mais s'en sentit incapable. Elle redoutait une réaction face à ce « Malefoy », symbole même d'une guerre destructrice et mortelle, signe aussi d'une lâcheté imprévisible. Sans doute autant que Violet lorsqu'elle énonçait « Potter » et attendait les demandes d'autographes et de photos de groupes, telle une superstar qu'elle demeurerait toute sa vie sans la moindre raison.

Alors au lieu d'envenimer la situation et de faire fuir Violet, elle désigna d'un mouvement de menton les calèches et les étudiants enrhumés.

« On y va ? »

Violet acquiesça avec un grand sourire et prit ses deux sacs à dos qu'elle avait refusé de laisser dans le train avec un peu de difficulté. Cléo se proposa tout naturellement de l'aider et elles rejoignirent les autres en bavardant, l'une faisait fi du nom de l'autre pendant que cette dernière l'ignorait simplement. Elles s'installèrent seules et Violet sortit un paquet de Dragués Surprises de Bertie Crochue, qu'elle ouvrit pour elles deux.

« Tu étais à Beaubâtons avant ? Mes cousins y sont. Leur mère est française.

- Non, Durmstrang.

- Mon papa y est allé en visite un jour, pour promouvoir l'un de ses livres, se vanta innocemment la rouquine. Il dit que l'accueil y a été très chaleureux et que les histoires de Magie Noire au sujet de cette école sont totalement absurdes ! »

Cléo comprit qu'elle venait de réciter mot pour mot le discours d'Harry Potter et en fut légèrement amusée. Plus petite, elle agissait aussi de la même manière, comme si tout ce que disait son père était parole de Mage. Depuis, elle avait réalisé qu'il n'était pas franchement parfait. Dt même si ses relations avec lui étaient loin d'atteindre le degré d'horreur de celles avec sa mère, elle devait admettre qu'elle s'était faite à l'idée de son humanité. De son imperfection.

« Il y a pas mal de gens portés sur le côté néfaste de la Magie tout de même… Comme partout ! déclara-t-elle finalement en haussant les épaules, comme si ça n'avait pas la moindre importance. Sauf que là-bas, ce n'est pas considéré comme étant un crime.

- Oh… »

Violet baissa les yeux vers ses mains, fourrées dans ses gants multicolores sans doute tricotés par sa grand-mère. Il s'agissait d'un sujet plus ou moins tabou dès lors qu'il était accepté par certains, et Cléo comprit que sa famille à elle devait avoir un avis bien différent. Elle se tut donc, et jeta un coup d'œil au dehors. Le château de Poudlard lui apparut assez rapidement et elle ne put s'empêcher de sourire. Majestueux et resplendissant, il illuminait tout autour de lui, creusant le ciel de neige de ses tours sombres à demi-dissimulées par les nuages.

« En fait… Tu ne m'as pas dit ton nom, bredouilla Violet d'une petite voix pour attirer son attention.

- Quelle importance ? »

La calèche de stoppa et Violet parut de plus en plus mal à l'aise. Avec un dernier regard en arrière, elle descendit, serrant ses sacs contre elle jusqu'à les coller sur sa poitrine, comme si ils auraient pu lui être d'un quelconque secours. Cléo poussa un bref soupir et la suivit dans son mouvement. Une fois face à face, les deux jeunes filles se défièrent du regard, l'une comprenant brusquement d'où venait ce sentiment de malaise que lui inspirait l'autre.

« Malefoy. C'est ça mon nom. »

Violet se tendit ostensiblement et –au lieu d'éprouver du plaisir face à cette réaction ; Cléo se sentit presque blessée.

« Mon papa… Il ne voudrait pas que je te parle.

- Et tu fais toujours ce qu'il dit ? rétorqua Cléo avec une certaine colère, refusant de laisser un homme qu'elle ne connaissait même pas ruiner toute sa vie et les relations qu'elle aurait pu avoir.

- Oui, admit Violet en acquiesçant, double preuve de sa quasi-soumission à l'ordre paternel. Il faut que j'y aille… Bonne chance ! »

Sur ces mots, elle tourna les talons et s'enfuit presque en courant, disparaissant dans la foule d'étudiants qui se bousculait pour passer les grandes portes. Cléo resta là, les bras ballants, durant de longues minutes. Puis ses doigts s'engourdirent à cause du froid alors qu'elle constatait qu'elle était seule désormais. Irrémédiablement seule dans un pays qu'elle ne connaissait plus, avec des gens qu'elle n'aimait pas côtoyer. Elle retrouverait Adam, Bart, et les autres enfants des amis de ses parents, avec qui elle avait été élevée. Mais malgré ça, elle réalisa que Poudlard serait pour elle ce qu'elle avait été pour son père : un lieu où elle devrait choisir d'être le maître ou de se laisser piétiner. Elle savait aussi que l'époque avait changé, et qu'elle avait deux fois plus de chance d'être massacrée que d'être aimée.

Elle comprit alors pourquoi Violet lui avait souhaité bonne chance.


12 Novembre 2021.

Violet sentit les larmes picoter ses yeux, mais préféra songer que c'était à cause du shampoing qui s'y glissait sournoisement. Puis un sanglot remonta dans sa poitrine, alors elle comprit qu'elle ne pouvait pas se mentir à elle-même. Elle se laisse tomber le long du mur de la douche, lequel givra sa colonne vertébrale nue. Des frissons parcoururent toute sa peau et elle fléchit les genoux, se recroquevillant contre elle-même.

Tous les autres membres de l'équipe de Quidditch avaient déjà quitté le Vestiaire, et elle se retrouvait à sangloter comme une idiote au lieu de se reprendre et d'aller fêter leur défaite avec eux. Elle comprenait soudainement pourquoi le Choixpeau l'avait envoyé à Poufsoufle. Le cran lui manquait sérieusement.

Elle se remémora l'image de son père qui avait observé le match depuis la cabine réservée aux professeurs. Lorsque l'attrapeur de Gryffondor avait attrapé le Vif d'Or, il avait semblé partagé entre deux émotions totalement opposées : le bonheur de voir sa maison gagner, et la déception de voir sa fille perdre. Comme toujours depuis des années, elle ne cessait de le désappointer. Il avait été fier d'elle quand l'équipe l'avait engagée en tant qu'Attrapeur et il avait passé tout un été à l'entrainer. Mais entre Poufsouffle, ses piètres qualités de sportive et son manque cuisant d'esprit d'initiative, elle ne doutait pas qu'il souhaite la remplacer par une autre fille. Un modèle plus semblable à ce dont il rêvait, une avec qui il aurait des points communs.

Elle renifla bruyamment pour la millième fois au moins et enfouit son visage entre ses genoux en sanglotant de plus belle, se sentant de plus en plus pathétique. Elle s'imaginait que son père puisse la déshériter. Sa mère n'aurait probablement pas opposé la moindre résistance.

Elle en était là de ses divagations lorsque l'eau cessa de couler. Elle releva brusquement la tête en sentant son corps se crisper sous le coup de la surprise –tant que de la peur- et faillit hurler en remarquant la présence de Cléo Malefoy à ses côtés. La jeune Serpentard de Cinquième Année la contempla un instant avec un sourire que Violet ne parvint pas à comprendre, puis soupira, incroyable comédienne :

« Ce n'était pas un si mauvais match ! Tu as failli attraper le Vif d'Or.

- J'ai failli ! Ça ne suffit pas pour gagner. Et sors d'ici ! Tu n'as pas le droit d'être là.

- C'est le vestiaire des Poufsouffle, je sais… Mais je t'ai entendu pleurer, alors… Je suis venue.

- Je suis nue. Tourne-toi au moins ! »

Violet se demanda elle-même pourquoi elle disait ça. Après tout, Cléo était aussi une fille, et aussi Serpentard soit-elle, cela n'enlevait rien de sa féminité. Elle était même la plus sensuelle des étudiantes de Poudlard, portant son apparence et ses atouts en triomphe comme si il s'agissait d'armes. Les garçons n'y étaient d'ailleurs pas insensibles. Et étrangement, Violet non plus.

Dès que Cléo Malefoy apparaissait devant elle, de petits frissons de plaisir coupable entortillaient son estomac et elle sentait sa poitrine se tendre malgré elle. Aucune autre personne, quel que soit son sexe, ne parvenait à la mettre dans un tel état. Etat qu'elle avait réussi à définir depuis peu de temps : l'excitation. Au départ, elle avait pris ça pour une sorte de crainte, puis pour un désir malsain de provoquer son père alors qu'elle l'aimait tant… Puis Cléo s'était mise à danser en plaisantant avec des amies au détour d'un couloir et les mouvements parfaits de ses jambes et de ses bras avaient pris Violet au dépourvu. Elle avait compris que Cléo Malefoy était belle.

« Je suis une fille. J'ai donc déjà eu le plaisir d'admirer un corps féminin sous toutes les coutures… »

Les joues de Violet s'enflammèrent alors qu'une nuance de jalousie pointait dans son cœur. Le sous-entendu de Cléo était si explicite qu'elle faillit lui hurler de sortir, de déguerpir de sa vie, et de cesser de lui faire ressentir ces choses… Ces sentiments dont elle ne voulait pas.

Elle reçut une serviette de bain au visage et réalisa que Cléo se moquait d'elle.

« Couvre-toi si ma présence te gênes autant. »

Violet ne se fit pas prier. Elle s'enroula dans la serviette après s'être mise debout, dévoilant ainsi son corps nu au regard scrutateur de la jeune Serpentard qui n'en perdit pas une miette. Violet essuya ses yeux rougis par les larmes dans un coin du tissu-éponge puis s'avança sur la pointe des pieds jusqu'aux bancs, prenant garde à ne pas glisser. Elle décida d'ignorer Cléo, laquelle finirait bien par s'en aller si elle avait la moindre notion de survie. Mais au lieu de ça, la blondinette s'installa le plus naturellement du monde sur un banc et haussa un sourcil railleur et provocateur à l'intention de la jeune Potter.

« Je… Je ne vais pas m'habiller devant toi, bredouilla cette dernière en rougissant de plus belle.

- Ah oui ? Et pourquoi donc ?

- Tu le sais très bien ! »

En effet, Cléo savait. Elle avait deviné ce qu'il se passait bien avant que Violet commence à oser l'envisager. Et contrairement à cette dernière, elle ne ressentait ni honte, ni besoin viscéral de cacher ce qu'elle était. Elle imagina une seconde la réaction qu'aurait son père, lequel dirait probablement : « Tu aimes une fille ? D'accord. Mais c'est une Sang-Pur au moins ? ». Telle serait sa principale préoccupation. Pour les Potter, c'était sans doute très différent.

« Je veux que tu sortes ! ordonna Violet d'une voix plus forte –laquelle aurait pu faire fléchir Cléo si elle n'avait pas tant tremblée et aussi peu sûre d'elle.

- Tu en es certaine ? J'aurais bien voulu qu'on parle, moi… »

Violet eu l'impression que son cerveau s'apprêtait à imploser sous la puissance des sentiments contradictoires qui l'oppressaient. Non, elle voulait que Cléo reste. Mais elle voulait aussi qu'elle parte. Elle voulait parler de ce qu'il se passait, mais refusait d'obtenir des réponses à ce qui lui causait tant de troubles. Et plus que tout, elle souhaitait être seule et voir s'effacer toutes les pensées immondes qui pénétraient son esprit.

Et Cléo lut son angoisse dans ses iris qui s'emplissaient de larmes pour la centième fois de la journée. Comment pouvait-elle apprécier une telle pleurnicharde ? Cela l'étonnait elle-même. Elle comprit alors que Violet n'était pas prête et se leva en poussant un soupir, souhaitant évacuer la lassitude qui s'emparait toujours d'elle quand elle croisait la Poufsouffle. La même frustration lui donnait envie de tout casser dès lors qu'elle s'éloignait. Mais elle n'avait pas le choix. C'était à Violet de le faire désormais.

« Tu connais la Salle sur Demande, n'est-ce pas ? s'enquit-elle tout en connaissant déjà la réponse.

- Oui.

- Tu pourras toujours m'y retrouver lorsque tu… Lorsque tu auras compris qu'on ne peut rien faire contre ça. »

Cléo quitta les lieux après un dernier sourire, plus triste que d'habitude et Violet la laissa faire, sans même chercher à mimer la surprise ou l'incompréhension. Car elle avait parfaitement saisi l'invitation de Cléo. Elle ne savait juste pas quoi en faire pour le moment.


16 Avril 2022.

Emily s'empara de sa plume avec la ferme intention d'enfin boucler ce maudit devoir de Potions qui lui avait bloqué toutes ses soirées depuis le début de la semaine. Malheureusement, malgré les apparences, la bibliothèque n'était pas le lieu parfait pour étudier. Surtout depuis la mort de l'ancienne bibliothécaire, Mlle Prince, qui s'était fait remplacer par une ancienne étudiante : Lavande Brown. Toujours aussi vieille fille, mais beaucoup moins cultivée. Elle s'amusait même à draguer les étudiants au lieu de les surveiller. Et Emily, aussi studieuse soit-elle, ne pouvait résister à ce genre de distractions.

Replaçant une mèche d'un blond cendré dans sa queue de cheval, elle admira l'air soumis et clairement vulgaire qu'arborait la quadragénaire. Elle dépassait le ridicule sans même le réaliser et ce spectacle était des plus réjouissants. Emily s'esclaffa en voyant le jeune Jeffrey Londubat –lequel sortait avec sa cousine Violet depuis quelques semaines- devenir tout rouge face à la Cougar. Les adolescents étaient si influençables…

Son sourire disparut alors que les portes face à elle s'ouvrirent pour laisser apparaitre deux étudiants de son année : un Serpentard et un Gryffondor. Un imbécile qui l'exaspérait et un autre –moins stupide- dont elle était folle amoureuse. Bart Zabini et Adam Nott. Et elle ne parvenait toujours pas à comprendre ce qu'ils fichaient ensemble. Jusqu'en quatrième année, ils ne s'étaient qu'à peine adressés la parole, puis étaient revenus des vacances d'été bras dessus bras dessous –quoi qu'il s'agisse là simplement d'une expression puisqu'aucun d'eux ne touchait jamais l'autre.

Comme toujours, Adam parut obligé de croiser le regard d'Emily, irrésistiblement attiré vers elle. Mais, pour la énième fois en six ans, il détourna le regard si rapidement qu'elle crut l'avoir imaginé, puis désigna la Réserve à Bart qui l'y suivit sans un mot. Elle les suivit des yeux, puis se leva, trop curieuse pour réfréner cette pulsion interdite. Elle se faufila entre les étagères, jusqu'à les voir disparaitre dans la Réserve, dont l'accès n'était plus réellement surveillé depuis longtemps –Lavande Brown avait bien mieux à faire de toute évidence.

Adam et Bart refermèrent la porte derrière eux et Emily s'approcha discrètement tout en mimant un intérêt pour les livres autour d'elle. Il valait mieux qu'elle ait l'air occupée, au cas où ils sortiraient sans prévenir. Dégageant ses cheveux, elle tendit l'oreille tout en mordillant sa lèvre inférieure, signe d'une réflexion sans doute inutile. Mais elle sentait que ces deux-là avaient quelque chose à cacher et en tant que préfète, elle se devait de les surveiller. Elle se morigéna sans douceur, consciente qu'elle n'agissait ainsi que dans son propre intérêt. En réalité, si Adam n'avait pas été le principal sujet de ses interrogations, elle s'en serait moquée comme de la guerre contre les Gobelins. Elle s'avança de quelques pas encore, jusqu'à la porte et ferma les yeux pour se concentrer sur les voix s'échappant des interstices du cloitre.

Tout d'abord, Emily ne perçut que le son des livres qu'on déplace sur des étagères, et les grognements d'impatience de Bart qui avait toujours tout du gros animal enfermé dans une cage. Puis la voix calme et posée d'Adam lui parvint et un sourire transcenda ses lèvres sans qu'elle n'y prête réellement attention.

« Ce n'est pas réellement un Impero, déclara-t-il à voix basse, comme s'il redoutait que quiconque puisse percevoir ce qu'il expliquait. Contrairement au sortilège impardonnable, celui-ci ne laisse aucun souvenir à celui qui est contrôlé. La victime n'a pas conscience de ce qu'elle fait.

- Tu en es sûr ? bredouilla Bart avec une nuance de plaisir très perceptible dans son ton.

- Certain. Et il n'est pas interdit. Il n'est pas très couramment utilisé de toute manière. Il est assez complexe à réaliser, mais est entièrement indétectable. Il devrait suffire à contrôler l'Attrapeur des Poufsouffle pendant la finale et lui faire louper le vif d'or… C'est bien ce que tu voulais ? T'as mes gallions ? »

Emily serra mécaniquement ses poings dans ses poches, furieuse. L'attrapeuse était sa petite cousine, et la tricherie faisait partie des pires vilénies au monde à ses yeux. Il fallait admettre que l'attrapeur des Serpentard était si pathétique sur son balai qu'il avait bien besoin d'un coup de pouce. Mais Emily était malgré tout très déçue. Que Bart soit capable d'agir ainsi ne l'étonnait pas outre-mesure. Après tout, sa maison même l'avilissait –et ses parents avaient dû jouer un grand rôle dans la création d'un tel monstre d'égocentrisme. Alors qu'Adam, en plus d'avoir des parents géniaux –ou du moins, c'est ainsi qu'elle les voyait- appartenait à la maison des courageux et droits Gryffondor. Qu'il se laisse aller à un tel acte lui faisait presque mal.

« Exactement, acquiesça Bart avant d'éclater de rire, sans se soucier de l'argent. T'es malin Nott, quand tu veux ! Et puis, puisque ceux qui subissent ce sort ne s'en souviennent plus, on devrait aussi pouvoir l'utiliser pour autre chose, non ?

- Comme quoi ? articula Adam d'un ton brusquement plus glacial.

- Ce qu'on veut ! J'ai un petit souci autre que le match à régler avec la fille Potter. Cléo me pose également problème… Et j'aurais bien besoin d'augmenter ma moyenne en Sortilèges.

- Si tu influences tant de gens, la discrétion ne sera plus de mise, tu en as conscience ?

- Et si je m'en moque ? »

Emily recula brusquement d'un pas en sentant le mur trembler face à elle. Le craquement sombre suivit d'un halètement notoire lui fit comprendre qu'Adam venait juste de plaquer Bart contre l'un des pans de la Réserve. Cet accès de violence la soulagea étonnamment. Après tout, malgré sa participation à ce quasi-crime, il restait le Adam qui avait sagement déposé un baiser tout contre sa joue douze années plus tôt. Elle colla à nouveau son oreille pour entendre la voix sifflante du jeune Gryffondor, qui était devenue presque menaçante :

« Pas question. Tu régleras tes problèmes autrement, Bart. Tu peux aller cogner qui tu veux, tant que tu me laisses en dehors de ça… Mais si quelqu'un apprend que je t'ai montré ce bouquin, ils sauront que mon père l'a gardé en sa possession pendant toutes ces années. Tu ne seras pas le seul à en souffrir. Alors je t'interdis ne serait-ce que d'imaginer t'en prendre à Violet, Cléo ou le professeur McGonagall. Me suis-je bien fait comprendre ?

- Et à ta Emily ? » s'esclaffa faiblement Bart, toujours étouffé par la poigne d'Adam.

L'adolescente sentit ses joues s'enflammer sous l'accent moqueur de Bart, lequel semblait savoir quel point sensible toucher chez son acolyte. La principale concernée oublia momentanément le sujet si complexe de la discussion des deux garçons, trop obnubilée par son analyse de cette nouvelle information. Après des années assise auprès d'Adam en Potions, elle avait fini par se faire à l'idée qu'il la haïssait. Il ne lui adressait presque jamais la parole et elle avait laissé à sa main une cicatrice abominable. Comment aurait-il pu penser à elle autrement qu'en une maladroite et stupide Serdaigle ? Pourtant, Adam sembla sûr de lui lorsqu'il rétorqua :

« T'es certain de tenir à la vie ?

- T'inquiète. J'ai compris. »

Emily réalisa qu'elle ne respirait plus dès lors que le souffle vint à lui manquer et avala violemment une goulée d'air qui déclencha une toux un peu trop bruyante. De nombreux étudiants se tournèrent vers elle, alors qu'elle tentait d'étouffer le bruit dans ses mains. Malheureusement, la porte de la Réserve s'ouvrit à la volée pour laisser apparaitre Adam et Bart, lesquels la jaugèrent en tentant de découvrir à son expression si elle les avait entendus. Bart lui accorda le regard le plus assassin à sa disposition alors qu'Adam la scrutait plus longuement, comprenant qu'elle avait tout perçu. Il ne sembla pas inquiet pour autant et se contenta de rester en retrait tandis que Bart se dirigeait vers elle.

Son cœur cessa instantanément de battre lorsque la main du garçon passa sur sa joue. Elle faillit fermer les yeux, mais le dégoût de sentir la peau de Bart contre la sienne la laissait figée, sans voix. Derrière eux, Adam ne bougeait pas non plus. Mains enfoncés dans ses poches, il écouta la réflexion menaçante de son complice sans ciller :

« Tu as quelque chose à te faire pardonner auprès d'Adam. Tu ferais mieux de ne pas l'oublier. »

Sur ces mots, il lui tourna le dos et désigna la porte au principal concerné qui le suivit vers l'extérieur, sans un regard de plus, l'air toujours crispé d'angoisse.

Emily reprit réellement conscience juste à temps pour apercevoir le livre que maintenait Adam sous son bras. La reliure verte scintillante accrocha son regard et elle parvint à lire le titre, presque effacé par les mains l'ayant tenues tout au long des siècles.

Schizophrénia.


Note _ Tadam ! It's Over. J'espère que ce premier "chapitre", enfin ce prélude, vous aura emballés !

Petites questions _ 1. Quel personnage du Quatuor préférez-vous pour le moment ? Et Pourquoi ? / 2. A quoi vous-attendez-vous pour la suite ? / 3. Que pensez-vous des personnages de JKR devenus adultes ? 4. Quelle relation attendez-vous avec le plus d'impatience ? Et qu'espérez-vous sur son déroulement ? 5. Et la plus importante... Qu'avez-vous pensé de ce début & vous a-t-il donné envie de poursuivre ?

Rappel _ Vous trouverez sur mon profil le lien qui vous conduira au blog de Schizophrénia. Fiches Personnages & plus tard, Playlist, Scènes en plus [Sur le passé plus particulièrement, celui des adultes sans doute...] & autres bonus. x)

La suite arrivera Jeudi 15. Deux semaines pour appuyer sur le petit bouton... ça laisse le temps même au plus fainéants ! xD

! Des tas de bisous !

B_T