C'était une froide journée d'automne, et Raito Yagami marchait dans une rue de Tokyo, son sac de cours sur l'épaule et ses écouteurs enfoncés dans les oreilles. Il venait de finir les cours et se dirigeait vers la bibliothèque : il avançait d'une démarche tranquille, nullement pressé ; il ne pensait à rien de particulier, hormis peut-être à son dernier contrôle de maths, dont il savait qu'il allait avoir 20.

Raito Yagami était un jeune homme assez spécial. Il excellait dans toutes les matières au lycée, y comprit en sport ; il avait un Q.I d'environ 200, mais cela ne faisait pas de lui un exclu de la société, bien au contraire! Etant plutôt "beau gosse", il était connu dans son établissement non seulement pour son intelligence, mais également pour sa beauté : une grande majorité des filles de son lycée (et en partie du collège) en pinçait pour lui.

Il faut dire que son corps mince avec juste ce qu'il faut de muscles, son visage délicat, ses beaux yeux noisette et ses cheveux soyeux faisaient de lui un très beau jeune homme, particulièrement convoité des femmes.

Raito savait tout cela ; étant particulièrement ambitieux et déterminé, il se servait parfois de ses atouts physiques pour parvenir à ses fins. C'était un habile manipulateur et obtenait généralement ce qu'il voulait. Cependant, il ne s'intéressait pas énormément à l'attention que toutes ces filles portaient sur lui.

Bien sûr, il avait déjà eu des petites copines, mais ses relations amoureuses navaient jamais duré très longtemps : Raito Yagami n'aimait pas avoir de contact physique avec les gens, et surtout il ne supportait pas de devoir gaspiller son temps avec des personnes moins intelligentes que lui. Il n'avait encore jamais trouvé personne avec un Q.I pareil au sien, et n'espérait rien. La probabilité qu'il rencontre un jour quelqu'un possédant une capacité de raisonnement semblable à la sienne était d'environ 0,99%. Il ne se faisait aucune illusion, sachant d'ailleurs que la plupart des gens avec un Q.I aussi élevé étaient en grande majorité des autistes ou des asociaux, et ces personnes-là ne comptaient pas à ses yeux.

Il menait, lui, une vie d'étudiant tout à fait normale : il fréquentait un établissement public, avait de bonnes (ou plutôt d'excellentes) notes, vivait dans un joli quartier, avait une petite copine (une fille parmis les moins stupides de celles de sa classe) et une famille heureuse et ordinaire composée dun père, une mère et une petite soeur, tous en bonne santé.

Tout compte fait, Raito Yagami avait une vie on ne peut plus banale ; avec en bonus une rare intelligence et une incroyable beauté.

Le seul reproche que l'on pouvait lui faire était de ne pas avoir beaucoup damis. Il était habitué à la solitude, et malgrès ce que son succès au lycée aurait pu suggérer, il était souvent seul.

Et c'était donc seul qu'il marchait vers la bibliothèque, la tête encore remplie de formules mathématiques du contrôle qu'il avait rendu il y a moins d'une heure.

Il leva les yeux en apercevant le vieux bâtiment devant lui : les trois étages de briques rouge foncé et le portail en fer forgé noir, ouvert de 9 à 18 heures, semblaient l'appeler, l'attirer. Il retira ses oreillettes d'iPod et les rangea dans son sac, puis franchit le portail.

Il traversa la petite cour, poussa la lourde porte et salua la jeune fille assise à l'accueil, qui lui sourit gentiment. Elle le connaissait, il était un visiteur habituel ; Raito était presque sûr qu'elle était amoureuse de lui, et pensait déjà aux avantages qu'il pourrait tirer de cette situation.

Il continua à marcher ; il longeait maintenant d'imposantes rangées de livres, de toutes formes et de tous genres.

Perdu dans ses pensées, il ne perçut pas un mouvement à sa droite ; et il vit soudain une figure indistincte passer dans son champ de vision, suivie d'une multitude de bouquins.

Quelque chose, un bras ou autre, le frappa de plein fouet à la poitrine, lui faisant perdre l'équilibre.

Alors qu'il tombait il aperçut, comme dans une scène au ralentit, de grands yeux noirs qui le fixaient au milieu de cette avalanche de livres ; un regard profond et vague à la fois. Raito soutint ce regard, et l'instant sembla durer une éternité.

Puis il attérit brutalement sur le carrelage dur, et une pluie de livres se déversa sur lui ; il leva les deux bras pour s'en protéger et, le corps légèrement recroquevillé, ferma les yeux.

Lorsqu'il les rouvrit, quelques secondes plus tard, il aperçut une personne à la chevelure noire sortir d'un pas rapide par la porte principale.

Raito resta quelques secondes sans bouger, assis par terre et entouré dune multitude de livres, le regard fixé sur le sol.

Il secoua soudain la tête et commença à ramasser les livres un par un, avec des mouvements lents.

Des pensées confuses tourbillonnaient dans son esprit à une vitesse vertigineuse. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait ; il tentait de mettre de l'ordre dans ses pensées, de déterminer ce qui pouvait être la cause de ce chaos, mais plus il réfléchissait, plus il se sentait perdu.

Il essaya alors de se remémorer ce qui venait de se passer, photogramme par photogramme.

Peu à peu, il sentit le calme revenir, la tempête de ses émotions se dissiper lentement pour laisser place à une incompréhension totale.

...Pourquoi avait-il réagi ainsi ?

Il fit glisser quelques livres au hasard dans une rangée, les sourcils légèrement froncés.

Qui était cet homme ou plutôt, ce garçon au regard si intense ?

Il était sûr qu'il sagissait dun garçon ; bien que rapidement, il avait vu le visage de la personne qui l'avait percuté : un visage extrêmement pâle et délicat, avec de grands yeux foncés et des cheveux noirs et ébouriffés. Un visage d'une telle perfection, et à la fois même d'une telle... étrangeté, que Raito en été demeuré saisi ; jamais il n'avait croisé un regard semblable à celui-ci. Les yeux noirs de cet inconnu l'avaient comme transpercé ; il s'était senti incroyablement sans défense sans même savoir pourquoi.

Il finit de ranger les livres, prit son sac et sortit de la bibliothèque en marmonnant un rapide "Au revoir" à la jeune fille de l'accueil.

Une fois dans la rue, Raito se rendit compte quil n'avait pas emprunté de livres ; il demeura un instant immobile, et essaya de réfléchir de façon rationelle.

C'était cette "rencontre" qu'il venait de faire dans la bibliothèque qui l'avait perturbé au point de lui faire oublier la raison pour laquelle il était venu ?

Il reprit d'avancer tout en examinant une par une les différentes hypothèses que son cerveau lui présentait.

Daccord, admit-il, Jai été frappé par ce visage. Et alors ? Ce nest pas si étrange que ça de rencontrer une personne dont le regard vous inspire de la curiosité.

Mais Raito le savait bien : ce qui venait de se passer était, pour lui, très étrange.

Il n'avait jamais réagi de la sorte en croisant le regard d'une personne. Il ne s'était jamais senti aussi attiré par quelqu'un.

Il accéléra soudain le pas.

Attiré ?

C'était bien ça qu'il venait de penser ? Mais que lui arrivait-il ? Pourquoi des pensées aussi dénuées de sens lui traversaient-elles l'esprit ?

Il sortit son iPod, l'alluma et enfonça les écouteurs dans ses oreilles. Parmis sa liste de lecture, il choisit un morceau de hard rock et régla le volume au maximum : il avait besoin de penser à autre chose.