Note :

Hello girls.

Euh non, vous ne rêvez pas c'est bien nous... Avec un bout de chapitre. Je dis un bout parce qu'on a décidé de vous le couper en deux histoire que vous n'attendez pas encore... Un temps indéfini. Ce que nous vous livrons maintenant est écrit depuis plus d'un mois, mais comme nous bossons toutes les deux et que nos emplois du temps ne concordent jamais, les semaines se sont lentement - ou rapidement selon les points de vue... - égrenées et on n'a pas pu avancer plus.

Nous vous souhaitons quand même une très bonne année 2012 et un bon nouvel an chinois par la même occasion.

On espère que vous nous attendrez toujours, malgré nos petits dérapages et essaierons de faire mieux pour la deuxième moitié qui j'espère, ne mettra pas autant de temps que celle-ci à venir.

Sur ce, très bonne lecture à vous, merci pour vos reviews qui nous touchent toujours autant - comment ne pas être classique dans ses remerciements ?... - prenez soin de vous et à la prochaine fois, bisous !


Chapitre Sept : Une once de désir mal placée ( part 1 ) - POV Edward

oOo

Thanksgiving 2007

" Edward, il faut que tu me rendes un énorme service. Tu dois aller m'acheter une seconde dinde, on a encore des invités en plus cette année. "

Voilà le sms que j'avais reçu près d'une heure plus tôt, alors que j'étais paisiblement installé sur mon canapé avec la dernière agnelle que j'avais croisée quelques jours auparavant, Kate, une collègue de travail d'Alice.

Une dinde.

On me demandait à moi d'aller acheter une dinde !

Est-ce que j'avais la tête du bon samaritain qui se dévoue à aller dans un hypermarché sur-bondé, pour me battre avec une vieille mégère qui me taperait dessus avec sa canne pour lui avoir chipé sous son nez le dernier volatile en rayon ?

Non ! Alors quoi ?

Ma mère avait laissé un mot sur le frigo pour dire à qui ça intéressait qu'elle serait sur Seattle toute la journée et qu'elle irait sans doute directement chez Carmen après.

Jasper était de corvée shopping avec sa furie aussi à Seattle depuis deux jours - quand elle faisait les magasins, elle ne les faisait pas à moitié, m'avait-il confié avec ce sourire attendri qui le caractérisait désormais dès qu'il parlait d'elle et qui me donnait plus envie de vomir qu'autre chose.

Emmett était chez Princesse Rosalie et ne comptait pas se montrer avant le début des réjouissances ce soir - lui au moins avait été intelligent ; il avait dû couper son portable comme tout être sensé devait le faire pour ne pas être pris pour cible en cas de corvée de dernière minute.

Mon père était évidemment à la clinique et avait prévenu qu'il arriverait sans doute un peu tard.

Et qui devait alors faire les courses ? C'était Eddie.

" Tu veux que j'y aille ? " Me demanda gentiment Kate à côté de moi.

Je me forçais à la regarder en tentant de lui sourire.

La laisser conduire ma voiture ? Et puis quoi encore ? Autant faire le plein du frigo et du congélateur de Carmen et Eléazar.

" Non, ça va. Ce n'est qu'un oiseau après tout. " Répliquai-je.

Elle me sourit à son tour et se mit à genoux sur le canapé en se penchant vers moi, la main dans mes cheveux.

Je me retins de ne pas repousser son bras et passai le mien autour de sa taille fine.

Ses yeux chocolats parcoururent lentement mes traits, me regardant avec douceur, avec une étincelle qui me dérangeait : ce n'était pas vraiment celle que je recherchais depuis des semaines.

Je portai ma main droite à sa joue blanche qui voyagea rapidement jusqu'à sa chevelure brune. Trop brune.

Ses lèvres s'approchèrent des miennes en sourire gourmand et je me retins presque de soupirer. Trop fines.

Non, décidément, ce n'était pas encore ça. Il allait falloir que j'y remédie et que je la largue rapidement.

Au moment où sa bouche entrait en contact avec la mienne, je me retrouvais malgré moi quelques semaines en arrière, dans une toute autre maison, une toute autre pièce. Et une toute autre personne.

Elle poussa un petit soupir de plaisir et j'eus envie de lui demander d'arrêter de faire ça. Que ce n'était pas ce que j'attendais d'elle.

Sa main appuya doucement sur la base de mon crâne pour m'inciter à approfondir le baiser et je me laissai faire par pur automatisme.

Elle avait eu des gestes presque tendres, mais pas ceux-là.

Kate se colla contre moi, sa langue caressant avec lenteur la mienne et ma main se figea un peu sur sa hanche, ne cherchant même pas à passer sous le marcel blanc qu'elle portait. Je n'avais même plus envie de toucher sa peau.

Elle finit par se détacher de moi, un sourire énamouré aux lèvres et je me détournai, m'insultant intérieurement.

Pourquoi ne sortait-elle donc pas de ma tête ?

Et celle-ci semblait prête à tout pour réaliser mes moindres désirs, semblant être persuadée que j'éprouvais un minimum de sentiments pour elle depuis ces... quatre ?... cinq ?... jours que nous étions " ensemble ".

Je savais que Princesse Rosalie l'avait mise en garde contre moi la veille. Je les avais entendues. Elle semblait bien décidée à me haïr le restant de sa vie et je devais avouer que mise à part sa plastique de rêve, cette femme m'exécrait plus que je ne pouvais réellement le dire.

Et heureusement que Kate n'avait pas fait plus attention que ça à ce qu'elle lui avait dit.

J'aimais ce genre de filles. Du genre pas compliquées - cruches... - Sur certains points.

Je me laissais donc guider dans les escaliers avec la ferme intention d'être parti dans la prochaine demie heure à venir.

oOo

Une fellation et une levrette rapide contre le comptoir en marbre noir de la salle de bains plus tard - soit précisément 23 minutes - j'enfilai un jean brut et un t-shirt noir - je n'avais pas spécialement envie de faire des folies cette année... Sans doute à cause de la présence de Kate... - et dévalai les marches de l'escalier alors que ma future ex sortait de la salle de bains en mettant sa dernière boucle d'oreille. Elle me rejoignit quelques secondes plus tard en lissant inutilement sa robe tube noire et blanche et chercha ses escarpins. Une fois chaussée, j'allai poser ma main sur le loquet de la porte quand elle fronça les sourcils en regardant mes pieds :

" Des Converses ? "

Je regardai furtivement à mon tour avant de planter mon regard dans le sien, sans rien dire.

" Ce n'est pas trop... décontracté ? " Me demanda-t-elle en se mordillant la lèvre inférieure - geste qui me rappela forcément Grognasse.

J'inspirai profondément et fis un énorme effort sur moi-même pour ne pas soupirer de lassitude.

Pourquoi avait-il fallu que je flashe sur une collègue de travail d'Alice alors que j'avais forcément 90 % de chance pour qu'elle ait déteint un minimum sur elle ?

" J'ai suffisamment la classe pour ne pas me mettre sur mon 31 un soir de Thanksgiving. C'est ça quand on s'appelle Edward Cullen. " Répliquai-je en la gratifiant de mon sourire en coin ravageur.

Elle rougit et s'approcha de moi pour m'embrasser doucement les lèvres quand sa fragrance me figea net : de la fraise. Merde... Finalement je n'avais pas fait un choix si mauvais que ça - en espérant que Grognasse suçait mieux.

Détournant les yeux pour ne pas voir cette lueur énamourée dans son regard, je pris mon blouson, ouvris la porte et sortis dans le froid humide de ce mois de Novembre.

Quelques minutes plus tard, nous arrivâmes sur le parking du petit supermarché de Forks et je grognai de dépit. Il était plein. Même archi plein. Mais un détail me fit quand même entrer dans la place. Un détail insignifiant pour certains, mais qui attira direct mon attention. Un pick-up rouge délavé, prêt de l'agonie, stationné près de l'entrée du magasin. Je l'aurais reconnu n'importe où...

Que faisait-elle ici ?

J'avais promis de ne plus chercher à la revoir après un mois d'Août des plus fatigants pour moi.

Elle avait voulu jouer à la conne mais elle ne savait pas que j'excellai aussi dans ce domaine. Elle m'avait traîné absolument partout. Même... dans un bar gay. Où par pure provocation, j'avais embrassé un autre mec.

J'avais voulu la bluffer.

Lui montrer que j'avais des couilles et que rien ne me faisait peur.

J'avais voulu lui prouver que je pouvais être aussi canon qu'infernal.

J'avais voulu la rendre folle... Et quelque part en moi, je savais que d'une certaine façon, j'y étais arrivé.

Parce qu'elle avait abdiqué.

Elle avait enfreint l'une des règles qu'elle s'était imposée vis à vis de moi. Elle m'avait embrassé la première.

Dire que j'avais été désarçonné aurait été faux.

Je savais que tôt ou tard - j'avais espéré tôt... - elle finirait par commencer à se brûler les ailes avec moi.

Mais elle était prudente. Trop prudente...

Elle se laissait approcher, oui. Mais pas trop. Elle avait trop conscience des risques qu'elle prenait. Et je l'admirais quelque part pour ça.

Elle ne me mettait pas sur un piédestal. Elle connaissait mon vrai visage - ou du moins, le pensait-elle - alors que nous nous étions croisés que peu de fois.

Je ne savais pas comment elle avait fait. Mais je savais que cette fille pouvait se révéler presque dangereuse pour moi.

En atteignant un cœur trop froid, on peut finir par arriver à le réchauffer...

" Là ! " Me dit tout à coup Kate en me montrant une place qui venait de se libérer.

J'accélérai imperceptiblement pour me garer avant le quinquagénaire qui lorgnait également l'emplacement et ne pus m'empêcher de sourire cyniquement en le voyant marmonner derrière son volant.

J'étais comme ça.

Le premier. Quoi qu'il arrive.

En descendant de voiture, je jetai un coup d'œil à la dizaine de voitures qui tournait en vain sur le parking, à la recherche d'un stationnement et aurai bien aimé recroisé le regard de l'homme à qui j'avais piqué la place... Par pur machisme.

Me résignant, j'évitais de justesse la main gantée de Kate qui voulait entrelacer nos doigts et fis mine de vérifier si je n'avais pas de nouveau message en sortant mon Smartphone.

Nous allions entrer dans l'antre du démon quand tout à coup, Kate poussa un petit cri de joie et de surprise mélangées, le regard fixé sur la sortie du magasin.

J'allais continuer mon chemin, peu désireux qu'elle me présente à des amis - ou pire... à ses parents - quand ses mots m'arrêtèrent dans mon élan.

" Ça alors ! Bella Swan ! Ça fait un bail qu'on s'est pas vues ! "

Et ce fut ma première véritable bouffée d'oxygène de la journée.

Quand mes yeux croisèrent les siens l'espace de quelques millièmes de secondes.

Ils n'avaient pas changé. Ils étaient toujours aussi froids à mon encontre. Toujours aussi... Distants.

Elle reporta de suite son attention sur Kate, semblant chercher dans sa mémoire qui elle était. Alors que moi, je la détaillai sans vergogne.

Elle portait un vieux jean et un sweat bleu marine à l'effigie de la police de Forks trois fois trop grand pour elle. Le genre de reliques que les filles avaient du mal à se séparer en règle général, les considérant trop confortables. L'exact contraire de Kate à cet instant précis. Et pourtant, c'était bien elle que je regardais avec... intérêt.

Ses joues rouges étaient tout simplement à croquer. Tout comme la façon dont elle tenait maladroitement son sac en papier kraft de course contre elle, comme si elle savait qu'il allait tomber dans les secondes à venir.

Ses lèvres, légèrement gercées, laissaient passer l'air dans sa bouche. Je passai machinalement ma langue sur les miennes et me forçai à regarder ailleurs.

J'avais voulu la croiser autant que j'avais voulu la suivre.

Je m'étais juste contenté de ses substitues, parce que pour moi, avoir cette fille ce n'était... Pas un but en soi. Ce n'était pas ce que j'avais ambitionné de mieux dans ma vie.

Isabella Swan était juste une fille insignifiante qui avait traversé ma vie. Mais que, pour une raison inconnue, mes instincts réclamaient.

Peut-être qu'après... Oui, forcément, après...

" Kate Welling ! Le cours de spécialité Bio en Terminale ! On a partagé la même paillasse au premier trimestre ! On s'est bien marré toutes les deux ! "

J'avais envie de demander à Kate de se taire. Et même de partir. Pourquoi fallait-il qu'elle débite autant de mots à la seconde ?

Puis un sourire étira enfin les lèvres de Grognasse et elle remit machinalement une mèche de cheveux derrière son oreille.

" Deuxième rang à gauche. Acquiesça-t-elle.

_ Je suis tellement contente de te voir ! Je n'ai jamais réussi à avoir de tes nouvelles après le lycée. Qu'est-ce que tu deviens ? Tu as un copain ?

_Oh, euh... Je suis à la fac. Je poursuis en météorologie. Et niveau copain... Disons que c'est plus qu'une question de temps ! Et toi ? " Demanda-t-elle par, je le savais, pure politesse - je l'entendais dans le son de sa voix.

_ Oh moi, j'ai pris une année sabbatique. Je mets de l'argent de côté. J'aimerais bien aller à Los Angeles, mais tu sais bien que c'est une ville un peu inaccessible quand t'as pas le compte en banque qui suit. Je suis vendeuse en prêt à porter à Port Angeles. La patronne n'est pas dégueulasse. Et j'y ai rencontré ce pur canon que tu vois là. C'est mon copain. Il s'appelle Edward. Enfin je devrais dire plutôt que c'est " le " Edward dont beaucoup de filles en ville ont entendu parler. Il était pour moi un peu comme une légende urbaine. J'avais toujours pensé que le portrait plus que flatteur qu'on faisait de lui était exagéré. Mais j'avoue qu'il est presque en de çà de la vérité. " Répliqua-t-elle.

Je ne pus m'empêcher de rouler mes yeux. D'exaspération. Plus lèche cul - en occurrence ici, suce bite... - y avait pas.

J'avais horreur des filles qui faisaient toujours trois tonnes quand elles me présentaient - c'était pour ça que j'évitais en règle générale toute rencontre avec leurs proches. Il suffisait de me voir pour se passer de commentaire ; quiconque avait un minimum de bon sens avait tout compris. Nous étions avec mes frères les plus beaux mecs de la ville.

Ceux qui avaient le plus de filles à leurs palmarès. Alors il n'était pas utile de nous présenter. Il suffisait juste de nous regarder.

Grognasse cligna plusieurs fois des yeux, son regard fixé sur Kate, faisant comme si je n'existais pas. Puis éclata d'un rire étrange.

" Ton copain ? " Ria-t-elle en nous regardant tour à tour. " Ah... Tu es sérieuse, hein. "

Elle se calma instantanément alors que je sentais le mal à l'aise grandissant de Kate. Elle chercha instinctivement ma main que je laissais me saisir, histoire de faire un minimum front.

Dans son hilarité, Grognasse avait failli en lâcher son sac et avait mis un genou en dessous juste à temps avant qu'il ne tombe. Puis elle détourna un instant le regard, comme si elle se sentait soudainement gênée de s'être foutue de la gueule de son amie en se mordant violemment la lèvre inférieure. Et je dus reconnaître que ce geste était beaucoup sexy venant d'elle que de l'autre cruche. Enfin, Kate.

Elle toussota légèrement avant de nous regarder une nouvelle fois dans les yeux. Et une fois de plus, j'aurais aimé être le seul en face d'elle.

" Euh, sinon, quelque chose me dit que vous serez tous les deux au repas chez Carmen, ce soir, je me trompe ? " Nous demanda-t-elle avec un sourire hyper forcé.

Je dis bien " nous " parce qu'elle avait utilisé le deuxième pronom personnel du pluriel, ce qui voulait dire que je pouvais entrer dans la conversation. Pas que j'ai besoin d'une autorisation pour, mais au moins, elle ne pourrait s'en prendre qu'à elle-même si cela la dérangeait - et j'espérais que c'était le cas... -

" Comme tous les ans. Répliquai-je.

_ Oh oui ! Edward m'a montré hier la maison ! Elle est vraiment ma-gni-fi-que ! Quelle chance d'habiter dans la forêt ! Cela doit être si calme ! Si paisible ! Nous y rejoignons les parents d'Edward ! Et ses frères. S'ils n'étaient pas tous les deux pris, je t'aurais bien proposé un rendez-vous dans les jours à venir pour t'en présenter un. La beauté doit être un critère de reconnaissance chez les Cullen. Je suis sûre qu'Edward accepterait volontiers de rendre service à une de mes amies. S'enthousiasma Kate.

_ Oh, c'est juste que... Carmen nous avait précisé qu'hélas Edward serait absent cette année... Et je te l'ai dit, ne t'en fais absolument pas. J'ai quelqu'un d'autre en vue, et de toutes façons, j'éviterais de sortir avec un mec de Forks... Trop loin de la fac, tu comprends ? Cela dit, vous formez un magnifique couple, tous les deux ! Vous êtes vraiment trop mignons ! " Enchaîna Grognasse un peu moqueuse.

J'aurais pu sourire ironiquement parce qu'à sa place, je crois que j'aurais agi exactement de la même façon, quand un détail me percuta. Comment se faisait-il qu'elle avait des nouvelles de Carmen ?

" Tu seras là ? Ne pus-je m'empêcher de lui demander sur un ton un peu rêche en fronçant les sourcils.

_ A moins qu'un train ne me passe dessus en chemin... Oui. Fit-elle avec un sourire forcé.

_ Mais c'est génial ! On va pouvoir parler du lycée ! Et en plus, tu n'es pas encore prête ! Je pourrais venir chez toi pour t'aider. Je suis sûre que ça ne dérange pas Edward. Mais au fait ! Vous vous connaissez ? Nous demanda Kate en fronçant à son tour les sourcils.

_ Connaître est un bien grand mot. Disons qu'on s'est croisé au cours de cette année. " Marmonnai-je, mon cœur ratant bizarrement un battement.

Moi qui m'attendais à une soirée ennuyante entrecoupées de piques subtiles à l'encontre de Princesse Rosalie, j'étais presque impatient que la soirée commence. Et dire qu'on ne devait plus se revoir...

" C'est très gentil de ta part, mais ma cousine m'a déjà briefée, et je ne voudrais surtout pas priver Edward de sa nouvelle copine... Concernant Edward, je connais plus ses frères. Des garçons charmants ! Répondit-elle.

_ Oh ! Quel dommage ! "

J'eus un léger sourire à la réplique de Grognasse. Elle les connaissait plus et paradoxalement, c'était moi qui la connaissais le plus intimement.

" Tu peux quand même aller avec elle. Vous irez ainsi plus vite et vous pourrez... discuter. Dis-je à Kate, saisissant l'occasion pour m'en débarrasser une heure ou deux.

_ Ça ne te dérange pas ? S'enquit-elle.

_ Mais non. Vu que cela semble te faire tant plaisir... " Souris-je.

Je fus presque persuadé à ce moment-là que Grognasse me fusilla du regard, comme si le fait d'avoir Kate dans les pattes la faisait prodigieusement chier.

" Oh oui ! " S'extasia Kate.

Cette fois-ci, pas de doute : j'aurais pu entendre le " Oh non ! " qui résonnait dans sa tête.

Mais la seconde d'après, elle eut un grand sourire qui aux yeux de tout le monde aurait pu passer pour être naturel. On aurait même pu lui donner le bon Dieu sans confession... A part moi.

" Eh bien les filles... Je vais vous laisser jouer à la poupée. Amusez-vous bien. " Fis-je avec un sourire ironique.

Je vis Grognasse ouvrir précipitamment la bouche pour répliquer mais je ne lui en laisser pas le temps et tournai les talons en me préparant mentalement à affronter les nouveaux chevaliers de la volaille prêts à tout pour sauver leur dîner. Avec un peu de chance, dans une heure j'en serai sorti...

oOo

Un sourire toujours scotché aux lèvres depuis que j'imaginais Grognasse subir la présence de Kate comme une torture, je m'engouffrai enfin dans ma voiture avec la dinde qu'on m'avait demandé et une bouteille de vin rouge pour faire bonne figure. Carmen avait toujours pensé que j'étais un gentil petit garçon, il fallait bien donner le change.

Une demie heure plus tard, mon sourire s'agrandit lorsque je pénétrai sur le chemin qui menait à " la Maison de la forêt " comme on l'appelait avec mes frères quand on était petits.

Je fronçai un peu les sourcils lorsque je m'aperçus que j'étais le premier à être arrivé.

Depuis que j'avais le permis, ça ne m'était jamais arrivé.

Merde. J'avais si peu de choses que ça à faire pour être là à... 17 h 23 ?

J'écarquillais les yeux en voyant l'heure. J'avais vraiment l'impression qu'il était plus tard que ça.

La porte d'entrée s'ouvrit, et je souris à la pensée de voir Carmen sortir avec l'un de ses éternels châles quand mes lèvres se figèrent à la vue de Princesse Rosalie.

Putain, qu'est-ce qu'elle foutait là, elle ?

Son regard polaire se braqua sur moi et une moue dédaigneuse apparut sur son visage. Sur la défensive, elle croisa les bras sur sa poitrine, faisant remonter légèrement ses seins généreux.

Canon. Mais très conne.

Je me dirigeai vers le garage, priant soudain pour voir la Jeep de mon frère. Parce que si Carmen n'était toujours pas sortie m'accueillir, ça voulait certainement dire qu'elle n'était pas là et que j'allais devoir me coltiner Barbie pendant un temps indéfini. Ce qui ne m'enchanta pas des masses et me fit presque regretter d'avoir refourgué Kate à Grognasse. Au moins, elle aurait été avec moi, Princesse Rosalie l'aurait embarquée dans la cuisine pour la convaincre de me quitter avant que je ne lui cause des dégâts au cœur irréversibles et elle ne m'aurait pas emmerdé.

Mais la Jeep n'était pas là.

Depuis quand Carmen laissait-elle la maison à des quasi étrangers ?

Je coupai le moteur et pris tout mon temps pour rassembler les courses et descendre de la voiture.

Et si je faisais demi tour ?

Ou que je trouvais une excuse pour repartir ?

Ou mieux : si j'avais un prétexte pour ne pas assister à la soirée ?

Oui, mais, il y avait Grognasse qui allait en faire partie et je ne pouvais pas me priver de ce spectacle-là.

Qu'est-ce que j'aimais la faire chier. C'était, je pense, ce qui m'avait manqué le plus. L'attrait sexuel n'était que secondaire. La preuve... Il fallait que je l'ai une bonne fois pour toute et puis...

Le bruit du vibreur de mon téléphone me sauva momentanément de l'envoûtement de Miss Je-semble-frigide-mais-je-ne-le-suis-pas-tant-que-ça.

Je l'attrapai à la volée sur le siège passager et fronçai les sourcils à la vue du nom.

Tanya.

Ça faisait une éternité qu'elle ne m'avait pas envoyé de texto.

" Tu me manques. "

Je restai un moment devant ces trois mots sans réagir quand on frappa sèchement contre la vitre.

Princesse Rosalie était en train de me fusiller du regard, les seins toujours remontés par ses bras que sublimaient un pull en col V noir. Une chose était certaine, mon frère ne devait pas s'ennuyer au lit avec elle.

Voyant mon manque de réaction, elle ouvrit la portière et me prit le portable des mains avant que je n'ai pu amorcer le moindre geste.

" T'enverras un message à ta prochaine pouf plus tard. Carmen m'a chargé de m'occuper du repas de ce soir parce qu'ils ont été précipitamment appelé par des amis en début d'après-midi. Il me reste encore un million de choses à faire ! Et il a fallu qu'elle te demande de faire les courses à toi ! J'espère que tu as bien choisi la dinde, sinon je te jure que je te l'enfonce dans le trou du cul avec mes talons ! Pourquoi Emmett est parti à la concession de Port Angeles pour le compte de Grahams un jour férié ? Pourquoi on me laisse seule avec... toi ?

_ Tu penses sérieusement que t'es un cadeau ? Sifflai-je, piqué à vif.

_ Par rapport à toi ? Je ne suis on ne peut plus un cadeau inespéré. " Répliqua-t-elle avec un sourire dédaigneux. Puis elle tendit la main : " La dinde.

_ Tu parles de toi à la troisième personne, maintenant ?

_ Oh... Monsieur est spirituel...

_ Oh... Mademoiselle sait faire autre chose que se plaindre. Il va neiger... "

Elle me fusilla une nouvelle fois du regard, jeta le portable sur le siège passager et fit le tour de la voiture sans répliquer pour s'emparer du volatile et de la bouteille de vin avant de s'éloigner en claquant la portière en direction de la villa avec sa sœur jumelle.

Heureusement que j'avais hérité de ma mère et que le calme olympien faisait partie de mes qualités.

Après plus de trois mois de relation, je n'arrivais toujours pas à comprendre ce qui avait rendu amoureux mon frère de cette fille, mise à part sa plastique.

Elle était on ne peut plus désagréable et semblait n'avoir qu'un minimum de conversation. Passer une soirée avec elle sans parler de voiture ou de mécanique devait être d'un ennui terrible. Un peu comme avec Kate qui, en dehors des fringues, n'existait quasiment plus.

Je sortis toute fois de ma voiture après avoir saisi mon portable.

Je pouvais bien trouver une occupation sans croiser ce démon blond ne serait-ce qu'une fois, si ce qu'elle m'avait dit été vrai.

J'entrai dans la maison et me dirigeai derechef vers la bibliothèque pour voir les nouveautés d'Eléazar.

Je parcourrai des yeux la deuxième étagère avec pour bruit de fond les casseroles agitées dans la cuisine quand mon téléphone vibra de nouveau.

Un appel entrant.

Tanya.

Je restai encore un moment dubitatif devant le nom d'un des fantômes de ma vie.

Depuis ce qui s'était passé à La Patte du Loup, j'aurais pensé qu'elle n'essaierait plus jamais de me joindre. Qu'elle ferait tout pour m'oublier. Je pensais ça pour son propre bien parce que je savais que j'étais malsain pour elle et que malgré tout, comme je l'avais plus ou moins dit à Grognasse quelques semaines auparavant, c'était une des rares personnes que j'avais apprécié dans ma vie. Et ce que je n'avais pas dit c'était que je voulais la protéger de moi-même.

Les vibrations du téléphone cessèrent et je ressentis vaguement une ondée de culpabilité me traverser que j'éloignais aussitôt.

Je n'aimais pas les sentiments qui compliquaient la vie. Tout ce qui était de l'ordre de la générosité, la culpabilité et l'amour, je les virais de mon environnement instinctivement. Ça avait toujours été plus ou moins plus fort que moi. C'était trop compliqué à gérer et tellement plus facile d'être un parfait enfoiré.

J'entendis Barbie jurer dans la cuisine et je souris à la perspective qu'elle pourrait rater le dîner de ce soir.

Ça serait comique.

Même si je ne mangerais pas.

Enfin, Emmett se débrouillerait pour appeler une pizzeria en cas de nécessité ne pouvant pas supporter l'idée de rater un repas, mais l'idée de la voir cramoisie annoncer qu'elle avait tout foiré, avait un son délicieux à mon oreille.

" Bella ? Dieu merci tu as répondu ! Bella, s'il te plaît, il faut que tu viennes m'aider, je n'y arriverai jamais toute seule... Pour le repas de ce soir ! Carmen est partie en laissant tout en plan, ils ont eu un empêchement de dernière minute et comme une gourde je me suis proposée instinctivement. Tout le monde sait dans la famille que tu cuisines mieux que moi !... Euh oui, mais... Bella... Bella, ne fais pas ta gamine ! Il doit être comme d'habitude planté devant la bibliothèque d'Eléazar et t'inquiètes pas, il ne viendra pas dans la cuisine t'emmerder vu que j'y suis aussi. Il a pas emmené son écervelée, j'espère bien qu'elle lui a posé un lapin. Noooon... Tu déconnes ?... Oui, Alice l'aime beaucoup. Je ne sais pas moi non plus. Eh bien venez, on ne sera pas trop de trois. Charlie vient toujours ? Oh, dommage... Oui, je sais, il n'a jamais aimé les grandes fêtes familiales depuis que Renée est partie. Emmett est à Port Angeles... Non, en fait, là, ils arriveront tous pas avant 20 heures au moins. Oui, ça fait un peu cours mais si tu viens me prêter main forte, on peut s'en tirer juste à temps. Je te promets qu'il ne viendra pas. Au pire, je le virerai de la maison. Emmène tes fringues, on verra ce qu'on peut faire ici. Merci, bisous, à de suite ! "

J'entendis Barbie raccrocher en soupirant de soulagement.

Grognasse allait venir plus tôt que prévu ? Pourquoi ça m'enchantait autant ? Le seul petit bémol était la présence de Kate. Voire aussi de Barbie. Même si l'idée d'être seul avec Grognasse m'horripilait aussi. Mais ça avait bizarrement un goût plus... savoureux. Il allait vraiment falloir que je vire cette fille de ma vie, ça ne pouvait pas continuer comme ça.

oOo

Une demie heure plus tard environ, j'étais confortablement installé sur le canapé avec un livre de Thoreau quand j'entendis le bruit des pneus sur le gravier.

Indéniablement, un léger sourire apparut sur mon visage et Barbie se précipita vers la porte d'entrée pour l'ouvrir elle-même à sa cousine sans le moindre regard dans ma direction.

" Bella, merci ! Merci énormément ! " Soupira la blonde.

Les pas se rapprochèrent et je me forçai à me concentrer sur les mots que je lisais alors que toute mon attention était ailleurs, à quelques pas de là.

" Ça va. T'as encore rien cramé ? " Répondit-elle en riant.

Barbie grommela quelque chose et je sentis Kate se rapprocher de moi pour m'embrasser.

" Tu lis quoi ? Me demanda-t-elle après avoir effleuré le coin de ma bouche.

_ La Désobéissance civile de H.D Thoreau.

_ Et ça parle de quoi ?

_ Tu veux pas aller aider tes copines ? Soufflai-je malgré moi.

_ C'est un bouquin dans lequel il avance l'idée d'une résistance individuelle à un gouvernement jugé injuste, et qui est considéré comme l'origine du concept contemporain de " non-violence ". " Répliqua alors Grognasse.

Je pris ce prétexte-là pour regarder dans sa direction.

Barbie était en train d'inspecter des fringues qu'elle sortait d'un sac en papier kraft, les sourcils légèrement froncés, comme si elle n'était pas convaincue par les choix de sa cousine. Et je pris tout mon temps pour reporter mon attention sur elle.

Elle portait toujours le sweat de la police de Forks et son jean trop grand pour elle.

Et son regard était toujours aussi froid et morne.

Je la regardai longuement, comme si je cherchais à savoir ce qui se passait dans sa tête.

Je me demandais soudain si elle pensait encore à ce qui s'était passé dans sa chambre et je dus faire un effort sur moi-même pour éviter d'esquisser un sourire.

" Je dois avoir quelque chose dans la voiture qui t'ira sans doute mieux. Fit alors Barbie.

_ Rose... Je porterai ce qu'il y a dans ce sac, que ça te plaise ou non. Tu viens, Kate ? " Répliqua-t-elle en se dirigeant vers la cuisine.

Celle-ci esquissa un sourire d'excuse et s'en alla également, laissant seule Barbie dans la pièce avec moi.

" T'as pas intérêt à venir nous emmerder. " Siffla-t-elle avant de tourner les talons sans que je n'eus répliqué.

Quelques minutes plus tard cependant, alors que Grognasse était en train de donner ses directives sur un ton presque militaire, je me glissais dans la cuisine incroyablement design de Carmen et Eléazar. Tout était d'un noir chromé avec les plaques de cuisson au milieu de la pièce, devant une espèce de bar américain.

Kate était en train de laver les légumes devant la grande fenêtre qui donnait sur la forêt, à mon opposé. Barbie semblait s'évertuer à faire le dessert en suivant scrupuleusement un livre de recette posé en équilibre précaire sur un paquet de farine, un tablier rouge noué autour de la taille. Grognasse me tournait le dos et faisait la corvée la plus ragoutante : elle était en train de farcir la dinde. Elle avait enlevé son sweat et ne portait à présent qu'un débardeur noir qui contrastait presque violemment avec sa peau.

Voyant qu'aucune des trois ne m'avaient vu, trop concentré sur leur tache, je m'asseyais devant le bar et me mis à observer Grognasse.

Elle avait relevé ses cheveux en une chose qui à la base devait ressembler à un chignon mais qui était plus en fait qu'un amas de cheveux, d'où une mèche s'était échappée sur son cou. Elle avait des gestes méticuleux et vifs, comme si elle avait fait ça des dizaines de fois et je me souvins tout à coup qu'elle vivait seule avec son père et que c'était elle qui devait se charger de la cuisine et des taches ménagères en général.

" Ça manque de musique. Dit-elle tout à coup.

_ Edward chante merveilleusement bien. Répliqua aussitôt Kate depuis l'évier.

_ Je n'émets aucun doute sur le fait qu'il est un habitué de la sérénade. Se moqua-t-elle.

_ Non, mais je t'assure ! Il a un ténor assez stupéfiant. Je n'aurais jamais cru qu'il pouvait avoir toutes ces qualités...

_ Pitié ! J'ai pas envie de vomir ! Marmonna Barbie.

_ En tout cas, Bella, il parle régulièrement de toi. "

Je sentis mon estomac faire un drôle de saut périlleux dans mon ventre quand Kate prononça cette bombe, toujours concentrée sur ses légumes.

Princesse Rosalie ricana mais s'abstint de tout commentaire.

J'étais à deux doigts de faire connaître ma présence, mais une petite voix malicieuse dans ma tête me retint et me dit d'attendre ce que Grognasse avait à répliquer à ça.

Même si l'affirmation de Kate n'était pas totalement justifiée - je ne parlais d'elle que quand Emmett mettait le sujet de sa copine " géniale et parfaite " sur le tapis, ce qui n'arrivait que deux ou trois fois par jour -.

" Et que mentionne-t-il ? Des anecdotes croustillantes sur certaines sorties auxquelles il a pu participer, ou une sombre histoire de crème glacée, il y a plusieurs mois à la plage... ? Dit-elle après avoir échappé un rire.

_ Oh non ! Je l'ai entendu dire à Jasper qu'il t'avait peut-être mal jugée. Mais ne vas pas lui répéter, il est pas sensé savoir que j'ai surpris leur conversation. "

Je fronçai les sourcils en essayant de me souvenir de cette fameuse conversation et retins à temps un juron lorsqu'elle me revint en mémoire. C'était deux jours auparavant, nous étions seuls dans la cuisine et comme toujours depuis presque un an, Jasper avait décidé de m'asticoter au sujet de Grognasse et m'avait malgré moi fait penser à ce qui s'était passé dans sa chambre.

De tous les baisers que nous avions plus ou moins échangés, c'était celui qui m'obsédait le plus.

Sans doute parce qu'il avait été trop différent et que j'aurais presque pu... Non. Pas ressentir quelque chose.

Grognasse cependant haussa des épaules.

"Sincèrement, ça n'a rien d'un secret. Je suppose qu'il a été surpris d'apprendre que contrairement à ce qu'il a pensé le jour de notre rencontre, j'étais capable de laisser un souvenir impérissable à certaines personnes.

_ Je crois en effet que tu en es capable. " Ne pus-je m'empêcher de répliquer.

Princesse Rosalie se tourna violemment et me lança son habituel regard noir en pinçant ses lèvres pulpeuses comme si elle se réprimandait mentalement à l'idée d'engager une bataille verbale avec le frère de son mec.

Kate tourna légèrement la tête vers moi et me sourit légèrement avant de retourner à ses légumes qu'à présent, elle épluchait.

Grognasse, elle, se figea un instant, comme si elle était troublée ou gênée à l'idée que j'eus pu entendre leur conversation. Puis elle soupira et se tourna vers moi.

" "Edward. Je pensais que tu mettrais cinq minutes de plus avant de te décider à venir pointer ton nez. Dit-elle.

_ Il faut croire que je n'arrive pas à résister à l'envie d'avoir ta compagnie. Répliquai-je, sardonique, ayant soudain l'envie de la faire rougir.

_ Touchant. Si tu veux récupérer Kate, tu peux. On a bientôt fini avec Rose.

_ Voudrais-tu te débarrasser de moi encore une fois ? Fis-je, une main posée sur le cœur de façon caricaturale.

_ Voyons... Je sais juste ce que c'est les relations amoureuses... L'envie de monopoliser l'autre... De s'isoler avec... Tout ce qu'on vous demande avec Rose, c'est de ne pas faire trop de bruit. " Enchaîna-t-elle, railleuse en retournant à sa corvée.

Kate gloussa.

Et je me rendis compte que ce qu'elle était en train de décrire, c'était exactement ce que j'avais envie de faire... Avec elle. Et l'idée qu'elle puisse l'associer à une relation amoureuse me fit presque rire... Sans joie.

" Étrangement, ce n'est pas elle que j'ai envie de faire crier. " Soufflai-je, pas sûr qu'elle m'aie entendu, mes yeux fixés sur sa nuque.

Elle jeta un regard vers Kate et s'approcha nonchalamment de moi, les mains pleines de farce, les joues pas assez rouges.

Les yeux plongés dans les miens, elle répliqua :

" Ravie que tu sois passé, mais j'ai une dinde à farcir. Un peu comme toi avec Kate, d'ailleurs... Et si tu allais t'acquitter de ta tâche pendant que je m'acquitte de la mienne ? "

Elle s'était légèrement penchée vers moi quand elle prononça sa deuxième phrase et je me demandai si elle l'avait fait intentionnellement ou pas.

Ce semblant de proximité me rappela malgré tout celle que nous avions à chaque fois que nous nous voyions, qu'elle soit voulue ou pas et je me surpris à vouloir savoir si elle en avait conscience.

" Tu serais jalouse ? Murmurai-je, presque amusé, en me penchant également.

_ Non. Tu n'es pas curieux de savoir tout ce qu'on a pu se raconter Kate et moi ? Je lui ai conseillé de se montrer patiente et adorable avec toi... Ne la déçois pas. J'en serais très en colère contre toi. Répliqua-t-elle avec un énorme sourire moqueur qui me parut sur le coup insultant.

_ Tu lui as aussi dit ce qui s'était passé dans ta chambre cet été ? Ne pus-je m'empêcher de lui demander, un peu sur le ton de la provocation.

_ Non, pourquoi ? Tu trouves ça assez intéressant pour le mentionner ?

_ Pour que j'y pense aussi souvent, peut-être.

_ Tu ne devais pas y penser tant que ça pour avoir trouvé une autre fille ! " Fit-elle avec un clin d'œil avant de retourner farcir la seconde dinde.

Je la regardai un instant, puis je me levai, m'assurai que Kate était toujours concentrée à éplucher ses légumes, Barbie, à remuer dans son saladier et m'avançai à pas de loup de Grognasse.

La vue de la ligne de son cou me fit presque rendre ma gorge sèche et je m'insultai mentalement avant de reprendre contenance avant de me pencher sur elle, mes lèvres effleurant soudain sa peau.

" Tu m'as toujours sous-entendu que c'était sans espoir. " Soufflai-je d'une voix un peu rauque, en touchant légèrement ses hanches du bout des doigts.

Puis, sans attendre une réponse ou une quelconque réaction, je m'éloignai d'elle et quittai la pièce pour me réfugier à l'étage, le livre de Thoreau à la main.

oOo

Près d'une heure plus tard, alors que j'étais profondément plongé dans ma lecture, je fus dérangé par des bruits de pas dans le large couloir. Je levai un instant les yeux de ma page, allongé sur le lit de la chambre bibliothèque comme l'appelait Carmen, et jetai un coup d'œil par la porte entrebâillée pour voir Grognasse ouvrir doucement chacune des portes de l'étage, son sac de papier kraft à la main.

Elle n'avait pas remis son sweat et je m'autorisai un instant à observer la ligne courbe de son dos quand elle repassa inconsciemment devant moi une seconde fois.

Comment arrivait-elle à éveiller toutes ces fourmis dans mon ventre en un simple regard ?

De toutes les femmes que j'avais connues, c'était la première fois que je ressentais ça. Un mélange étrange d'attraction et de répulsion.

" Les salles de bain sont dans les chambres. " Fis-je quand elle passa une troisième fois devant moi. " Elles en possèdent toutes une. Petite, mais bien une. Carmen trouve cela plus pratique pour les couples qui aiment bien... prendre des douches à deux.

Elle me regarda comme si elle contemplait une chambre vide et se dirigea vers celle qui se trouvait la plus proche des escaliers. Comme si l'idée de repasser devant moi en robe - d'après ce que j'avais pu voir dans les mains de sa cousine - la révulsait.

Elle voulait lutter.

Elle voulait se battre.

Et j'allais la prendre en chasse.

Plus j'y pensais, plus l'idée me semblait saugrenue tout comme elle me semblait évidente.

J'étais curieux de la revoir avec cette étincelle.

La coloration de ses joues.

Son souffle haletant.

Ses yeux me dévorant.

Je la voulais de plus en plus pour moi.

J'étais impatient de voir la haine de son regard se transformer en quelque chose de beaucoup plus doux, mais de tout aussi ardent. Et de beaucoup plus cruel.

Comme Tanya.

Je ne savais pas encore comment j'y parviendrai. Peut-être devrai-je lui dévoiler encore un peu plus de l'être qui se cachait sous ma froideur. Sans doute ne me croirait-t-elle pas, mais elle finirait par s'y résoudre. Elle finirait par être fascinée, captivée.

Elle finirait par penser de plus en plus souvent à moi.

Elle crèverait de jalousie quand je serais loin d'elle.

Elle se sentirait vide et seule au monde. Elle n'aspirerait qu'à me revoir. Elle ne vivrait plus que pour ces instants-là.

Je serais gentil et charmant.

Je serais un hypothétique autre.

Celui qu'elle voudrait que je sois.

Je serais parfait.

Je serais visiblement amoureux.

Je pourrais même m'en convaincre pour jouer à fond mon rôle parce qu'après tout, la psychologie joue un très grand rôle dans ma stratégie.

J'endormirais sa méfiance.

Je changerais son attitude.

Je lui ferais croire qu'elle est celle qui a changé le grand méchant loup en gentil petit agneau.

Je la présenterais officiellement à mes parents et à mes frères. Je demanderais à voir son père. Même sa mère - j'avais cru comprendre que ses parents étaient séparés depuis des années.

Je serais comme jamais je n'avais été.

Elle serait ma plus grande réussite. L'apothéose de mon art.

Et sa chute n'en sera que plus cruelle.

Quand elle dormira dans mes bras, qu'un sourire bienheureux et insouciant étirera ses lèvres, quand elle me serrera étroitement contre son cœur, qu'elle croira être la femme la plus heureuse et la plus chanceuse du monde, alors, mon véritable moi refera surface.

Oh, ça se fera petit à petit.

Une pique par ci. Une pique par là. Une remarque blessante. Un manque d'intérêt. Un refus de rendez-vous. Un oubli intentionnel. Une première dispute. Ses premières larmes. Ses premières amertumes. Il me faudra faire attention parce que sa méfiance et ses instincts de survie se réveilleront sans doute à ce moment-là, mais je saurai les rendormir une nouvelle fois. Je trouverai un prétexte. Je lui ferai un sourire. Je la prendrai dans mes bras. Je lui ferai l'amour. Et elle se calmera. Elle s'insultera peut-être mentalement. Elle se dira qu'elle m'a changé, qu'elle est Elle. Que dans un couple, tout ne peut pas être tout beau tout rose. Qu'on est faits l'un pour l'autre.

Et quelques jours plus tard, la chute finale.

Le sourire en coin et vainqueur. Je lui parlerai de sa crédulité. Je lui dirai qu'elle m'a déçu. Que je la croyais plus combattive. Elle pleurera. De chagrin et de rage. Elle fera peut-être voler des objets. Elle explosera. Elle me regardera avec haine et dégoût. Avec douleur et injustice. Je resterai de marbre. Je lui serai hermétique. Je lui rappellerai ce qu'elle m'a donné de son plein gré. Je lui dirai que ce n'est qu'à elle qu'elle doit en vouloir. Que je lui avais toujours dit qu'elle tomberait pour moi.

Et je partirai.

Je la laisserai seule et dévastée. Je continuerai ma route. Je ne me retournerai pas. Je n'éprouverai pas de remords. Elle ne sera qu'une fille de plus. Une fille spéciale, oui, mais juste une fille de plus. Elle deviendra un nom parmi d'autres innombrables noms. Je ne la reconnaîtrai plus dans la rue. Je ne la regarderai même pas. Elle ne sera plus qu'un fantôme. Elle n'existera même plus.

Et j'aurai gagné.

C'était un plan parfait.

Un plan digne de moi.

De mémoire, je n'avais jamais autant conspiré pour mettre une fille dans mon lit. Même pas ma prof de Bio au lycée. Et pourtant, Dieu sait qu'elle avait été spéciale pour moi. Peut-être presque autant que Tanya.

Mais Isabella Swan... C'était une autre trempe. Une autre classe. C'était une sorte de fascination.

Oui... C'était ça... Une fascination.

Et c'était pour cette raison précise qu'il fallait que je gagne face à elle.

Je savais qu'une fille comme elle, si je n'y prenais pas garde, si je la laissais faire, pourrait éventuellement avoir un jour ma peau. Elle pourrait me faire aimer tout ce que j'avais jusqu'à présent détesté.

La tendresse. La complicité. L'amour inconditionnel.

Rien qu'en y pensant, j'en avais des sueurs froides.

Alors il fallait que ce soit moi qui prenne les devants. Qui me mette en chasse.

Mon téléphone vibra pour la troisième fois depuis que j'étais arrivé.

Je ne le regardai même pas. Je savais qui c'était.

Je voulais rendre Isabella Swan aussi accro que Tanya Denali.

Je savais bien qu'il n'aurait pas fallu qu'on se revoit, qu'on se reparle.

Elle le savait, elle aussi.

Mais elle ne pouvait pas s'en empêcher.

Tout comme Grognasse, un jour, ne pourra pas s'en empêcher non plus.

Peu importe la force et la conviction qu'elle y mettra. Peu importe la haine qu'elle me portera.

Son cœur sera à moi, peut-être à tout jamais, et à cette pensée, je ne pouvais m'empêcher de sourire largement et d'autosatisfaction.

oOo

Kate confortablement assise contre moi sur le canapé, je regardais d'un œil morne des magasines de décoration dont raffolait Carmen pour passer le temps, ma main gauche posée négligemment sur sa hanche.

C'était limite si je ne l'entendais pas ronronner. Elle sommeillait même depuis près de 20 minutes, sa tête posée délicatement sur mon épaule.

Grognasse et Barbie étaient toujours dans la cuisine et je les soupçonnais de prendre tout leur temps pour échapper à ma charmante compagnie.

Tant mieux pour Barbie.

Dommage pour Grognasse.

Je l'avais à peine entraperçue dans sa petite robe noire moulante qui lui arrivait à mi cuisse ; la chantilly sur le gâteau aux trois chocolats trop amers.

Je l'aurais bien regardée de plus près mais les yeux noirs de Barbie m'avait conseillé de faire demi tour avec mon écervelée et de les laisser en paix jusqu'à l'arrivée des autres convives ou d'éventuellement, Carmen et Eléazar.

J'avais préféré obtempérer, sans doute à son plus grand étonnement, espérant qu'elle ne manquerait pas de le souligner à Grognasse... Histoire qu'elles parlent un minimum de moi.

J'étais en train de chercher un prétexte pour aller chercher quelque chose dans la cuisine quand des bruits de pneus retentirent sur le gravier.

Je jetai un coup d'œil à ma montre : ça faisait plus de deux heures que nous étions arrivés et aucun signe de vie des propriétaires des lieux. Peut-être était-ce enfin eux ? Mais au son des talons de Barbie qui se précipitait vers l'entrée, j'en déduisis que c'était mon frère aîné et je ne pus que sourire en voyant là mon excuse pour aller enfin dans la cuisine.

Et pourquoi ne pas y aller en douce pendant que les deux autres feraient à moitié l'amour sur le capot de la Jeep ?

Un regard à Kate pour m'assurer qu'elle sommeillait bien, je retirai mon bras le plus délicatement possible, me levai sans bruit et me dirigeai, tel un moustique attiré irrépressiblement par la lumière vers la cuisine où un doux fumet s'échappait... Pas seulement celui de la dinde mise au four, mais celui de notre prochaine bataille...

A suivre...