Cela faisait maintenant plusieurs mois que Japon était dans le coma. Les pays se succédaient à son chevet, attendant patiemment son réveil ou le moindre signe de rétablissement.

C'était Russie qui, ce jour-là, était de veille aux côtés du blessé.

Assis sur une chaise inconfortable, perdu dans ses pensées, il regardait le corps fin recouvert de tubes du japonais, sans vraiment le voir.

Son visage fermé ne laissait transparaître aucune émotion et pourtant, de douloureuses pensées assaillaient son esprit.

Lui aussi s'était un jour retrouvé allongé sur un de ces affreux lits d'hôpital, blessé, brisé, détruit jusqu'au plus profond de son être, essayant vainement de calmer la douleur qui le rendait fou.

Il grimaça à ce souvenir.

Depuis tout jeune il avait l'habitude de souffrir. Son pays avait connu de nombreuses tragédies qui l'avaient peu à peu plongé dans la folie.

Mais ce qu'il avait enduré dans sa jeunesse n'était rien comparé à ce qu'il avait subi le 26 avril 1986.

Il était secrètement jaloux de toutes les visites que recevaient l'asiatique. Seuls ses deux sœurs, Ukraine et Biélorussie - accompagnées de force par les pays baltes - étaient venues s'enquérir de sa santé.

Il se souvenait des larmes de Natalia lorsqu'elle l'avait vu, de la crise de panique de Katia qui hurlait qu'elle ne voulait pas qu'il s'en aille et des visages choqués et secrètement réjouis de Toris, Eduard et Raivis.

Non, il n'oublierait jamais.

Et même s'il le voulait il en serait incapable.

Il avait trop souffert pour pouvoir si facilement chasser de son esprit toutes les souffrances qui l'avaient rongé, toutes les tortures atroces qu'il avait subites.

L'accident tout d'abord, qui avait détruit son corps, brisé ses os. Puis le réveil, les calmants, la douleur qui ne le quittait plus.

C'était trop, beaucoup trop…

Le russe se recroquevilla, les mains serrées sur ses flancs. Même encore aujourd'hui elle restait là, tapie dans son corps, attendant son heure pour le plonger une nouvelle fois dans le néant.

Il fut tiré de ses macabres pensées par un bruit faible, un gémissement qui s'était échappé des lèvres entrouvertes du japonais.

Kiku ouvrit lentement les yeux. Sa vue était floue, il devait faire de gros efforts pour ne pas sombrer à nouveau dans l'inconscience, se raccrochant de toutes ses forces à la réalité

Cruelle réalité.

Il ne savait pas où il se trouvait. Puis il prit peu à peu conscience de la douleur qui se déversait dans son être comme du feu liquide. Il avait mal, les pensées brumeuses grouillaient dans son esprit. Il lui manquait quelque chose, quelque chose d'important.

Il ne sentait plus ses jambes.

Son corps fut pris de soubresauts. Ses ses doigts serrés à s'en briser les phalanges, il hurla.

Puis une main froide se posa sur la sienne. Il se raccrocha à ce contact comme à une bouée de sauvetage, tentant désespérément de s'extraire de l'Enfer dans lequel il était plongé.

- Chut… Calme-toi… Ne pleure pas petit ange… Je suis là, tu n'es pas seul…, lui murmura une voix douce près de son oreille.

Des larmes qu'il voulait cacher ruisselaient sur ses joues. Des doigts froids les chassèrent mais elles furent remplacées par d'autres, et d'autres encore. La douleur était atroce, insupportable. Il n'avait compris qu'une chose : Ivan était à ses côtés et ne le laisserait pas tomber. Ses bras se nouèrent faiblement autour du cou du russe dans l'espoir désespéré de ne pas sombrer dans la folie. Il l'appela à l'aide en gémissant.

Une main lui caressa les cheveux. Il oublia peu à peu la lave qui lui dévorait le corps, anihilant tout en dehors du contact, il ferma les yeux.

Russie regarda avec pitié le visage rougi de Japon.

Il ne connaissait que trop bien les sentiments du brun. Il savait ce que ça faisait de souffrir.

Oui… Il savait à quel point ça faisait mal.