Qui eut cru que ce jour arriverait ? Certainement pas moi, ha. ha.

Si certains d'entre vous attendaient encore cette suite : toutes mes excuses pour ces... huit ans de retard, haha. J'espère qu'elle ne vous décevra pas. Merci à ceux qui liront ce chapitre et merci si certains d'entre vous décident de me laisser un mot !

Disclaimer: Les personnages et les lieux d'Harry Potter ne m'appartiennent pas et sont la propriété de J.K Rowling.

La citation qui fait office de titre de ce chapitre est tirée de MacBeth, traduite par François-Victor Hugo (le fils de Victor Hugo haha.)


Éteins-toi, éteins-toi, court flambeau !
La vie n'est qu'un fantôme errant, un pauvre comédien
qui se pavane et s'agite durant son heure sur la scène
et qu'ensuite on n'entend plus ;
c'est une histoire
dite par un idiot, pleine de fracas et de furie,
et qui ne signifie rien…


L'infirmerie était silencieuse. Il pouvait cependant entendre au loin les cris joyeux des étudiants qui suivaient un match de Quidditch. Serdaigle jouait contre Poufsouffle. Il se fit la réflexion, pour la première fois de sa vie, qu'il aurait bien aimé que le garçon allongé dans le lit fasse partie de cette foule. Et pourtant, il était là, seul, inconscient. Et il pesait sur ses épaules un fardeau dont il avait toujours ignoré l'existence.

Tom Riddle avait essayé de faire la potion deleo dolor et il en payait le prix. Allait en payer le prix. Bien des choses apparaissaient désormais sous un nouvel angle pour le directeur. Et il réalisa qu'il avait gravement, terriblement mal jugé le garçon qu'il croyait avoir complètement percé à jour.

Il soupira. Et remarqua qu'il caressait distraitement sa main brûlée. Les agissements de Tom Riddle lui apparaissaient sous une tout autre lumière. Les horcruxes avaient sans doute été le seul moyen que Tom avait réussi à imaginer pour éviter le terrible prix de cette potion.

Le nuage qui bloquait le soleil glissa et un rayon de lumière vint illuminer le beau visage de l'adolescent endormi. Dumbledore vit les sourcils du garçon se froncer et il bougea faiblement. Quelques instants plus tard, il ouvrait difficilement des yeux et se redressait - trop précipitamment sans doute - l'air égaré. Il parcourut la pièce du regard et s'arrêta sur le vieil homme qui s'était assis à côté de lui.

-Comment te sens-tu, Tom ?

Il expira difficilement une lueur de peur passa sur son visage. Tom avait fatalement compris que le directeur savait. La potion deleo dolor, était formellement interdite, précisément à cause des effets secondaires qu'elle pouvait avoir. C'était le genre de potion qui laissait des marques irrévocables. La sienne était sur son ventre, là où l'oie l'avait touché. C'était surtout son bras qu'elle avait atteint, mais ses incisives avaient également effleuré l'abdomen du jeune homme. Dumbledore vit distinctement que Tom comprenait qu'il pouvait justifier un renvoi catégorique et immédiat de l'école.

-Je ne vais pas te renvoyer, ajouta-t-il en voyant l'expression imperceptiblement craintive du jeune homme.

Tom resta muet. Il était sans doute horrifié que l'on ait découvert son plus grand secret. Leurs yeux se croisèrent et le visage du plus jeune se rembrunit :

-Je n'ai pas besoin de votre pitié.

-Ce qui tombe bien, car ce n'est pas ce que je ressens.

-Vous l'avez dit aux autres ?

Dumbledore secoua lentement de la tête :

-Non, Mme Pomfresh et moi-même sommes les seuls au courant de ta malédiction.

Cette information sembla l'apaiser légèrement. Il tourna la tête pour contempler les quelques cartes et diverses sucreries qui trônaient à côté du lit. Perplexe, il attrapa la plus proche et la parcourut rapidement du regard.

-Tes camarades se sont beaucoup inquiétés pour toi. Je pense qu'ils seront tous soulagés de te voir à nouveau sur pied.

Tom esquissa un faible sourire.

-Je peux m'en aller ?

-Si tu estimes que c'est une bonne idée, je ne vois pas de raison de te retenir. Cela dit, je pense que nous devons tout de même aborder le sujet de ton problème. Tom, quand as-tu fait cela ?

-Il y a deux ans.

Dumbledore soupira et répondit :

-Ce qui te laisse donc peu de temps. Deux cycles, n'est-ce pas ?

Tom pinça des lèvres et hocha de la tête.

-Je vais voir si je parviens à trouver une solution.

Le garçon ricana :

-Vous savez aussi bien que moi qu'il n'en existe pas.

Ils se toisèrent du regard, l'un comme l'autre pensant à la solution que le garçon avait trouvée. Faire des horcruxes, sacrifier la vie d'une personne dans le seul but de sauver la sienne. Cela rendait le geste plus compréhensible…mais pas moins grave. Dumbledore se rappela que le garçon en face de lui n'avait pas encore commis cet acte, qu'il était encore innocent.

Tom lui sourit d'une manière complètement hypocrite. Dumbledore voyait parfaitement que l'expression était factice.

-Je n'ai pas envie de vous retenir plus longtemps, professeur.

Le vieil homme hocha lentement de la tête. Il se releva et épousseta machinalement sa robe.

-Si j'étais toi, je n'en ferais pas trop les prochains jours. Ta blessure était quand même relativement grave. La Gusakula ne t'a pas raté.

Tom se fit la réflexion qu'il allait être difficile de respecter les mille retenues que Potter et lui avaient accumulées à cause de leur escapade nocturne et de respecter ce conseil de santé.

Ce qui l'amenait au sujet de Potter. Le Gryffondor lui avait sauvé la vie. Il avait bravé les interdits formels de son directeur et lui avait lancé sa baguette pour qu'il puisse se défendre. Alors, effectivement, cela n'avait eu strictement aucun effet puisque l'oie avait dévié son sort sans aucune difficulté ; mais…

Tom n'était pas sûr d'avoir jamais rencontré quelqu'un qui aurait agi comme Harry l'avait fait. Bien sûr, des gens prétendaient être prêts à l'aider, certains mêmes avaient affirmés être prêts à donner leur vie pour lui ! Mais entre affirmer quelque chose et le faire réellement… il avait pu constater maintes fois que les actes atteignaient rarement les paroles. Et pourtant, Harry Potter s'était désarmé pour lui donner une chance. C'était la chose la plus vulnérable que pouvait faire un sorcier… Sacrifier sa baguette.

Il passa pensivement sa cravate autour du cou. Il détestait l'idée d'avoir eu besoin d'aide. C'était indigne de lui. Mais c'était une information intéressante que de savoir que Potter était ce genre de personne. Quelqu'un prêt à aider en toutes circonstances, quelle que soit la personne en danger.

Est-ce qu'il allait devoir le remercier ? C'était sans doute approprié - il n'était pas particulièrement reconnaissant, il détestait être en position de faiblesse mais c'était bien la première fois que quelqu'un était prêt à mettre sa vie en jeu pour lui.

Il soupira. Il tentait de ne pas penser à l'autre élément que cette crise avait mis à jour. Sa "malédiction". Malédiction dont il était le seul responsable. L'idée que Dumbledore puisse être au courant lui donnait sincèrement la nausée. Pour la première fois depuis des années, Tom avait l'impression d'être dans une position vulnérable et il n'arrivait pas à imaginer un moyen pour reprendre le contrôle de son image. Maintenant que Dumbledore était au courant… Chacun de ses actes serait d'autant plus épié. Dumbledore savait que Tom était… désespéré.

Et Tom réalisa qu'il était véritablement et définitivement condamné. La colère qui surgit de cette révélation lui coupa le souffle. C'était tellement bête ! Il avait été d'une faiblesse impardonnable quand il avait essayé de faire cette potion et il lui semblait raisonnable de devoir en pâtir d'une manière ou d'une autre. Mais de là à devoir mourir pour ça ? C'était bien trop humiliant, bien trop pathétique pour qu'il ne reste les bras croisés.

-Professeur ? demanda-t-il poliment. Dumbledore s'était tourné le temps qu'il s'habille, prétendant contempler avec intérêt un tableau représentant trois infirmières obèses en train de boire du vin.

Le directeur se retourna lentement et lui lança un regard inquisiteur. Voyant que Tom s'était rhabillé et était prêt à quitter l'infirmerie, il lui fit signe de le suivre. Tom fit quelque pas, constata qu'il était résolument faible (peut-être aurait-il mieux fait de rester à l'infirmerie quelques heures de plus) mais, au lieu d'en faire cas, se dirigea vers Dumbledore et calqua ses pas sur celui du vieillard.

-Pour permettre à Harry de pouvoir suivre ses cours convenablement et te donner un peu d'intimité, j'ai rompu le lien le temps de ta convalescence.

Tom hocha la tête, il l'avait présumé en remarquant l'absence de l'autre garçon. Il espérait sincèrement qu'Harry ne se doute de rien. C'était une chose de savoir que …Dumbledore puisse être au courant, c'en était une autre de savoir que ses camarades à Gryffondor l'étaient aussi. Il pouvait parfaitement imaginer leur réaction… et la pitié débordante qu'ils auraient pour lui. L'idée même le révoltait.

Il hocha la tête et suivit Dumbledore qui le menait, vraisemblablement, là où se trouvait Harry, afin de les lier une nouvelle fois.


Harry aurait menti s'il avait prétendu que la situation ne l'avait pas affecté. Bon sang. Hermione, toujours perspicace, avait raison : il avait vraiment le complexe du héros. Il avait sauvé une itération du plus grand mage noir de tous les temps. Parce que pendant la seconde précédent le moment où il avait lancé sa baguette en direction du garçon…

Harry avait clairement vu que l'oie n'allait pas rater Tom et - cette pensée l'horrifiait - elle l'aurait très certainement décapité. Le sort qu'avait lancé Tom in extremis lui avait permis de lever le bras - et les dents de l'oie s'étaient enfoncées à cet endroit plutôt que dans sa gorge.

Harry, alors qu'il marchait pour se changer les idées, essayant de ne pas faire attention à l'inquiétude étrange qui le taraudait, avait entendu Hagrid dire à Chourave que ces oies étaient "magnifiques". Il s'était arrêté net. Et Harry s'était fait la réflexion que définitivement Hagrid avait une vision assez personnelle de ce qui pouvait être qualifié de "magnifique". Les rangées de dents qui ornaient l'intérieur de la bouche de l'animal allaient le hanter à jamais.

Les faits restaient les mêmes : Harry aurait-il regretté la mort de Tom Riddle ? Il s'était déjà maintes fois fait la réflexion qu'il ne s'agissait pas (encore) de Voldemort, qu'il ne pouvait décemment pas l'accuser des abominations qu'il n'avait pas encore commises. En fait, oui, Harry devait bien se l'avouer, il aurait regretté sa mort.

Parce qu'Harry considérait que tous les êtres vivants méritaient de vivre (à l'exception, peut-être, des détraqueurs. De Voldemort et de Queuedever), pas parce qu'il avait de l'affection pour l'autre garçon. Non, vraiment, ce n'était pas le cas.

Le pire, c'était que de voir quelqu'un si proche de se faire littéralement couper en deux avait ravivé des souvenirs dont il se serait bien passé. Il avait même rêvé du cimetière de Little Hangleton (ce qui n'était pas arrivé depuis un an environ) mais à la place de voir le cadavre de Cédric tel qu'il était mort, il s'était trouvé face au corps de Cédric… sa tête placée quelques mètres plus loin.

Apparemment, son cerveau était doté d'une imagination débordante : Harry n'avait bien évidemment jamais vu un corps décapité (à l'exception de Nick Quasi-Sans-Tête, ce qui était quand même carrément moins traumatisant qu'un corps tangible décapité) … Enfin bon ; Toujours était-il qu'Harry était, d'accord, il pouvait l'admettre, soulagé d'apprendre que Riddle n'avait rien eu de grave.

Il mettait tout de même cette certitude en doute car, quand Dumbledore était venu lui annoncer (de même qu'aux autres Gryffondor) que Tom allait s'en sortir sans séquelles, il avait eu une expression grave qu'Harry ne lui avait jamais vue. Ils passaient pourtant une heure par semaine à parler des terribles choses que Voldemort s'étaient infligées. Harry n'était donc pas tout à fait serein et avait l'impression qu'il s'était passé autre chose, une chose que personne n'avait l'intention de lui révéler.

Ce n'était pas réellement un problème, Harry était plutôt doué pour résoudre les énigmes ; il finirait bien par savoir quelle nouvelle avait mis Albus Dumbledore dans un tel état d'inquiétude.

Harry sortit de ses pensées en sentant le coude de Ron (qui avait exceptionnellement repris place à côté de lui pendant que Riddle était à l'infirmerie) s'enfoncer dans ses côtes. Il releva la tête et remarqua que toute la classe le fixait du regard.

-Oui ? demanda-t-il bêtement.

-Monsieur Potter, vous êtes attendus dans le bureau de Professeur Dumbledore, répéta (de toute évidence) McGonagall avec sévérité.

Harry s'excusa et, sans se faire prier plus, s'éclipsa de la salle de cours. C'était assez inhabituel que Dumbledore le réquisitionne comme ça. D'habitude, il lui donnait rendez-vous. La seule hypothèse possible, donc, était qu'il soit arrivé quelque chose. Est-ce que Tom s'était réveillé ? Une attaque de Voldemort avait-elle eu lieu ? Il ressentit soudainement une peur violente pour la famille Weasley. Il se rassura en se disant que s'il leur était arrivé quelque chose, Ron aussi se serait fait convoquer. Il arpenta les couloirs avec détermination, ne prêtant pas attention aux tableaux qui chuchotaient sur son passage. En pleine journée de cours, Harry ne croisa personne ce qui le soulagea. Il était tout de même inquiet et l'idée de devoir signifier à telle ou telle personne qu'il était attendu chez Dumbledore ne l'enchantait pas.

L'attaque de l'oie sur Riddle avait rapidement fait le tour de l'école, d'ailleurs. Bien entendu. Le jeune et brillant Gryffondor qui était arrivé inexplicablement en plein milieu du semestre avait été au cœur de toutes les conversations. Harry ne pouvait blâmer personne, si quelque chose du genre était arrivé à n'importe qui d'autre (ce qui lui paraissait peu probable parce que tout semblait lui arriver à lui) il en aurait aussi avidement discuté avec Ron et Hermione.

Il arriva enfin dans le couloir où se tenait la gargouille qui menait au bureau du directeur. Harry s'arrêta devant elle et déclara :

-Crèmes Canari.

La gargouille hocha sobrement de la tête et s'écarta pour donner l'accès aux escaliers. N'ayant pas la patience d'attendre que les escaliers le mènent au bureau, Harry les gravit vivement, impatient d'apprendre de quoi il en retournait.

Il n'y avait personne dans l'antichambre, les chaises qui permettaient aux visiteurs de patienter étaient toutes inoccupées. Il toqua contre la lourde porte en chêne. La voix de Dumbledore lui parvint à travers la cloison :

-Entre, Harry.

Harry ne se fit pas prier. Il ouvrit la porte et pénétra dans le bureau. Il remarqua tout de suite que Tom était là, assis en face de Dumbledore. Il froissait et défroissait mécaniquement le papier d'un bonbon que Dumbledore venait vraisemblablement de lui offrir. Harry lui fit un signe de tête auquel Tom répondit. Une bouffée de soulagement le surprit. Il n'avait pas réalisé à quel point il avait été inquiet mais, en sentant l'étaux qui lui serrait le cœur disparaître, il réalisa à quel point l'attaque l'avait affecté. Il se tourna ensuite vers le directeur de l'école qui était assis derrière son bureau, les deux coudes posés sur la surface en bois, l'air pensif.

-Je te remercie d'avoir bien voulu nous rejoindre, déclara-t-il en faisant signe à Harry de s'asseoir en face de lui, à côté de Riddle. Il marqua une pause puis reprit : comme tu peux le constater, Tom est à nouveau sur pied. Je vais donc vous relier. Vous pourrez ensuite profiter de l'après-midi pour vous reposer. Je pense que Tom a encore besoin de repos et de tranquillité avant d'être assiégé de questions par les autres élèves.

Secrètement heureux d'échapper au cours de Binns qui était le dernier de sa journée, Harry hocha de la tête. Dumbledore prit sa baguette, qui était posée à côté de lui et, alors que Tom et Harry tendaient chacun leur bras dans sa direction, les relia.

Harry ressentit la même impression que la première fois ; comme si une corde s'enroulait autour de son bras et, alors que Dumbledore terminait le mouvement de sa main, se serrait brusquement. La douleur - et ce n'était pas tellement une douleur plutôt qu'une sensation désagréable - disparu aussi soudainement qu'elle était arrivée. Harry fit bouger ses bras puis son poignet. C'était comme s'il ne s'était rien passé. Il se demanda si Tom ressentait la même chose ou si c'était plus désagréable pour lui.

Dumbledore reposa sa baguette et s'assit plus profondément dans son siège. Sa main, qu'Harry essayait désespérément de ne pas fixer, lui semblait plus noire et décharnée que la dernière fois qu'il l'avait vue. La condition de son directeur s'empirait-elle avec le temps ? Cette pensée le glaça et il l'écarta.

-Je ne vous retiens pas plus longtemps. Encore merci Harry pour ta patience. Bon rétablissement Tom.

-Merci, professeur, déclara poliment Tom. Il fourra le papier qu'il tenait encore entre les mains dans sa poche et se redressa.

La grimace qu'il fit n'échappa pas à Harry. De toute évidence, l'autre garçon n'était pas encore tout à fait rétabli.

Sans dire un mot, ils sortirent du bureau de leur directeur, descendirent les escaliers - cette fois en attendant que ceux-ci les amènent en bas, Tom ne semblait pas être capable d'aller vite - et franchirent l'arche que gardait la gargouille.

Une fois sortis du couloir qui menait au bureau de Dumbledore, Harry se tourna pour faire face à Tom. Il était blanc comme un linge - Riddle avait la peau pâle en toutes circonstances, bien sûr mais sa peau avait une teinte maladive. Harry plissa des yeux : il voyait aussi une goutte de sueur perler sur le front de l'autre garçon.

-Tu aurais peut-être dû rester à l'infirmerie, déclara-t-il platement.

Riddle enfonça ses mains dans ses poches, l'air contrarié.

-Non, répondit-il sobrement avant de se remettre à marcher.

Harry lui emboita le pas :

-Tu es sûr ? Parce que tu n'as vraiment pas l'air bien.

-Merci pour ton inquiétude, Harry, railla Riddle, mais je t'assure que je me porte comme un charme.

Harry n'était pas aveugle ; il voyait parfaitement qu'il y avait une tension qui n'avait pas été là avant. Il s'était définitivement passé quelque chose ; quelque chose que et Dumbledore ET Riddle lui cachaient. Il se demandait bien ce que cela pouvait être. Et pourquoi cela donnait à Riddle l'envie de se terrer dans la salle commune plutôt que de rester tranquillement à l'infirmerie. C'était vraiment incompréhensible. Puisqu'il n'avait plus été sous le lien que leur imposait Dumbledore, Harry imaginait qu'il aurait pu en profiter pour … Il ne savait pas exactement quoi mais en tout cas pour faire quelque chose. Aller subrepticement à la bibliothèque, par exemple. Ou essayer de s'échapper.

Harry décida néanmoins de ne pas insister. Il avait l'intuition qu'essayer de forcer Riddle à lui révéler ce qu'il - manifestement - lui cachait ne servirait à rien d'autre que de repousser le garçon dans ses retranchements.

La suite du trajet entre le bureau du directeur et la salle commune se fit donc en silence. Harry se bénit d'avoir pensé à prendre toutes ses affaires en sortant de classe, il n'aurait plus manqué qu'il doive traîner Riddle jusqu'en cours. Le pauvre aurait sûrement été assailli de question à la seconde où ses camarades l'auraient vu.

Quoique c'était aussi probablement ce qui allait se passer dans la salle commune. Honnêtement, Harry ne comprenait pas pourquoi Tom n'avait pas simplement décidé de rester à l'infirmerie. Il aurait pu y être tranquille et personne ne serait venu le déranger - ou du moins pas jusqu'à pas d'heure. Dans la salle commune, personne ne viendrait dire aux inopportuns d'arrêter d'emmerder Riddle. Au moins, à l'infirmerie, Pomfresh faisait toujours en sorte que les occupants puissent avoir leurs heures de sommeil ainsi qu'une certaine tranquillité.

Ils durent faire une pause au moment de monter dans la tour qui menait à la salle commune. Riddle s'arrêta quelques instants, l'air encore plus pâle qu'auparavant - ce qui, se dit Harry, serait bientôt un record à inscrire au Guinness. Il lui tendit le bras se disant que Tom avait peut-être besoin d'un support sur lequel s'appuyer. En voyant le regard de l'autre garçon, Harry le laissa retomber mollement. Embarrassé de s'être fait remballer de la sorte - il croisa les bras contemplant avec effarement Tom alors que celui-ci respirait difficilement.

Deux minutes plus tard ils reprenaient leur pénible ascension. Harry fit semblant de relacer ses chaussures pour passer derrière Riddle. Il se disait que si l'autre garçon faisait un malaise et tombait, il pourrait au moins essayer de le rattraper.

Finalement, finalement, Harry aperçu le tableau de la grosse dame. Elle émit un bruit désapprobateur en voyant la mine de Tom. Harry, derrière l'autre garçon, fit un geste au tableau pour que son personnage comprenne qu'il ne valait mieux pas commenter l'évidence. La grosse dame leva les yeux au ciel et, après qu'Harry lui ait donné le mot-de-passe, les laissa entrer.

Harry et Tom pénétrèrent dans la salle commune. Les septièmes années ainsi que les troisièmes années avaient de toute évidence déjà terminé leur journée de cours. Une bonne dizaine de visages convergèrent vers eux. Pour avoir déjà été le centre de l'attention, Harry savait parfaitement ce qui allait arriver.

Et effectivement, trois secondes plus tard, la plupart des élèves s'étaient agglutinés autour d'eux, demandant à Riddle des détails de son accident. Harry le leur avait déjà raconté, évidemment mais ce n'était pas lui qui s'était fait écharper par une oie géante. Son témoignage n'avait donc eu qu'un succès relatif.

Voyant que Tom semblait au bord de la crise nerveuse (ses poings étaient serrés et il était resté obstinément muet) et qu'en plus, il risquait à tous les instants de s'évanouir (et Harry n'avait mais alors aucune envie de devoir faire tout le trajet jusqu'à l'infirmerie en traînant Riddle), il décida de prendre les choses en mains.

Attrapant le bras du plus grand, il déclara (avec une autorité qui le surprit lui-même) que Tom avait besoin de repos et qu'ils allaient dans leurs dortoirs. Pourquoi n'était-il pas capable de faire preuve du même charisme quand il était question de lui ? Être capable d'envoyer paître ses camarades aurait été diablement utile l'année précédente quand ils l'accusaient tous de mentir.

-Laissez-nous passer ! s'exclama-t-il en tirant Riddle derrière lui.

Le regard déçu des autres Gryffondor ne lui échappa pas. Il se contenta de regarder droit devant lui. Sa soirée risquait d'être palpitante : au vu de la situation, il allait la passer à s'ennuyer à contempler la toiture de son lit à baldaquin, alors que Riddle dormirait comme un loir. Super. Qu'était-il passé dans la tête de Dumbledore et de Pomfresh pour dire à Riddle qu'il pouvait s'en aller ?

Il traversa la marée (d'accord très réduite) de ses camarades et gravit les escaliers rapidement, la main toujours fermement accrochée au bras de l'autre garçon. Ils entrèrent dans les dortoirs et Harry laissa échapper un soupir de soulagement. Il se laissa ensuite tomber sur son lit sans se soucier de ce que faisait l'autre.

Il entendit les ressorts du lit de Riddle grincer. Il se releva sur ses coudes et constata que Riddle le regardait.

-Merci.

Harry haussa des sourcils. Il ne s'était pas attendu à ça.

-C'est rien ! déclara-t-il avec légèreté : je sais à quel point ils peuvent être chiants.

-Je te remerciais pour la baguette. Riddle fit une pause : quoique merci aussi pour m'avoir tiré d'affaire en bas. il fit un mouvement de la tête en direction de la porte du dortoir.

Harry lui sourit :

-J'allais quand même pas te laisser faire couper en deux par une oie.

Tom ne répondit rien. Harry, mal à l'aise, regarda autour de lui. Il s'était définitivement passé quelque chose pendant qu'il était à l'infirmerie. Leurs rapports n'avaient pas été aussi tendus avant qu'il ne se fasse attaquer. En fait, Harry avait même l'impression qu'ils faisaient des progrès et qu'ils étaient à ça ("à ça" correspondant à deux doigts extrêmes proche l'un de l'autre) d'être de réels amis. Ils étaient allés se baigner à moitié nu dans un lac, ça comptait pour quelque chose, quand même.

-T'es sûr que ça va ?

Tom sembla sur le point de dire quelque chose mais se ravisa. Harry décida de laisser tomber pour la soirée. Il n'arriverait à rien en pressant l'autre garçon.


Harry se réveilla tôt le lendemain. Ce qui était logique, se dit-il. Il ne s'était jamais couché si tôt que la veille. Il attrapa ses lunettes et les plaça maladroitement sur son nez. Il ouvrit les rideaux de son lit à baldaquin et balaya la pièce du regard.

Les rideaux de tous les lits de ses camarades étaient tirés. Tout le monde dormait encore, donc. Pas surprenant, un samedi matin à sept heures, maugréa mentalement Harry. Riddle s'était endormi avant lui ; ça voulait fatalement dire qu'il se réveillerait dans peu de temps, pensa Harry avec espoir. Il n'avait pas du tout envie d'attendre des heures assis sur son lit. Ça ressemblait un peu trop à la soirée qu'il avait vécu la veille. Il s'avança vers le lit de Riddle et secoua un peu les rideaux. Il ne pouvait pas toquer contre des rideaux, évidemment, et les secouer lui semblait une alternative satisfaisante.

-Riddle ! chuchota-t-il. Aucune réponse. Il réessaya : Riddle !

Toujours pas de réponse. Hésitant, il écarta délicatement le rideau (Riddle n'ayant pas sa baguette, il ne pouvait pas se protéger de ses camarades en les ensorcelants) et s'arrêta net. Riddle était toujours assoupi. Il ne l'avait jamais vu dormir. Harry se sentit soudain extrêmement coupable, comme si son acte était d'une gravité insoutenable.

L'autre garçon était tourné sur le côté son visage avait une expression pincée et il avait clairement les cheveux humides. Harry n'était pas un spécialiste, évidemment, mais il lui semblait quand même qu'il avait l'apparence de quelqu'un faisant un cauchemar.

Il hésita. Devait-il le réveiller ? Il avait l'intuition que Riddle ne serait pas content d'apprendre qu'Harry s'était immiscé dans son espace personnel. À vrai dire, si les rôles étaient inversés, Harry serait mortifié d'apprendre que Riddle soit venu à sa rescousse. Il laissa le pan de tissus retomber et, désespéré, se laissa retomber contre son matelas. Foutu lien.

Le rideau préservant Riddle du dortoir coulissa une heure plus tard. Harry se redressa immédiatement, content de voir que cette interminable attente était sur le point d'arriver à son terme. Tom lui lança un regard morne. Il ne semblait… pas vraiment aller mieux que la veille.

-Comment tu te sens ? demanda Harry. Il réalisait que ses interactions avec l'autre garçon depuis qu'il était sorti de l'infirmerie pouvaient se résumer par "ça va? t'es sûr que ça va ? Comment tu te sens?" et se sentit étrangement embarrassé.

Riddle haussa des épaules.

-Je vais mieux, trancha-t-il après une seconde. Il passa ensuite sa main sur son visage et replaça de deux doigts tremblants les cheveux qui s'étaient aplatis sur son front. Ils semblaient toujours humides.

-Douche ? proposa Harry. Cette phrase l'avait horriblement embarrassé la première fois qu'il l'avait prononcée. Elle donnait un peu l'impression qu'il proposait à Riddle de se doucher avec lui. Heureusement, l'autre garçon ne l'avait jamais interprétée comme ça.

Tom hocha lentement de la tête. Il semblait préoccupé par autre chose, comme s'il n'entendait Harry que d'une oreille.

Il se redressa et Harry prit les devants en se dirigeant vers la porte de leur salle de bain.

Ils n'échangèrent aucun mot alors qu'ils se douchaient chacun de leurs côtés. Lorsqu'Harry et Ron se douchaient en même temps, ils passaient toujours leur temps à discuter… Parfois, lorsqu'ils étaient d'excellente humeur, ils se mettaient même à faire des duos.

Leur interprétation de "Ton chaudron humide" avait rendu hilare les autres garçons.

Malheureusement, ce n'était pas le genre d'ambiance du moment. La journée promettait d'être tendue.

Ils sortirent de leur douche respective. Harry se réjouissait d'aller prendre son petit déjeuner, il n'avait pas mangé depuis plus de douze heures et il mourrait positivement de faim.

-On va manger ?

Riddle se contenta d'hocher de la tête alors qu'il nouait la cravate de Gryffondor autour de son cou. Il devait être le seul garçon Gryffondor - avec Percy - de l'histoire à se donner autant de peine quant à sa tenue.

Ils descendirent de la tour sans un mot et entrèrent dans la grande salle. Peu d'élèves étaient déjà debout et pour cause, les samedis matin étaient d'habitude synonymes de grasse matinée.

Harry se laissa tomber sur le banc alors que Riddle s'asseyait en face de lui avec élégance. Harry attrapa un bout de toast et l'enfourna - avec toute la délicatesse que le terme impliquait - dans sa bouche.

Riddle lui lança un regard méprisant :

-On ne t'a pas appris les bonnes manières ?

-Je ne comprends pas pourquoi tu es désagréable à ce point ! Il s'est passé quoi dans l'infirmerie ? s'exclama Harry avec énervement.

Harry était parfaitement conscient qu'il venait juste de saisir la première opportunité pour aborder le sujet.

Riddle ne répondit pas mais la commissure de ses lèvres s'arqua très largement vers le bas. Finalement, après quelques secondes, il changea d'avis et déclara :

-Dumbledore a découvert quelque chose.

Harry leva les yeux au ciel. Tom n'avait apparemment pas compris que Dumbledore avait déjà tout découvert. Qu'il connaissait la vie de Voldemort sur le bout de doigt, qu'il n'y avait pas un secret que le mage noir avait réussi à dissimuler suffisamment pour le mettre hors d'atteinte d'Albus Dumbledore.

Et il le fit comprendre à Riddle. Pourquoi était-il énervé à ce point ? Peut-être à cause de l'attitude distante de l'autre ? Oui, Harry était simplement vexé.

Tom ne sut pas exactement ce qui lui prit. Peut-être était-ce de voir Potter s'énerver d'une manière disproportionnée ? La gêne qu'il ressentait encore de savoir son secret percé à jour ? De se sentir vulnérable et mis à nu pour la première fois de son existence ?

Il coupa Harry qui était encore en train de se moquer de lui :

-Je vais mourir.