2 - « … and seek »

Il était plus de minuit lorsque toute l'équipe du Glee Club sortit du gymnase de McKinley. Le bal de promo était terminé. Enfin ! pensa Blaine qui se tenait en retrait des membres de New Direction, observant leurs interactions avec curiosité.

Kurt marchait juste devant lui, encadré de Rachel et de Mercedes qui lui tenait chacune un bras.

- Oh Mon Dieu, j'ai cru que cette affreuse soirée ne finirait jamais, soupira Rachel. Je suis si désolée Kurt, je sais … non, je ne sais pas ce que tu peux ressentir mais je veux que tu saches que je suis désolée … que nous sommes tous terriblement désolés.

Kurt lui sourit.

- Je crois qu'il y a un dicton pour ça, répondit-il, voix dédaigneuse et tête haute. Quelque chose de français et de parfaitement adapté à la situation : « la bave du crapaud n'atteint pas la blanche colombe » … surtout si cette dernière est d'une élégance et d'une distinction parfaite. Ce qui n'est pas, loin de là, le cas de toutes les pauvres âmes qui se trouvaient là ce soir, précisa t-il en frissonnant d'une manière dramatique. Certaines de ces robes étaient positivement hideuses. Un crime contre le bon goût.

Rachel éclata de rire.

- Tu as raison. Tous ces gens ne sont que d'affreux crapauds ! D'affreux crapauds qui s'habillent chez Walmart (6).

- Et qui en ont aussi la mentalité (7) ajouta Mercedes sur un ton venimeux. Kurt tu as été incroyable ce soir. Si ça avait été moi, je n'aurais jamais eu le courage de revenir et encore moins de monter sur scène. Tu les as mouchés de manière magistrale ces cloportes !

Puck qui jouait avec le sceptre de Kurt comme s'il s'agissait d'un bâton de majorette, poussa un sifflement qui, du moins Blaine le supposait, était un signe d'admiration.

- Ouais, t'as été grandiose mec, gran-dio-se !

Kurt soupira.

- Noah Puckerman, serait-ce trop te demander que de ne pas faire mumuse avec mes atouts royaux. Il pencha la tête sur le côté et haussa un petit sourcil approbatif. Ceci dit, je dois reconnaître que la couronne met en valeur ton côté régalien.

- Hey, je suis un roi même sans joyaux s'indigna Puck qui redressa la couronne qu'il avait sur la tête.

Lauren lui enleva la couronne et la tendit à Kurt qui fit une grimace mais l'accepta avec un soupir.

- Tttttt, ouais, plutôt le Prince des voleurs et pas la version hollywoodienne. Lauren se pencha vers Kurt. Kurtinichou, tu sais ce que je vais faire lundi? murmura t-elle.

- Euh, non, et franchement je ne suis pas sûr de vouloir le savoir, répondit Kurt tout en fixant le couronne qu'il tenait entre ses mains comme s'il s'agissait d'un animal dangereux prêt à l'attaquer.

- Lundi, je vais faire ma petite enquête et je vais trouver qui est à l'origine de cette … blague et ils vont regretter le jour où leur maman les a autorisés à sortir tout seul de la maison. Quand j'en aurai fini avec eux, ils auront peur de leur ombre.

- Oh yeah baby, j'aime lorsque tu profères des menaces, répondit Puck avec un petit gémissement d'amoureux transi.

Oula, pensa Blaine, les membres de ND pouvaient être dangereux ! Il avait entendu parler de ce que Puckerman et Finn avaient fait aux voitures des membres de Vocal Adrenalin l'année dernière.

- Je vais en parler à « Fondue pour deux », annonça Britanny. En faire un numéro spécial. Lord Tubbington a suivi des cours de psychologie, il pourra nous apporter son éclairage sur leurs motivations. Et si cela ne suffit pas, il pourra toujours les torturer.

Britanny se pencha vers Kurt.

- Il a appris ça pendant qu'il était ninja. Ces griffes sont des armes létales.

Huh ? Dangereux et un chouïa fêlés. Blaine sourit en regardant Britanny poser la couronne sur la tête de Kurt et arranger ses cheveux. Ce dernier se laissa faire et sourit à la jeune fille en retour avec indulgence.

Tina et Mike, main dans la main, s'approchèrent de Kurt.

- Kurt, avec ou sans couronne, tu as plus de noblesse que tous les élèves de ce foutu lycée, dit Mike.

Tina embrassa Kurt sur la joue.

- Et ton ensemble était superbe. Digne de McQueen.

- Merci Tina, répondit Kurt.

- Non, dit Quinn qui était restée silencieuse depuis le « couronnement » de Kurt.

Tout le monde se tourna vers elle, choqué. Blaine vit le visage de Kurt se décomposer et se prépara à intervenir lorsque Quinn fit quelque chose qui les cloua tous sur place.

Elle prit Kurt dans ses bras.

- Kurt, tu mérites tellement mieux que ce que cette ville a à t'offrir. Tellement mieux … ne l'oublie jamais, tu m'entends. N'oublie jamais qui tu es, ce que tu vaux. Tu es plus qu'un simple kilt, si fashion soit-il.

Blaine ne manqua pas de remarquer le sourire sur le visage de Rachel à ces mots se demandant ce qu'il y avait derrière cette petite scène.

- Merci Quinn.

Kurt se tourna vers ses amis.

- Merci, merci à vous tous, murmura t-il.

Blaine ne s'attendait pas à la scène qui suivit. Les membres de ND se rapprochèrent de Kurt et l'enlacèrent.

Dangereux, fêlés mais d'une loyauté en amitié à toute épreuve. Blaine commençait à comprendre pourquoi Kurt n'avait eu de cesse de retourner à McKinley.

Et sincèrement, il commençait lui aussi à tomber sous le charme de cet étrange groupe de personnes.


Blaine était perdu dans sa petite introspection sur les membres de New Direction si bien qu'il ne remarqua pas immédiatement que quelque chose n'allait pas. Ils étaient arrivés à la Lincoln (8) de Kurt mais ce dernier restait devant la portière. Immobile.

- Kurt ?

Silence.

Blaine s'approcha. Kurt tenait la couronne dans une main, le sceptre dans l'autre. Il les serrait si fort que ses articulations étaient blanches.

- Une majorité écrasante de votes c'est ce qu'a dit Figgins, murmura Kurt d'une toute petite voix. Elu avec une majorité écrasante de voix. Comment … comment est-ce possible ? Comment des gens que je ne connais même pas peuvent-ils me haïr autant ? La plupart ne sont que des visages anonymes … je ne suis même pas sûr de connaître un dixième d'entre eux, ou de leur avoir seulement adressé la parole.

Blaine resta un moment bouche ouverte cherchant ce qu'il pourrait dire pour réconforter Kurt : mentir ou dire la vérité ? Se cacher ou …

Il prit une décision.

Kurt lui avait confié les clés de la Lincoln (pas de poche sur un kilt, n'est-ce pas ?) et il la déverrouilla. Le petit couinement indiquant l'ouverture du véhicule fit sursauter Kurt qui leva les yeux vers lui.

- Blaine, qu'est-ce que …

- Je conduis, allez, monte lui intima gentiment Blaine.

Il crut d'abord qu'il allait devoir argumenter sa décision (Kurt détestait que qui que ce soit d'autre que lui conduise sa voiture) mais Kurt obtempéra. Ils roulèrent un long moment jusqu'à ce que Kurt dise :

- Blaine, nous venons de passer devant chez moi.

Blaine se tourna vers lui et sourit.

- Oui, je sais. Nous faisons juste un petit détour.

- Un détour ?

- Huhu.

- A … Kurt regarda sa montre gousset (le dernier accessoire qu'il avait ajouté à son costume avant de sortir) … à pratiquement 1 h du matin ?

- Certaines choses ne peuvent pas attendre, répondit Blaine sur un ton cryptique.

- Ok, je crois que les évènements de cette mémorable soirée ont fait plus de dégâts que je ne le croyais. Il y a d'abord Quinn, la Reine des Glaces, qui me fait un câlin devant témoins et maintenant toi qui joue les hommes mystère.

Blaine fronça les sourcils. C'était dit sur un ton très Kurtien, avec juste ce qu'il faut d'acide et d'ironie. Oui, le ton était juste mais pas le regard, triste et perdu, pas les mains, que Kurt n'arrêtait pas de tordre.

Tout ça le confortait dans sa décision.

- Blaine, mon père va me tuer, correction, grogna Kurt, il va te tuer si nous ne rentrons pas, genre … nouveau grognement, suivi cette fois d'un gémissement. Il y a plus de quarante minutes que nous devrions être chez moi !

- Juste un petit détour Kurt, à peine dix minutes d'ici, répondit juste Blaine d'une voix suave.

Blaine savait que c'était un coup bas : Kurt était incapable de résister à sa voix de crooner.

- Ok, soupira Kurt, je capitule. De toute manière, je suppose que pour le moment, c'est le petit esclandre causé par Finn qui doit retenir toute l'attention de mes parents. Et comme je suis quelqu'un d'incroyablement généreux, je suis tout à fait prêt à laisser à Finn un peu plus que ses quinze minutes de gloire (9).


- Hum, fit Kurt en descendant de la voiture. Très romantique. Un rien, euh, sauvage.

Ils étaient dans un parc. Enfin, ce qui en restait. Le tout avait été plus que négligé par la mairie et ressemblait davantage à un terrain vague qu'à autre chose. Blaine aimait cet endroit qu'il avait découvert en rentrant d'une soirée avec Kurt chez Breadstix. Une atmosphère particulière s'en dégageait. Comme si le lieu, autrefois fréquenté par les couples d'amoureux, était hanté par leurs soupirs. Blaine voyait ce parc comme … comme une bulle protectrice. Une bulle d'amour (oui, il était lui aussi un romantique, ce n'était pas la prérogative de monsieur Hummel !). Il s'y arrêtait désormais chaque fois qu'il venait à Lima.

- Blaine, soupira Kurt, je crois que nous devrions rentr-

- Kurt, l'interrompit Blaine en le prenant par la main, le guidant vers un vieux banc en bois sur lequel ils s'assirent. J'ai quelque chose à te dire. Je n'en suis pas très fier mais, il prit une large inspiration, planta son regard dans celui de Kurt et se lança. Kurt, je … je t'ai menti.

Kurt se raidit immédiatement.

- Qu- quoi ?

- Kurt, je t'ai menti. Ces stupides conditions que je t'ai imposées ce soir – pas de slow, pas de baiser – ce n'était pas pour te protéger, c'était … sa voix s'étrangla. C'était pour … pour me protéger moi. Oh oui, je donne de belles leçons de courage à qui veut les entendre, n'est-ce pas ? Mais en réalité … en réalité, je suis terrifié Kurt. Je les connais moi ces anonymes dont tu parles, j'ai déjà subi leur haine et … je ne suis pas prêt à les affronter. Du moins, je crois que je n'étais pas prêt à les affronter jusqu'à ce que tu entres dans ma vie.

Kurt le fixait sans rien dire.

- Kurt, ce soir lorsque je t'ai vu monter sur cette estrade, affronter seul cette bande d'imbéciles, j'ai compris qu'il était temps que je cesse de me cacher.

- C'est pour ça que tu m'as invité à danser malgré ce que tu m'avais dit ? Demanda Kurt.

Blaine hocha la tête.

- En partie, oui. Le premier pas en dehors de ma cachette bien douillette de poltron, répondit-il sur un ton amer. Kurt, je crois que tu n'imagines pas à quel point je t'aime. Tu parlais de rédemption à propos du bal de promo ? Tu as raison, cette soirée a été ma rédemption. Tu es ma rédemption Kurt. Il était temps que je me réveille. Je suis gay, je suis fier de ce que je suis, et oui, je vis dans un monde où tout le monde ne m'acceptera pas. Je … je suis juste désolé … désolé de ne pas être le beau chevalier en armure que tu attendais.

Et voilà, « le chat est sorti du sac » ! Plus de mensonges. Et Blaine maintenant attendait le verdict : Kurt accepterait-il une version moins héroïque de Blaine Anderson ?

Il n'eut pas à attendre sa réponse très longtemps.

Kurt se leva et tendit la main vers lui.

- Blaine Anderson, m'accordez vous cette danse ?

Blaine prit la main de Kurt et l'enlaça. Ils dansèrent un long moment dans les bras l'un de l'autre, le bruissement des feuilles autour d'eux pour seule musique.

Blaine aurait juré entendre les applaudissement approbatifs des générations d'amoureux qui avait dansé à ce même endroit.


Le matin se leva sur le parc de Blendon Woods (10) déposant son lot de rosée sur les bancs et les tables de pique-nique, couvrant bois et pierre d'une fine couche de dentelle blanche. Sur l'un des bancs, reposaient un sceptre et une couronne dorée.

Chamallow Powa !

(6) Officiellement Wal-Mart Stores, Inc., Walmart est une enseigne américaine de grande distribution bon marché.

(7) Cette entreprise est connue pour son anti-syndicalisme et son sexisme. Je suis certaine que Kurt aurait beaucoup à dire sur cette elle et pas seulement en ce qui concerne leur ligne de vêtements.

(8) Notre petit Kurt conduit une Lincoln Navigator que nous avons vue dans la saison 1.

(9) Expression que nous devons à Andy Warhol. Elle est plus Anglophone que frenchie je suppose mais l'idée est qu'avec le développement des médias, chacun peut d'une certaine manière accéder à la gloire … mais pour une durée éphémère (notamment pour les phénomènes télévisuels ou bien encore YouTubiens).

(10) J'emprunte juste ce nom au parc botanique de Westerville, Ohio.