Résumé : Découvert tôt par des sorciers, Harry intègre Durmstrang à onze ans et est en voie de devenir un puissant mage noir. Mais il est né entre les Ténèbres et la Lumière et il va bien vite devoir faire des choix et se placer par rapport à Voldemort tout en suivant son propre destin. Comment rester libre quand Albus Dumbledore vous cherche des noises ? Comment jouer au jeu du chat et de la souris avec Voldemort et rester en vie ? Et pourquoi a-t-il l'impression d'être entouré par un grand mystère ? HP/LV

Le tome 2 est posté, il s'appelle "De L'autre côté du miroir"


Chapitre 1 : Qu'il est plus aigu que la dent d'un serpent d'avoir un enfant ingrat.

Mr et Mrs Dursley, qui habitaient au 4, Privet Drive, avaient toujours affirmé avec la plus grande fierté qu'ils étaient parfaitement normaux, merci pour eux. Jamais quiconque n'aurait imaginé qu'ils puissent se trouver impliqués dans quoi que ce soit d'étrange ou de mystérieux. Ils n'avaient pas de temps à perdre avec des sornettes.

Leur fils Dudley était un exemple de normalité : il allait à l'école primaire locale où il avait de nombreux amis, il regardait les dessins animés à la télévision et il aimait les glaces et les frites. Mr et Mrs Dursley étaient fiers de leur beau Dudychou, qui déjà à dix ans à peine était grand comme les jeunes collégiens et avait une constitution saine.

En revanche, leur neveu Harry Potter était leur plus grande source d'agacement. Le garçon qu'ils avaient été obligés de recueillir neuf ans auparavant était un enfant anormal. Rien que son apparence le trahissait : il était dégingandé, maigrichon et pâle, comme s'il ne voyait jamais le soleil. Il portait des lunettes, alors qu'un beau bébé comme Dudychou n'en avait pas besoin. Le garçon avait des cheveux constamment ébouriffés, malgré tous les efforts de Pétunia pour les tailler, les discipliner, les dompter. C'était comme si cette tignasse avait une volonté propre. Comme si elle était rebelle. Car Harry était de nature rebelle, cela ne faisait aucun doute : il refusait de jouer avec Dudley, avait des meilleures notes que lui, ne se faisait pas d'amis et ne semblait pas attiré par les mêmes choses que les autres enfants de son âge. Et puis il y avait ça. Il arrivait plein de choses étranges autour de lui. Pétunia et Vernon Dursley faisaient tout pour combattre cette mauvaise nature, pour tuer dans l'œuf ce futur délinquant c'est pourquoi il était convenu qu'Harry participait largement aux corvées ménagères, c'est pourquoi il n'aurait jamais le droit à une vraie chambre et dormirait dans un placard pendant plusieurs années encore, c'est pourquoi il ne fallait pas se référer à lui d'une autre façon que par le "garçon".

Car Harry était tout sauf un enfant normal, ça Pétunia et Vernon le savaient bien. Il venait d'une famille maudite et faisait partie d'un réseau de monstres. La cicatrice qui était cachée, heureusement, par ses cheveux, en était la preuve : quelle personne normale aurait une cicatrice ayant une parfaite forme d'éclair sur le front ? Malheureusement, les Dursley avaient été obligés de le prendre avec eux, car un des monstres – un vieillard barbu aux vêtements loufoques - avait menacé de faire de leur vie un enfer s'ils refusaient. Et il était hors de question que les Dursley se fassent remarquer pour quoi que ce soit. Depuis, ils faisaient tout pour cacher au monde leur plus grande honte, la présence d'un monstre sous leur toit même. La sœur de Vernon, Marge, n'approuvait pas elle non plus la présence du garçon chez des gens si respectables. Alors qu'elle n'était pas au courant pour sa monstruosité, elle avait senti que ce garçon était mauvais. Elle avait tout de même accepté avec plaisir de venir passer quelques jours à Privet Drive pour le dixième anniversaire de Dudley mais à condition que son bouledogue préféré, Molaire, puisse venir également. La famille était donc réunie pour cet anniversaire, malgré la présence encombrante du garçon.

-OoO-

Le jeune Harry Potter se tenait bien sagement debout dans l'entrée du 4, Privet Drive, prêt à récupérer les bagages de la tante Marge dès que celle-ci arriverait de la gare avec l'oncle Vernon. Il gardait les yeux baissés pour éviter le regard circonspect de la tante Pétunia. Cela faisait déjà trois jours qu'on lui répétait ce qu'il avait à faire : saluer poliment la tante Marge en baissant la tête, ne pas lui adresser la parole et emmener les bagages dans la chambre d'amis à l'étage sans se faire plus amplement remarquer. Son cousin Dudley était dans le salon et regardait un dessin animé. Lui n'avait pas le droit de s'approcher du salon, sauf pour y faire le ménage. La télévision était réservée aux gens normaux, lui répétait sans cesse la tante Pétunia.

Harry entendit la voiture arriver avant elle. C'était dû aux longues soirées qu'il avait passé seul dans son placard sous l'escalier, épiant le moindre bruit afin de savoir ce qu'il se passait dans la maison. Il savait à quel moment Vernon rentrait le soir, il entendait Dudley se relever pour aller chercher des barres chocolatées dans la cuisine… Il pouvait reconnaître entre mille le bruit que faisait la voiture de Vernon.

Il restait des heures à attendre que la maison soit silencieuse. Lorsqu'il était sûr que chacun des habitants dormait à poings fermés, la porte de son placard se déverrouillait toute seule et Harry déambulait un peu. Il ne savait pas pourquoi la porte s'ouvrait, ce qui était sûr c'était que les Dursley l'ignoraient. Comment pourraient-ils s'en douter ? N'importe qui trouverait ça étrange qu'une porte fermée par un loquet à l'extérieur soit tout à coup ouverte sans que personne ne vienne déverrouiller le loquet. D'ailleurs, ce n'était pas la seule chose anormale qui arrivait autour d'Harry. Il arrivait, des fois, qu'il lui suffise de souhaiter très fort quelque chose pour que ce quelque chose se réalise. Ainsi, ses cheveux, que tante Pétunia avait rasé une fois, repoussèrent en une nuit. Ou bien, quand Dudley l'embêtait un peu trop, celui-ci se retrouvait couvert de boutons ou tombait malade ou faisait une crise d'asthme. Une fois, il s'était même cassé une jambe, alors qu'il n'était même pas tombé ou ne s'était pas cogné quelque part.

A vrai dire, Harry avait l'impression qu'il interagissait avec le monde de façon privilégiée, comme il n'avait jamais vu quelqu'un d'autre le faire.

Mais Harry ne s'en plaignait pas. Et le loquet qui s'ouvrait tout seul lui avait rendu bien des services. Il avait ainsi pu regarder la télévision (mais il n'avait pas aimé et n'avait pas compris pourquoi Dudley y trouvait autant d'intérêt), manger alors qu'il avait été privé de nourriture pendant la journée, et surtout, il avait pu découvrir les livres.

La première fois qu'il avait pris un livre, par curiosité, il était en train de commencer à apprendre à lire à l'école. Il avait vite reconnu les lettres, les syllabes et les mots qu'on lui avait appris, et même s'il ne comprenait pas tout, il avait été fasciné en comprenant que dans les livres les mots pouvaient tout dire. Il y avait des livres avec des images, des paysages, des personnages, et là il comprenait quelques phrases. Il y avait les magazines de la tante Pétunia, avec beaucoup de couleurs et d'images, mais ils parlaient de cuisine ou de jardinage et ça, Harry en voyait suffisamment dans ses corvées journalières. Et enfin, il y avait les livres qu'Harry ne comprenait presque pas au début, mais qu'il avait commencé à comprendre bien assez vite. Les romans. Beaucoup étaient ennuyeux, mais Harry en avait déniché un deux ans auparavant qui n'était pas comme les autres. Le livre était caché tout en bas de la bibliothèque, entre une pile de vieux magazines et une encyclopédie. Il racontait une histoire fantastique où quatre enfants découvraient une armoire magique. Harry ne savait pas ce que voulait dire magique, et quand il avait demandé à la tante Pétunia, celle-ci avait hurlé et il avait été puni pendant plusieurs jours.

Pendant un an, Harry avait lu et relu ce livre, suivant les aventures des quatre enfants comme s'il y était. Il avait l'impression de mieux comprendre ce qui lui arrivait à lui. Il rêvait qu'il appartenait à un monde caché où tout serait magique comme l'armoire et où il aurait enfin sa place. La fin de l'histoire le rendait toujours triste. Les enfants devenus rois et reines passaient par mégarde par la porte de l'armoire et revenait dans le monde qu'ils avaient quitté, où tout était si normal.

Pendant un an, Harry avait voulu croire qu'il y avait vraiment un pays secret auquel on pouvait accéder par des armoires magiques, mais lorsqu'il avait essayé avec l'armoire de son oncle et de sa tante... Rien ne s'était produit. Ça l'avait rendu malheureux. Il avait décidé de ne plus jamais croire aux armoires magiques et aux pays secrets, et il n'avait plus jamais touché au livre caché tout en bas de la bibliothèque. A partir de ce moment il lut des livres de l'école, des livres sur les sciences et plein de choses intéressantes. Il n'avait plus jamais ouvert de romans.

"Dudychou, viens vite, ta tante va arriver !"

Pétunia fit une grimace découvrant ses dents en voyant Dudley revenir du salon. Ce n'était pas tout à fait un sourire, car quand on sourit on devient beau, comme l'avait lu Harry. Mais les sourires de tante Pétunia n'étaient pas beaux.

La porte s'ouvrit, laissant apparaître dans l'embrasure une masse gigantesque. Ce qui était étonnant chez la tante Marge, c'est qu'elle arrivait à être encore plus grosse que Vernon.

"Mon petit Dudley chéri !" rugit la tante Marge.

Elle l'écrasa dans une étreinte de son bras gauche, tout en maintenant fermement sous son bras droit le bouledogue Molaire qui grognait férocement. Harry eut l'impression que le chien le fixait. Entre-temps, Vernon était lui arrivé ; il tenait deux grosses valises dans ses poings démesurés. Il les laissa tomber devant les pieds d'Harry en lui jetant un regard lourd de sens, et un peu menaçant surtout. Mais Harry ne se fit pas prier, et, de toutes ses forces, il essaya de soulever une valise. Il arriva à peine à la décoller du sol.

Harry se mit à paniquer. Ça n'allait pas du tout. Il fallait absolument qu'il arrive à l'emmener à l'étage, sinon il allait avoir des ennuis. Il réessaya et cette fois-ci il réussit à la soulever un peu. Il fit un pas, deux pas. Mais la valise retomba d'un coup.

Tout se passa très vite : Harry entendit un jappement et Molaire surgit de dessous la valise, la mâchoire retroussée, grondant. Harry se retourna et pris ses jambes à son coup. Il vit défiler la tante Pétunia, la tante Marge et Dudley en un éclair, il sauta par-dessus l'autre valise, Molaire aboyant juste derrière lui.

"Mon petit chienchien !" s'exclama Marge, inquiète. Pour Molaire.

Harry, lui, sortait de la maison et courait vers le fond du jardin, le chien sur les talons. Une seule pensée tournait en boucle dans sa tête : 'Oh-non-oh-non-oh-non'. Il sentit des dents claquer tout près de sa jambe, et cela lui donna des ailes. Il vit alors le cerisier, un vieux cerisier dans le jardin dans lequel il grimpait quand il était plus jeune et quand personne ne le regardait. Il sauta dedans et se hissa jusqu'une des plus hautes branches. En dessous, Molaire aboyait férocement et sautait sur place, essayant d'atteindre Harry. Près de la maison, la tante Marge, l'oncle Vernon et Dudley riaient grassement.

"Allez mon chienchien, saute, saute !" hurlait de rire Marge.

Harry essayait de se cramponner de toutes ses forces à la branche. Il n'osait pas imaginer ce qu'il se passerait s'il tombait. Sûrement que le bouledogue le découperait en morceaux.

"Qu'ils ssont bêtes cess animaux !"

Harry sursauta tellement qu'il faillit tomber de la branche. Il avait entendu une voix, juste devant lui, dans le feuillage de l'arbre ! Il regarda attentivement, mais il n'y avait personne d'autre dans l'arbre, il en était sûr. Il avait dû rêver.

"Il y a quelqu'un ?" après un assez long silence, un sifflement lui répondit. Il pouvait comprendre les mots mais les sonorités étaient coulées en un sifflement.

"Un humain qui parle ! Qu'esst-ce que fait un humain dans mon arbre ?"

"…"

" Tu ne réponds pas, petit humain ?"

Harry comprit que la voix attendait une réponse. Alors il lui répondit d'une voix hésitant.

"Désolé, mais qui êtes-vous ?"

Il entendit quelque chose comme un rire, puis un serpent sortit du feuillage, venant à lui en rampant le long de la branche. Harry se tétanisa.

"Tu ssens la peur, petit humain", dit le serpent.

"C'est la première fois que je rencontre un serpent qui parle". Et Harry trouvait ça un peu étrange. Mais il n'avait pas peur du serpent. Il avait reconnu les motifs sur les écailles et il savait que ce n'était pas une espèce dangereuse.

Le serpent s'approcha encore un peu de lui jusqu'à ce que la pointe de sa langue fourchue chatouille la joue d'Harry. "Ssi bon" souffla le serpent.

"Pardon ?" demanda Harry.

Le serpent releva la tête jusqu'à ce qu'il regarde Harry droit dans les yeux. "Ton odeur est agréable. Je veux bien être ton ami" déclara-t-il.

"Euh, d'accord" répondit Harry.

Les aboiements avaient cessés, Molaire était parti et la famille Dursley était retournée à l'intérieur de la maison.

"Je dois y aller, j'ai des choses à faire" dit Harry en commençant à descendre de l'arbre. "Ce fut un plaisir de te rencontrer."

"Mais tout le plaissir est pour moi" siffla le serpent. "A bientôt, petit humain."

Alors que les pieds d'Harry touchaient le sol, il eut soudainement envie de demander quelque chose au serpent.

"Tu dois être un serpent spécial pour pouvoir me parler"

Le reptile eut comme un petit rire. "C'esst toi qui est spéssial, petit humain."

"Comment ça, je suis spécial ?"

Mais le serpent avait disparu.

Harry regagna la maison, perplexe.

Perdu dans ses pensées, il ne remarqua pas l'ombre cachée derrière la haie qui disparut en un petit "crack !".

-OoO-

Les nerfs d'Harry furent mis à dure épreuve pendant les jours qui suivirent. La tante Marge trouvait toutes sortes d'excuses afin de le provoquer. Molaire était toujours en train de grogner sur Harry dès que celui-ci se retrouvait dans la même pièce. Il essaya de le mordre une fois alors que tout le monde avait le dos tourné ; Harry le regarda droit dans les yeux et le bouledogue se mit à pleurnicher et s'enfuit la queue entre les pattes.

Un soir, alors que le repas touchait à sa fin, la tante Marge chercha à convaincre les Dursley de l'abandonner :

"C'est vraiment une sale vermine", avait déclaré la tante Marge. "Je suis sûre qu'il finira encore pire que son père. Un alcoolique, sans emploi, qui devait faire du trafic de stupéfiants par-dessus le marché ! C'était bien ça, Vernon ?"

La tension était palpable dans la salle à manger. La tante Marge fixait Harry de ses petits yeux vicieux.

"De toute façon, l'accident de voiture dans lequel ils sont morts, il faut bien reconnaître que ça doit être entièrement sa faute. Un raté pareil ! Ça a eu lieu sur une petite route de campagne, non ? Ils étaient tous seuls sur la route, c'est étrange quand même ! Un drogué, je vous le dis !"

Harry avait l'habitude de ce petit jeu, alors il se concentrait afin de garder une expression impassible et soumise. Mais à l'intérieur il fulminait. Il imaginait les supplices qu'il pourrait faire subir à la tante Marge. Il la voyait, attachée sur sa chaise, alors qu'il lui planterait une à une toutes les fourchettes de la tante Pétunia dans le bras. Puis il dépècerait Molaire sous ses yeux, faisant hurler à la mort le chien. Et comme à chaque fois qu'il s'imaginait faire du mal à quelqu'un, il se sentait bien. C'était une impression étrange, un peu comme si un vent frais venait rafraîchir agréablement la peau de son visage. Il sentait aussi des picotements dans les mains et dans les pieds. C'était son imagination qui lui permettait de garder une façade si calme quand il était humilié.

"Pas que je vous le reproche, hein" poursuivait la tante Marge. "Au contraire, vous êtes bien trop généreux. Vous auriez dû l'envoyer dans un orphelinat dès que vous l'avez trouvé devant votre porte. Des gens respectables comme les Dursley ne devraient pas ternir leur réputation avec un rejeton du diable."

"Voyons, Marge, tu sais très bien que nous sommes sa seule chance", disait l'oncle Vernon. "Si nous ne l'avions pas recueilli, il serait certainement encore pire qu'il ne l'est maintenant."

"Non mais regardez-moi ça !" s'exclama Marge. "On dirait qu'il sourit… Mais oui, il ose sourire en plus ! Minable petit parasite ! Tu devrais être reconnaissant ! Au moins je suis sûre que Vernon ne compte pas les coups de canne qu'il te donne, ça pourra peut-être te redresser, espèce de… de MONSTRE !"

Harry leva la tête et croisa le regard de la tante Marge. 'Faites qu'elle se TAISE !' pensait-il très fort. Une colère froide le saisit brusquement, et il allait ouvrir la bouche pour répliquer mais tout d'un coup, la tante Marge devint très, très rouge. Elle porta les mains à son col et ouvrit la bouche, comme pour crier, mais aucun son n'en sortit.

"Marge !" s'écria l'oncle Vernon, se précipitant vers elle.

La tante Pétunia et Dudley semblaient pétrifiés sur place. La tante Marge soufflait fort, les yeux exorbités. Elle pointait sa gorge du doigt à Vernon tout en essayant de parler.

L'oncle Vernon se tourna vers Harry. "ARRETE CA TOUT DE SUITE, SALE MONSTRE ! LAISSE-LA TRANQUILLE !"

Harry se leva et sortit de la maison en courant. Il se laissa tomber sur la pelouse, tremblant. Un tourbillon d'émotions le traversait, mais il n'arrivait pas à les décoder. Il était à la fois furieux et satisfait, content mais malheureux. Il savait bien que c'était lui qui avait provoqué ça en laissant aller sa colère mais il ne parvenait pas à savoir si c'était une bonne ou une mauvaise chose. Il avait déjà cassé la jambe de Dudley mais c'était différent, c'est parce que Dudley lui courait après dans toute la maison afin de lui donner des coups de poing dans le ventre. A ce moment-là, cela avait semblé juste à Harry car il savait parfaitement qu'il ne pouvait pas répliquer physiquement. Lorsque Dudley s'était cassé la jambe, tout le monde avait cru à un accident (et même le concerné). Au moins Harry avait pu échapper aux poursuites incessantes de Dudley pendant tout le temps qu'il eut à porter un plâtre. Mais là, avec la tante Marge, la situation était différente. Il était impossible que les Dursley croient à une coïncidence, et donc Harry serait puni en conséquence, aussi injuste que cela puisse paraître.

Les punitions d'Harry, pendant les premières années de sa vie, se résumaient à des corvées supplémentaires ou à être enfermé plus ou moins longtemps dans son placard avec bien sûr l'interdiction de manger. Depuis deux ans, l'oncle Vernon avait décidé de durcir la punition : il avait rajouté les châtiments corporels à la liste. En général, cela se limitait à une dizaine de coups de canne dans les mollets, afin de ne pas laisser de traces, supposait Harry. Mais avec ce qu'il était arrivé avec sa tante...

Les Dursley sortirent tous de la maison et passèrent devant Harry pour monter dans la voiture. La tante Pétunia aidait Marge qui semblait en état de choc. Vernon se retourna vers Harry.

"Toi, sois-moi." Mais il vint quand même attraper Harry par les cheveux. Il le jeta dans son placard et referma la porte. "Nous allons aux urgences et toi, tu n'as pas intérêt à bouger d'ici !"

Vernon s'éloigna en jurant, la voiture démarra et le silence s'empara de la maison. Harry souffla profondément, puis posa sa main sur la porte. Il entendit le "clic" du verrou qui s'ouvre. Il voulait encore sortir un peu, profiter de la soirée d'été pendant qu'il était encore en paix, car l'oncle Vernon allait probablement l'enfermer pour un jour ou deux. Il sortit sur la pelouse et resta allongé dans l'herbe, à écouter la télévision des voisins et à réfléchir à ce qu'il avait fait. Il avait rendu la tante Marge muette. Rien ne pouvait l'expliquer, c'était comme… de la magie. Oui, c'est comme s'il avait des pouvoirs magiques qui lui permettait d'exaucer ses désirs.

Il se demandait s'il pouvait s'entraîner.

Il leva les yeux vers le cerisier.

"Mr le Serpent ?" appela doucement Harry.

Un sifflement lui répondit, et le serpent glissa jusqu'à lui, à moitié caché par l'herbe. Il vint toucher la joue d'Harry avec sa langue, comme il l'avait fait plus tôt.

"Où as-tu appris à parler ?" demanda Harry.

"C'est plutôt à toi que je dois poser la question. C'est la première fois que je croise un humain qui parle. Il y a des légendes mais je ne savais pas qu'elles étaient vraies !"

Harry resta interdit. D'après les dires du serpent, il ne parlait pas anglais, mais bien la langue des serpents ! Cela expliquait les sonorités sifflantes. Mais comment serait-ce possible ? Serait-ce un autre pouvoir magique ?

"Tu dis qu'il y a des légendes ? Raconte-les-moi."

"On dit qu'il y a très longtemps, beaucoup d'humains parlaient la langue des serpents. Ces humains sentaient bons et c'est comme ça que mes ancêtres les reconnaissaient. Mais cela fait très longtemps, des années et des années. Ces humains auraient aussi créé d'immenses serpents et s'en servaient pour garder des trésors. Il paraît que les humains qui parlent notre langue sont faits pour être nos maîtres, et c'est pour ça que les serpents rejoignaient les humains, gardaient leurs maisons et empoisonnaient leurs ennemis. En échange l'humain donnait des pouvoirs au serpent…"

"Des pouvoirs ?"

"Oui, comme le venin."

Il ne voyait pas trop comment on pourrait donner du venin à un serpent. Du peu qu'il en savait sur les serpents, ceux qui avaient du venin le fabriquaient dans des glandes.

"Cela me semble étrange."

"Ce sont des légendes" fit observer le serpent.

-OoO-

Le lendemain matin, la tante Marge avait retrouvé la voix. Il régnait une grande agitation au 4, Privet Drive. Harry comprit, en entendant les conversations, que la tante Marge allait partir dans la matinée. Ce matin-là, c'était l'anniversaire de Dudley. Harry entendit pendant presque une demi-heure le bruit des papiers cadeaux que l'on déchire, au moment du petit déjeuner, avec les commentaires de Dudley (qui n'était jamais content). Quelques heures plus tard, Vernon revenait de la gare, seul. Harry savait que l'oncle Vernon allait venir le chercher pour le punir, c'est pourquoi il attendait, immobile, dans l'obscurité de son placard. Il savourait ces quelques minutes de tranquillité avant que son corps ne soit endolori par les coups. L'oncle Vernon ne tarda pas et entraîna Harry dans le salon.

Harry encaissa les coups en restant impassible. Il essayait de calmer sa colère en se focalisant son attention sur la douleur qu'on lui infligeait. Cela lui permettait de garder une tête froide et de ne pas faire plus de bêtises. Quand l'oncle Vernon le jeta dans son placard, Harry retint un gémissement de douleur. La fierté d'Harry le poussait à encaisser en silence, et à attendre son heure. Car il savait bien qu'un jour les Dursley seraient punis à leur tour.

-OoO-

La punition vint plus tôt que prévu. Harry était de nouveau allongé dans l'obscurité de son placard, épiant attentivement ce que faisaient les Dursley. C'était la fin de l'après-midi. Il faisait chaud et Pétunia préparait à manger dans la cuisine. Vernon et Dudley regardaient la télé. Dudley criait à sa mère de lui apporter un autre soda lorsque le téléphone sonna. Pétunia alla décrocher. Elle poussa un petit cri. Aussitôt, Vernon lui demanda ce qui se passait.

"C'est… c'est Marge" dit Pétunia. "Elle a eu un accident de voiture."

C'est comme si un ouragan était passé dans maison. Les Dursley parlèrent tous en même temps puis ils partirent pour l'hôpital sans un regard pour Harry. Il resta figé sur place.

Est-ce que sa haine envers Pétunia avait provoqué l'accident ? Etait-ce possible ? Peut-être qu'un dieu avait écouté sa prière, là-haut.

Il apprit le lendemain que la tante Marge avait succombé à ses blessures. Il ne fut pas battu pour cela mais l'oncle Vernon le fixa pendant plusieurs jours d'un regard soupçonneux. Il devait comprendre que c'était idiot de punir son neveu, que ce n'était pas possible que ce soit lui. C'était d'une autre amplitude que les petites bizarreries qui arrivaient d'habitude.

Harry se sentait mal à l'aise. Ses doutes quant à sa responsabilité dans l'affaire ne s'étaient pas tout à fait effacés... Il n'avait pas vraiment voulu que la tante Marge meure, mais il avait voulu la faire souffrir.

Est-ce que cela faisait de lui un monstre ?

-OoO-

Pendant les derniers jours d'école, Harry resta calme et fit attention à ne pas se faire plus remarquer par son oncle.

Un jour, alors qu'avec sa classe ils traversaient la ville afin d'aller au gymnase, une affiche attira son attention. Au-dessous d'une photo montrant une personne assise en tailleur, le texte proposait des séances de méditations collectives, afin "d'unir nos énergies". Harry resta songeur pendant l'heure qui suit. Il n'avait jamais entendu parler de méditation avant. Peut-être l'énergie qu'il libérait quand il était en colère pourrait être canalisée au moyen de ces méditations ?

Lorsqu'il pu aller à la bibliothèque, il vit que les méditations semblaient liées aux pratiques religieuses. Elles visaient à atteindre un état d'éveil supérieur, selon les livres. Bien sûr, Harry ne pensa pas à une seconde à se renseigner sur la religion. Il ne croyait pas vraiment aux dieux, pas à ce point. Il trouva un livre expliquant des techniques, il décolla l'étiquette de la bibliothèque et ramena le livre chez lui. Il se promit de rapporter le livre à la bibliothèque dès la rentrée, après tout il n'était pas un voleur.

Lors des mois suivants, Harry s'entraîna. Il ne savait pas vraiment si cela lui permettait d'obtenir un état de conscience plus élevé, mais en tout cas il comprit bien vite que ses pouvoirs bizarres se laissaient plus facilement contrôler. Il réussit à aller plus vite dans ses corvées en les utilisant, il réussit aussi à guérir les bleus sur ses jambes. Un soir, alors qu'il voulait lire le livre et qu'il faisait trop nuit, il réussit à faire apparaître un point lumineux au bout d'un index, ce qui lui permit de lire dans son placard. Souvent, ces petites démonstrations le fatiguaient, mais il aimait tellement ça qu'il préférait s'en servir autant que possible. Il faisait très attention à ce que personne ne s'en doute, surtout pas les Dursley, car sinon il devrait essuyer une punition terrible.

Puis l'école recommença et Harry redoubla le rythme de ses lectures sur la science. Mais il ne trouva rien qui puisse expliquer ces étranges pouvoirs. Il discutait parfois avec le serpent du jardin qui lui racontait toujours des histoires de légendes et de chasse aux souris.

Aux environs de Noël, il se produisit quelque chose de terrible. Il était en train de nettoyer la salle de bains juste avec ses aptitudes inexplicables lorsque Dudley ouvrit la porte. Dudley n'était pas un garçon très intelligent, mais il comprit qu'Harry faisait quelque chose d'anormal et il allait repartir afin de prévenir ses parents. Harry, paniqué, hurla "Oublie ça !" en fermant très fort les yeux. Dudley s'apaisa immédiatement, repartit après avoir fait une grimace mauvaise à son cousin et Harry n'entendit jamais plus parler de cet incident.

Il devait se rendre à l'évidence : sa maîtrise s'était tellement développée qu'il avait réussi à rendre son cousin amnésique ! Il réessaya plusieurs fois mais ça ne marcha plus jamais. Il en conclut que c'était parce qu'il était effrayé que ses pouvoirs avaient fait quelque chose de si extraordinaire.

Le reste de l'année scolaire passa rapidement. C'était la dernière année avant le collège. Dudley rentrerait dans un collège privé. Harry, lui, avait été inscrit d'office à l'institut St Brutus, qui se chargeait de redresser des délinquants. Il savait que sa vie allait changer, et pas forcément en bien. Il rendit des devoirs impeccables, priant pour avoir une bourse et intégrer une école normale. On lui fit comprendre que de toute façon, ce serait ses responsables légaux qui choisiraient. Et il dû en payer le prix, lorsqu'il revint chez son oncle et sa tante avec un excellent bulletin scolaire. Ils étaient persuadés qu'il avait triché et qu'en plus, il avait sabordé les résultats de Dudley. Bien entendu, Dudley avait réussi tout seul à finir dans les derniers de la classe, ce qui ne remit pas une seule seconde en question son admission dans un collège réputé où son père, et le père de son père, avaient étudiés avant.

A la fin du mois de juin, Harry s'était résigné une fois pour toutes à aller à St Brutus. Il savait que ça ne pourrait pas être bien pire que chez les Dursley, et au moins, là-bas, les gens l'appelleraient peut-être par son nom. Mais le destin en avait décidé autrement.

C'était un samedi matin a priori ordinaire ; Harry lavait la voiture de l'oncle Vernon, la tante Pétunia faisait la vaisselle du petit déjeuner, Dudley regardait la télévision et l'oncle Vernon lisait le journal. Harry allait rincer la voiture quand un inconnu remonta l'allée du 4, Privet Drive. Harry n'avait jamais vu quelqu'un habillé de cette manière : l'homme portait des bottes noires, luisantes, comme dans un vieux film. Sa carrure épaisse était mise en valeur par une tunique noire en dessous de laquelle on pouvait distinguer une chemise blanche façon XVIIIème siècle. L'homme portait à la main ce qui semblait être un lourd habit d'hiver, doublé de fourrure. Il s'approcha d'Harry.

"Mr Potter ?" demanda l'inconnu, tout en fixant le front d'Harry.

C'était un homme d'une cinquantaine d'années. Ses traits étaient durs et ses petits yeux clairs semblaient transpercer Harry. Il avait une longue cicatrice sur la joue gauche.

"Lui-même."

"Je suis le professeur Lennart. Puis-je vous parler ?"

En pensant que c'était un professeur de St Brutus, Harry l'emmena dans la maison. La tante Pétunia le remarqua en première et vint le saluer, bientôt rejointe par l'oncle Vernon. Mais leur accueil était tout sauf chaleureux. Ils toisaient le professeur Lennart comme si celui-ci était un extra-terrestre.

"Vous êtes la famille de Mr Potter ?"

Un silence répondit à l'étranger.

"Je suis le professeur Lennart. Je voudrais parler un petit peu avec Harry, si vous voudriez bien me le permettre."

"Qu'est-ce que vous lui voulez ?" aboya l'oncle Vernon.

"Le directeur de l'institut Durmstrang a entendu parler des facultés de Mr Potter et lui propose une place dès la rentrée prochaine."

"Je n'ai jamais entendu parler de votre école" rétorqua l'oncle Vernon.

Les yeux de l'étranger se réduisirent à des fentes. "Je crois que c'est à Mr Potter ici présent que je dois en parler. C'est à lui que revient la décision de sa future scolarité."

"Il est hors de question que je paye pour qu'il aille étudier !" vociféra l'oncle Vernon.

"Je n'ai jamais dit que vous auriez quoi que ce soit à payer. Maintenant, Mr Potter, si nous pouvions parler en privé…"

L'oncle Vernon allait répliquer mais se tut en voyant l'expression menaçante de l'étranger. Harry indiqua la cuisine. L'homme ferma la porte derrière eux, murmurant quelque chose. Harry s'installa à table, à l'opposé de l'individu qui le fixait avec ses yeux perçants.

"Vous êtes un cas particulier, Mr Potter. Je suppose que c'est les derniers membres vivants de votre famille ?"

"C'est mon oncle et ma tante."

"Je vois." L'homme ne s'était pas assis. Il commença à faire les cents pas de l'autre côté de la table. Harry le trouvait étrange. Il commençait à se demander si ce "Professeur" n'était pas un docteur en psychiatrie. Avec sa façon de toujours parler d'un ton neutre…

"Durmstrang ne pensait pas vous avoir comme élève. Nous pensions tous que vous iriez à Poudlard."

Harry cligna les yeux.

"Poudlard ?" Se rendant compte de son impolitesse, il ajouta "monsieur ?".

"Je m'en doutais !" s'énerva d'un coup l'étranger. "On ne vous a rien dit ?"

La situation devenait de plus en plus confuse. "Euh… non ?... monsieur."

L'homme soupira, puis s'installa à table en face d'Harry.

"Vous êtes un sorcier, Mr Potter" déclara-t-il.

'Oh non, quelqu'un a remarqué, se disait-il. C'est vraiment un docteur en psychiatrie et il vient pour m'interner'. Le cerveau d'Harry fonctionnait à toute vitesse. Il décida de rester immobile et d'attendre, parce que de toute façon il pouvait difficilement fuir.

"On m'a dit que vous aviez rendu votre tante muette. Une belle démonstration de magie, bien que je me demande pourquoi le Ministère de la Magie anglais n'a pas été au courant…"

"Ce n'était pas moi !" démentit Harry avec vigueur. "Je n'aurais pas pu…"

"En êtes-vous certain ?" le coupa l'homme. "Mr Potter, si je ne me trompe pas, il arrive souvent des choses inexplicables autour de vous." Harry allait répliquer quand l'homme le tut d'un geste de main. "C'est tout à fait normal. Vers leurs dix ans, les jeunes sorciers commencent à développer une forme de magie dite 'accidentelle'. C'est pourquoi il existe des écoles de magie, comme Durmstrang et Poudlard."

"Une école de magie ?"

Harry osait à peine y croire. Cela expliquerait tout ! Si c'était vrai… Il ferait alors vraiment de la magie. Et il y aurait d'autres gens comme lui, des gens qui pourraient lui. Il n'était pas un monstre. La tête lui en tournait.

"L'institut Durmstrang, dont je fais partie, vous propose une place. A condition, bien entendu, que vous réussissiez le test d'entrée."

L'enthousiasme d'Harry retomba.

"Mais monsieur, je ne peux passer un test, je veux dire, je ne sais pas contrôler la magie !"

"Ne vous inquiétez pas, le test porte sur votre potentiel, pas sur une capacité ponctuelle. Nous n'acceptons que les étudiants qui ont un certain potentiel à Durmstrang, dont nous avons estimé que vous feriez probablement partie."

"Mais je n'ai pas d'argent à moi, et je ne pense pas que mon oncle et ma tante voudront bien m'aider. Vous avez vu toute à l'heure, ils détestent tout ce qui sort de l'ordinaire…"

"Ces problèmes ont des solutions, et ils sont certainement de moindre importance. Il y en aura de plus grands à régler."

L'homme semblait mal à l'aise, à présent. Il se leva de nouveau, marcha un peu. Harry se sentait dépassé par les événements. Il allait peut-être aller dans une école de sorcellerie ! C'était à la fois incroyable et merveilleux. C'était la première fois qu'il se sentait aussi heureux. Le plus grand de ses rêves d'enfant s'était exaucé et un monde secret était apparu juste pour lui.

"Voyez-vous, Mr Potter, vous êtes, en quelque sorte, une célébrité. Des gens ont écrit des livres sur vous. Tous les sorciers connaissent votre nom. Je suis vraiment surpris que vous ne sachiez rien du tout."

"Excusez-moi mais vous faîtes erreur. Je n'ai rien d'une célébrité."

"Oh que si" souffla l'étranger. "Harry Potter. Celui qui a vaincu le Seigneur des Ténèbres."

Il y eut un moment de silence pendant lequel Harry resta ébahi. L'homme se trompait certainement. Mis à part le fait qu'il était sorcier, Harry était un garçon ordinaire et il n'avait jamais vaincu personne.

"Je vais vous raconter votre histoire, puisque personne n'a daigné le faire avant moi. Tout commence il y a une vingtaine d'années. Un sorcier puissant qui se faisait appeler Lord Voldemort voulait prendre le contrôle de la Grande-Bretagne. Il avait des fidèles, que l'on appelait des Mangemorts, qui l'aidaient à faire régner la terreur chez tous ceux qui s'opposaient à lui. Il y a un peu plus de dix ans, la guerre faisait rage et le Seigneur des Ténèbres était de plus en plus fort. C'est à ce moment qu'il s'en est pris à tes parents. Tes parents étaient de jeunes mages blancs talentueux qui essayaient de tout faire pour empêcher le Seigneur des Ténèbres de parvenir à ses fins. "

"Mes parents étaient des sorciers eux aussi ?" s'exclama Harry.

"Oui, les pouvoirs magiques se transmettent des parents aux enfants. Je ne peux pas te dire grand-chose sur ce qu'il s'est réellement passé, mais toujours est-il qu'une version est racontée officiellement. Tu n'avais qu'un an quand c'est arrivé. Lily et James Potter, tes parents, se cachaient du Seigneur des Ténèbres mais il a fini par les retrouver. Ils se sont battus et tes parents sont morts."

"Mais on m'avait toujours dit qu'ils étaient morts dans un accident de voiture."

"N'écoute pas ce que te disent ces Moldus, ce sont des idiots."

"Les Moldus ?" demanda Harry.

"On appelle comme ça les gens qui n'ont pas de pouvoirs magiques."

"Mais si les pouvoirs magiques se transmettent par les parents et que ma mère était une sorcière, pourquoi la tante Pétunia est une Moldue ?"

L'homme fit une grimace, puis il s'assit de nouveau face à Harry.

"Il faut que vous compreniez qu'il existe des cas particuliers. Il arrive qu'un sorcier naisse de parents Moldus. On les appelle des Sang-mêlés. Mais ces sorciers ne sont pas très appréciés." Il sembla sur le point d'ajouter quelque chose, puis se tut.

"Mais je suis vraiment un sorcier ? Même si ma mère était une Sang-mêlée ?"

"Oui, Mr Potter. Mais certaines personnes pourraient vous mépriser pour ça. Il y a une croyance très ancrée dans le monde sorcier qui dit que le sang a une grande valeur. Les sorciers qui n'ont aucun ancêtre Moldu sont dits 'de Sang pur'. Ça ne suffit pas pour en faire un grand sorcier." L'homme se leva de nouveau. "Vous, par contre, vous avez le potentiel de devenir un grand sorcier. Vous l'avez prouvé alors que vous n'étiez qu'un bébé. Ce qu'il s'est passé a suscité bien des questions, auxquelles j'ai bien peur de ne pas pouvoir répondre. Après avoir tué vos parents, le Seigneur des Ténèbres a voulu vous éliminer vous aussi. Mais ce qu'il n'avait pas prévu, c'est que vous alliez vous défendre. On ne connaît pas le détail, mais cette nuit-là, quand les Aurors, les sorciers qui chassent les mages noirs, sont arrivés chez vos parents, la maison était presque en ruines, le Seigneur des Ténèbres avait disparu mais vous, Mr Potter, vous étiez intact… A part cette cicatrice au front, vous étiez en parfaite santé."

Les doigts d'Harry se portèrent à son front, faisant le contour de la cicatrice en forme d'éclair qui était à entièrement cachée par ses mèches rebelles.

"Comment cela a-t-il pu arriver ?" s'étonna Harry. "Je n'étais qu'un bébé…"

"C'est la question que tout le monde se pose" soupira l'homme.

Il se passait quelque chose de douloureux dans la tête d'Harry. Au fur et à mesure du récit de l'étranger, les émotions s'étaient succédées en lui : espoir, peur, colère, tristesse… A présent, vidé, il avait l'impression que des images lui revenaient. Il entendait une voix douce (celle de sa mère), puis il voyait une lumière verte qui l'éclaboussait et un rire froid, aigu… Puis il imaginait une moto qui volait par-dessus des villes alors qu'il faisait nuit, et puis un vieil homme avec une longue barbe blanche et un chapeau pointu qui le regardait avec des yeux bleus pétillants. Etait-ce un rêve ?

Il savait enfin d'où il venait et la mort de ses parents était d'autant plus injuste. Ce n'était pas un simple accident, c'était un meurtre. Si ce Lord Voldemort n'avait pas existé, ses parents seraient toujours là. La gorge d'Harry se serra et il mit sa tête entre ses bras.

Il se sentait un peu perdu à l'idée que tout était nouveau pour lui dans le monde magique. Tous ses repères s'étaient effondrés. Il vivait maintenant dans un monde dont les limites étaient floues ; il ne savait même pas ce que pouvait faire un sorcier ! Certainement, s'ils peuvent tuer, ils peuvent aussi faire de bonnes choses, se disait-il. Il se promit alors de chercher à tout savoir sur le monde magique. Cela le rapprocherait d'une certaine façon de ses parents.

Lorsqu'il releva la tête, l'étranger évita son regard.

"Monsieur, est-ce que je peux vous poser une question ?"

"Vous pouvez m'appeler Professeur Lennart" dit l'homme en lui faisant un petit sourire du coin des lèvres.

"Professeur, il y a plein de choses que je ne sais pas sur le monde magique. Est-ce que vous pourriez m'apprendre… ?" demanda Harry timidement.

"L'année scolaire commence dans deux mois. Si vous êtes acceptés à Durmstrang, vous suivrez un programme de remise à niveau pendant ces deux mois."

"Comment se passe le test d'entrée ?" C'était ce qui rendait Harry inquiet. Après tout, s'il ne le réussissait pas, la porte du monde magique se refermerait devant lui.

Le professeur Lennart regarda sa montre. Elle avait de nombreuses aiguilles et des globes tournaient autour du cadran. Ce qu'il vit le fit se lever.

"Il va falloir que nous y allions maintenant" dit le professeur. "Le test a lieu dans une heure."

Il tâta son vêtement d'hiver et en détacha un tissu noir. Lorsqu'il l'étendit, Harry se rendit compte que c'était un vêtement. Puis il détacha la baguette de bois qui était accrochée à sa ceinture et la pointa sur la cape, qui sembla scintiller pendant un instant.

"Passez cette cape par-dessus vos vêtements" ordonna le professeur en la lui tendant.

Harry l'attrapa machinalement mais son regard était rivé sur le bâton dans la main du professeur.

"Ceci est une baguette magique" expliqua-t-il. "Elle permet de canaliser et d'amplifier nos pouvoirs magiques. Sans elle, un sorcier ne peut pas faire grand-chose."

Harry hocha la tête, fasciné. S'il utilisait une baguette comme cela, sa magie serait plus facile à contrôler ? Il était impatient d'essayer. Il enfila la cape et eut tout de suite très chaud.

"Durmstrang est située dans un endroit où il fait très froid. Allez, Mr Potter, ou nous allons être en retard."

Harry suivit le professeur Lennart dans l'entrée. Les Dursley le regardèrent de travers, mais Harry et le professeur les ignorèrent.

"Nous reviendrons ici juste après le test. Tournez-vous vers moi, Potter. "

Harry lui obéit. Le professeur pointa sa baguette sur le haut de la tête d'Harry qui se tendit, ne sachant pas quoi attendre. Juste après, il eut l'impression qu'on lui cassait un œuf dans le crâne et qu'il lui dégoulinait dans le dos. Il leva aussitôt la main à sa tête, mais sa main avait disparu ! Le professeur Lennart lui dit doucement :

"Pas de panique. C'est un simple sortilège de Désillusion. Juste pour être discrets. Je l'enlèverai dès que nous serons arrivés."

Le professeur Lennart lui attrapa le bras et l'entraîna hors de la maison. Harry se demandait où ils allaient comme ça. Si le test était une heure plus tard, ils ne pourraient pas y aller à pied. Mais le professeur les arrêta dans une allée ombragée. Il regarda autour d'eux, puis dit : "Accrochez-vous à mon bras, Potter, nous allons transplaner."

Harry eut juste le temps de le faire avant que tout devienne noir. L'univers entier semblait peser de toutes parts sur son corps, l'empêchant de respirer, de bouger. Harry allait crier quand soudain, tout fut fini. Il ouvrit les yeux sur un tout nouveau paysage.

Ils se tenaient sur un chemin en contrebas d'un grand château. Un vent frais soufflait sur son visage. Derrière le château s'élevaient des montagnes sur lesquelles restait un peu de neige. Il régnait un silence presque absolu. Le château en lui-même était imposant : situé sur un promontoire rocheux, il semblait dominer la vallée. Il s'en dégageait quelque chose qui faisait picoter agréablement les mains d'Harry.

"Voici Durmstrang" annonça le professeur Lennart en annulant le sort (d'ailleurs ça rendit Harry tout bizarre, de voir son corps réapparaître tout d'un coup). "Nous sommes sur l'île d'Utan Sällskapawjo, habitée uniquement par des sorciers. Mais allons-y, le test va bientôt commencer."

Lorsqu'ils passèrent les portes du château, Harry constata que ce qu'il voyait de l'extérieur n'était que l'enceinte fortifiée. Ils étaient dans une grande cour pavée, au milieu de laquelle se dressait une grande fontaine avec un large bassin. La fontaine représentait un géant au visage effrayant. Autour du bassin, des bandes de pelouses avaient été aménagées ainsi que des parterres de fleurs qu'Harry ne reconnut pas. De l'autre côté Harry distinguait un grand bâtiment, tout en hauteur, semblable à un donjon mais avec de nombreuses fenêtres.

Devant la fontaine se tenaient un groupe de personnes. Le professeur poussa Harry dans leur direction.

"Nous nous retrouvons tout de suite", le rassura-t-il.

En s'approchant, Harry comprit que tous ceux qui étaient assemblés là avaient son âge. Il y avait des filles et des garçons. Tous portaient des robes de sorcier. Quelques-uns discutaient mais beaucoup restaient silencieux, semblant attendre quelque chose. Au bout de quelques minutes, des adultes s'approchèrent. Harry reconnut le professeur Lennart, à côté d'un sorcier qui avait une robe rouge sombre. Un d'eux se détacha du groupe ; il était un peu plus âgé que le professeur Lennart et parlait avec une voix forte.

"Bienvenue à la Cérémonie du Test d'Entrée de l'Institut Durmstrang. Je suis le professeur Rasmussen, le directeur adjoint. Aujourd'hui, nous allons vous évaluer un par un. Certains d'entre vous deviendront élèves de Durmstrang à l'issue du test. D'autres ne reviendront plus jamais ici."

Un murmure se répandit dans le groupe d'enfants.

"Nous allons procéder comme ceci. Je vous appellerai un par un. Chacun votre tour, vous vous approcherez de la fontaine de Mimir et toucherez l'eau de votre main. Si vous n'êtes pas acceptés, vous oublierez les détails du test ainsi que l'emplacement de l'institut. Si, au contraire, vous êtes reçus, vous serez tenus de garder le silence par un contrat magique. Bien entendu, vous pourrez en parler à votre famille. Si votre candidature n'est pas sérieuse, vous pouvez vous en aller maintenant. Dans tous les cas, lorsque vous sortirez d'ici, vous pourrez n'en parler à personne."

Les enfants se regardèrent les uns les autres, les yeux ronds. Mais personne ne partit.

"Bien." Le sorcier déroula ce qui semblait être un rouleau de parchemin. "Miss Malvina Aguilar."

Une fille aux longs cheveux noirs et au visage doux s'avança. Elle mit sa main dans l'eau et tous les enfants retinrent leur souffle. Quelques instants plus tard, les paupières de la statue du géant s'ouvrirent. Ses yeux brillaient tellement fort qu'Harry fut ébloui. D'un seul coup, une langue d'eau serpenta au-dessus de la fontaine, tout autour du géant puis disparut. Les yeux de la statue restèrent ouverts.

"Reçue", annonça le professeur Rasmussen.

La jeune fille courut vers l'autre côté de la cour, où Harry remarqua pour la première fois la présence d'un groupe d'adultes en robe de sorciers, probablement les parents.

"Miss Senalda Aguilar" appela ensuite le vice-directeur.

Une fille se dirigea vers la fontaine et Harry crut pendant quelques temps que c'était celle d'avant qui revenait, avant de se rendre compte que c'était sa jumelle. Il se passa la même chose que pour sa sœur : de l'eau jaillit du bassin et entoura la statue avant de retomber en fracas. Le garçon qui fut appelé ensuite ("Mr Dietmar Auer") eut moins de chance : l'eau resta inerte et on lui annonça qu'il était recalé. Il s'en alla en pleurant.

"Bon débarras" souffla un garçon à côté d'Harry.

Harry se retourna pour savoir qui lui avait parlé. C'était un garçon avec des boucles blondes qui lui retombaient sur les épaules. Il adressa un rictus à Harry. Il se détourna, préférant suivre la cérémonie.

Très peu furent refusés, juste une jeune fille et un garçon qui s'appelait Draco Malfoy. La plupart avaient des noms étranges comme celui de Draco ; la majorité était d'origine anglaise ou européenne mais certains avaient des consonances qu'Harry ne reconnaissait pas. Enfin, alors qu'Harry commençait à se détendre en voyant qu'il y avait si peu de recalés, il fut appelé à son tour. La peur que la fontaine ne réagisse pas pour lui revint, il avait peur d'être refusé dans ce nouveau monde. Il toucha l'eau du bout des doigts, et rien ne se passa. Il était sur le point de faire demi-tour lorsqu'une vague se forma sur la surface ridée du bassin et d'un coup, un serpent d'eau surgit et monta en spirale autour de la statue. Harry souffla d'un coup, relâchant un souffle qu'il ne se souvenait même pas d'avoir retenu. Il se retourna et le professeur Lennart lui adressa un hochement de tête. Harry se rapprocha du groupe des parents, rassuré. Il allait intégrer Durmstrang ! Il allait apprendre la magie !

Il eut brusquement l'impression d'être observé. Il se retourna et son regard rencontra celui d'un sorcier aux longs cheveux blonds et lisses. Le sorcier le fixait, comme s'il pouvait voir son âme à travers ses yeux. Une main ornée de chevalières était posée sur une canne. A côté de lui se tenait Draco Malfoy, son sosie en plus jeune.

A ce moment il se rendit compte que tout le monde le regardait. Des chuchotements résonnaient.

"C'est vraiment Harry Potter ?"

"Tu as réussi à voir sa cicatrice ou pas ?"

"Mais qu'est-ce qu'il fait là ?!"

Harry, interloqué, compris que c'était dû à sa soi-disant célébrité. Cela l'agaça profondément. Il avait envie de hurler à tout le monde qu'il n'y était pour rien, qu'il ne voulait pas de leur attention. Il regarda ses chaussures, se sentant devenir tout bizarre. Il rougissait.

"Alors comme ça, c'est toi, Harry Potter ?" demanda Draco Malfoy d'une voix traînante. "Je me présente, Draco Malfoy" ajouta-t-il en lui tendant la main.

Harry hésita un peu, gêné. Puis il lui serra la main. Draco lui adressa un grand sourire.

"Je ne vois pas ce que tu viens faire dans une école si minable" dit Draco. "Je suis bien content de ne pas avoir été admis. Au moins, à Poudlard, il y a des gens intéressants. Presque tous mes amis y vont."

Harry hocha la tête. Draco continua aussitôt : "Si tu veux avoir des connaissances qui valent la peine, je peux t'aider, Potter."

Draco avait haussé un sourcil en attendant la réponse d'Harry. Celui-ci se dit qu'il n'avait pas grand-chose à perdre, après tout il ne connaissait personne et vu la façon dont se tenait Mr Malfoy, c'était des gens importants.

"Avec plaisir" répondit-il à Draco, un petit sourire aux lèvres.

"Ceux qui ont été admis, veuillez vous approcher s'il vous plaît" appelait au loin le professeur Rasmussen.

"Je crois que je dois y aller", s'excusa Harry. "A bientôt !"

Mr Malfoy lui fit un signe de la tête et Draco s'écria : "J'attends ton hibou !" Harry se demandait ce qu'il voulait dire par là.

Les admis s'étaient regroupés devant le professeur Rasmussen. Ils étaient une petite vingtaine. Harry se fondit dans leurs rangs.

"Vous avez été admis à l'institut Durmstrang. Les cours commenceront le premier septembre, bien entendu vous êtes attendus pour la veille au soir. Des trajets en bateau sont assurés au départ d'Amsterdam et de Saint Petersburg, tous les détails concernant votre voyage ainsi que le bulletin d'inscription sont situés dans ces lettres." Il sortit de sa poche une liasse de lettres, qui se distribuèrent toutes seules. Harry en attrapa une au vol. Elle était blanche mais dès qu'elle fut dans ses mains, son nom apparut dessus. "Vous y trouverez également la liste des fournitures requises ainsi que les boutiques où vous pourrez vous procurer l'uniforme, qui est obligatoire. Veuillez également lire attentivement les livres de la liste de lecture d'été, ce n'est pas facultatif et vous serez interrogés sur les connaissances acquises lors de votre premier jour. Pour toute autre question, vous pouvez vous adresser à l'école par hibou. Sur ce, mesdemoiselles et messieurs, je vous souhaite un été studieux, et à la rentrée."

Un "merci, professeur" collectif lui répondit et tout le monde se dispersa. Le professeur Lennart apparut devant Harry.

"Venez Mr Potter."

Harry suivit le professeur le long du chemin qui quittait le château, avec le flot général. Les personnes autour de lui avaient arrêté de chuchoter mais continuaient à le regarder avec insistance.

"Comme convenu, vous êtes invité à suivre un cours spécial cet été. Nous allons aller chercher vos affaires chez votre oncle et votre tante et vous allez emménager dès maintenant ici."

"Aujourd'hui ?" s'étonna Harry. Tout était arrivé tellement vite. En quelques heures, sa vie avait totalement changé.

"Il est hors de question que vous restiez une journée de plus avec ces Moldus", fit tranquillement le professeur Lennart. "Être dans un environnement magique vous fera le plus grand bien. Nous allons transplaner, Potter, accrochez-vous à mon bras."

De nouveau, Lennart le Désillusionna, puis ils transplanèrent, se retrouvant de nouveau dans l'allée de Little Whinning.

"Allons-y" souffla le sorcier en lui tenant fermement le bras. Harry remarqua pour la première fois que le professeur regardait tout autour d'eux, comme s'il avait peur d'être surveillé. Bientôt, ils furent dans le hall d'entrée du 4, Privet Drive. Ils furent accueillis par un cri effrayé de Dudley et les vociférations de l'oncle Vernon. "Va rassembler tes affaires" demanda Lennart, repassant encore au tutoiement.

Harry ne se fit pas prier, échappant à la harangue de Vernon contre les gens qui entraient sans prévenir dans leur maison. Ce fut vite fait, il n'avait pas grand-chose à part les vieux vêtements de Dudley. Il fourra le tout dans son sac à dos d'école et rejoignit le sorcier à la porte l'entrée.

"Mr Potter part avec moi" déclara Lennart. "Il ne reviendra plus, vous n'avez plus à vous soucier de lui."

Harry, stupéfait, interrogea le professeur du regard. "Oui, vous allez vivre à Durmstrang, maintenant. Il y a largement assez de place et de choses à faire là-bas." lui répondit Lennart. "Fais tes adieux à ta famille."

Harry regarda les Dursley d'un air gêné. "Bon, ben, adieu" lâcha-t-il. "Je crois que je ne vous dois rien…" 'C'est plutôt vous qui me devez quelque chose'. Lennart n'avait pas l'air très content mais Harry ne voyait pas comment faire des adieux à des personnes qu'il détestait profondément et qui avaient tout fait pendant des années afin de faire de sa vie un enfer.

"Tu pars, alors ?" dit la tante Pétunia. Elle le regardait lui, puis le professeur Lennart, comme si elle était en quête de quelque chose. "C'est le vieux magicien qui vous envoie, cet Albus Dumbledore ? Ça me paraît bizarre, hein, parce qu'il avait dit qu'il enverrait des lettres avant de…" Elle écarquilla les yeux, puis ajouta : "Oh mais non ! Vous ne l'emmènerez nulle part ! Sinon c'est moi qui vais avoir des…"

Le professeur Lennart pointa sa baguette sur la tante Pétunia, puis murmura "Oubliettes !". Les yeux de la tante d'Harry devinrent vides de toute émotion et elle se tut. L'oncle Vernon explosa littéralement.

"QU'AVEZ-VOUS FAIT, ESPECE DE MONSTRE ! ARRETEZ CECI IMMEDIATEMENT !"

Le professeur agita sa baguette en direction de l'oncle Vernon et de Dudley et ceux-ci devinrent à leur tour des pantins. Puis il s'adressa à eux, toujours de son ton de voix égal.

"Vous n'avez jamais entendu parler d'Albus Dumbledore. Vous n'avez jamais vu ni Harry Potter ni moi. Vous ne savez pas ce que c'est que la magie. Vous avez des vies ordinaires."

Alors que les Dursley reprenaient peu à peu conscience, Lennart attrapa le bras d'Harry.

"On s'en va maintenant, Potter, avant qu'ils ne se réveillent."

"Où allons-nous, maintenant ?"demanda Harry alors qu'ils traversaient de nouveau Little Whinning. Les paroles de sa tante résonnaient dans sa tête. Il avait le sentiment d'avoir loupé quelque chose. Il n'osa pas parler au professeur Lennart car celui-ci avait l'air en colère.

"Nous allons acheter tes fournitures scolaires. On transplane, attrape mon bras."

Cette fois Harry eut l'impression d'être moins malade. Lorsqu'il ouvrit les yeux ils étaient au bord d'un canal, dans une toute autre ville. Les maisons ne ressemblaient en rien à celles de Little Whinning : elles étaient collées les unes aux autres, colorées et bâties en hauteur, avec le haut de la façade montant vers le ciel en triangle. Il n'y avait pas de voitures mais beaucoup de gens se déplaçant à vélo. Un bateau à moteur passa sur la rivière.

"Bienvenue à Amsterdam" dit le professeur Lennart. "Une des villes Moldues d'Europe avec la plus grande communauté sorcière. Les sorciers vivent cachés, bien entendu, dans ce qu'on appelle le Quartier Noir. Nous allons sur la principale rue commerçante, le Cours des Affaires. Par ici."

Il les entraîna vers une boutique d'antiquités. Harry remarqua qu'une grande trappe était ouverte devant, avec un escalier descendant dans l'obscurité. Le professeur lui indiqua qu'il devait l'emprunter.

"Après vous."

Harry prit son courage à deux mains et plongea dans les ténèbres. Une fois descendu, il se retrouva dans un large tunnel éclairé par des torches enflammées. De l'autre côté il pouvait distinguer un escalier qui remontait. Il marcha le long du tunnel en regardant les torches, un peu étonné. 'Alors c'est comme ça que les sorciers remplacent l'électricité ?' se demanda-t-il. Il monta les marches, un peu ébloui par la brusque transition lumineuse… et arriva de nouveau dans un tout nouvel univers. Il venait de déboucher sur une rue semblable à celle qu'ils venaient de quitter sauf qu'ici tout avait un aspect différent. Ça semblait plus ancien, plus vrai. Harry se sentit bien, un peu comme quand il était arrivé à Durmstrang, mais en moins fort.

Le professeur partit sur leur gauche et Harry le suivit tout en regardant partout. Il y avait tant de choses à voir ! Toutes les maisons abritaient des boutiques au rez-de-chaussée, toutes plus originales les unes que les autres. Harry essaya de lire les enseignes et de voir les étals. Un "Apothicaire d'Amsterdam" annonçait une promotion exceptionnelle sur les épines de porc-épic, une vitrine exposait des balais volants, il y avait une file d'attente devant "Au Millefeuille, vendeur de grimoires d'occasion depuis 1898"… Mais le plus étonnant était la foule. Ils portaient tous des habits de sorciers et faisaient leurs courses en yeux de crapaud, en chaudron et en plumes d'oie comme si c'était la chose la plus naturelle au monde. Un garçon tirait une sorcière par la manche.

"Regarde, Maman" dit-il, "sur l'affiche ils disent qu'il y a des baptêmes d'Hippogriffe !"

Une boutique était particulièrement bruyante, ce qui pouvait se comprendre car à travers la vitrine elle paraissait surchargée en cages abritant des hiboux et des chouettes.

"Voici la banque des sorciers, Gringotts. Nous allons y chercher votre argent avant de faire autre chose" lui annonça le professeur Lennart.

Harry se retourna vers lui. "Mais, professeur, je n'ai pas d'argent !"

"Les Potter sont une ancienne famille au Sang-pur et vous ont laissé un héritage" expliqua simplement Lennart.

Harry le suivit dans un bâtiment blanc. Devant la porte se tenait une créature aux yeux plissés et à la peau sombre qui lui adressa un hochement de tête. Harry cligna des yeux.

"Les Gobelins gèrent toutes les richesses des sorciers. Gringotts a des filiales dans le monde entier" dit Lennart, alors qu'ils entraient dans un hall tout en marbre. Des Gobelins étaient assis à des comptoirs, pesant de l'or avec des balances et discutant avec des sorciers. Quelques-uns traversaient le hall en tenant d'immenses grimoires. "Ce sont des créatures très fières alors traite-les avec déférence."

Un gobelin seul à son comptoir leur fit signe de s'approcher. Il se pencha en avant, les yeux plissés, dévisageant Lennart et Harry. Le professeur Lennart inclina un peu la tête vers l'avant en guise de salut.

"Bonjour, nous voudrions nous occuper des intérêts financiers de Mr Potter ici présent" dit Lennart.

"Il va me falloir la clef de Mr Potter, sinon je ne peux rien faire" demanda le gobelin.

Harry regarda le professeur, paniqué. Il n'avait pas de clef ! Lennart se pencha en avant et baissa la voix.

"Il s'agit d'une situation délicate. J'ai toutes les raisons de penser qu'un changement de gardien est nécessaire."

Le gobelin regarda Harry de nouveau, puis ouvrit un énorme grimoire. Les pages se tournèrent toutes seules, puis s'arrêtèrent. Le gobelin consulta le registre un moment.

"Le gardien actuel de Mr Harry Potter, l'héritier des Potter, est Albus Dumbledore. Je ne vois pas d'activité irrégulière. Le compte n'a pas été débité depuis le décès des Potter. Quel est le motif de votre demande ?"

"Je voudrais qu'elle reste à notre entière discrétion" dit Lennard.

Il sortit une grosse bourse en cuir qui était remplie de pièces d'or ainsi qu'un parchemin et les posa sur la table. Le gobelin attrapa le parchemin et le parcourut.

"Tout me semble en ordre" acquiesça-t-il. "Mais ces démarches sont réglementés et il me falloir un échantillon de sang de Mr Potter afin de valider la procédure."

Harry allait ouvrir la bouche pour demander ce qu'il se passait, et qui était cet Albus Dumbledore dont tout le monde parlait, mais Lennart l'interrompit.

"Je vous expliquerai tout après. Pour l'instant, nous devons nous dépêcher de récupérer votre or avant qu'il ne soit inaccessible pour un bout de temps, et pour cela il ne faut plus que tu sois dépendant de ton gardien."

Harry hocha la tête et le gobelin avança une aiguille et le parchemin que lui avait donné Lennart.

"Mr Harry Potter" dit le gobelin, "lorsque votre sang touchera le parchemin, cela confirmera votre titre d'héritier des Potter et déclassera votre gardien. Vous serez indépendant aux yeux de Gringotts, bien que cela ne change pas votre statut de mineur auprès des autorités sorcières. Vous aurez libre accès à la fortune de Potter et pourrez disposer de l'or et des héritages comme bien vous semblera. Bien entendu, tant que vous le choisirez, nous garderons votre or en sécurité dans nos coffres souterrains. Nos banques sont les bâtiments les plus sécurisés et aucun voleur n'a réussi à s'échapper. Nous vous proposons également de gérer votre fortune pour vous afin de faire des placements intéressants. Si vous vous voulez confirmer cette démarche, veuillez procéder."

Harry prit l'aiguille, ne savant pas trop quoi en faire.

"Piquez l'extrémité de votre doigt et apposez-la ensuite en bas de ce parchemin."

Harry s'exécuta. Dès qu'il ôta son doigt du parchemin un éclat de lumière entoura son empreinte rouge, qui vira au noir. Le gobelin eut un sourire tordu.

"Vous êtes à présent l'héritier des Potter. La clef précédente qui était en possession d'Albus Dumbledore a été détruite comme requis et le contenu du coffre des Potter à Londres sera transféré ici dans l'heure, dès que les responsables auront pris connaissance de ces développements. Nous espérons faire bientôt affaire avec vous, jeune Lord Potter."

"Merci de votre diligence" dit Lennart. "Nous repasserons retirer de l'or tout à l'heure."

Ils sortirent de la banque.

"Je pense que vous devez avoir de nombreuses questions" dit Lennard. "Je vais vous répondre autant que possible, allons-nous installer quelque part."

Une fois qu'ils furent assis à la terrasse d'un pub, au soleil, sur le Cours des Affaires, le professeur Lennart commanda un jus de citrouille et une bièrauberre. Il donna le jus de citrouille à Harry qui le goûta du bout des lèvres et fut surpris de trouver le goût agréable. Puis on leur apporta un repas et Harry mangea comme un affamé. L'après-midi était bien avancé déjà et il n'avait rien avalé depuis son petit déjeuner. Enfin, il se tourna vers le professeur Lennart, en attente de réponses.

"Qui est cet Albus Dumbledore ? Tout le monde le connaît, même ma tante, et c'est mon gardien, alors pourquoi je ne l'ai jamais rencontré ?"

"Albus Dumbledore est le directeur de Poudlard, une école de magie britannique. Il est très connu car c'est un sorcier puissant. C'est lui qui a mené la guerre contre le Seigneur des Ténèbres. C'est lui qui a aidé vos parents à se cacher, bien que ça n'ait pas suffit. C'est également lui qui vous a caché du monde sorcier en vous envoyant chez ces Moldus. Il a dû dire à votre tante qu'il viendrait vous chercher pour aller à Poudlard, et c'est pour ça qu'elle ne voulait pas vous laisser partir."

"Je devais aller à Poudlard ?" s'étonna Harry. "Mais dans ce cas pourquoi êtes-vous venu me chercher ?"

"Vos parents sont allés à Poudlard, ainsi que tous les sorciers qui se battaient contre le Seigneur des Ténèbres. Vous devez bien vous douter de l'opinion que les gens ont de vous, après que vous ayez terrassé le Seigneur des Ténèbres alors que vous n'étiez qu'un bébé ?"

Harry réalisa soudain tout ce que ça impliquait. S'il était célèbre, ce n'est pas simplement car il avait provoqué la disparition de Lord Voldemort par accident.

"On croit que je suis un héros qui a mis fin à la guerre ?"

"C'est plus compliqué que cela. Mais c'est à peu près ça. Vous êtes appelé le Garçon-Qui-A-Survécut, le Survivant ; vous êtes une icône des mages blancs car ils pensent que vous avez réalisé un miracle. La foule vous adule car ils voient en vous leur Sauveur." Lennart soupira. "Je suis désolé que vous ayez tout cela sur le dos à votre âge. Mais je pense qu'il ne vaut mieux pas vous le cacher. Le Seigneur des Ténèbres n'est pas mort. Il a disparu de la circulation mais il est bel et bien vivant. Personne ne sait où il est, on pense qu'il a perdu ses pouvoirs d'une manière ou d'une autre, mais ce qui est sûr c'est qu'il va tout faire pour les retrouver. Il n'abandonnera jamais même si ça lui prend des années."

"S'il revient, la guerre recommencera ?"

"Sûrement" acquiesça Lennart. "Et étant donné votre statut de Sauveur du monde sorcier, lorsqu'il reviendra, les mages blancs attendront de vous que vous participiez à cette guerre."

"Mais je ne veux pas faire la guerre !" s'exclama Harry, indigné. "Je ne sais même pas comment j'ai pu survivre en premier lieu !"

"Et vous avez tout à fait raison, Mr Potter. C'est normal que vous vouliez choisir vous-même quel chemin emprunter. C'est pourquoi nous vous avons proposé une place à Durmstrang. Albus Dumbledore ne le saura pas tout de suite et nous ferons tout pour vous protéger de lui."

"Mais pourquoi vous n'aimez pas Dumbledore ? Vous n'avez pas fait la guerre contre Lord Voldemort ?"

Le visage de Lennart se contracta.

"Tout le monde n'a pas été concerné par la guerre car elle s'est limitée à l'Angleterre. Et je ne suis pas le seul à ne pas suivre Dumbledore. Beaucoup de gens lui reprochent de se servir des personnes comme des pions sur un échiquier. Les situations de guerre sont toujours compliquées et les leaders comme Dumbledore abusent parfois de leur pouvoir, comme il a dû le faire avec vos parents. Pourquoi les a-t-il forcé à se cacher alors que vos parents étaient toujours les premiers sur les champs de bataille ? Et pourquoi un sorcier aussi puissant que lui a laissé une brèche dans leur protection, les livrant sur un plateau d'argent au Seigneur des Ténèbres ?"

"Il n'a pas dû en faire exprès ! Mes parents devaient être d'accord !"

"Mais vos parents l'ont payé au prix de leur vie, Potter !" s'anima Lennart. Sa voix se radoucit. "La seule personne qui avait une chance contre le Seigneur des Ténèbres était Dumbledore, et il les a laissés seuls. C'était peut-être une erreur, mais elle a coûté trop cher et Dumbledore en a fait beaucoup d'autres."

Harry renifla un ricanement cynique. Voilà que son monde merveilleux était peuplé de manipulateurs et de jeux de pouvoirs. "Donc mes parents sont morts à cause de Dumbledore ? Mais c'est le Seigneur des Ténèbres qui les a tués ? Et Dumbledore était mon gardien, pourtant ! Il devait être ami avec mes parents…"

"Les amis de vos parents se sont tous dispersés cette nuit-là. L'un d'entre eux a été tué par un autre, qui s'est révélé être un Mangemort. Un autre a disparu. Je pense que Dumbledore a dû en profiter pour essayer de vous récupérer dans ses crochets. Vous ne voyez donc pas ? Il vous a laissé chez des Moldus et n'est jamais venu vous voir. Il pensait venir vous récupérer à vos douze ans et faire de vous son parfait petit soldat."

Harry réalisa quelque chose qui le rendit très en colère.

"Et que faites-vous actuellement ?" demanda-t-il à Lennart. "Vous venez m'enlever et vous me dites que Dumbledore c'est le mal. Je suis peut-être encore jeune mais je ne suis pas idiot. Vous voulez me dresser contre lui. Mais qu'est-ce que vous voulez m'apportez que je n'aurais pas eu avec Dumbledore ?"

"Une protection" lui répondit Lennart.

"Mais vous avez dit vous-même que seul Dumbledore pouvait affronter Lord Voldemort ?"

"Oui, mais aucun d'entre eux ne savent où est Durmstrang" dit le professeur, un rictus aux lèvres. "Durmstrang et l'île entière sont protégés par des charmes anciens, ce qui fait que personne ne peut y entrer sans y être invité. Et je peux vous garantir que personne n'invitera le Seigneur des Ténèbres."

"Donc je suis condamné à rester enfermé là-bas, c'est ça ?"

"Vous pouvez y rester le temps que vous voulez, Mr Potter. Vous n'êtes pas un prisonnier."

"Et si je veux aller à Poudlard ?" protesta Harry.

"Nous avons observé vos capacités et Durmstrang sera l'école où vous pourrez les développer le plus librement. Nous avons un enseignement exigeant mais en retour ceux qui sortent de Durmstrang sont les plus à même d'affronter le monde extérieur. Poudlard ne prodigue pas ce genre d'enseignement à ses élèves. De plus, nos matières sont plus diversifiées et vous donneront une plus grande culture du monde magique. Je crois savoir que vous êtes intéressé par tous les types de savoirs ; nous avons consulté votre dossier scolaire Moldu et il était très encourageant sur ce point."

Harry laissa tomber les pourquoi et les comment. Lennart avait l'air honnête et de toute façon, Harry s'était senti chez lui à l'école, donc il irait là-bas. Des années après, en repensant à cette discussion, il réalisa que depuis le début le professeur avait été déterminé à l'envoyer à Durmstrang, coûte que coûte.

"Donc Dumbledore n'est plus mon gardien ?"

"Non, mais votre tante est toujours votre responsable légale. Dès que vous reconnaîtrez Durmstrang comme votre maison, vous serez sous la bénédiction du directeur et personne ne pourra vous forcer à retourner chez les Moldus. C'est pourquoi dès ce soir vous allez emménager sur l'île d'Utan Sällskapawjo. Et pour ça nous devons acheter tout ce dont vous aurez besoin car vous ne pourrez pas revenir ici avant quelques temps. Sortez donc votre lettre."

Harry décacheta l'enveloppe en parchemin et lut le premier feuillet :

"Mr Harry Potter,

Nous avons le plaisir de vous informer que vous avez été reçu à l'institut d'enseignement sorcier de Durmstrang. Notre établissement se fait un plaisir d'enseigner aux jeunes sorciers ambitieux depuis plus de sept cent ans. Nous sommes ravis de vous accueillir et nous vous garantissons une scolarité de haute qualité.

Vous pourrez embarquer le 30 août sur un des navires de Durmstrang. Départ de Saint Petersburg à neuf heures, d'Amsterdam à midi. L'arrivée est prévue à dix-huit heures, où vous serez conviés à la Cérémonie de la Répartition et au Banquet de Début d'Année.

Veuillez trouver ci-joint la liste des lectures demandées, qui feront l'objet d'un test de connaissances lors des premières heures de cours, ainsi que la liste des fournitures exigées.

Veuillez agréer, Mr Harry Potter, nos salutations les plus sincères.

Mr le Directeur Igor Karkaroff

Maître des Potions, de Magie Noire et d'Enchantements"

Puis, sur le deuxième feuillet, il trouva une liste de titres de livres qui s'étendait sur la page entière. Il en lut quelques-uns ; c'était des choses comme "Les Animaux Fantastiques", "Nouvelle Théorie de la numérologie", "Grandes Noirceurs de la magie", "L'Histoire de la Magie" en douze volumes, et même un "Syllabaire Lunerousse".

"Il va falloir que je lise tout ça ?!" s'indigna Harry.

Le professeur Lennart lui adressa un sourire mauvais.

"Nous nous attendons à ce que tous nos élèves donnent le meilleur d'eux-mêmes."

"Oui, professeur," répondit Harry, un peu gêné.

Il consulta le deuxième feuillet qui détaillait les fournitures à acheter. 'Des gants fins en cuir de dragon adapté à un usage en extérieur ou en combat' ; des 'rouleaux de parchemin' et autres choses incroyables aux yeux d'Harry.

"On peut vraiment acheter tout ça ?" demanda Harry.

"Bien sûr. J'ai bien peur qu'on ne reparte pas avec tous tes livres aujourd'hui, par contre. Tu pourras te servir de ceux de la bibliothèque de Durmstrang jusque-là. Allons chercher ton argent."

Ils retournèrent donc à Gringotts où le gobelin, après avoir donné à Harry une petite clef dorée, les emmena dans un petit wagon dans les profondeurs souterraines d'Amsterdam. Ici, ils visitèrent le coffre d'Harry, qui n'avait jamais vu autant de richesses d'un coup : des montagnes de pièces d'or, d'argent et de bronze s'entassaient devant ses yeux. Il en prit une quantité généreuse.

Puis ils se mirent à rassembler tous les objets qui figuraient sur la liste, en passant d'abord un long moment chez le tailleur Albien Vêtu et le bottier adjacent. Après, ils descendirent la rue, achetant au passage chaudron, ingrédients pour potions chez un apothicaire ainsi que le reste. Pour certains objets, comme le télescope, ils durent emprunter une des ruelles qui croisaient le Cours des Affaires, où il y avait moins de commerces. Ils achetèrent une chouette, au grand étonnement d'Harry qui apprit que c'était le moyen de communication des sorciers. Le professeur lui conseilla une petite chouette blanche tacheté de noir à l'expression sévère, faisant partie de l'espèce des Nyctales de Tengmalm ("les messagers les plus discrets du monde" assura le vendeur).

Ils restèrent presque une heure dans une grande librairie qui s'appelait Au Vieux Gilbert, où les grimoires côtoyaient les manuels ; un des employés prit une copie de la liste qu'avait Harry en promettant de le les lui envoyer le plus tôt possible. Harry acheta quelques-uns des livres sur place, avec les conseils du professeur. Lorsqu'ils sortirent de la libraire, l'après-midi touchait déjà à sa fin.

"Plus que Gregorovitch et ce sera fini" annonça Lennart.

Ils allèrent très loin dans la rue, presque tout en bas ; là, une ruelle plus sombre que les autres serpentait dans les ténèbres. La boutique de Gregorovitch était la seule vitrine illuminée ; toutes les autres étaient sombres. Harry s'approcha de l'une d'entre elles, curieux. Il vit à travers la vitre une tête réduite, ce qui le fit reculer d'un coup.

"C'est une partie de la ville qu'il faut mieux éviter après le coucher du soleil" lui dit Lennart. "Il se passe des choses louches ici. Ah ! Nous sommes arrivés !"

A peine pénétrèrent-ils dans la boutique déserte qu'une grosse horloge sonna, faisant sursauter Harry. Un sorcier assez âgé apparut de l'arrière-boutique.

"Oh ! Professeur Lennart ! C'est un plaisir de vous revoir" dit-il en lui serrant la main.

"Tout le plaisir est pour moi" lui répondit aimablement Lennart. "Je suis ici pour le jeune Mr Potter, qui doit se procurer une baguette en toute discrétion."

Les yeux de Gregorovitch se posèrent d'un coup sur Harry, un peu écarquillés par la surprise.

"Harry Potter."

Le marchand de baguettes le toisa du regard, jugeant quelque chose. Il se détendit enfin et repartit de l'autre côté de son comptoir. Il sortit un ruban mesureur d'un tiroir.

"Prenons donc les mesures nécessaires" dit-il.

Et le ruban s'activa seul, mesurant presque chaque partie du corps d'Harry. Pendant ce temps Gregorovitch le sondait toujours du regard et Harry commençait à se sentir mal à l'aise. Enfin le ruban retourna dans le tiroir et Gregorovitch s'activa, cherchant sur les étagères. Harry constata que les murs de la boutique étaient couverts de ces étagères avec pleins de petites boîtes rectangulaires. Gregorovitch en sortit quelques-unes et les déposa sur une petite table. Il sortit une baguette magique de l'un des étuis et la tendit. Le professeur Lennart s'était laissé tomber sur une banquette et regardait la scène.

"Approchez-vous" demanda Gregorovitch. "Il vous suffit de prendre les baguettes une par une. Nous le saurons lorsque l'une d'entre elles vous aura choisi."

Harry ne voyait pas comment une baguette pourrait le choisir, mais il obéit tout de même. Il ne se passa rien de particulier pour aucune des baguettes posées sur la table. Gregorovitch grogna, rangea les baguettes et Harry pensait qu'il allait le chasser en lui disant qu'il n'était pas un sorcier mais le vendeur revint avec trois autres étuis. Il ne se passa toujours rien.

"Bon, vous êtes un peu difficile. Essayons le chêne…"

Harry essaya cinq autres baguettes mais rien ne se passa. Gregorovitch, inlassable, marmonna quelque chose et en choisit deux autres. Lorsqu'Harry essaya la première, il sentit une chaleur dans la paume de sa main et la baguette lança quelques étincelles. Gregorovitch souffla, la lui ôta des mains et rangea l'autre baguette qu'il n'avait même pas essayé. Il partit dans l'arrière-boutique et revint avec un étui.

"J'aurai dû m'en douter" marmonna-t-il en échangeant un regard lourd de sens avec Lennart. "Celle-là, Potter."

Harry la prit entre ses mains et tout de suite, la chaleur revint. Mais cette fois-ci, les étincelles étaient beaucoup plus fortes et brillaient de rouge et d'argent. Lennart se leva aussitôt et les rejoignit, alors que Gregorovitch emballait la baguette.

"Votre baguette, Potter, est une combinaison explosive. Bois de chêne, vingt-huit centimètres et demi, avec une plume d'occamy et une plume de phénix, deux créatures au caractère fort et à la grande intelligence. Je désespérais de trouver quelqu'un à qui elle puisse convenir. " lui précisa le vendeur.

Harry paya la baguette et ils sortirent de la boutique.

"Qu'est-ce que ça veut dire, Professeur ?" demanda Harry.

Lennart le fixait avec les sourcils froncés. "La plupart des sorciers utilisent une baguette qui n'a qu'un seul composant. Cela arrive qu'il y en ait deux. Je n'avais jamais entendu parler de baguettes à base de plumes d'occamy. Enfin, si Gregorovitch te l'a confiée, c'est que c'est une bonne baguette."

Quelques minutes plus tard ils arrivèrent à Durmstrang. Ils déposèrent les affaires d'Harry dans le hall d'entrée puis Lennart le fit entrer dans une grande salle au premier étage, qu'il lui présenta comme la Salle des Banquets. Elle était haute de plafond et ressemblait à une cathédrale, sans les colonnes. De chaque côté, d'immenses vitraux transparents filtraient la lumière. Harry pouvait distinguer à travers eux le paysage désertique de l'île : la plaine qui était en contrebas du château cerclée de montagnes enneigées.

La Salle des Banquets avait une estrade au milieu sur laquelle était situées deux tables en arc-de-cercle, placée l'une contre l'autre, de façon à ce qu'elles forment un cercle. D'autres tables en forme d'arc-de-cercle, plus grandes, étaient disposées autour de la salle, Harry en compta cinq. Sur l'estrade quelques personnes étaient attablées ; Harry reconnut la plupart des professeurs qu'il avait vus à la Cérémonie. Ils mangeaient à l'intérieur de la table, de telle sorte qu'ils faisaient face à la salle. L'un d'entre eux remarqua leur arrivée et le signala aux autres. Le professeur Rasmussen se leva et vint accueillir Harry.

"Bonsoir, M. Potter. Veuillez vous installer, le dîner est déjà bien entamé."

Il lui indiqua un siège à côté d'un garçon de son âge. Le garçon le regarda avec un petit sourire et continua à manger comme si de rien n'était. Harry fit de même, un peu déconcerté. Il écouta les conversations des adultes autour de lui, même s'il ne comprit pas grand-chose ; la plupart parlaient anglais, avec des accents plus ou moins prononcés.

"Daniela, passez-moi cette tourte anglaise, elle est délicieuse" demanda un homme.

"Alors comme ça le vieux Gregorovitch vous a retenu ?" demanda quelqu'un d'autre.

"Oui, vraiment délicieuse. Je crois que je vais aller demander la recette aux elfes de maison."

"Je ne savais pas que vous cuisiniez, Gerard."

"Regulus, qu'avez-vous pensé du petit Malfoy ce matin ?"

L'attention d'Harry se porta aussitôt sur cette nouvelle conversation. 'Ils parlent de Draco Malfoy', devina-t-il.

"J'étais déçu qu'il ne soit pas accepté."

"Oui, une bonne famille comme cela, c'est bien dommage. Surtout que beaucoup de Sang-mêlés ont été reçus. Avoir un Malfoy croisé Black, ça aurait contrebalancé tout ce mauvais sang."

"Voyons, Konrad, soyez plus poli" demanda une femme à la voix douce.

Un ricanement froid lui répondit.

Le dîner fini, une sorcière accompagna Harry et l'autre garçon dans un dortoir. Il y avait deux lits à baldaquin, deux armoires et deux bureaux. La pièce était un peu austère et il faisait froid. Harry remarqua que ses affaires et ses achats étaient posés au pied d'un lit. La chouette le regarda d'un air désapprobateur.

"Dormez-bien, vous en aurez besoin. Le petit déjeuner est à sept heures."

Elle les laissa seuls. Harry s'approcha de l'unique fenêtre. A travers les vitraux, il y avait le même paysage que depuis la Salle des Banquets.

"C'est bizarre qu'il fasse encore jour" fit-il remarquer. Le soleil était encore haut dans le ciel.

Le garçon vint se poster à côté de lui.

"On dit que c'est le soleil de minuit" dit-il dans un anglais parfait. "Lorsqu'on est si près des pôles, le soleil ne se couche pas pendant l'été et ne se lève pas l'hiver.

Harry le regarda avec étonnement. "Je ne savais pas qu'on était autant au Nord."

"Je suis Suédois" expliqua le garçon. "Anvald Fröde" précisa-t-il en lui tendant la main, un petit sourire aux lèvres.

"Harry Potter" se présenta Harry en lui rendant sa poignée de main. "Je suis Anglais" rajouta-t-il bêtement, pour combler le silence qui s'étirait.

"Je sais" répondit simplement Anvald. La chouette d'Harry poussa une série de petits 'hou-hou-hou-hou' frénétiques. Le sourire d'Anvald s'élargit.

"Tu devrais la laisser sortir" conseilla-t-il.

Harry ouvrit la porte de la cage et la chouette se jeta sur lui. Apeuré, il recula hors de sa portée. La chouette recommença à pousser ses hululements frénétiques et vint se percher sur l'épaule d'Harry, enfonçant ses serres dans sa peau.

"Aïe ! Oui, je te laisse sortir, du calme !"

Dès qu'il ouvrit la fenêtre une bourrasque de vent glacial vint lui fouetter le visage. La chouette prit son envol. Harry referma la porte, congelé par le froid.

"Il ne fait pas chaud, ici !" fit-il remarquer, alors qu'il se préparait à aller au lit.

Anvald le regardait, son petit sourire aux lèvres.

"Tu as ta baguette ?" demanda-t-il.

"Oui"

"Alors je vais t'apprendre le sort de Réchauffement. Vas-y, montre-la."

Harry déballa sa baguette. Le contact du bois le rassura tout de suite. Anvald avait pris sa propre baguette.

"Alors, tu pointes l'objet que tu veux rendre plus chaud, non, tiens ta baguette comme ça… Oui c'est mieux, et puis tu bouges ton poignet comme ça et comme ça… Voilà. Et après tu rajoutes la formule sur les mouvements, comme ça : Calido !"

"Calido !" fit Harry en l'imitant, la baguette pointée sur son lit. Un petit jet de lumière quitta sa baguette et toucha le lit. Il mit sa main entre les draps, ébahi.

"Mais ça marche !" s'exclama-t-il.

"Bien sûr que ça marche" répondit Anvald.

Harry regarda Anvald avec admiration. "Où as-tu appris ça ?"

"Je suis ici depuis hier soir" expliqua-t-il. "Mrs Bennett, l'infirmière, me l'a montré hier soir. Tu l'as vue, c'est celle qui nous a conduit ici."

"Tu as passé la journée ici !" s'excita Harry. "Raconte !"

Mais Anvald lui adressa son petit sourire mystérieux et se coucha. "Tu verras bien demain."

Harry, à la fois déçu du comportement du garçon, et plus heureux qu'il ne l'avait jamais été, s'endormit en serrant sa baguette dans sa main.