Note : OS écrit pour le thème Ile de la nuit du Fof. J'en profite pour écrire cette suite du point de vue d'Erik cette fois, que j'ai toujours voulu faire. Je la reprendrais peut-être plus tard pour coller au chapitre précédent, mais peut se lire seul sans problème. Oh, et à celles et ceux qui m'ont en Alert, désolé pour le flood de ce soir !


Qui aurait pu être, qui ne sera jamais

Tout est question de point de vue, après tout. De contexte. De circonstance.

C'était une plage magnifique. Le sable fin balayé par le vent marin reflétant un soleil généreux que quelques filaments de nuage paresseux ne parvenait pas à affaiblir, le bleu riche et mouvant des eaux du Pacifique remuant calmement à leur pied.

Les dizaines de navires de guerre prêts à réduire la plage en cendre.

En d'autre circonstance cette île aurait été le paradis. Ils y seraient venus tout ensemble comme on passe des vacances en famille. Loin des yeux du monde pour pouvoir laisser libre court à ces choses qui faisaient d'eux des êtres différents, exclus et craints par les autres mais qui n'étaient que source d'amusement quand ils n'étaient qu'entre eux. Erik aurait presque pu y croire. Sean se serait amusé à soulever les eaux dans la figure d'Alex jusqu'à ce que celui-ci parvienne à le coincer pour que lui et les autres l'enterrent dans le sable. Hank aurait grimpé aux arbres gorgés de fruit juteux pour leur fournir le déjeuner. Raven se serait changé en Roy Scheider pour jouer le remake des Dents de la Mer, puis Pamela Anderson pour faire Alerte à Malibu. Et Charles les auraient regardés, un sourire bienveillant sur les lèvres et les yeux emplis d'affection, épris d'espoir et de rêve de les garder éternellement ainsi, sauf et insouciant.

Erik aurait regardé Charles.

Et l'île aurait été un refuge, témoin et gardien muet de temps heureux.

Mais il n'en était rien, car le ciel était empli de missile et la plage couverte de débris et souillé par le sang. Cela n'arriverait jamais.

Jamais, jamais.

Bien sûr qu'il savait ce qu'il avait fait endurer à Charles en transperçant le crâne de Shaw avec cette pièce, frappée des armoiries nazies, qu'il avait gardé tant d'année, poids d'une lourdeur insupportable entre ses doigts, porteuse de souvenir à jamais gravé dans son esprit écorché. Il avait tellement espéré que son amitié pour le télépathe soit suffisante pour le faire changer de cap, pour l'empêcher de se consumer dans sa rage.

Mais aussi doué que soit le jeune professeur à soigner les blessures de l'âme, il ne pouvait pas lutter contre une vie entière de tourments et de rêve de vengeance.

Alors cette île n'était pas le paradis, et elle ne le serait jamais.

Jamais, jamais.

Bien sûr qu'Erik contrôlait la trajectoire des balles qu'il dévia quand cette idiote d'agent lui tira dessus. Il avait un contrôle absolu sur son pouvoir et sur ce qu'il touchait. Le métal lui obéissait, il était docile, aisément plié à sa volonté, facile à conduire, prédictible.

Pas comme les gens. Pas comme Charles. Erik avait tout pouvoir sur le métal qu'il contrôlait. Mais pas sur son ami qui s'était relevé à cet instant, pas sur la variable constante, l'imprévisible. L'homme.

Et l'île serait à jamais l'enfer, la culpabilité, le sang, les erreurs qu'on ne rattrape pas, les regrets qu'on ne fait jamais taire. Erik sentit la balle s'enfoncer avec aisance dans la chair tendre et il sut que jamais ils ne partiraient tous ensemble en vacances, qu'ils ne seraient jamais insouciants et libre.

Jamais, jamais.

L'ile ne serait jamais la source d'espoir d'un navire égaré apercevant la terre. Elle serait juste la source de désespoir d'un naufragé perdu, entouré de tout côté par la mer, condamné.

Erik abandonna le plus cher de ses amis sur la plage humide, abandonna les maigres espoirs de paix qu'avait fait naître en lui l'autre mutant, le premier des siens qu'il avait rencontré, le premier homme avec qui il s'était lié. Le dernier également. Charles était trop idéaliste. Charles avait trop d'amour, trop à offrir, trop à recevoir, il pardonnerait Erik et Erik se pardonnerait pas.

Erik quitta l'île dévastée. Il n'y retournerait jamais.

Jamais. Jamais.