Titre : Déduction hématophage II, The Case of the Missing Student

Auteur : Ambrevale

Fandom : Sherlock BBC, Vampire!Sherlock AU

Pairing : Sherlock/John

Rating : NC-17

Résumé : Sherlock et John se rendent à Paris où une nouvelle enquête les attend, ainsi que des révélations sur la famille, et la Famille, du vampire détective.

NdA : Mon cadeau de Noël à ce fandom :) Merci à toutes les reviews posées sur Déduction hématophage et mes autres fics de ce fandom. Cette fic est relativement longue, sachant qu'elle décrit une enquête, adaptée de celle de Sir Arthur Conan Doyle (dire laquelle relèverait du spoiler) que je vénère. J'espère lui faire justice. Un grand merci comme toujours à ma béta Aliyela qui me soutient, me corrige et m'apporte une grande joie dans ma vie ^^. Pour voir les images correspondant à cette fic, se reporter à mon LiveJournal.

Sur ce…


The Case of the Missing Student


C'était un après-midi morne et froid. Novembre s'était vicieusement abattu sur Londres, avec ses pluies glaciales et son air vif et tranchant. John regardait par la fenêtre de son cabinet avec un soupir. Il n'avait qu'une envie, retrouver la chaleur de Baker Street, son mug de thé du soir et Sherlock. Le détective était sur une affaire complexe et absurde de statues sans valeur détruites chez leurs propriétaires. Malgré tout, il était chez eux tous les soirs, sur son ordinateur, attendant que John allât se coucher pour disparaître dans la nuit. Un soir, il était revenu avec du sang au coin des lèvres et le cadavre de l'un des cambrioleurs à inscrire sur la liste du Yard. Bien sûr, il s'était arrangé pour qu'on ne puisse pas remonter jusqu'à lui, John le savait. Mais cela l'avait quelque peu inquiété.

Il jeta un énième coup d'œil à sa montre. Nope, la grande aiguille n'avait toujours pas changé de place depuis la dernière fois. Il avait encore trois heures de travail devant lui.

Il finit par se lever pour faire entrer le patient suivant. Un bip l'arrêta à mi-chemin et il sortit son portable de sa poche.

Ai résolu l'affaire des poupées japonaises. Celle de Sandford contenait carte mémoire avec codes MI6. Mycroft ravi. A donné sauf-conduit du Cabinet pour Browning. A vraiment précisé que ça n'est que pour toi. Ingrat.

SH

John sourit, leva un sourcil à la mention de Mycroft et de son « présent », avant de répondre rapidement :

Serai à la maison dans trois heures. Pas la peine d'ouvrir une poche.

JW

Il faisait rentrer la mère et sa petite fille visiblement enrhumée lorsque la réponse lui parvint :

Dépêche-toi. Suis affamé.

SH

Levant les yeux au ciel, il se retint de renvoyer un « Eh bien tu attendras, sale gosse ». Sherlock limitait sa consommation de sang pendant les enquêtes les plus ardues, pour ne pas se laisser déconcentrer par ce qui accompagnait généralement la morsure. Mais dès l'enquête finie, son appétit pour John, dans tous les sens du terme, faisait sa réapparition avec férocité. Il essaya de ne pas trop y penser – il avait toujours trois heures de travail devant lui après tout – et questionna gentiment la mère affolée sur les symptômes de son rejeton. Cependant, il ne put s'empêcher, tout en rédigeant l'ordonnance, de passer sa main sur les marques qui ornaient son cou.


Finalement, au bout de quinze consultations, sa montre eut pitié de lui et afficha l'heure bénie de 18h30. Il passa dire bonsoir à ses collègues, discuta une minute ou deux avec Sarah, récupéra son blouson et quitta la clinique. Il choisit de prendre le métro plutôt que le coûteux taxi londonien. Sherlock, en bon représentant de la classe fortunée, ne prenait jamais le métro. John, lui, aimait bien ce moyen de transport. Il lui rappelait la faculté, et on y voyait toute sorte de gens. Il s'assit et regarda les lumières défiler à intervalles réguliers le long de la ligne, formant une étrange guirlande qui s'interrompait régulièrement pour laisser place à une station. Il descendit à Baker Street Sta., et remonta son col avant de fourrer ses mains dans ses poches. Après la chaleur du métro, le froid de la rue était presque mordant. Il accéléra le pas, et rejoignit le 221B en quelques minutes. Il distingua la figure de Sherlock à la fenêtre et sentit immédiatement les yeux argentés posés sur lui.

Il n'aurait pas le temps de boire un thé. Pas avant d'avoir satisfait aux appétits de son compagnon.

Il ouvrit rapidement la porte et se glissa à l'intérieur, soupirant de soulagement en sentant la chaleur de la maison. Mrs Hudson sortit de son propre appartement juste après qu'il eût refermé la porte.

-John, s'exclama-t-elle avec un sourire. Justement, je voulais vous parler. C'est à propos d'une amie. Elle n'a pas confiance en son médecin et elle voudrait un autre avis. Vous savez comment sont les médecins de nos jours. Je veux dire dans les hôpitaux…

John acquiesça rapidement, avec un regard un peu anxieux en direction de leur appartement.

-Je m'en occuperai volontiers, mais pas ce soir, Mrs. Hudson, si ça ne vous fait rien. J'ai eu une journée éreintante et…

-Oh.

Elle lui sourit et lui fit un clin d'œil.

-Je comprends, je comprends.

Et elle disparut non sans lui avoir envoyer un autre de ces sourires perturbants. Surtout qu'il savait que ce qu'elle croyait avoir compris n'était pas la réalité. Ou pas toute la réalité en tout cas. Il quitta son manteau et monta rapidement l'escalier avant de rentrer dans leur salon. Sherlock n'était nulle part. John se tendit et se concentra sur ses sens. C'était un jeu auquel Sherlock aimait jouer, surtout lorsqu'il était de bonne humeur.

Son instinct le fit se jeter sur le côté pour échapper à la poigne de fer qui menaçait de lui saisir le cou. Il fit face à son assaillant et banda ses muscles. Sherlock était debout, juste devant la porte. Il le vit étendre le bras et éteindre la lumière principale, plongeant la pièce dans la pénombre. Seules les lumières de la rue les éclairaient. Puis, en un battement de cil, Sherlock disparut, se fondant dans l'ombre comme s'il en était une lui-même. John recula de quelques pas jusqu'à être collé contre leur bibliothèque. Il fixait les ténèbres, sur ses gardes. Il savait qu'il était une proie facile pour le vampire. Son pouls. Sa respiration. Son odeur. Tout le trahissait. Toutefois il n'avait pas l'intention de se laisser faire sans opposer de résistance. Et c'était précisément ce que Sherlock désirait. La chasse. L'excitation.

Il tourna vivement la tête sur la droite, vers la porte de la cuisine, son regard enregistrant un mouvement. Rien.

Il ne put éviter la main qui saisit son avant-bras gauche, mais commença immédiatement à se débattre contre la poigne de fer. Il s'assura un appui sur ses jambes et lança un direct du droit au niveau du visage de Sherlock. Il ne craignait pas d'user de sa force, sachant très bien ce qui allait se passer. Son poing rencontra une main ouverte, tout comme il aurait aussi bien pu rencontrer un mur. Puis la main du vampire glissa et s'enroula autour de son poignet avec une facilité déconcertante. Il distingua les canines de Sherlock et devina son sourire. Les yeux argentés le fixaient et il se trouva captivé. Ses membres se relâchèrent et un étrange calme l'envahit, alors qu'il se concentrait involontairement sur ce regard lumineux. Sherlock l'attira à lui et il se laissa faire. Mais au moment où les doigts du détective l'incitaient à pencher la tête en arrière, il s'accroupit brusquement, pivota sur lui-même et le fit tomber. Il ne prit pas le temps de savourer sa victoire. Profitant de l'ahurissement du vampire, il se releva d'un bond et courut jusqu'à la porte de la chambre de son amant. Il entendit à peine le grognement félin derrière lui, l'adrénaline l'envahissant en même temps qu'un intense sentiment de satisfaction.

Il n'eut même pas le temps d'ouvrir la porte qu'un corps se plaquait contre son dos. Il ne put se retourner, ses poignets ayant été immédiatement plaqués au-dessus de sa tête. Il pouvait sentir l'érection de Sherlock, son souffle contre sa nuque. Il tourna la tête autant que possible mais ne parvint pas à distinguer son visage. Sherlock l'obligea à croiser les poignets et les maintint d'une main, tandis que l'autre descendait lentement le long de son bras, puis glissa dans ses cheveux. John frémit, sachant très bien ce qui allait suivre. Il serra les dents lorsque sa tête fut tirée en arrière avec force. La caresse mortelle des canines effilées le fit presque gémir de plaisir.

Les dents percèrent sa chair, s'enfonçant profondément dans sa jugulaire. La douleur le déchira un instant. Il manqua s'effondrer, mais le bras de Sherlock s'enroula autour de sa taille, le maintenant dans la position voulue par le vampire. Il lutta faiblement contre la main qui retenait ses poignets, mais celle-ci était inflexible.

Puis, comme toujours, la douleur cessa, laissant place à une sensation enivrante, brûlante. Le plaisir se déversa en lui, anesthésiant la souffrance, exaltant la sensation de Sherlock aspirant son sang, ses canines le pénétrant toujours plus vigoureusement. Il ne pouvait s'empêcher de se demander, de s'interroger… Comment ? Pourquoi ? Qu'y avait-il de si érotique dans un tel acte ? D'où venait la volupté, la jouissance de cette étreinte fatale ?

Il perdit vite le fil de ses réflexions, s'abîmant dans les seules sensations charnelles. Bientôt, trop vite à son goût, Sherlock se retira, embrassant la morsure. John se rendit compte qu'il haletait, luttant pour respirer. Le vampire laissa enfin ses mains libres et ses bras retombèrent mollement le long de son corps.

Il s'écarta un peu de son amant et s'appuya dos au frigo, reprenant son souffle. Sherlock le contemplait, ses yeux luisant toujours comme deux pôles de mercure.

-Tu as fait de grands progrès dans la résistance à mes facultés d'hypnose. C'est remarquable.

La porte s'ouvrit sous une pression de ses longs doigts et le détective fit un léger signe de tête en direction de la chambre. John rit doucement, puis, saisissant la main de son compagnon, entra. Il se déshabilla rapidement, entendant Sherlock faire de même derrière lui. L'impatience le faisait trembler et il sursauta presque en sentant deux mains saisir ses épaules. Elles le projetèrent sur le dos, sur le lit. Il se redressa sur les coudes et observa la longue forme de son amant se découper dans la vague lumière de la chambre. Sherlock grimpa sur le matelas, avançant sur lui comme un félin jusqu'à venir le chevaucher, assis sur ses cuisses. Il leva la main, irrésistiblement attiré par le torse pâle. Ses doigts frôlèrent la peau, glissant jusqu'à son ventre. Sherlock lui sourit et posa la main sur le ventre de John. Il imitait mouvement pour mouvement, caresse pour caresse. John jouait avec ses propres nerfs en évitant leurs centres d'excitation, et il fut satisfait de voir Sherlock se mordre la lèvre avec impatience. Après la précipitation de la morsure, il était à la fois plaisant et extrêmement frustrant de retarder ainsi leur satisfaction mutuelle.

Puis Sherlock changea brusquement les règles. En un instant, il eut un tube de lubrifiant dans la main. L'instant suivant, John ferma les yeux et serra les dents de plaisir en sentant les doigts de son amant le caresser vigoureusement. Le choc entre le froid du liquide, la chaleur de la main qui l'appliquait et l'excitation intense provoquée par la seule pensée de ce qui allait suivre manqua de le faire jouir. Sherlock se pencha en avant et vint l'embrasser, sa langue plongeant dans sa bouche avec arrogance. John saisit une poignée de mèches noires et lui rendit son assaut, tremblant d'excitation en sentant la pointe des canines contre sa langue. Il pressa plus fortement et ignora la légère douleur et le goût métallique. Sherlock gronda avec appétit et l'embrassa de plus belle, ravissant le sang de son amant sans cesser ses caresses. Il finit par s'écarter brusquement, ses yeux presque liquides et brûlants. Il leva le bassin, et John l'observa avec fascination s'empaler sur son membre engorgé de désir. Il fut obligé de fermer brièvement les yeux sous l'effet de l'étroitesse et de la chaleur qui l'entourèrent soudainement. Il poussa un grognement de plaisir alors que Sherlock remuait légèrement des hanches. Il l'agrippa des deux mains pour l'empêcher de bouger, tentant de réfréner son orgasme.

-John, murmura la voix rauque au-dessus de lui.

Il se força à ouvrir les yeux et contempla avidement le corps arqué qui le chevauchait. Les yeux argentés de Sherlock le dévoraient et ses canines luisaient entre ses lèvres entrouvertes. Le vampire rejeta la tête en arrière, leva les bras et s'étira sensuellement, voluptueusement, avançant légèrement le bassin, provocant. John se mordit violemment la lèvre, gardant difficilement les yeux ouverts, ses mains se pressant dans la peau d'albâtre comme des serres. Dieu que Sherlock était magnifique !

Puis Sherlock commença à bouger, prenant appui sur son torse. Son visage exprimait le plaisir qu'il prenait à sentir le sexe de John l'envahir. Le médecin ouvrit la bouche pour lui dire combien il aimait ça, combien il l'aimait lui, mais la seule chose qui s'échappa de ses lèvres fut le nom de son amant, perdu dans un cri guttural.

-John, souffla Sherlock en réponse, suppliant. Touche-moi.

L'ancien militaire ne se fit pas prier davantage et saisit le membre du vampire. Il caressa la peau sensible, suivant le mouvement des hanches souples. Les gémissements et grondements qui s'échappaient des lèvres entrouvertes mettaient sa résistance à rude épreuve. Les mains de Sherlock parcouraient à présent son propre corps en des caresses lascives et John en dévorait chaque mouvement des yeux. Le spectacle érotique que lui offrait son partenaire était le plus délicieux des supplices.

Sherlock cessa soudainement ses attouchements et saisit la main de John, le forçant à lâcher sa hanche. Sans arrêter les mouvement réguliers de son bassin, il porta lentement le poignet de son amant à ses lèvres. John le regarda agir, faisant son possible pour poursuivre ses caresses. Il savait ce qui allait suivre avant même de sentir l'effleurement des canines contre sa peau.

Le vampire mordit. John s'arqua sur le lit, la jouissance l'envahissant en un feu dévorant. Il se déversa dans son amant, la sensation se mêlant à l'aspiration de son sang par cette bouche vorace en un ballet fiévreux, aveuglant, infini. Il eut vaguement conscience que Sherlock jouissait dans sa main, emporté par ses caresses et par le goût de son sang. Sa vision se brouilla sous le choc et il perdit conscience quelques secondes.

Lorsqu'il reprit conscience de son environnement, Sherlock était allongé sur lui, le visage enfoui dans son cou. Il étreignit le corps pâle et pressa un baiser contre le front en sueur…


John caressait lentement les mèches ébènes, profitant de la douce mollesse de l'après orgasme. Il était assis contre le mur et Sherlock était alangui contre lui, sa tête reposant sur son épaule. La voix basse et modulée finissait son exposé dans la tranquillité de la chambre.

-… « Beppo », comme il se faisait appeler, ne savait bien évidemment pas laquelle des six poupées contenait la carte mémoire. Il lui fallait néanmoins récupérer les dossiers à tout prix. Il s'est donc introduit chez chaque particulier en commençant par les plus proches, c'est-à-dire les londoniens.

John sourit et se pencha un peu en avant, étreignant son amant, plongeant le visage dans son cou pour respirer son odeur.

-Et le sort a voulu que la bonne soit la poupée de monsieur Sandford, de Chiswick. Curieux tout de même…

Sherlock haussa les épaules.

-Une chance sur six, mon cher John. Et en l'occurrence, s'il n'avait pas été aussi peu soigné dans ses infractions, il serait passé totalement inaperçu, aurait récupéré son bien et aurait pu transmettre les données volées en toute quiétude. Les émotions, John, la panique : voilà ce qui a perdu notre bon agent « Beppo ». Pour sa peine, il endossera post-mortem le meurtre de Pietro Venucci, dont la presse n'apprendra jamais la véritable identité.

-Et que va-t-il advenir de Lucrezia Venucci ?

-Rachida Mamuhd, de son vrai nom. Mycroft l'a faite appréhender puis disparaître là où tous les espions disparaissent de nos jours . Elle servira de monnaie d'échange dans un futur plus ou moins lointain.

-Du vrai James Bond, cette histoire.

-La réalité dépasse souvent la fiction, qui en retour s'en inspire. Il vaudrait mieux cependant que ce cas ne parvienne pas aux oreilles ou aux yeux du public.

-Pas de blog, sourit John.

-De toute manière, cette affaire ne présente pas réellement d'intérêt, si ce n'est par son caractère pour le moins inusuel. Le cheminement logique fut brouillé un temps par cet incroyable enchaînement de faits, alors qu'il aurait dû être évident dès le début. Ne jamais se laisser jeter de la poudre aux yeux par les extravagances de la vie, John.

Dit le vampire, compléta silencieusement le médecin avec amusement.


Après une douche rapide, il commanda du chinois pour le dîner pendant que Sherlock écumait son site internet. Puis le détective se lança dans une expérience mettant en scène de l'eau de la Tamise, du rouge à lèvre – quinze bâtons de différentes marques –, une main sevrée ainsi qu'un certain nombre de produits chimiques. John se laissa aller sur le sofa avec un mug de thé et le Times. Au bout d'une demi-heure à peine, il bailla bruyamment, incapable de s'en empêcher. Entre sa longue journée et les appétences de Sherlock, il était épuisé. Le détective passa la tête par la porte de la cuisine.

-Va dormir, se contenta-t-il d'ordonner après l'avoir observé une demi-seconde.

John acquiesça, se retenant d'ajouter un immature « oui maman », et se leva pour rejoindre la salle de bain. Après quoi il gagna sa chambre et s'allongea sous les couvertures, regrettant de ne pouvoir s'endormir en serrant Sherlock dans ses bras.

Néanmoins, un instant plus tard, comme s'il avait entendu son souhait, le vampire se laissait glisser au sol à côté du lit et appuyait son menton sur ses mains croisées, sur le matelas. John sourit et tendit la main pour effleurer le visage sérieux. Son cœur se serra. Il aimait tellement Sherlock. Ses yeux se fermèrent lentement, et sa main retomba sur le matelas. Il sombra dans les bras de Morphée sous le regard attentif gris-bleu.


-John ? Est-ce que tu parles français ?

Quel drôle de rêve… Le dormeur répondit néanmoins à Sherlock. Rêve ou pas, il essayait toujours d'aider son colocataire.

-Pas un mot.

Une sorte de gloussement, suivi du bruit d'un tissu, robe de chambre probablement, accompagnant les mouvements théâtraux de son propriétaire. Au moins, Sherlock-rêvé avait les mêmes manies que Sherlock.

-Parfait. Nous allons à Paris !

Quelle drôle d'idée. John se retourna dans son lit, s'enfouissant plus profondément sous la couverture.

Etait-ce un de ces rêves étranges où quelqu'un de votre entourage vient vous poser une question incongrue, du genre « avons-nous des bégonias ? » et desquels votre psychiatre tire un enseignement du style « le bégonia est une métaphore pour votre désir d'avoir des enfants.» Bon, c'était approximatif comme exemple, mais il était toujours plus endormi qu'éveillé. Et puis, ce rêve était bizarre.

Il n'avait aucune idée de ce que pouvait représenter Paris par contre. Une destination idéale de voyage de noce ? Voulait-il épouser Sherlock ? Sinon, il y avait bien ce film idiot, Le loup-garou de Paris, dont il avait lu une critique récemment…Le loup-garou était l'ennemi naturel du vampire, non ? Existait-il réellement des loup-garous ? Il poserait la question à Sherlock. Peut-être le rêve était-il un reflet de son angoisse pour le bien-être de son compagnon et…

-John !

Une secousse le tira définitivement et plutôt brutalement, du sommeil. Il se redressa brusquement, s'assit et fit un rapide tour d'horizon. Il était dans sa chambre. La veille, ils avaient fait l'amour puis passé une soirée tranquille, et il était allé se coucher.

Bon sang, il ne faisait même pas jour ! Il tourna la tête vers Sherlock, légèrement de mauvaise humeur. Il avait besoin de ses heures de sommeil, lui, même si ça n'était pas le cas de son vampire d'amant.

-Qu'est-ce qui se passe ? Grogna-t-il.

Il jeta un œil à son réveil. 4h07 ? Bordel ! Il avait encore trois bonnes heures avant de devoir se lever pour aller travailler !

-Paris, John ! Paris !

-Quoi, les Allemands sont revenus ? Demanda-t-il en se laissant retomber sur l'oreiller.

-Non, ne sois pas stupide. Nous allons à Paris.

John s'emmitoufla dans les couvertures. Il était trop tôt pour les délires et autres élucubrations de Sherlock.

-Demande-moi en mariage avant, se contenta-t-il de répondre mesquinement, sachant que Sherlock n'allait pas suivre son raisonnement.

-Pourquoi ? Tu veux profiter des réductions couples ? Ca n'est pas la peine, on nous paye les billets.

John leva les yeux au ciel et se tourna vaguement vers Sherlock en lui lançant un regard mauvais.

-Sherlock, au cas où ça aurait échappé à ton immense intelligence, je dois travailler demain. Et après-demain. Et vendredi. Et à nouveau la semaine prochaine.

-Appelle Sarah et dis-lui que tu prends deux semaines de congé.

-Non.

-Pourquoi ?

Malgré toutes ses bonnes résolutions d'ignorer les lubies de son colocataire, il se redressa et s'assit pour le fixer.

-Parce que, Sherlock, il est 4 heure du matin. A cette heure-ci, Sarah, comme la majorité de ses contemporains, dort. Et, de toute façon, je ne peux pas la prévenir le matin même que je pars pour deux semaines.

-Il le faudra pourtant. Notre train quitte St Pancras International à 5h25. Ca te laisse une bonne demi-heure pour te préparer. Je t'attends en bas.

Et Sherlock de disparaître rapidement, comme dans un tourbillon. John poussa un long soupir. Il ne rêvait que de fermer les yeux et de se rendormir. Il caressa l'idée de dire « non ». De tracer là la limite de sa tolérance envers son colocataire. Il avait des responsabilités, un travail. Le détective devait être capable de respecter ça et…

Paris.

Il avait toujours voulu voyager, c'était une des raisons pour lesquelles il avait intégré l'armée. Paris et ses monuments, ses rues, son atmosphère. La nourriture française. Le danger. L'excitation d'une affaire importante (Sherlock n'aurait jamais accepté de quitter Londres si elle ne l'était pas). Parcourir Paris aux côtés de son amant…

Il se leva et se dirigea vers la salle de bain.

Paris, donc.

Après une rapide toilette, il s'habilla, fit son lit et prépara rapidement sa valise. Il pouvait dire merci à l'armée pour lui avoir appris la science délicate du paquetage rapide et ergonomique. Une fois le bagage prêt à être fermé, il ouvrit le premier tiroir de son bureau et jeta un regard pensif à la boite cadenassée où se trouvait son browning et ses munitions.

-Tu peux le prendre. Je pense que ça serait une bonne idée.

Sherlock, sorti de nulle part comme de coutume, lui mit sous le nez une enveloppe plutôt ordinaire, si ça n'était pour le cachet imprimé en relief sur le coin droit.

Il la saisit et l'ouvrit. A l'intérieur se trouvait un document dont le papier brillait d'une multitude de reflets colorés, comme ceux des passeports. Une écriture en filigrammes. Il y avait aussi plusieurs cachets, un long texte, trois signatures (aucune n'était celle de Mycroft) et la photo de John sur l'encart droit. Elle avait tout l'air d'une photo d'identité, ainsi que les bonnes dimensions. Pourtant John était sûr de ne jamais en avoir pris de telles.

Mycroft l'alarmait vraiment parfois.

Souvent.

Ainsi, c'était ça son « permis spécial de port d'arme », à défaut de savoir comment l'appeler…

Il rangea le document dans la poche intérieure de son blouson, et la boîte dans sa valise. Sherlock lui sourit puis le précéda dans leur hall. Il récupéra sa propre valise et sa sacoche pendant que John rangeait son ordinateur portable dans son sac. Il était 4h35 lorsqu'ils franchirent le seuil de Baker Street. Un taxi les attendait devant la porte. John refoula son sentiment de méfiance (il n'y pouvait rien si l'Etude en rose avait fait impression…) et monta à la suite du détective.

-Et Mrs. Hudson ?

-Je lui ai laissé un mot.

-Sherlock…

-Tu pourras lui téléphoner dans le train, ou à Paris, si tu veux. De même pour Sarah.

John soupira et tourna la tête vers la vitre pour contempler la nuit londonienne.

C'était pour ça qu'il avait accepté de vivre avec Sherlock, songea-t-il, un sourire s'épanouissant sur ses lèvres. Vous pouviez vous endormir le soir, et, à peine quelques heures plus tard, être en route pour Paris. Ca avait quelque chose d'incroyable, tout comme les ennemis jurés, les vampires… Mais c'était sa vie à présent. L'inattendu, l'imprévisible, toujours exaltant, brusque, grisant. Et il ne l'aurait changé pour rien au monde.

Il aurait voulu demander des précisions à Holmes sur l'affaire en question, mais le visage du détective était fermé, concentré. Il savait ce que cela signifiait. Sherlock réfléchissait activement.

Lorsqu'il serait prêt, il parlerait à John. Le médecin ne se faisait aucun souci à ce sujet.


A suivre la semaine prochaine ^^