Coucou tout le monde ! Oui, je sais, on est le 20, et mes lecteurs habituels attendent probablement un chapitre d'une autre fic. Mais c'est ça qui s'est imposé. Ca varie toujours autour du (des) même(s) thème(s), et j'espère ne pas vous lasser.


Chacun son tour

Le jour où il apprit la mort de Narcissa Malefoy, Théo se figea.

Il rentrait du Ministère où il avait passé une partie de la journée, s'était installé dans son fauteuil préféré devant la cheminée, et Juliette s'était assise en face de lui. Il avait alors relevé la tête de son livre pour la regarder.

- J'ai croisé Pansy sur le Chemin de Traverse, aujourd'hui. Elle m'a appris une terrible nouvelle…

A cet instant précis, Drago Malefoy était loin des pensées de Théo. Il ne voyait que peu son ancien camarade, presque un ami. Lors des grandes réceptions auxquelles ils étaient tous les deux conviés à intervalles réguliers, mais rien d'intime. Ils n'avaient pas, plus grand-chose à se dire et à partager.

Et pourtant. Et pourtant. Et pourtant l'image du jeune homme blond et austère qu'il était s'impose devant les yeux de Théodore tandis qu'il se revoit, transi, les yeux fixés sur le feu dans la salle commune des Serpentard, feu qu'il regarde sans le voir, les yeux éblouis par le souvenir de la tombe de sa mère. Il ressent la main simplement posée sur son épaule. Le silence respectueux qui l'a entouré pendant plusieurs jours. Il réentend la voix calme, posée, précautionneuse, qui lui demande comment il va – en voulant vraiment connaitre la réponse.

Il revoit, aussi, la grande femme blonde, parfaitement maquillée et habillée, au sourire rare et précieux, qui les a accueilli chez elle ce noël-là, pour qu'ils ne soient pas seuls, lui et son père. Il se souvient du regard tendre et protecteur que Lucius posait sur elle, et de la flamme dans les yeux de Drago quand il regardait sa mère. Le sourire qu'elle avait toujours pour lui, sa main qui se posait sur sa joue, sa voix qui devenait plus douce dès qu'elle s'adressait à son fils.

Il sait, parce que l'histoire a fait le tour du monde sorcier, comment Lucius et Narcissa, envahissant Poudlard avec les mangemorts et Lord Voldemort, n'ont pensé qu'à retrouver leur fils et n'ont envoyé de sort à personne.

Il se souvient, surtout, avec précision, acuité, comme si c'était hier, comme s'il le revivait à l'instant, du coup de poignard dans le ventre qui lui a coupé le souffle quand le professeur Rogue, d'une voix à peine plus compatissante que d'habitude, lui a annoncé le décès de sa propre mère. Il revoit la longue marche dans le château, les larmes silencieuses, la colère, la rage, l'incompréhension. La pierre blanche qu'il visite encore régulièrement. Les mots qu'il n'a pas pu dire, qu'il ne dira jamais, et qui se sont accumulés avec les années.

Alors il relève la tête vers Juliette :

- Il faut que j'aille le voir.

- Je sais, souffle-t-elle.

Il prend une poignée de poudre de cheminette, la lance dans le feu, et crie « Manoir Malefoy ». Il n'y a aucune barrière à l'entrée, et le salon est vide quand il arrive. Il époussette ses vêtements, a le temps de faire quelques avant qu'Astoria n'entre dans la pièce. Elle le contemple un instant sans rien dire, et il hausse les épaules.

- Il est dans le jardin, murmure-t-elle.

Théodore se dirige vers la porte. Il l'ouvre quand il l'entend distinctement dire « merci ». Il s'arrête un instant. Ne se retourne pas, continue son chemin.

Il trouve Drago assis sur un banc sous un arbre en fleurs. Il a pleuré, visiblement, mais ses yeux sont secs, ses lèvres serrées, son visage dur. Il fixe ses mains, sans doute sans les voir. Il ne relève la tête que lorsque Théo est juste devant lui, et en le reconnaissant, il s'autorise un sourire, d'un seul côté des lèvres, un sourire grinçant et forcé.

- Évidemment.

Théo ne dit rien, s'assied sur le banc. Drago inspire, souffle lentement, comme si ce simple réflexe lui demandait toute sa concentration.

- C'était son endroit favori, dit-il enfin.

Théo ne dit rien. Le visage entier de son ancien camarade crie une douleur qu'il connait trop bien.

oOoOoOoOoOoOoOoOoOo

Plusieurs mois plus tard, Théo croise Drago dans une réception accueillant beaucoup trop de monde. Il scrute le visage de Malefoy, le trouve un peu tiré. Il le salue d'un signe de tête. Toute la soirée, il l'observe. Drago boit, sans doute un peu trop. Lui aussi l'observe. Il n'ose sans doute pas venir lui parler.

Alors, Théo sort sur le balcon. Drago le rejoint, s'accoude à la balustrade, contemple le jardin sans rien dire. Théo se tait, regarde les étoiles, reconnait la Grande Ourse et Cassiopée.

- Tu as du nous détester, souffle enfin Drago.

Théo se tourne enfin, le regarde franchement. Son ancien camarade a les traits plus tirés qu'au début de la soirée, l'air vaguement furieux, les yeux un peu vitreux de qui a bu un verre ou deux de trop.

Théo hausse les épaules.

- Oui, bien sûr. Souvent. Mais tu sais, je n'ai jamais souhaité à personne de pouvoir comprendre.


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