En quinze ans, la plus petite chambre du 4, Privet Drive avait rarement été aussi propre. Alignés sur les planches de la bibliothèque, les vieux livres de la famille Dursley étaient classés par ordre alphabétique le parquet n'avait jamais été aussi clair, à présent débarrassé de la poussière la surface du lit était aussi lisse que du ver. Au centre de la pièce, une grosse valise en forme de malle ajoutait un bémol à la propreté des lieux, tout comme le numéro du 23 juin 1997 d'un journal grec.
Il fallait reconnaître que Harry Potter, l'occupant de la chambre, s'était surpassé. Il avait même nettoyé avec soin la cage d'Hedwige, sa chouette blanche partie porter un message important – et directement lié au journal encore posé sur le bureau. Harry l'avait reçu en fin d'après-midi, livré par un gros hibou gris, mais la seule chose dont il saisit de l'édition était le « 20 » écrit en gras et en majuscules au beau milieu du titre.
Il avait hésité une bonne heure avant d'écrire à l'Ordre du Phénix. Harry avait retourné l'enveloppe dans tous les sens, pensant avoir oublié un papier traduisant l'article il s'était acharné avec une gomme Révélatrice d'Encre à essayer de trouver un quelconque message invisible finalement à bout, il était venu à la conclusion qu'il pouvait avoir entre les mains un Portoloin. Il avait aussitôt lâché le journal et s'était décidé à prévenir l'Ordre, mais deux heures plus tard, aucune réponse ne lui était parvenue.
En attendant, Harry parcourait sa chambre de long en large, tournant autour de sa grosse valise comme un indien le ferait autour d'un totem. Qui pouvait bien lui avoir envoyé ce journal ? Bien entendu, s'il s'agissait réellement d'un Portoloin, la réponse était évidente : Lord Voldemort. Mais c'était insensé : quitte à utiliser un journal pour transférer Harry à l'autre bout du pays, autant prendre une presse britannique. Non, Voldemort n'était sans doute pas l'expéditeur de cet exemplaire.
S'ajoutait, cependant, le mystère sur la date. Pourquoi une édition datée du 23 juin, soit un mois après la parution du numéro en Grèce ? Et que signifiait le « 20 » ? Harry avait beau observer la photo en noir et blanc, il ne savait pas ce qu'elle représentait exactement, à part une foule de personnes réunies dans une immense clairière coincée au cœur d'une forêt dense et traversée d'une rivière. Les explications pouvaient être innombrables et toutes aussi vraisemblables les unes que les autres.
Harry, impatient, s'immobilisa subitement lorsqu'un moteur s'éleva sous sa fenêtre. Il ne pouvait s'agir des trois Dursley, partis dîner chez les parents de la petite-amie de Dudley. Harry avait aperçu le couple à deux reprises, à une heure tardive, et la chose certaine était que son cousin était le digne fils de son père : si Dudley était grand et massif, sa copine était aussi maigre que la tante Pétunia, mais plus petite.
S'approchant de la fenêtre, Harry jeta un coup d'œil au véhicule qui se garait dans l'allée. C'était une voiture très simple, de couleur blanche, de laquelle sortit une tête rousse au front dégarni qu'il reconnut sans peine : c'était le père de Ron Weasley, son meilleur ami. Dans son soulagement de pouvoir enfin partir, Harry faillit saisir avec la main le journal grec, mais il se ravisa presque aussitôt. Et si le Portoloin s'était activé pendant son attente ? Il lui suffirait de poser la main dessus pour être transporté vers un lieu inconnu…
Préférant attendre, il entendit progressivement la porte de l'entrée se refermer avec un léger claquement, puis des pas nombreux monter l'escalier, jusqu'à traverser le petit couloir menant jusqu'à la chambre de Harry. Pivotant à l'intérieur de la pièce, le panneau révéla en premier plan un homme aux cheveux blancs, à l'air maladif, qui avait un visage encore jeune malgré des rides prématurées. Derrière Remus Lupin, Mr Weasley, ses lunettes d'écailles légèrement de travers, se tenait à côté d'une femme que Harry ne se souvenait pas avoir déjà vu.
C'était une haute sorcière au visage émacié, le teint aussi blafard que celui d'un vampire, qui conservait toutefois les vestiges d'une très grande beauté, encadré d'une épaisse chevelure brune qui tombait en boucles lourdes dans son dos. Son regard, noir et profond, étincelait d'une lueur vivace et intelligente tandis qu'il parcourait les lieux à une vitesse vertigineuse, s'attardant quasi-imperceptiblement sur Harry, la grosse valise et le journal grec. D'une certaine manière, elle rappelait étrangement Bellatrix Lestrange.
− Salut, Harry, dit Lupin en souriant, la main tendue.
Pendant que Harry saluait tour à tour Remus et Mr Weasley, la sorcière s'avança jusqu'au bureau d'un pas quasi-silencieux, félin et pourtant vif. A l'évidence, les présentations n'étaient pas sa priorité. S'arrêtant au bureau, elle examina attentivement le journal sans y toucher, ni même le soumettre à un quelconque sortilège, comme si seuls ses yeux permettraient d'identifier l'éventuelle menace que représentait cette édition originaire de l'autre bout de l'Europe.
− Harry, je te présente Elena Oïstov, dit Lupin avec un léger sourire d'excuses.
− Ce n'est pas un Portoloin… déclara Elena Oïstov.
Sa voix était étrange, froide et… attristée. Comme si quelque chose dans son esprit lui interdisait toute intonation enthousiaste, joyeuse ou même neutre. Son verdict, cependant, mit Harry mal à l'aise : si Remus ou Mr Weasley avaient eux-mêmes examiné le journal et étaient venus à la même conclusion, il n'aurait pas été aussi gêné, mais le fait est qu'il venait de se présenter comme un paranoïaque devant cette femme.
− Mais ce n'est pas inoffensif, ajouta-t-elle alors.
− Un piège ? demanda Lupin, un pli entre les sourcils.
− Sans aucun doute, rétorqua la sorcière. Je penche pour une amnésie confuse, qui vise probablement à attirer ses victimes à l'extérieur de la maison.
La sorcière fit un geste négligeant de la main en se retournant. Dans un ronflement sonore, le journal s'enflamma pour se consumer quasi-instantanément, ne laissant derrière lui aucune trace. Elena Oïstov s'intéressa finalement à Harry, l'observant d'un œil critique.
− Nous devrions partir, lança subitement Lupin.
A l'évidence, il pressentait un commentaire désobligeant de la sorcière, qui lui lança un regard goguenard auprès duquel les Serpentard les plus hautains auraient beaucoup à apprendre. Ramassant la grosse malle de Harry, alors que Mr Weasley se chargeait de la cage vide d'Hedwige, Remus entraîna le petit groupe au rez-de-chaussée mais marqua un temps d'arrêt devant la porte d'entrée.
− Inutile de te le cacher, dit-il en se tournant vers Harry, nous connaîtrons probablement un voyage mouvementé, mais tout devrait se passer normalement. Tu monteras à l'arrière avec moi, Elena nous couvrira pendant le trajet, mais en aucun cas tu ne dois faire usage de ta baguette… sauf en cas de nécessité absolue, bien évidemment.
En d'autres termes, si Lupin, Mr Weasley et Elena étaient tués pendant le voyage. Acquiesçant, Harry emboîta le pas de son ancien professeur à l'extérieur de la maison et observa les environs avec appréhension. Il était naïf de croire qu'il apercevrait un individu suspect, mais il ne put s'empêcher d'examiner les cachettes possibles jusqu'à se trouver dans le véhicule, sur la banquette arrière, pendant que Mr Weasley et Lupin chargeaient sa malle et la cage d'Hedwige dans le coffre.
Mr Weasley prit bientôt place derrière le volant, tandis que Lupin s'asseyait à côté de Harry. Elena Oïstov n'était vraisemblablement plus dans les parages, car Harry ne la trouva nulle part.
− Nous allons… là où nous allons en voiture ? s'étonna quelque peu Harry, dubitatif.
− En voiture invisible, rectifia Mr Weasley qui appuya gaiement sur un bouton rouge.
La voiture paraissait plus récente que la vieille Ford Anglia que les Weasley avaient un jour possédée. Toutefois, Harry nota qu'aucune amélioration intérieure n'avait été apportée, malgré les habitudes des sorciers à agrandir la place de l'habitacle d'un véhicule.
Effectuant une marche-arrière, Mr Weasley freina brusquement lorsqu'une voiture roulant un peu trop vite passa juste derrière, manquant de peu de les percuter. De plus en plus dubitatif, Harry lança un dernier regard neutre au 4, Privet Drive, puis Mr Weasley appuya sur l'accélérateur et la maison disparut de son champ de vision.
− Vous la connaissez, cette Elena Oïstov ? demanda Harry.
Lupin eut un sourire malicieux.
− Aurais-tu l'impression qu'elle ne t'apprécie pas ? dit-il.
− Non… enfin… balbutia Harry.
− Elle ne t'apprécie pas, confirma Lupin. Ca n'a rien d'une méchanceté gratuite, mais elle a toujours considéré le mariage de tes parents comme la plus grosse erreur jamais commise par Lily. Mais pour répondre à ta question, il y a des années que je connais Elena, mais elle était très différente de la femme que tu viens de rencontrer. C'était une sorcière joyeuse, espiègle, qui a connu des épreuves difficiles et ne s'en est jamais vraiment remise.
Harry hocha lentement la tête. Ces « épreuves difficiles » étaient probablement à l'origine de son allure actuelle, digne de celle d'un ancien détenu de la prison d'Azkaban. Néanmoins, il notait l'information la plus importante : Elena Oïstov et Lily Evans étaient assez proches l'une de l'autre pour que la première s'autorise à lui avouer son impression sur le mariage de ses parents.
Mr Weasley, qui paraissait avoir considérablement amélioré sa conduite, atteignit l'autoroute rapidement grâce à des capacités magiques que possédait la voiture, comme se glisser entre deux voitures, arriver à un feu rouge qui passait instantanément au vert. Le ciel s'obscurcissait lui aussi très vite, obligeant l'allumage des réverbères.
− Mais pourquoi une voiture ? demanda soudainement Harry, toujours dubitatif.
− Parce que nous ne possédons aucun autre moyen, admit Lupin. Tu penses sûrement à utiliser des balais comme l'été précédant ta cinquième année, mais c'est un risque que nous ne pouvons pas prendre. Et même si, à présent, le monde de la magie sait que Voldemort est effectivement de retour, nous ne pouvons plus nous faire confiance au ministère.
− A cause de Scrimgeour ? interrogea Harry, très surpris.
− Non, répondit simplement Lupin.
De toute évidence, le sujet ne serait pas abordé tant que les trois passagers n'auraient pas rejoint leur destination, que Harry soupçonnait être le Terrier, la maison des Weasley. Le silence s'installa dans la voiture, rompu par des coups de klaxons extérieurs et le vrombissement du moteur de la voiture qui filait entre les autres véhicules à une vitesse largement supérieure à la limite autorisée.
A mesure qu'ils s'éloignaient de Little Whinging, Harry ne pouvait s'empêcher de se demander comment Elena, pourtant sans véhicule, pouvait assurer leurs arrières, d'autant que le véhicule était invisible. Lupin, décidant que le moment était venu de rompre le silence, parut lire dans ses pensées.
− Fais confiance à Elena, murmura-t-il. Lorsqu'elle est arrivée à Poudlard, elle s'est rapidement imposée comme la nouvelle célébrité de l'école. Pour sa beauté, comme pour ses capacités hors-normes.
− Elle n'est pas entrée à Poudlard en même temps que vous ? s'étonna Harry.
− Non, dit Lupin. Ce journal grec qui t'a été envoyé, sa première page concernait l'hommage rendu au vingtième anniversaire du Massacre de Massalia.
− C'est… c'était quoi ?
− Une école de sorcellerie, intervint Mr Weasley. La plus ancienne de Grèce, mais également la plus inaccessible car le choix de ses pensionnaires était extrêmement sélectif. Seuls les enfants développant des aptitudes hors-du-commun pouvaient y entrer. Jean-François Delhomme, le créateur du Retourneur de Temps, Laura Miglioni, une potionniste italienne qui contribua au perfectionnement de nombreuses potions, Klaus Mackerhönn, un allemand à qui l'on doit la création d'un grand nombre de sortilèges défensifs trois illustres personnages qui, à des siècles différents, ont étudié à Massalia.
− Une école pour surdoués… commenta Harry.
Franchement impressionné par les personnalités formées par le collège de Massalia, Harry peina à concevoir que cet institut scolaire, rempli d'étudiants dotés de facultés hors-normes, puisse avoir été détruit. Encore une fois, sa pensée parut être saisie par Lupin, qui hocha tristement la tête.
− Massalia a fourni d'éminents sorciers et d'éminentes sorcières à la communauté magique, mais nombre de nos connaissances nous viennent de personnes comme toi et moi, fit-il remarquer. La rumeur prétendait que Massalia avait, au fil du temps, amassé des connaissances stupéfiantes dans tous les domaines – stupéfiantes, mais que nul directeur, ni élève, n'a jamais essayé de révéler anonymement.
− Les rumeurs étaient innombrables, ajouta Mr Weasley, mais quand Massalia a été détruite, les témoignages des rares survivants ont révélé que la prestigieuse école grecque, la fierté du pays, n'était pas le havre de paix que les personnes extérieures imaginaient. Des collèges comme Poudlard ou Durmstrang, qui connaissent également des problèmes de discipline, étaient présentés comme des lieux utopiques comparés à Massalia.
Harry fronça légèrement les sourcils.
− Alors, il est possible que quelqu'un ait réussi à sortir certaines connaissances, non ? supposa-t-il.
− Compte tenu de la brutalité de l'attaque, les Aurors grecs sont venus à cette conclusion, admit Lupin. Et, quand les survivants ont été interrogés, le même nom est revenu dans chaque réponse. Un autre élève qui « régnait » sur Massalia, un jeune délinquant déjà connu des autorités de plusieurs pays, qui avait introduit divers trafics au sein de l'école et dont aucun n'était légal, à Massalia comme à l'extérieur.
− Et ils l'ont attrapé ? s'intéressa Harry.
− Les Aurors britanniques, oui, répondit Mr Weasley.
− Il avait fui jusqu'ici ?
− Ce n'était pas très surprenant, à l'époque, affirma Lupin. De nombreux criminels étrangers ont immigré vers la Grande-Bretagne en pensant que les Aurors étaient trop occupés à traquer les Mangemorts pour s'intéresser à des escrocs, des voleurs ou des assassins. Malheureusement pour le suspect idéal, le ministère grec a lancé un avis de recherche international et le garçon a été reconnu sur le Chemin de Traverse. Le temps que les Aurors arrivent, il avait déjà disparu, mais sa présence était désormais connue.
− Comment l'ont-ils capturé ?
− Capturé ? s'exclama Mr Weasley d'un ton étrange. Ils n'ont jamais réussi à le capturer, malgré les nombreuses confrontations qui ont opposé les autorités à ce garçon. C'est lui-même qui, après deux mois de cavale, a fait une apparition remarquée dans l'atrium du ministère pour se constituer prisonnier…
Harry haussa les sourcils, incrédule.
− Pourquoi il a fait ça ?
− Personne ne l'a jamais su, reconnut Lupin. Personne ne lui a jamais la question, en réalité, car dès que le vigile l'a désarmé et menotté, il a été conduit à Azkaban où il a reçu le Baiser du Détraqueur.
− Quoi ? s'exclama Harry, choqué.
Lupin pencha légèrement la tête, le regard nostalgique, comme s'il se remémorait parfaitement cette journée. Un sourire affligé étira alors ses lèvres :
− C'est, en tout cas, la version officielle, ajouta-t-il.
Harry lui lança un regard interrogateur, mais ce fut Mr Weasley qui lui répondit :
− Un mensonge, Harry, lança-t-il en lui lançant un coup d'œil dans le rétroviseur. Des informations qui nous sont parvenues récemment laissent à penser que le Baiser du Détraqueur n'est survenu que plusieurs jours après qu'il ait été incarcéré, voire plusieurs semaines.
− Pourquoi ont-ils attendu ? demanda Harry, confus.
Il nota sans peine le regard entendu que Lupin et Mr Weasley échangèrent par l'intermédiaire du rétroviseur. Les yeux de Harry, cependant, se portèrent quasi-instantanément au-delà du pare-brise, sur les voitures les devançant et qui exécutaient d'étranges et brutaux coups de volants. L'espace d'un instant, Harry crut rêver.
− TOURNEZ ! rugit-il.
Mr Weasley sursauta avec une telle violence qu'il obéit involontairement et sauva la voiture d'une rangée de jets de lumière rouge, qui allèrent s'écraser contre les véhicules les suivant. Dans une détonation phénoménale qui fit exploser les vitres de l'automobile, une intense lumière dorée s'ajouta celle, blanchâtre, des réverbères, projetant dans les environs une lueur tremblante qui s'affaiblit légèrement dans un fracas de tôle. Ecrasé contre Lupin lors du brutal coup de volant de Mr Weasley, Harry se redressa mais n'eut aucun besoin de se retourner pour avoir sa propre idée sur ce qu'il venait de se produire.
− Dehors ! cria Lupin.
L'ordre était inutile, car Mr Weasley et Harry ouvraient déjà leurs portières respectives pour sortir du véhicule et brandir leurs baguettes magiques vers les silhouettes encagoulées qui s'avançaient vers eux. Les yeux brillants, à travers les fentes aménagées dans leurs cagoules, reflétaient le brasier que leurs maléfices avaient provoqué juste avant, en percutant les automobiles qui les suivaient. Des crissements de pneus s'élevèrent derrière le mur de feu que Harry imaginait cracher de hauts tourbillons de fumée noire, mais la menace qui leur faisait face le dissuada complètement de se retourner.
Cependant, il s'interrogeait : la voiture était toujours invisible, alors comment les Mangemorts avaient-ils réussi à la situer précisément ?
Un éclair de lumière verte dirigée contre Lupin le ramena à la situation actuelle. Mr Weasley se lançait déjà dans le combat, décochant autant de sortilèges que possible à une cadence vertigineuse. Harry comprit aussitôt le côté positif et celui, négatif, de la manœuvre : d'une part, la pluie de sorts maintenait les mages noirs à distance, trop occupés à se protéger pour avancer d'autre part, toutefois, les attaques de Mr Weasley manquaient de précisions et ça, l'un des Mangemort le comprit suffisamment vite pour saisir la première occasion qui s'offrit à lui.
Son maléfice mortel, fort heureusement, fut contré par Lupin. Trépignant sur place, conscient que la consigne de Lupin lui interdisant l'usage de sa baguette tenait toujours, Harry trouva rapidement un moyen de se rendre utile. Profitant d'une nouvelle faille dans l'armada hasardeuse de faisceaux lumineux envoyés par Mr Weasley, un des Mangemorts décocha un trait rougeâtre qui aurait sûrement atteint le père de Ron à la poitrine si Harry, qui avait anticipé, se jeta sur lui pour le bousculer juste assez.
Mr Weasley trébucha sensiblement, échappant au maléfice que Harry sentit ébouriffer ses cheveux en passant un centimètre au-dessus de lui.
− Remus ! s'écria Harry, furieux de ne pouvoir intervenir que physiquement.
Se redressant, il bondit précipitamment sur le côté pour échapper à un maléfice et s'immobilisa pour faire face au groupe de Mangemorts, presque trois fois plus nombreux qu'eux. Esquiver des sortilèges était, en réalité, comme une partie de Quidditch où il fallait empêcher les Cognards de prendre votre tête pour une cible. Certes, un faux-mouvement pourrait avoir des conséquences dramatiques, dans la situation actuelle, mais Harry échappa à quatre tentatives de Stupéfixion avec brio.
Lorsqu'il se redressa pour faire de nouveau face aux Mangemorts, cependant, quelque chose alarma ses sens. Les flammes paraissaient s'être brutalement réduites. Plus étrange encore, elles semblaient s'être réunies en plusieurs points tout au moins, ce fut l'impression de Harry lorsqu'il aperçut, sur la route, quatre lueurs dorées, plus vives et immobiles.
L'apparition de ces quatre points lumineux interrompit les combats, les Mangemorts hésitant visiblement à rester combattre ou prendre la fuite. Avant qu'ils n'aient eu le temps de se décider, un ronronnement sonore précéda un passage éclair de quatre silhouettes enflammées qui atteignirent chacune l'un des mages noirs. Le hurlement que Harry s'attendait à entendre ne vint jamais : à peine furent-ils embrasés que les Mangemorts s'évaporèrent dans un filet de fumée argentée, semblable à celui d'un Patronus.
Les survivants transplanèrent en panique, sans même essayer de projeter un jet d'eau sur les formes de feu qui se volatilisèrent à leur tour sans que Harry ne parvienne à discerner les contours. Un pas léger le dépassa, diffusant sur son passage une douce fragrance. Elena Oïstov avait, comme promis, assuré leurs arrières, malgré une attente qui aurait pu s'avérer fatale pour Lupin, Mr Weasley et Harry.
Les deux adultes s'en sortaient malgré tout très bien. Résister à huit Mangemorts quand on n'était que deux, cela relevait autant de la compétence que d'un miracle. Lupin arborait une vilaine coupure à une joue, et Mr Weasley, le front luisant de sueur à cause des efforts physiques fournis pendant les sessions d'esquive, arrangea son épaule ensanglantée d'un simple coup de baguette.
− Je commençais à désespérer, avoua Lupin en faisant disparaître la coupure à sa joue.
− La résistance a été plus forte que je ne l'avais prévue, reconnut Elena d'un ton détaché.
− Qui ? demanda Mr Weasley, le souffle court.
− Maugrey et Hestia.
Harry s'approcha d'un pas rapide, déconcerté.
− Attendez ! lança-t-il. Vous voulez dire que ce n'était pas la seule voiture ?
− Non, bien sûr que non, répondit Lupin. Tous les membres de l'Ordre du Phénix qui ont participé étaient garés à Privet Drive quand nous t'avons fait monter dans la voiture. Quand nous avons traversé un tunnel, les voitures se sont alignées différemment pour tromper les éventuels espions…
− Mais… comment les Mangemorts ont fait pour voir les voitures ? s'étonna Harry, perplexe.
Lupin et Mr Weasley échangèrent un bref coup d'œil, comme s'ils s'accordaient sur une même idée.
− C'est justement là le problème, Harry, dit Lupin. Ce n'était pas des Mangemorts.