Le fond sonore n'était pas vraiment gênant. Une vieille chanson des années 80. Un seul et unique album qui passait et repassait en boucle. Jusqu'à ce qu'un des clients finisse par craquer et tente de démonter le jukebox à coups de tessons de bouteilles ou de chaises.
Il était vers les 22 heures 30 et seuls les habitués étaient présents. Cela donnait une ambiance familiale.
Il n'y avait que deux joueurs au billard. Et tous les habitués savaient qu'il ne fallait mieux pas se frotter aux Winchester père et fils. Ces deux-là étaient imbattables, que ce soit au poker ou au billard. Alors, ils se contentaient de l'un l'autre comme adversaire. Parfois un nouveau venu se faisait avoir et se laissait plumer sans pouvoir réagir, mais généralement, le billard était réservé au père et au fils.
Et ce soir était un jeudi soir comme les autres. La maison était vide parce que Mary se rendait à un cercle littéraire alors John sortait retrouver son fils dans le bar le plus proche et ils discutaient de tout, de rien, comme deux vieux amis. Évitant tous les deux les sujets qui fâchent ou les sujets trop personnels.
Et c'est ce jeudi soir comme les autres que Castiel repéra l'Impala sur le parking du bar. Il savait, bien sur, que l'Impala n'était pas un modèle unique et qu'il en existait plus d'une mais quelque chose le fit ralentir et s'engager à son tour sur le parking.
C'était celle de Dean. Il le savait. Il le voulait.
Après cela, il lui suivit de balayer la salle du regard en entrant dans le bar pour le repérer. Moins de dix secondes lui suffirent. Il sourit avant de se diriger vers lui. Dean était penché au-dessus du billard, offrant, inconsciemment, une vue magnifique. Castiel nota que Dean ne l'avait pas entendu venir quand il se pencha à son oreille.
-Tu as un cul sublime, tu le sais ça ?
Dean se retourna brusquement. Et un éclat illumina ses yeux quand il le reconnut.
-Cas !
John avait repéré l'homme dès son entrée dans le bar. Peut-être quelque chose dans sa démarche. Peut-être le fait qu'il ne l'avait jamais vu ici. Mais si lui ne l'avait jamais vu, ce n'était pas le cas de son fils qui, au lieu de balancer son poing dans le visage de l'autre homme, souriait béatement. Cela était étrange. Dean devait le connaître. Mais John connaissait tous les amis de Dean. Après tout, Lawrence était une petite ville et Dean n'était pas de ces gens qui ne peuvent vivre sans toute une cour d'admirateurs autour d'eux. Son fils n'était pas comme ça, il savait se contenter du nécessaire.
Et puis, sans trop savoir comment, John comprit qui était l'homme en face de lui. Il sut alors qu'il était celui qui avait fait en sorte que Dean revienne avec le sourire de Palo Alto. Et Dieu sait que jamais auparavant, Dean n'était revenu avec le sourire de Palo Alto.
Il savait que son fils était bi, et franchement, il s'en foutait éperdument. Il aimait son fils, et même s'il avait eu du mal à accepter ça au début, cela avait changer quand il s'était aperçu avec quelle facilité il s'était retrouvé mêlé à une bagarre quand un habitué un peu trop enivré avait insulté son fils. Son enfant resterait toujours son enfant, quelque soit les choix de vies qu'il fasse.
Mais cet homme-là... Il avait quelque chose... Quelque chose que John n'arrivait pas à nommer.
-Tu ne nous présentes pas, Dean ?
Il se tourna brusquement vers lui, et John eut l'impression qu'il venait subitement de ramener son fils à la réalité.
-Oh ouais, Papa c'est Castiel. Cas, mon père.
Castiel (drôle de prénom, peut-être un surnom, pensa John) n'eut pas l'air mal à l'aise une seule seconde. Il tendit une main décidée à John. Pas du tout gêné de se retrouver face à … A quoi ? Au père de son amant ? Etait-il l'amant de son fils ? Certainement, à croire leur regards l'un à l'autre.
Dean ne sait pas vraiment comment il passa du bar avec son père à son lit avec Castiel, tout ce qu'il sait c'est qu'il ne regrette rien du tout. Cas n'a pas changé, toujours aussi passionné.
La porte à peine refermée qu'ils s'étaient jetés l'un sur l'autre comme deux bêtes affamées. Ils se poussèrent, se tirèrent et se jetèrent sur le lit. Les caresses étaient pressantes, déchirant presque les vêtements.
Au bout de quelques instants sous les mains habituées, leurs vêtements ne furent plus que des souvenirs.
Dean attrapa la bouche de Castiel en un baiser passionné. Castiel sourit contre sa bouche avant de le basculer sous lui. Dean tenta pendant un instant à reprendre la position dominante mais la poigne de Castiel l'empêcha d'inverser leurs positions. Qu'importe après tout, il savait qu'il allait avoir du plaisir.
La main de Castiel remonta le long de sa cuisse nue, lui arrachant un soupir. Il avait l'impression que toute sa peau était en feu et que seules les caresses de Castiel pouvaient apaiser les flammes.
Il posa sa main sur le dos de Cas, enfonçant quelque peu ses ongles dans son épaule. Juste pour lui demander de se dépêcher un peu plus.
-Pressé ?
-Tout à fait, répondit Dean en récupérant avec ardeur la bouche de son amant.
-Tu as tout ce qu'il faut ?
-Là, fut tout ce que put répondre Dean.
Parce qu'il lui était pratiquement impossible de connecter ses neurones quand Cas faisait ça avec sa bouche. Totalement impossible. D'ailleurs, il n'était capable de rien. Juste gémir, passer sa main dans les cheveux cours de son amant, griffer ses épaules musclées.
Castiel entendit son amant gémir alors qu'il s'enfonçait en lui. Dieu que ça lui avait manqué. Dean était un amant parfait. Mais quelque chose en lui savait que ça ne durerait pas.
Ca ne durait jamais.
Alors, il allait juste profiter du moment présent. Graver les sensations et les sentiments en lui avant qu'ils ne disparaissent et ne cèdent la place au grand vide auquel il était habitué.
Mais pour le moment, il avait des choses à faire. Comme voir si les voisins de Dean étaient compréhensifs ou alors en combien de temps ils allaient faire appel aux flics pour tapage. Parce que, oui, il avait prévu de faire crier Dean. De le faire crier très fort, très longtemps, très souvent. Jusqu'à ce que sa voix devienne éraillée.
Ils n'avaient pas quitté l'appartement, à part pour un tour rapide à la pharmacie afin d'avoir de nouveau du stock.
Ils n'avaient pas quitté la chambre, à part pour aller chercher de quoi boire et de quoi manger.
Ils n'avaient pas quitté le lit, à part pour descendre à la pharmacie, aller chercher de quoi se restaurer et partager une douche.
Dean avait appelé le garage le vendredi matin et avait expliqué à son père qu'il devait avoir attrapé la grippe et qu'il préférait rester chez lui. Bien entendu, John n'avait pas été dupe, il savait que l'absence de son fils était due à l'arrivée de Castiel.
Dean avait également décommandé le repas dominical familial. Et pourtant, son frère était là, avec Jess.
Mais, non, Dean avait mille fois mieux à faire.
Ils étaient allongés sur un lit on ne peut plus défait. Les couvertures étaient éparpillées un peu partout dans la chambre, et le matelas était même de travers. Oh, de quelques centimètres certes, mais de travers tout de même.
La sonnerie d'un portable les tira de leur repos post-coïtal amplement mérité.
Dean décrocha en râlant après avoir lu le nom de son frère comme appelant.
-Quoi ?
-Dean, maman m'a demandé de prendre de tes nouvelles.
-Et ? Demanda Dean, agacé.
-Est-ce que tu es tombé et que tu t'es cassé quelque chose et que du coup, tu ne peux plus bouger ?
-Pourquoi ? Soupira Dean.
Il avait mieux à faire que des énigmes téléphoniques avec son frère.
-Ca va faire trois jours qu'on ne t'a pas vu.
-Et ? Ton grand frère te manque ? Railla Dean en caressant les cheveux de Cas.
-On commence à s'inquiéter. Je t'ai appelé trois fois et tu n'as pas répondu !
-Ah... J'ai pas du entendre mon portable.
Castiel se mit à rire, c'est sûr qu'avec le boucan qu'ils avaient fait, Dean n'avait pas pu entendre la sonnerie de son portable. Il l'avait bien entendu lui, mais il ne voulait surtout pas que Dean stoppe son activité pour répondre au téléphone.
-Y a quelqu'un avec toi ?
-Ecoute Sammy, y a jamais eu des moments où tu ne voulais pas quitter ton lit ?
-Euh... Tu nous fais une déprime, Dean ?
-Putain, mais qu'est-ce que tu peux être con parfois, Sammy.
-Ah ! Ah ! D'accord, ok j'ai saisi l'idée... Oh mon dieu, c'est horrible.
-Non, je t'assure que ma vie sexuelle est loin d'être horrible.
-Stop Dean ! Je ne veux rien savoir. Salut !
Dean raccrocha et lança son portable sur le tas de vêtements au sol avant d'embrasser Castiel.
-Alors, où on en était ? Demanda-t-il en laissant sa bouche glisser dans le cou de Cas.
Et puis, releva la tête. L'appel de Sam lui avait fait prendre compte qu'une chose.
-Oh putain, on est dimanche.
Cas rit.
Et la lumière de ce dimanche après-midi éclaira la peau de Castiel. Dean se releva sur un coude, il venait de remarquer quelque chose. Quelque chose à laquelle il n'avait encore jamais fait attention malgré le nombre de fois où il avait vu Castiel nu. Dean tendit la main et suivit du bout des doigts une cicatrice sur le torse de Cas. Il en trouva ensuite une plus petite, avec, en dessous, un tatouage. Une date.
12/03/2006
Et une autre encore, un peu plus à gauche.
05/06/1999
Et enfin, une plus grande avec deux dates cette fois-ci.
16/07/2011
22/07/2011
-C'est quoi toutes ces dates ?
Dean sentit Castiel se tendre sous sa main.
-Des rappels.
-De quoi ?
-...
-Cas, je peux me vanter de connaître ton corps et tous les endroits qui te font crier mais...
-Des blessures que j'ai reçues.
Silence.
-Des blessures ?
Castiel se redressa, s'appuyant contre la tête de lit, mettant de la distance entre lui et Dean.
-Je t'ai pas vraiment dit pourquoi j'étais ici. Je devais passer à Fort Riley.
-La base militaire ? Demanda Dean, étonné.
-Exactement.
-Donc tu es un soldat ?
-Démobilisé pour le moment.
Dean ne répondit pas et reporta son attention sur les cicatrices. Il en toucha une.
-Kosovo, un échange de tirs avec l'armée de Yougoslavie. Deux morts et six blessés.
Dean ne dit rien, il n'avait rien demandé à Castiel, sentant sans doute que c'était là un sujet douloureux, et il pouvait le comprendre. Il passa alors à la suivante.
-Afghanistan. Embuscade dans un village de la vallée d'Helmand. Les fleurs y étaient belles.
Les fleurs ? Il se foutait éperdument de ces fleurs. Dean passa à la plus grande, qui serpentait de l'omoplate au rein.
-Irak. Sept otages. Six morts.
Dean se figea pas la peine de demander qui était le survivant, il l'avait sous les yeux.
Castiel vit sa réaction et soupira. Il s'était douté de cela. Il sortit du lit mais la main de Dean le retint par le poignet.
-Où tu vas ?
-Me trouver un hôtel, Dean.
-Pourquoi ? Je veux dire... Tu peux rester ici. Jusqu'à ce que... tu repartes à Palo Alto.
Castiel observa la main qui le retenait un instant puis remonta ses yeux vers Dean.
-Je compte rester quelque temps, Dean. Il faut que j'arrive à convaincre mes supérieurs de me laisser repartir.
Dean ouvrit de grands yeux.
-Repartir ? Où ?
-Et où, tu crois Dean ? Afghanistan, Irak. Là où on se bat. Là où je serais utile.
-Tu veux y retourner ? Après la dernière fois ? Mais tu...
-Je suis un soldat, Dean, le coupa froidement Castiel. Tu ne peux pas comprendre ce que je ressens.
Dean observa Castiel enfiler son jean.
-Tu vas où ?
-Prendre une douche, répondit Castiel d'un ton monocorde, et Dean sut qu'il ne voulait pas de sa compagnie.
Castiel disparut dans la salle de bain, et Dean sentit d'un seul coup combien la pièce était froide.
La suite vous intéresse ?