Voilà une autre petite fiction sur Camus et Milo.

A noter, 1 chapitre = 1 an de leur vie. Dans la fiction, Milo serait atteint de la maladie cardiaque dont souffre Kardia dans The Lost Canvas.

J'espère que vous aimerez!

Bisous bisous.

Ps: Aucun personnage ne m'appartient :(.


-Camus, dis bonjour à ton nouveau camarade.

Les bras croisés sur la poitrine, le petit verseau regardait le bambin venir vers lui. Il ne tenait même pas sur ses jambes, montant les escaliers comme un petit chimpanzé : penché en avant, les mains sur la marche du dessus pour se hisser plus haut. Derrière lui, Shion le suivait de près, surveillant qu'il ne retombe pas en arrière. Fièrement dressé sur ses deux jambes, LUI, Camus refusait ferme de saluer ce que son maître appelait ''son nouvel ami''. Il s'était levé de très mauvaise humeur, lorsque son maître lui avait annoncé l'arrivée du petit grec au sanctuaire et qu'il lui avait dit qu'ils devraient l'héberger pendant quelques jours : cela impliquait non seulement que son calme habituel allait être perturbé mais en plus, qu'il devrait partager sa chambre et ça, il ne le supportait pas.

-Camus, la politesse !

Cristal poussa son élève en avant : cette petite tête de mule lui donnait du fil à retordre ces derniers jours. Visiblement, il n'acceptait pas qu'un autre enfant vienne envahir son espace personnel et pour cause, le petit Camus avait toujours été un enfant peu sociable. Oui mais voilà, Cristal devait s'occuper de Milo quelques jours, son maître respectif étant retenu en mission. Et il n'avait pas pu refuser lorsque Shion était venu lui demander d'héberger le bambin grec : non seulement parce qu'il avait le devoir d'obéir au grand pope mais aussi parce que le maître attitré du petit grec était son ami.

Il vit avec amusement Milo filer à quatre pattes jusqu'à Camus tout en s'accrochant à son pantalon pour se remettre debout. Vacillant doucement d'avant en arrière, cherchant un équilibre qu'il finit par trouver, il retira sa sucette de sa bouche avant de poser un baiser mouillé sur la joue du petit français. Petit français qui d'ailleurs bondit en arrière tout en se frottant la joue.

-Maître, il m'a bavé dessus !

Cristal leva les yeux au ciel en voyant son élève s'essuyer vigoureusement la joue, laissant son nouveau camarade sur les fesses. Camus était décidément un enfant bien trop précieux et le pauvre Milo ne comprenait pas pourquoi son nouvel ami ne lui avait pas rendu son bisou. Et puis il parlait avec le grand monsieur dans une langue qu'il ne comprenait pas et cela le frustrait beaucoup. Il vit le gentil Shion venir vers lui pour l'attraper sous les aisselles et le remettre sur pieds et puis son regard se posa sur le grand monsieur en armure bleue devant lui. Ses yeux perçants l'effrayèrent un peu, si bien qu'il eut vite fait de reprendre sa tétine, une main cramponnée à la longue tunique de Shion.

-C'est toujours d'accord, Cristal ? Tu t'occuperas de lui quelques temps.

-Bien sûr grand pope, il n'y a pas de problème.

Cristal s'accroupit devant le petit garçon, un doux sourire collé aux lèvres.

-Bonjour, Milo. Je suis Cristal, je vais m'occuper de toi jusqu'à ce que ton maître revienne, d'accord ?

Le petit garçon hocha timidement la tête, maintenant presque totalement caché derrière Shion : le grand monsieur lui faisait peur.

-Camus ? Va faire visiter le temple à Milo.

Le mini verseau envoya un regard noir à son maître : lui n'était qu'un enfant, pourquoi devait-il guider le nouveau venu chez eux ? Son maître était bien plus apte à faire ça. D'ailleurs, il ne bougea pas d'un pouce, laissant le futur scorpion venir à lui. Il vit Milo s'élancer dans sa direction avant de lamentablement se trébucher sur un caillou qui traînait et finalement terminer sa course dans ses bras. Il le repoussa en arrière, refusant que quiconque le touche et son cœur loupa un battement lorsqu'il sentit la petite main sale de Milo se glisser entre la sienne. Il était prêt à commettre un meurtre, répugné à l'idée que Milo ne lui refile ses bactéries lorsque son regard croisa celui visiblement très en colère de son maître Cristal.

-Ca suffit Camus. Comporte-toi bien et file à l'intérieur !

La tête basse, Camus ne se fit pas prier pour disparaître du champ de vision de son maître. Traînant un Milo ravi derrière lui, il pénétra à l'intérieur du temple, laissant les deux adultes à l'extérieur.


-Ne touche pas à ça, c'est à moi !

La main toujours fourrée dans le plat de bonbons, Milo envoya un regard interrogateur à son nouvel ami : il ne comprenait strictement rien de ce qu'il venait de lui dire. Il ignorait dans quelle langue il venait de lui parler mais en tout cas, il ne comprenait pas. Ne sachant donc pas si ce qu'il faisait était autorisé ou non, il décida que l'appel du ventre trancherait : et l'appel du ventre lui disait qu'il avait plutôt intérêt à très vite avaler un de ces bonbons acidulés s'il ne voulait pas s'évanouir très vite. C'est donc tout naturellement qu'il piocha une sucette rose, sauf qu'il ne s'attendait pas à ce que le couvercle en verre se referme violemment sur ses doigts déjà rougis.

-Mais t'es sourd ou quoi ? Je t'ai dit que c'était à moi !

Sous le coup de la douleur, il avait relâché le bonbon à la fraise et Camus, satisfait de son petit effet, releva le couvercle. Mais sans même qu'il n'ait eu le temps de s'en rendre compte, le petit Milo éclata en sanglots, sa main meurtrie devant la bouche. Paniqué à l'idée que son maître ne rapplique, le mini verseau tenta de le faire taire, sans succès. C'est que le futur scorpion avait de la voix, l'air de rien. Et, évidemment, ce qui devait arriver arriva : son maître Cristal ne mit pas longtemps à rentrer à l'intérieur.

-Qu'est-ce qui se passe ici ? Pourquoi est-ce qu'il pleure, Camus ?

-Je sais pas !

Le verseau venait de mentir pour la première fois à son maître mais c'était pour la bonne cause, il ne voulait pas être privé de dessert à cause de l'autre enfant qui ne comprenait rien à ce qu'il lui disait. S'il l'avait écouté dès le début, il ne serait pas en train de pleurnicher sur une chaise. Ce n'était tout de même pas de sa faute si Milo n'avait pas de bonbons.

-Camus, gronda Cristal, je sais que tu me mens et je te déconseille de continuer ce petit jeu plus longtemps.

-Il a voulu me voler ! Alors il fallait bien que je l'arrête.

-Et je peux savoir ce que tu as fait ?

-Je lui ai refermé le pot sur la main.

Blasé. Il n'y avait pas d'autre mot pour définir l'attitude de Cristal à cet instant : son élève était-il bien en train de lui avouer qu'il avait volontairement blessé son petit camarade pour une histoire de sucrerie ? S'il continuait ainsi, il allait le faire sortir de ses gonds. Même pas une heure que Milo était là et sa petite peste d'élève trouvait déjà le moyen de le faire pleurer. Il reporta son attention sur le grec, qui soufflait à présent sur ses doigts gonflés.

-Camus ! Hurla-t-il presque, tu me fais vraiment honte. Je vous laisse seuls quelques minutes et voilà le résultat. Tu ne vas pas mourir parce que tu as un bonbon en moins.

-Mais je lui ai dit de pas toucher et il m'a pas écouté !

-Camus, Milo est grec. Il ne parle pas le français. Maintenant file dans ta chambre !

-Mais maître…

-Et ne discute pas !

Résigné, Camus finit par battre en retraite, furieux à l'idée de s'être fait disputer à cause de Milo. Il sentait déjà qu'il perdait son statut de privilégié au sein du onzième temple. Et tout ça parce que le huitième gardien en titre n'avait pas réussi à terminer sa mission à temps et qu'il avait fait les yeux doux à son maître pour lui refiler Milo. Totalement vexé par le déroulement de cette journée qui n'aurait pas pu être pire, Camus se hissa sur ce qui était encore son lit jusqu'à ce soir et se saisit du livre d'images que son maître avait posé sur sa table de nuit. S'il devait vraiment laisser un intrus pénétrer dans son espace personnel, autant sauver tout ce qu'il pouvait !


Filant à toute allure sur ses deux jambes, trébuchant tous les deux mètres Milo avait déjà oublié depuis longtemps la douleur de sa main. La seule chose qu'il voulait maintenant, c'était retrouver son nouvel ami pour lui montrer le joli sparadrap que le maître Cristal lui avait mis. Il ne lui fallut pas longtemps pour dénicher le petit français, qui empilait dans une caisse toutes sortes de jouets fascinants. Lui n'avait jamais eu de jouets et il aimerait beaucoup pouvoir y jouer avec son nouveau copain.

-Camus !

Imperceptiblement, le verseau miniature tressailli : quand allait-il enfin réussir à se débarrasser de cette sangsue en couche-culotte ? En moins de dix secondes, il vit la bouille à présent toute souriante du bambin se profiler devant lui.

-Qu'est-ce que tu veux ? Demanda-t-il dans un grec impeccable.

Le petit scorpion était heureux : enfin il comprenait ce que son ami lui disait !

-Regarde ! Dit-il en lui collant sa main sous le nez, exhibant fièrement son sparadrap. Sparadrap qui d'ailleurs appartenait à Camus. Camus qui ne mit pas longtemps avant de reconnaître les petits bonhommes de neige bleus sur fond blanc qui avaient tant de fois recouvert ses égratignures.

-Et alors, c'est pour les bébés !

Le petit Milo pencha un peu la tête sur le côté, ne comprenant pas pourquoi son ami était si grognon quand il était là. Peut-être qu'il ne voulait pas être son ami ? Ou peut-être qu'il était triste ? Ou fâché. Cela dit, Milo ne fit pas attention au ton glacial du français, persuadé qu'ils pourraient rapidement devenir copains quand Camus serait de meilleure humeur. Et puis de toute façon, à deux ans et demi, il était encore un bébé. Et ce n'était pas parce que Camus avait six mois de plus que lui qu'il était un grand. Il était aussi un bébé, mais il ne voulait pas l'avouer, voilà tout.

-Je peux jouer avec toi ? Demanda-t-il en s'approchant pour regarder dans la caisse en carton.

Mais Camus referma vivement les côtés, ne supportant pas l'idée que le petit nouveau touche à ses affaires. C'était ses jouets après tout. Il n'avait pas à partager avec Milo. Et puis il était certain que le grec ne ferait pas attention et déchirerait une page de son nouveau livre il avait l'air tellement maladroit. A trois, Camus aurait vraiment eu honte de prendre la tétine et pourtant le petit garçon bouclé qui lui faisait face se promenait partout avec cet objet de bébé en bouche. Camus ne voulait pas être son ami : tous les autres chevaliers allaient se moquer de lui !

-On joue pas ?

-Non.

-Mais pourquoi ?

-Je joue pas avec les bébés comme toi !

-Je suis pas un bébé.

-Si !

-Même pas vrai !

-Même que si !

-Non !

-Si t'es un gros bébé. Et je veux pas être ton ami.

Les deux enfants se toisèrent un instant du regard. Le petit Milo voulait avoir un copain et il voulait que ce soit Camus. Mais apparemment lui il ne voulait pas. Et c'était trop injuste de ne pas avoir de copain quand on a tout juste trois ans. Oui mais voilà, Milo avait bien compris que contre Cristal, Camus ne pouvait rien. Et apparemment, le grand monsieur voulait aussi que Camus soit son ami. Alors si c'était le grand monsieur qui lui demandait, Camus accepterait surement de jouer avec lui !

Le petit français poussa un soupir de satisfaction en voyant l'autre bébé filer dehors. Il pourrait enfin savourer pleinement le calme de sa chambre d'enfant sans subir les questions agaçantes du petit nouveau. Il était prêt à grimper sur son lit lorsqu'il entendit la voix de Milo hurler.

-Grand Cristaaaaal. Camus il est pas sage ! Il a dit qu'il voulait pas être mon ami !

Mais qu'on le fasse taire, ce sale môme ! Qu'on lui couse la bouche, qu'on le bâillonne, n'importe quoi. Pourquoi devait-il allait rapporter tous ses faits et gestes à son maître ? Cette attitude prouvait à quel point il était encore un bébé. Mais cela n'arrangeait en rien les affaires du mini verseau : deux minutes plus tard, son maître Cristal rappliquait, Milo caché derrière lui.

-Camus, pourquoi as-tu dit à Milo que tu ne voulais pas être son ami ?

-Parce que je veux pas !

-Tu en es bien certain ?

Camus leva les yeux vers son maître : il le regardait méchamment, comme quand il faisait une grosse bêtise. Mais il n'avait pas fait de grosse bêtise. C'était son droit de ne pas vouloir jouer avec Milo, après tout. Ce n'est pas parce que son maître était ami avec celui de Milo qu'eux devaient être des amis aussi. C'était illogique.

-Oui.

-Très bien, alors ce n'est pas la peine de sortir de cette chambre avant demain, Camus. Ton comportement est indigne d'un futur chevalier d'or.

-Mais c'est pas juste !

Camus n'eut pas le temps de rajouter la moindre phrase : son maître avait déjà fermé la porte derrière lui, emportant ce satané Milo dans ses bras. Comme si ce mioche était digne d'être un chevalier, lui. Camus avait rarement vu des bébés de deux ans et demi qui tenaient à peine sur leurs jambes et qui pleuraient à tout bout de champs. Lui au moins, il savait déjà se battre !


Allongé sur son lit, Camus pleurait. Il sanglotait plutôt. Il avait passé toute la journée enfermé dans sa petite chambre et son maître ne lui avait rien apporté à manger. Et maintenant il avait faim. Son petit ventre faisait de drôles de glouglous depuis tout à l'heure et ça lui faisait mal. Il ne comprenait pas pourquoi son maître Cristal faisait ça : peut-être qu'il ne l'aimait plus ? Peut-être qu'il allait garder Milo comme élève et le donner lui au huitième gardien ? C'était fort probable. Cristal lui avait dit qu'il était déçu de son comportement, alors il allait surement se débarrasser de lui. Cette pensée fit redoubler ses sanglots : Camus vivait sa première angoisse de petit garçon.

Tandis qu'il se morfondait sur sa vie oh combien injuste, il n'entendit pas que quelqu'un poussait la portait de sa chambre. Il ne prit conscience de l'intrusion que lorsqu'il sentit deux petites mains s'accrocher à lui et un autre corps se hisser sur son lit. Il roula sur le côté pour tomber sur la seule et unique bouille qu'il ne voulait pas voir : celle de Milo. Le petit garçon le regardait avec de grands yeux désolés, bien conscient d'avoir fait une bêtise en allant dire de vilaines choses au grand monsieur.

-T'es tout triste ?

Camus hocha la tête, n'ayant même plus la force de demander à Milo de sortir. De toute façon, quoi qu'il fasse, son maître allait quand même l'échanger !

-Tu veux ma tutute ?

Milo sortit sa tétine de sa bouche et la présenta à Camus, qui grimaça en voyant la salive de l'autre petit garçon. Il refusa poliment la sucette il ne fallait pas exagérer : il était triste mais pas désespéré. Jamais il ne mélangerait sa salive à cette de Milo, c'était dégoûtant.

Mais le petit grec était quelqu'un de rusé. Il était persuadé que sa tétine était le seul moyen de réconforter son ami, c'est pourquoi il lui pinça la hanche et, pendant que Camus ouvrait la bouche pour protester, il lui enfourna sa tétine en bouche. Et il rigola en voyant la tête de Camus : il avait l'impression que son camarade allait faire une syncope. C'était vraiment très drôle !

-Tu vas mieux maintenant ?

La sucette toujours clouée au bec, Camus tourna la tête de gauche à droite : il allait encore plus mal depuis qu'il avait cette chose dégoûtante en bouche. Peut-être que Milo avait une maladie grave et qu'il allait être malade aussi. Les angines étaient tellement contagieuses en ce moment ! Et les pharyngites aussi, d'ailleurs ! Oh déesse, Camus se voyait déjà cloué au lit pendant des jours à cause de cette fichue tétine. Et Milo irait s'entraîner avec SON maître, et c'était alors certain qu'il allait se retrouver à la rue après !

-Moi quand je suis pas bien, je veux des gros câlins. Tu veux un gros câlin de moi ?

Camus allait pour protester, mais sans qu'il ne s'en rende réellement compte, Milo se fondit dans ses bras et le serra contre lui. Ses petites mains allèrent maladroitement s'accrocher dans son dos comme sa tête reposait dans son cou.

-Pardon. Je voulais que tu sois mon ami. Je voulais pas que tu te fasses gronder. Tiens j'ai volé ça pour toi !

Et, tout en se détachant un peu de lui, Milo lui présenta un biscuit. Ceux que son maître Cristal lui donnait toujours comme dessert…Mais alors, ça voulait dire que Milo lui donnait son dessert ? Le petit Camus se sentit tout à coup bien honteux d'avoir été si égoïste avec lui pendant toute cette journée. Milo voulait juste être son ami, et il était même prêt à sacrifier son dessert pour ça. Et pour Camus, sacrifier ces délicieux petits biscuits nappés de chocolat, c'était la plus belle preuve d'amitié qu'un enfant de trois ans pouvait faire !

-On partage ?

Un large sourire collé aux lèvres, Milo secoua vigoureusement la tête comme Camus retirait la tétine de sa bouche pour couper le biscuit en deux parts parfaitement égales. Il engloutit ensuite le bonbon au chocolat, pensant qu'il avait eu une très bonne idée de sacrifier son dessert : maintenant c'était certain que Camus lui prêterait ses jouets !


-Non c'est ma place.

-Mais pourquoi je peux pas dormir à gauche ?

-Parce que c'est ma place.

-T'es pas drôle Camus.

Le petit garçon haussa les épaules : Milo pouvait dire tout ce qu'il voulait, c'était sa place. Il avait toujours dormi à gauche et il n'était pas prêt à changer. Une petite voix lui disait qu'il retombait à vitesse grand V dans sa facette de sale gosse égoïste mais il s'en fichait : le matelas était plus confortable à gauche.

Boudeur, Milo se glissa sous les draps, du côté droit. Il aurait voulu dormir du côté gauche parce que c'était le côté de la fenêtre et comme ça, si un méchant monstre essayait de le dévorer, il pourrait s'enfuir plus vite. Il espérait juste que Camus ne l'abandonnerait pas si réellement une créature fantastique s'introduisait dans la chambre.

-Camus ?

-Quoi ?

-Y a pas de monstre sous ton lit, hein ?

-Mais non !

-Tu es sûr ?

-Oui, dors maintenant.

Plongé dans la pénombre, Camus se coucha sur le flanc, tournant le dos à Milo. Il était contrarié parce que son maître Cristal n'était même pas venu lui lire une histoire comme il le faisait d'habitude. En plus hier soir, il s'en était arrêté au moment où le grand chevalier allait se battre contre le méchant sorcier. Et Camus voulait savoir si le gentil allait gagner au non, parce que c'était très important pour lui de le savoir. Et sans histoire, il n'arriverait pas à dormir, c'était certain.

Milo, lui, n'aimait pas du tout que Camus lui tourne le dos : il se sentait vraiment seul dans cette petite chambre qu'il ne connaissait pas. On l'avait tiré de son orphelinat pour le traîner ici sous prétexte qu'il pourrait être le futur chevalier du scorpion alors oui, c'était bien beau tout ça mais lui, dans sa petite tête d'enfant de deux ans et demi, il n'y comprenait rien. Il observait juste une chose : tout était très différent ici. Il n'y avait pas sa petite veilleuse orange pour le rassurer. Il ne voyait pas la lune sous le même angle et il faisait beaucoup plus calme ici. Et cela ne lui disait rien qui vaille.

-Camus ?

-Quoi ?

-J'ai peur du noir.

Un long soupir lui répondit comme Camus, déjà à moitié endormi, lui bredouilla qu'il n'y avait rien à craindre et qu'il devait arrêter de jouer au bébé. Mais il n'en pouvait rien lui si la nuit lui rappelait de mauvais souvenirs. C'était pendant la nuit qu'un méchant monsieur était venu lui voler sa maman. Et c'était après cette horrible nuit qu'il avait été placé à l'orphelinat, tout seul. Alors même si Camus le traitait de bébé il s'en fichait, mais il avait peur.

Rejoignant déjà le pays des rêves, le petit français sentit Milo venir se blottir contre son dos. Il pouvait sentir son souffle s'échouer sur le haut de sa nuque et les petites mains serrer les bords de son haut de pyjama. Il voulut d'abord se dégager mais, rapidement, la respiration du petit grec se fit plus calme, comme s'il sombrait lui aussi peu à peu dans un profond sommeil. Le petit Camus se résigna alors à le laisser faire : de toute façon s'il le repoussait, Milo allait encore pleurer et il était bien trop fatigué pour supporter ça. Ce fut une bien longue journée pour lui; il n'était définitivement pas fait pour vivre en communauté.


Cristal eut un sourire attendri en voyant les deux petits corps entrelacés. Son élève était couché en chien de fusil et Milo était totalement glué contre lui, si bien qu'on pouvait difficilement deviner à qui appartenait ce petit pied qui dépassait légèrement des couvertures. Il s'approcha à pas de loups des enfants et se pencha un peu en avant pour secouer son élève. Camus avait toujours été un peu garçon facile à éveiller. Et son idée se confirma lorsque, quelques secondes à peine plus tard, les jolis iris bleus du français apparurent. Camus s'étira comme un chat avant de frotter ses petits yeux encore embués de sommeil.

-Bonjour, Camus.

-Maître Cristal ?

Le petit garçon encore à moitié dans les bras de Morphée tendit les bras vers lui pour qu'il le porte, ce que Cristal fit sans discuter. Il savait que, même si Camus jouait les désintéressé, il avait besoin de son câlin matinal et le sermon qu'il avait reçu la veille lui avait certainement pesé sur le moral.

-Bien dormi ? Demanda Cristal comme Camus frottait son front contre son épaule pour en dégager les cheveux qui lui chatouillait sournoisement le bout du nez.

-Non…vous n'êtes pas venu me dire bonsoir. J'ai fait de vilains rêves.

-Je suis désolé, Camus, mais je ne peux pas te laisser te comporter si méchamment avec ton petit camarade. J'espère que tu as bien retenu la leçon ?

-Oui…vous viendrez me lire une histoire aujourd'hui ?

Cristal sourit en voyant les petits yeux suppliants rivés sur lui. Il avait beau essayer de faire abstraction de ses sentiments : il ne pouvait jamais resté bien longtemps fâché sur son élève. Le petit français était tellement attachant avec sa petite bouille encore un peu ronde et ses yeux de chat. Personne ne pouvait y résister, et le gamin l'avait bien remarqué.

-Si tu es sage, bien sûr.

-Camus ?

Le chevalier s'assit sur le bord du lit, permettant ainsi à Milo de s'assurer de leur présence. Bien vite, le petite garçon se mit sur les genoux pour coller un baiser sonore et mouillé sur la joue de Camus, qui s'offusqua parce que c'était dégoûtant et que maintenant il allait devoir se laver le visage avant d'aller petit-déjeuner. Merci Milo.

-T'es plus triste, demanda innocemment Milo comme les joues de son ami se teintèrent d'une jolie couleur foncée. Tu veux plus ma tutute ?

Camus secoua vigoureusement la tête tout en cachant son visage dans le cou de son maître : il avait honte d'avouer qu'il avait pleuré la nuit passée parce qu'il avait peur d'être abandonné. Mais étonnamment, Cristal se contenta de lui ébouriffer affectueusement les cheveux.

-Dépêchez-vous d'aller déjeuner et puis au bain !


-Milo ! Arrête de me mouiller !

Mais le petit garçon éclata de rire en voyant les cheveux tout plats de son nouvel ami. Il ressemblait à un petit chaton mouillé et Milo le trouvait trop trognon comme ça. Et puis il s'amusait beaucoup à taper sur l'eau avec ses petites mains c'était très drôle !

-Arrête ça !

Camus, lui, ne trouvait pas ça amusant du tout. Il avait passé un long moment à brosser ses cheveux avant d'entrer dans le bain et maintenant tout était à refaire. Pour sûr que son maître allait lui laver les cheveux et il détestait ça. C'était tellement désagréable et puis il avait toujours l'impression que toute l'eau allait lui couler dans les yeux et s'infiltrer dans son cerveau. Oh déesse c'était trop affreux.

-Arrête ça ou je vais geler toute l'eau et tu vas mourir de froid.

-Même que t'es pas capable !

-Ben si !

-Non !

-Si si si et si !

A son tour, Camus tapa vigoureusement dans l'eau pour mouiller son camarade, ignorant le carrelage presque inondé. Son maître Cristal n'allait pas être content du tout. Oh non non non. D'ailleurs, alarmé par les cris des deux enfants, craignant que l'un d'eux ait noyé l'autre, l'adulte ne mit pas longtemps à venir faire l'état des lieux…et l'état n'était pas du tout glorieux.

-Camus ! Milo ! Ça suffit maintenant !

Les petits garçons stoppèrent tout mouvement et Milo de cacha même derrière ses petites mains. Les gros yeux du grand monsieur lui faisaient peur. Et quand il le vit s'approcher d'eux pour les sortir du bain, il poussa un petit soupir de frustration : il n'avait pas fini de remplir son hélicoptère en plastique !

-Enroulez-vous là-dedans et filer ! Vous êtes de vilains garçons !

Sans demander leur reste, les enfants s'enroulèrent dans le drap de bain que Cristal leur donnait avant de filer ferme. Camus râlait encore et toujours sur Milo, parce qu'à cause de lui il allait encore se faire gronder tandis que Milo espérait que son hélicoptère n'allait pas être englouti par le siphon ! Il en avait toujours eu peur. Quand il était méchant, sa maman lui disait toujours qu'il allait rejoindre les vilains enfants qui avaient été aspirés et depuis il en avait une peur bleue !


-Le bleu c'est le mien, rends-le moi !

-Mais tu peux prendre le vert, tu as déjà longtemps joué avec le bleu !

-Mais c'est le mien !

Cristal soupira en entendant encore les deux enfants se disputer. Ils ne savaient pas rester tranquilles plus de deux minutes. Quand ce n'était pas son élève qui râlait, c'était Milo qui voulait jouer avec les mêmes jouets que lui alors forcément, ça finissait en larmes. Comme maintenant, par exemple. Camus et Milo jouaient avec les figurines de Camus et tous les deux voulaient le chevalier bleu parce qu'il était ''plus mieux et qu'il pouvait faire de la lumière si on appuyait sur un bouton''. Et comme à chaque fois, aucun d'eux ne voulait déclarer forfait.

-T'es plus mon copain !

-Camus t'es méchant de dire ça.

-Celui qui le dit qui l'est !

-Grand Cristaaaaal, Camus m'embête.

-Espèce de gros bébé !

Le chevalier se passa une main sur le visage : il allait rapidement frôler la crise de nerfs s'ils continuaient comme ça. Il aurait mieux fait de se casser une jambe le jour où il avait accepté de prendre Milo sous sa responsabilité quelques temps. Oh, le petit garçon était vraiment adorable…lorsqu'il était seul. Dès qu'il était en présence de Camus, il se transformait en véritable démon. Et son élève ne valait pas mieux, loin de là. Avec ses petites manières précieuses, il était même pire. Il se moquait tout le temps de Milo parce qu'il ne parlait pas encore très bien et qu'il ne tenait pas encore vraiment sur ses jambes, alors évidemment Milo pleurait. Et ils se disputaient, juraient qu'ils ne se parleraient plus jamais pour finalement se retrouver deux minutes plus tard.

-Camus ? Si je te rends le grand chevalier bleu, tu seras encore mon copain dis ?

-Tu peux le garder. Le vert il est encore plus mieux regarde, il parle quand tu lèves le bras.

-Oh Camus, tu me prêtes le vert ?

-Non c'est le mien.

Et c'était reparti pour un tour. La journée risquait encore d'être longue. Cristal enviait presque ses amis bélier et vierge : le premier avait un disciple adorable tandis que le second en avait un presque muet. Que n'aurait-il pas donné de temps en temps pour quelques heures de calme ? Mais quand il les voyait aussi épanouis, nappés de l'insouciance caractéristique de l'enfance, il était tout de même heureux de les avoir avec lui. Cela animait ses journées parfois monotones.


-Non je veux pas partir.

Le grand jour était arrivé : Skorpios était revenu un peu plus tôt que prévu de sa mission et aussitôt, il était venu récupérer Milo. Sauf que le petit garçon ne comprenait pas pourquoi il devait partir depuis trois jours il s'amusait beaucoup ici et puis Camus et lui étaient devenus de vrais amis. Il ne voulait pas partir ! Il ne voulait pas quitter son copain.

-Milo, tu dois aller avec ton maître maintenant.

-Non !

Il serrait Camus contre lui, refusant de le lâcher. Il était certain que son ami allait l'oublier et qu'il ne viendrait jamais jouer avec lui. Et puis il ne voulait pas dormir tout seul le soir. Il avait besoin de son Camus doudou avec lui, sinon il allait encore faire des vilains cauchemars et il était certain que les méchants monstres viendraient le dévorer. La réaction de son élève étonna encore plus Cristal lorsqu'il le vit refermer ses bras autour de lui, comme Milo avait fait quand il lui avait donné un câlin. Lui ça lui avait fait du bien alors il était certain que le gros chagrin de son camarade disparaîtrait aussi.

-C'est pas grave, Milo. Tu viendras encore jouer ici.

-Non c'est pas vrai, le grand monsieur il voudra pas !

-Bien sûr que si, Milo, murmura Skorpios en s'agenouillant derrière lui, une main posée sur le haut de son crâne, je te promets que tu pourras encore venir jouer avec ton ami.

Mais quand le petit grec éclata une nouvelle fois en sanglots, suppliant Camus de lui permettre de rester avec lui, il envoya un regard désespéré à Cristal. Comment allait-il bien pouvoir se débrouiller pour les obliger à se séparer ? C'était son premier élève et il n'avait aucune expérience avec les enfants alors quand il était arrivé et que le mini scorpion s'était jeté dans les bras du futur verseau en pleurant, il n'avait pas sur comment réagir.

-Milo joue pas au bébé ! Et puis t'habites pas loin, j'irai tu voir c'est juré.

Quelques secondes plus tard, le petit Milo se calma tout en regardant son ami dans les yeux.

-C'est juré craché ?

-Oui.

-Et on jouera ?

-Oui on jouera.

-Et je pourrais avoir le vert cette fois ?

-On verra si tu arrêtes de pleurer.

Bon. Si c'était pour pouvoir jouer avec le chevalier vert qui parlait, Milo pouvait bien faire un effort et sécher ses larmes. Et puis Camus viendrait le voir, il avait juré. Il s'il ne venait pas, il pouvait toujours se jeter par terre en hurlant pour obliger le grand monsieur blond à le ramener ici. Oh oui, c'était une excellente idée. Il trouvait que pour un enfant de deux ans et demi, il était déjà très intelligent. Il serra encore une dernière fois son ami dans ses bras avant de finalement se retourner vers les deux grands adultes qui semblaient soulagés de le voir enfin quitter son copain.

Il s'approcha alors de son maître Skorpios et tendit les bras en l'air pour qu'il le porte : il était tellement fatigué d'avoir pleuré que maintenant, il méritait bien un peu de répit. L'adulte jeta un coup d'œil à Cristal qui l'encouragea avant de finalement prendre le petit garçon dans ses bras.

-Merci pour tout, Cristal. Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans toi.

-Ce fut un plaisir d'accueillir Milo. Et tu reviens quand tu veux mon grand, d'accord ?

-J'aurais encore des bonbons au chocolat ?

-Bien sûr !

-Des bonbons…au chocolat. Où est-ce que je suis censé trouver ça, Cristal.

-Ne t'en fais pas, je te donnerai tous mes secrets.

Ah oui alors, parce que si le grand monsieur son maître n'avait pas de bonbons pour lui faire des desserts, lui il ne voulait pas y aller. Il voulait rester ici avec son copain et toutes les bonnes sucreries qu'il y avait. C'était tout de même important pour un enfant de son âge de grandir et sans bonbon, adieu les centimètres ! Milo était bien décidé à rappeler à ce grand monsieur qui semblait ne rien y connaître les choses vitales à la survie d'un enfant de deux ans et demi. Il n'était pas encore résigné à mourir de faim !

C'est donc avec beaucoup de difficulté que Skorpios réussit à s'éloigner, son élève dans les bras, se demandant bien comment il pourrait se comporter avec lui. Bien loin de toutes ces questions philosophiques, Milo faisait de grands signes à son ami, déjà tout excité à l'idée d'aller fouiller les placards du huitième temple. Sa vie de chevalier commençait enfin à partir d'aujourd'hui. Une vie remplie de sacrifices et de douleur, mais il était certain que son copain Camus serait toujours avec lui. Ils allaient devenir les meilleurs copains du monde tout entier !


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